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Chapter 20 - Chapitre 19 - L'autre côté

Son cœur battait la chamade tandis qu'elle se tenait droite comme un i, juste devant la porte du bureau de Wrath. Elle bouillonnait de détermination un peu plus tôt, mais elle devait bien admettre que la perspective de pénétrer dans cette pièce, dans laquelle elle n'avait jamais été autorisée à entrer auparavant la rendait nerveuse. 

La situation était particulièrement dangereuse pour elle. S'introduire dans la chambre de Despair était une chose, mais mettre les pieds dans le bureau du patriarche avait une toute autre implication. Si jamais elle avait le malheur de tomber sur le maître de ces lieux...

Elle ne voulait pas penser à ce qu'il pourrait arriver dans cette horrible situation.

'Je dois être prudente.'

Elle avait entendu que le maître était enfermé dans sa chambre, ce qui faisait de ce moment la parfaite fenêtre pour se faufiler dans le bureau sans se faire remarquer. Elle espéra simplement qu'aucun autre membre de la famille ou servant ne passerait par là. Rien de bon ne pourrait ressortir du fait qu'une servante soit prise la main dans le sac, en train de fouiner dans les quartiers de son employeur. 

Aussi resta-t-elle aux aguets, pour s'assurer que personne d'autre n'était là, ou n'arrivait. Elle colla délicatement l'oreille contre le bois de la porte, pour essayer de percevoir le moindre signe que Wrath était encore à l'intérieur. Elle n'entendit pourtant aucun autre son que le cognement de son cœur contre sa poitrine et son souffle se réverbérant contre le bois. Comme dans une ultime mesure de sécurité, elle retint sa respiration et, ne percevant toujours rien, tourna la poignée. 

La porte en bois noir grinça, la faisant sursauter avant qu'une grimace déforme ses traits et qu'elle jette un coup d'œil derrière elle, pour s'assurer que personne ne s'était frayé un chemin jusque-là, alerté par le bruit. Son corps trembla lorsqu'elle imagina l'expression que ferait le patriarche où les autres membres de la famille s'ils la découvraient ici. Aussi décida-t-elle de pousser la porte derrière elle, pour ne pas que quelqu'un se doute qu'une personne autre que le propriétaire avait pénétré en ces lieux. 

Elle entra ainsi dans une large pièce, couverte d'un élégant papier peint gris foncé orné de lys noir. Le bureau était étonnamment ordinaire, en comparaison avec la chambre du patriarche. Il n'avait rien de particulièrement spécial, si ce n'était l'imposante bibliothèque en bois noir qui couvrait le mur adjacent à la porte, juste à gauche de l'élégant bureau en marbre qui trônait au centre. Pourtant, l'endroit lui sembla quelque peu étrange, comme si l'apparente normalité de la pièce était ce qui la rendait encore plus singulière que le reste de la maison... Comme si tout dans ce lieu avait été disposé pour faire croire qu'il n'y avait ici rien d'intéressant. 

'Pour tromper la vigilance.'

[Rien n'est ce qu'il semble être dans cet endroit.] 

C'était ce que le mot disait et elle le croyait.

Elle observa attentivement, ignorant l'atmosphère lourde et étrange qui régnait dans cet endroit. 

Elle se rappela que Despair avait parlé d'une porte dans le bureau, mais elle ne la trouva pas, peu importe l'endroit où ses yeux se posaient. 

'Quelque chose doit être dissimulé.' 

Il était clair qu'elle devait trouver une sorte... de cachette ou de mécanisme. Mais comment ? Rien ne lui sautait aux yeux et elle n'avait aucune idée d'où le patriarche aurait pu cacher une telle chose.

« Où est-ce que ça peut... » commença-t-elle avant que son regard s'accroche à un livre, qu'elle ne put s'empêcher de remarquer. 

Un ouvrage en apparence comme les autres, mais dont le titre attira son attention.

'Phèdre.'

Un récit bien étrange pour un homme tel que Wrath, qui n'était aucunement intéressé par les histoires d'amour. Que faisait donc ce livre ici ? En plein milieu de l'étagère, comme si l'on avait voulu le dissimuler et pourtant à la vue de tous. Intriguée, elle s'avança et en effleura la couverture en toile rouge du bout des doigts.

Ce genre-là ressemblait bien plus à l'épouse, qui se complaisait dans la lecture d'histoires romantiques, comme noyée dans le désespoir de ne pouvoir conter la sienne. Mais elle savait de source sûre que Wrath ne laissait entrer personne ici, même son épouse. Il était donc hautement improbable que la femme l'eusse rangé ici. 

'Non.'

Il était le seul qui aurait eu la possibilité d'ainsi le disposer.

'Se pourrait-il que... ?'

La paume d'Aina glissa sur le livre et l'empoigna, avant de le tirer vers elle. Elle ressentit une étrange résistance, comme si l'objet était collé au mur, avant qu'un cliquetis retentisse dans le fond. Presque aussitôt l'énorme meuble pivota et disparu dans l'une des parois qui était fendue d'un grand et profond interstice. 

'J'ai trouvé !'

La jeune femme trouva qu'un tel stratagème était bien trop simple et peu original, mais elle ne s'en formalisa pas. Tout ce qui comptait était qu'elle avait réussi. Le curieux mécanisme révéla un mur vieillis de briques rouillées, sur lequel se détachèrent deux portes.

« Deux portes... Mais Despair... » marmonna-t-elle, pensive. 

'Despair n'a pas parlé de ça...'

Elle reconnut l'une d'elle, qui était absolument identique à celle qu'elle tenait dans le creux de la main. Elle l'avait trouvé !

Elle ne parvint en revanche pas à s'empêcher de poser les yeux sur l'autre, dont l'apparence la troubla profondément. Une porte noire comme la plus sombre des nuits, scellées par d'épaisses chaînes en métal argenté qui paraissaient à moitié rongées. 

'Qu'est-ce que... ?'

Elle entrouvrit les lèvres de surprise en l'apercevant et se trouva profondément mal à l'aise à sa vue, sans pouvoir réellement en expliquer la raison. Elle lui faisait peur à tel point que la jeune femme réprima l'envie de simplement s'en détourner pour fuir en courant. Elle avait l'étrange sensation que la pièce qui se trouvait derrière renfermait quelque chose de sombre et de sinistre, prêt à l'engloutir toute entière. 

Absorbée, elle se mordit les lèvres, son esprit lui hurlant de ne pas rester là, de détourner les yeux et elle se fit violence pour suivre les conseils de sa conscience et s'avancer jusqu'à l'autre porte, celle qui était ornée d'une tête de femme et qui lui sembla bien plus inoffensive. 

'Je pourrais toujours en apprendre plus par la suite.' 

Il fallait qu'elle reste concentrée sur sa tâche, qu'elle n'oublie pas ce qui l'amenait.

Elle ne devait pas être distraite par l'autre pièce, celle qui exsudait une aura sombre et sinistre qui ferait fuir toute personne normalement constituée. 

'Ne t'arrêtes pas.'

Elle prit une grande inspiration et posa la main sur la poignée de la porte, celle dont Despair n'avait pas arrêté de lui parler... Celle qui menait vers l'autre côté. Elle réalisa qu'elle retenait sa respiration et que ses mains tremblaient d'appréhension. 

Il était temps pour elle d'en savoir plus, de découvrir ce qu'il se passait dans cet endroit. 

Un grincement résonna dans la pièce et elle tomba sur une grande galerie creusée dans la terre, dont on ne voyait pas le fond. Celle-ci ne lui sembla pas particulièrement sûre et accueillante, mais elle se força à avancer. Ses pas résonnèrent contre les murs et la froideur de la pierre l'enveloppa, la faisant frissonner. Elle eut l'impression d'entrer dans les entrailles de la terre, ou de faire route vers les enfers. 

Elle ne savait pas vers quoi ce tunnel allait la mener, ni ce que celui-ci faisait camouflé dans le bureau, à l'abri de tous, mais il était clair que la demeure recelait bien des secrets et qu'elle n'était pas au bout de ses surprises. 

Elle tenta de calmer son angoisse, réprimant du mieux qu'elle pouvait son envie presque vorace de rebrousser chemin pour retrouver la réconfortante sécurité de sa chambre, mais son esprit l'intima à ne pas faire marche arrière.

Elle était sur le point de faire une découverte, elle le sentait.

Dès qu'elle s'avança dans le noir assez loin pour que la porte menant au bureau disparaisse, elle eut le sentiment d'être ballottée de tous les côtés, comme si les murs et le sol bougeaient et puis une intense lumière blanche, comme un halo divin l'enveloppa et l'aveugla.