Eiji reconnut la voix de Tahrren. Ce dernier se tenait là-haut, appuyé sur le bord des remparts.
"Faites attention ! Ce n'est pas un adversaire facile !"
Bien que tout le monde l'ait entendu, personne ne lui prêta d'attention. Il était un étranger, un elfe qui plus est. Pourquoi devraient-ils l'écouter ? Aucun d'entre eux n'avaient affronter de dryades, ils ne savaient donc pas ce qui les attendaient. Mais qu'importe ? Était-elle réellement si dangereuse ? Après tout, eux-mêmes n'étaient pas certains qu'il s'agisse d'une dryade. Ces créatures étaient si rares et discrètes. Comment auraient-ils pu en croiser et la reconnaître si facilement ?
Eiji lui-même ne prêta que peu d'attentions aux propos de son mentor. Il refusait de reculer face à une menace qu'il se pensait capable de gérer.
Le grondement de la terre se faisait de plus en plus intense. La horde n'était plus qu'à quelques centaines de mètres. L'appréhension pouvait se lire sur le visage des soldats. Ceux qui portaient un casque refermèrent leur visière, mais contre des monstres, la plupart n'en portaient pas. Cela leur cachait la vue et les ralentissaient.
Le grognement des créatures se faisait dorénavant distinctement ouïr. Même l'air semblait se tordre sous leurs hurlements. Ils n'étaient plus qu'à une centaine de mètre. Cinquante mètres. Dix mètres.
"Hommes de l'est ! Pour Ophélia !"
Alors que les premiers orcs atteignirent la rangée de bouclier, les Ophéliens s'élancèrent, hurlant un puissant cri de guerre qui n'avait rien à envier au grondement des créatures qui leur faisait face. Accompagnés d'une salve de flèche à la précision millimétrée et de puissants sorts de feu visant les lignes secondaires et arrières de la horde, les premiers hommes surent tenir le front.
Malgré tout, les premières pertes se firent rapidement comptées. Tandis qu'un homme se fit écraser par un orc et qu'un autre se fit violemment mordre par un loup, les ophéliens peinaient à répliquer.
Ils se rendirent rapidement compte que ces loups étaient bien plus coriaces qu'ils n'en avaient l'air. Rapides, leur fourrure était également si solide que les épées ophéliennes n'y servaient à rien. Seul Eiji parvenait à s'en débarrasser. Après tout, les sabres Higashito étaient bien plus tranchants que les épées Ophéliennes. Eiji était également plus à l'aise au maniement de l'épée.
Chacune de ses frappes touchait sa cible, tailladant efficacement leur chair et leurs organes. Il élimina rapidement un orc ainsi qu'un loup, ce qui ne manqua pas d'impressionner ses voisins de ligne.
Fort heureusement pour le reste des hommes, le soutien arrière était grandement efficace. Il permit de séparer la horde et d'isoler un bon nombre de ces monstres. Les sorts de feu étaient efficaces contre les tréants, et les loups en avaient si peur que certains s'enfuyaient à la vue de ces flammes dansant au gré des mages.
Parmi les autres hommes qui guerroyaient, certains se portaient mieux que d'autres : le capitaine Jaera se faufilait parmi les créatures, les lacérant de son épée, ciblant leurs points faibles. Loups, orc, nixians… Aucune créature ne fut épargnée par sa lame. Soudain, il hurla à ses camarades.
"Frères ophéliens ! Nous ne devons faiblir ! Combattons jusqu'à la mort !"
Le combat semblait comme gagné d'avance. Bien que les pertes étaient nombreuses, le moral des ophéliens était élevé.
Rapidement, il ne restât que les tréants, quelques nixians et la dryade qui étaient restés à l'arrière des conflits.
"Frères ! Voilà le bout du tunnel ! Un dernier effort !"
Le capitaine Jaera criait plein poumon, chaque homme sur terrain pouvait l'entendre. Même les hommes en haut du rempart pouvaient le comprendre distinctement.
Comme un seul homme, ils se ruèrent sur les dernières créatures qui foulaient le même sol qu'eux. Les derniers nixians se firent rapidement éliminés.
Les tréants étant d'immenses créatures, en plus d'être extrêmement résiliente, les hommes eurent à se liguer par dizaine ne serait-ce que pour n'en faire tomber qu'un.
Eiji se précipita sur l'un d'eux. Rapide, il trancha aisément les parties les plus fines de cet arbre sentient.
Enragé, le tréant fit pivoter ses branches le long de son tronc principal, et envoya valser le jeune épéiste. Eiji s'effondra lourdement sur le sol, mais sut s'accrocher à son sabre malgré tout. Il se releva péniblement. Sa respiration était rapide et profonde. Bien qu'éraflé à de multiples endroits, il ne présentait aucune blessure grave.
Il chargea une seconde fois en direction du tréant. Il esquiva habilement le premier assaut du tréant, avant de riposter par une violente taillade horizontale sur le tronc principal.
Il enchaina les attaques, lacérant la créature jusqu'à son cœur. Par un dernier coup d'estoc, il l'acheva. Celle-ci s'écroula sur le sol, immobile.
Lentement, à coup de sabres et de sortilèges de feu, les dernières créatures tombèrent jusqu'au dernier, ne laissant que la dryade. Son corps était tout de bois, encerclée de racines qui serpentaient en permanence autour d'un tronc commun. Ces dernières semblaient toutefois se mouvoir selon un esprit commun, ce qui permettait au corps de se déplacer et d'accomplir d'autres actions simples comme attaquer ou se défendre, mais aussi déplacer des objets.
Le capitaine Jaera s'élança le premier. Une main sur la poignée de son épée, l'autre sur le pommeau, il chargeait directement le tronc principal de la créature.
"Non ! Reculez ! Vous ne pourrez pas la vaincre de cette manière !"
La voix de Tahrren résonna de nouveau, mais le capitaine n'entendit rien. Alors qu'il approchait rapidement de la dryade, celle-ci remarqua son hostilité et se mit en branle.
Les racines serpentèrent d'autant plus vite que le capitaine approchait de l'être de bois. Il n'était plus qu'à quelques mètres quand une mince racine sorti rapidement de terre, filant dans sa direction. Ne pouvant interrompre sa course pour esquiver, il se fit transpercer violemment le torse.
Le temps sembla comme s'arrêter pendant quelques instants. Jaera gisait là, son armure percée, son sang s'écoulant le long de la racine. Lorsque celle-ci se retira, elle laissa le corps du chevalier retomber lourdement sur le sol, baignant dans une large marre pourpre.
Tous les ophéliens s'arrêtèrent dans leur lancée, regardant leur chef immobile. Le moral brisé en un instant, la cohésion disparut dans les rangs de l'armée. Certains perdirent immédiatement leur volonté, voyant leur chef, le plus fort d'entre tous, massacré en un mouvement. D'autres sentirent la rage monter en eux. Ils attrapèrent leurs armes et s'élancèrent corps et âme face à la dryade.
En un seul mouvement fluide elle les repoussa tous, utilisant ses racines comme d'un fouet. Dans le chaos qui régnait sur le champ de bataille, Eiji restait là, analysant la situation. Il remarqua rapidement que la créature n'attaquait que ceux qui lui présentaient une certaine hostilité. Lui-même et ceux qui analysaient la situation, ou bien ceux qui avaient abandonné le combat par désespoir, aucun ne se faisait attaquer.
Il décida donc d'attendre se retourna vers son instructeur. En haut des remparts, il remarqua une vive lumière aux nuances verdâtres. Même lui qui n'avait appris à ressentir son mana que très récemment, parvint à percevoir l'énorme pression qu'engendrait cette lumière. Quelqu'un s'apprêtait à lancer un puissant sort. L'un des mages présents au sommet des remparts hurla de toutes ses forces.
"Tous ! Reculez ! On invoque de la magie supérieure !"
A peine eurent le temps de comprendre le message et de reculer que la dryade fut enveloppée dans une gigantesque sphère de vent. Un vent si puissant qu'il était capable de lacérer les racines et le tronc de la dryade. Le bourdonnement du vent était si fort que les hommes les plus proches eurent à se protéger les oreilles. Après quelques secondes, la sphère rétrécit, avant d'exploser en une puissante onde de choc, qui propulsa les hommes au sol. Lorsqu'ils se relevèrent, la dryade était étendue au sol, ne bougeant plus.