Tahrren sortit de la cathédrale et attendit à la terrasse d'une auberge située en face. La nuit tomba rapidement sur les plaines de l'est, et ce n'est que les environs furent complètement sombres qu'il se décida à passer à l'action.
Il se positionna à proximité de la grille, analysant une dernière fois les rondes des gardes. Une fois prêt et certain qu'aucun garde ne pourra le repérer, il se concentra quelques secondes et lança un sort sous ses pieds. Plus précisément, il réalisa un vide d'air de quelques millimètres sous et autour de ses bottes, empêchant la propagation du son et lui permettant donc de se déplacer silencieusement.
Cette technique s'appelait Voile du Silence et était normalement utiliser de sorte à ce qu'elle recouvre tout le corps. Appartenant à l'élément de vent et bien que la théorie qui la régissait était simple, elle nécessitait un contrôle du mana conséquent afin d'être maîtrisée, si bien que seuls les maîtres de l'art de l'assassinat, de l'espionnage et de l'infiltration étaient capables de l'utiliser à son plein potentiel.
Un contrôle que Tahrren, avant tout guerrier, ne possédait pas. Il se contentait donc de l'utiliser sur ses pieds jusqu'à ses chevilles, la zone du corps la plus susceptible d'émettre du bruit lors du mouvement.
Une fois ses préparations terminées, il sauta par-dessus la grille grâce à une incantation, et ralenti sa chute de la même manière.
Bien que le Voile du Silence limitait la propagation du son, elle ne l'empêchait pas totalement. Il était donc nécessaire pour lui de prendre un maximum de précaution et limiter toute situation capable de compromettre sa situation.
Il se situait actuellement à l'extrémité du jardin, à proximité du mur ouest. Ce mur n'était pas moins protégé que n'importe quelle autre façade de l'enceinte, mais il offrait le net avantage d'être moins éclairé par les ruelles adjacentes, limitant une fois de plus les risques que prenait Tahrren.
Il se faufila entre les plantes, évitant les chemins et les buissons trop feuillus. Il essaya même de s'accorder avec le vent, dissimulant les rares et faibles bruits de ses mouvements parmi le bruissement du feuillage des arbres.
Après de longues minutes, Tahrren parvint finalement à s'approcher du mur, plus précisément de l'entrée qu'il avait repéré auparavant. Plus large et facile d'accès que les autres, elle menait également à un couloir de la nef qui menait directement à la croisée du transept.
Cependant, deux gardes étaient constamment postés face à cette entrée. De plus, la ronde de certains d'entre eux passaient également par là. Hors, Tahrren ne connaissait pas la fréquence de ces passages.
Deux solutions se proposaient alors à lui : soit il attendait patiemment et analysait le flot des gardes, soit il forçait le passage. Ayant plusieurs heures en face de lui, il opta pour la seconde solution. Après tout, le résultat lui importait davantage que la rapidité.
Il se posta donc accroupi derrière l'un des arbres du jardin et scruta les va-et-vient des nombreux hommes qui gardaient le lieu.
Après une heure d'observation, il remarqua que trois groupes de gardes alternaient la traversée du couloir. Si le premier passait à un instant donné, le second passerait cinq minutes plus tard, et le dernier groupe dix minutes après le second. Enfin, le premier groupe repassait quinze minutes après le dernier groupe.
C'était donc là sa fenêtre la plus intéressante pour lui, bien que courte. En effet, il sera obligé de neutraliser les gardes postés à l'entrée. Pour ne pas se faire repérer avant d'être sorti, il devra donc impérativement voler le sceptre et sortir en ce court laps de temps.
Il attendit patiemment que ce dernier groupe repasse une dernière fois afin de maximiser sa fenêtre.
Une fois leur passage effectué, Tahrren se précipita vers les deux gardes postés face a l'entrée et les assomma à l'aide d'une légère mais brutale frappe de vent, qui eut le même effet qu'une arme contondante.
Il manipula le vent de sorte à ce que leur chute soit ralentie, ainsi aucun garde ne fut alerté par son assaut éclair.
Il ne perdit pas une minute et se précipita dans le couloir. Il longea les murs, et profita un maximum de son Voile.
En quelques secondes à peine, il parvint à rejoindre la croisée du transept. A partir de ce moment-là, il se considérait en territoire inconnu.
Il ne connaissait que trop rien des positions et rondes des gardes, ce qui l'empêchait de profiter de cette première petite victoire.
Heureusement, et il s'en réjouissait, il connaissait déjà la méthode pour outrepasser la barrière qui empêchait le passage jusqu'aux reliques.
Il prit une grande inspiration, se motiva de nouveau et fit de son mieux pour garder son sang-froid.
Ce n'était pas la première situation critique qu'il traversait, mais les enjeux cette fois-ci étaient des plus importants et allaient au-delà même de sa propre personne et même les intérêts de la Ville Sainte n'étaient pas sa priorité.
Ce qui lui tenait le plus à cœur et qui lui portait le plus d'intérêt, c'était bien ce contrat avec les nains. Et pour se donner au moins une chance, il n'avait d'autres moyens que de réussir. Aujourd'hui, plus que n'importe quel autre jour, il se battait pour le monde entier.
Accroché à un mur, il espionna les alentours depuis le couloir. Contrairement la nef qui possédait des couloirs latéraux au couloir principal, la croisée du transept était une seule unique pièce qui menait au reste de la cathédrale.
Il devait donc non seulement se méfier des gardes qui surveillaient le transept, mais aussi de ceux qui traversaient la nef. Heureusement pour lui, aucun de ceux-là ne regardaient dans sa direction.
En face de lui, en revanche, c'était cette fois-ci trois gardes qui lui faisaient face. Il n'avait que deux mains et ne pouvait donc utiliser un sort de faible ampleur comme précédemment sinon le troisième garde aurait le temps de le repérer. Utiliser un sort de grande ampleur était bien entendu hors de question.
Il n'avait donc d'autres choix que de neutraliser le troisième garde à distance. Ces derniers n'étant pas ses ennemis, il ne souhaitait pas les blesser. Mais face à cette impasse, il ne put que s'y résoudre.
Il sortit du couloir aussi discrètement que possible et s'approcha des gardes. Leur regard était principalement tourné vers le centre de la nef et non les couloirs latéraux, d'où venait Tahrren. Ils ne le remarquèrent donc pas, ce qui lui permit de s'approcher suffisamment pour une attaque au corps à corps.
Cependant, avant d'avoir recourt à la force, il incanta une flèche de vent, directement pointée vers le garde le plus éloigné.
Il s'élança ensuite vers les deux hommes restants, tout en envoyant sa flèche. Il les élimina exactement de la même manière que les deux gardes du jardin.
Les trois personnes qui surveillaient le transept furent éliminées au même instant et, pour éviter que leur chute ne fasse du bruit et n'alerte les autres soldats de sa présence, il invoqua une masse d'air juste au-dessus du sol, formant un coussin.
Une fois qu'il fut débarrassé des gardes, il s'approcha de la barrière qui le séparait des reliques tout en scrutant autour de lui si d'autres gardes n'étaient pas présents dans les environs.
Enfin face au dernier obstacle qui le séparait de son objectif, il ne put s'empêcher de laisser s'échapper un bref soupir.
Il s'en était douté au premier regard, mais il en avait maintenant la certitude : au-delà d'être une barrière anti-personnelle, il s'agissait d'une barrière incapacitante. De plus, celle-ci était très certainement liée à un sort de vent de type sonore qui se substituait à une alarme.
Malheureusement pour les Ophéliens, Tahrren avait appris l'art des barrières auprès de leur maîtresse incontestée. En effet, personne ne connaissait davantage ces dernières que son binôme et équipière de toujours, Amalia.
Grâce à un sort de contre-barrière, il parvint à pénétrer le système de la barrière. Les sorts de barrières étaient parmi les incantations les plus complexes existantes. En effet, au-delà des simples barrières magiques, il était possible de leur donner des attributs spécifiques.
Par exemple, ici, par-dessus l'incantation de base, on retrouvait un sort de vent incapacitant et le sort de son qui servait d'alarme. Ces sorts étaient régis par un codage magique plus ou moins complexe, qui permettait de protéger et de gérer ces sorts.
Par exemple, il était possible d'ordonner à ce sort de ne s'activer qu'en présence d'une certaine personne, ou alors inversement de ne pas s'activer lorsqu'une certaine personne traverse la barrière.
Ces codes eux-mêmes étaient cryptés par le le mage ayant incanté la barrière. Plus le système de cryptage du mage était complexe, plus difficile il était de modifier les attributs de celle-ci.
Deux options s'offraient donc à Tahrren : pulvériser la barrière par la force, ou bien simplement modifier son code. Il opta pour le second choix, le premier ne lui étant pas permit s'il ne souhaitait pas être chassé par toutes les forces du royaume.
Ayant été entraîné à pénétrer les barrières par sa partenaire, celle-ci lui céda en quelques secondes. Bien que le codage fût crypté, la logique des sorts lui était encore bien visible. Il réécrit ainsi le code des deux sorts afin de lui permettre d'entrer.
Il avança au sein du cœur de la cathédrale. De nombreuses reliques étaient éparpillées autour de lui. Mais de toutes, seul le sceptre d'Ophélie l'intéressait.
Il l'arracha de son socle et se précipita vers la sortie, non sans oublier d'être discret. Il emprunta de nouveau le couloir, traversa le jardin et sauta par-dessus la grille.
Il avança toujours aussi discrètement et pénétra dans une ruelle. Là, il s'assit par terre dos au mur et soupira une nouvelle fois, cette fois-ci expirant tous l'air de ses poumons. Enfin, il afficha un sourire triomphant sur son visage.
"Mission accomplie." dit-il en un petit rire, tout en soulevant le sceptre vers le ciel.