Chapitre 2
C'est à partir de ce moment que je commençais à me réveiller plus souvent. Malheureusement, je ne croisai pas mes... Infirmières ? Ou je ne sais pas quoi. C'était difficile à dire, car ma chambre ne ressemblait pas vraiment à une chambre d'hôpital. Après m'être réveillé à quelques reprises à des moments différents de la journée, j'en déduis que quelques jours s'étaient probablement écoulés. J'entendis enfin des gens qui discutaient dans ma chambre. Il avait une voix masculine, froide et mordante qui parlait avec autorité. La voix qui m'avait essuyé mes larmes lui répondit avec respect et soumission. La conversation semblait houleuse et inconfortable pour la voix amie. Ce qui me fit serrer les dents. Autant moi-même que ce sentiment de loyauté qui n'était pas mien étaient profondément écoeurés du comportement qu'avait cet homme. J'entendis enfin des pas lourds et visiblement colériques s'éloigner et la porte claqua fortement contre le chambranle. Le bruit me fit sursauter et je poussai un petit gémissement de douleur. Et le son de ses pas précipités venant vers moi.
Son visage apparut enfin dans mon champ de vision.
Le temps sembla s'être arrêté et mon cœur aussi. Si je n'avais pas de souvenir qui venait d'ailleurs que cette personne (Peut-on vraiment dire qu'elle était une personne ? Et comment diable, je pouvais dire qu'elle était de sexe féminin) était quelqu'un de bien et de confiance. Et bien... J'aurais été vraiment terrifiée.
Elle avait un visage reptilienne le regard surpris de me voir les yeux ouverts. Elle avait de grands yeux dorés, sa pupille allongée entourée d'un orange presque rouge, sa peau écailleuse et lisse vert jaunâtre. Une collerette courte tombait le long de sa tête comme si celle-ci était des cheveux. Elle s'exclama surexcitée, ses yeux brillaient, heureuse, elle parla rapidement dans une langue étrangère.
"Qu'est-ce qui se passe ? C'est quoi ça ?" : Fut la pensée qui me traversa. Je me sentais désorientée, perdue et vraiment seule. Je voulais voir mon mari. Mes yeux s'emplirent de larmes et un long sanglot plein de douleur s'échappa de ma bouche. La créature amie me prit dans ses bras visiblement troublée par ma réaction et essaya tant bien que mal de me réconforter. Je pleurai à fendre l'âme dans ses bras jusqu'à la fatigue m'emporta de nouveau. Le stress et les sanglots non contrôlés étaient une source non-négligeable d'épuisement. C'est ainsi que les ténèbres de l'inconscience m'accueillirent de nouveau.
Je m'éveillai de nouveau quelques heures plus tard, il faisait nuit et les deux lunes, l'une argentée comme la nôtre et la seconde plus petite verte et bleu, un peu comme une minie terre, brillaient dans les grandes baies vitrées de la chambre. À la fois émerveillée par cette vue et prisonnière de cette impression d'étouffement, des larmes s'écoulèrent sur mes joues et roulèrent paresseusement jusqu'à s'écraser sur mon oreiller.
Mes pensées allaient et venaient. Je me sentais au bord d'un précipice. J'étais visiblement blessée, très faible, à la merci des " gens " et dans un pays étranger... Est-ce que j'étais toujours sur terre de toute façon ? Je n'avais jamais vu des créatures reptiliennes, ni... ni même, ces deux lunes. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui m'était arrivé ? Qu'est-ce que je vais faire ? Est-ce que je vais pouvoir voir mes enfants ? Et mon mari... Il me manque tellement. J'ai besoin de lui. Il saurait quoi faire... Mes pensées tournaient en rond et l'absence de réponse augmentait mon anxiété au point que je sentais mes mains trembler.
J'entendis un long soupir avec un petit gémissement, attirant mon attention. Ce qui brisa le cycle vicieux de mes réflexions. Je tournais la tête péniblement.
La créature verte s'était endormie dans une chaise qui avait été approchée de mon lit. Ses doigts étaient serrés sur un projet de tricot. Elle devait avoir compris que je m'éveillais et voulais être là la prochaine fois. Elle me faisait peur, mais elle prenait soin de moi. Et cette autre partie qui flottait dans mon esprit... Cette présence étrangère me disait qu'elle était LA personne de confiance.
-Hey, murmurais-je d'une voix parcheminée par la soif.
Ma propre voix me fit sursauter. Elle n'avait pas le même timbre. J'avalai difficilement, j'étais déshydraté et c'était douloureux. Je repris en essayant de mettre plus de force, l'effort me fit frissonner et cette sensation qui était un supplice dans mon thorax. Je grognais de douleur ce qui éveilla mon ange protecteur.
Nos regards se croisèrent dans la pénombre. Ses sourcils ou… ces antennes (?) se mirent à trembloter et des larmes embuèrent son regard. Un soulagement balayait son visage me faisant chaud au cœur. Elle me parla et vint prendre ma main. Aucun de ses mots ne semblait compréhensible.
-Je ne comprends pas, croassais-je tant bien que mal.
Les yeux de ma compagne s'agrandirent sous la surprise en m'entendant. Mes doigts serrèrent mollement les siens, la peur dans mes yeux, le désespoir au creux de l'estomac.
-Shönishurga, murmura-t-elle un sanglot dans la voix.
-Je suis tellement désolée, je ne comprends pas, répondis-je.
Ensuite, nous discutions sans discuter. Essayant de lui faire comprendre que je ne connaissais pas sa langue. La seule chose que je puisse affirmer, c'est qu'elle s'adressait à moi avec le terme de Shönishurga. Elle finit par saisir que j'étais sincère. Avec un grand soupir, elle se pointa et dit :
-Kubulai.
Elle me pointa et reprit.
-Shönishurga.
-Kubulai, la pointais-je. Rey'Ah, en me pointant.
Elle fronça des antennes, mon cœur s'emballa. Ma compagne semblait confuse, légèrement effrayée. J'appelai son nom une nouvelle fois pour la sortir de sa délibération intérieure et je me tournai pour regarder la cruche sur ma table de chevet. Ses yeux s'ouvrirent et elle se dépêcha de me servir un verre d'eau. Je bus avec difficulté. Ma bouche semblait tellement plus difficile à maîtriser, j'utilisais ma langue instinctivement et ne me demandez pas de quel instinct je parlais. Mon corps semblait savoir quelque chose que moi-même ne savait pas. Je bus avec plaisir et complètement épuisée je retrouvai une nouvelle fois l'inconscience.
***
KUBULAI
Elle s'évanouit visiblement épuisée. Mon cœur battait si fort, mes mains tremblaient. J'essuyais l'eau qui l'avait éclaboussé avec quelques difficultés. Je la bordai délicatement et me rassis dans ma chaise. Je ne savais pas quoi penser de ce que je venais de vivre. J'étais confuse et triste. Je posai un doigt sur mon museau, la regardant.
Elle semblait parler une langue inconnue et ne comprenait pas ce que je lui disais. J'avais utilisé la pire insulte que je connaissais pour la choquer, mais elle n'avait eu aucune réaction. Elle ne semblait pas me reconnaître non plus, je me sentais blessée. Ma petite Shönishurga…
J'éclatai en sanglots, pourquoi la vie s'acharnait comme ça sur toi ?
Après avoir pleuré longuement et avoir réfléchi, j'avais compris que je devais faire quelque chose. C'était mon devoir de la protéger et de veiller sur ses intérêts. Je me levai et quittai la chambre. Je m'arrêtai devant le garde près de la porte.
-Ne laissez personne entrer. Soyez alerte, si vous entendez la princesse, avisez moi. Je serai chez le soigneur.
- Bien compris dame Kubulai.
J'ai parcouru les couloirs et rejoint les appartements du soigneur. Je cognai à la porte et l'une de ses apprenties m'ouvrit. Un air surpris et concerné se dessina sur son visage me reconnaissant.
-Dame, fit-elle en faisant une courte révérence.
-J'aimerais voir ton maître.
Elle me fit entrer tout en me jetant un autre regard inquiet et me demanda d'attendre. Après un court moment, j'ai pu entrer dans le bureau. Le vieil homme ouvrit la porte. Sa peau écailleuse, délavée par le soleil, avait perdu sa splendeur et était d'un vert sale et pendait légèrement. Sa collerette qui avait dû être bien flamboyante et pointant vers le ciel était maintenant légèrement ramolli et ses pointes pendaient vers le bas. Le guérisseur portait encore son vêtement de nuit. Son visage était empli d'inquiétude.
-Je suis désolée de vous réveiller à cette heure. Mais j'ai… à vous parler seul à seul.
-Allons marcher alors.
Il m'offrit son bras et nous dirigea vers son jardin d'herbes médicinales qui était connecté au jardin royal.
-La princesse s'est réveillée cette nuit.
-Qu'est-ce qui vous inquiète ?
-Elle… Ne semble plus être elle-même. Elle, ma voix se brisa. Elle ne me reconnaît pas, elle ne parle même plus notre langue, dis-je dans un murmure.
Le soigneur ne répondit pas immédiatement. Il réfléchissait visiblement aux informations que je venais de lui donner.
-Elle ne savait plus boire, ça n'a duré qu'un instant, mais…
-La princesse a subi un grave traumatisme, elle a failli mourir et j'ai fait tout ce que j'ai pu pour la sauver.
Sa voix s'éteignit dans la nuit, me faisant frissonner. La bise de la nuit fraîche m'entourait me laissant une sensation de vide et me glaçait. Son air sombre m'inquiéta encore plus.
-Elle a dû subir une perte de mémoire. Elle devrait revenir avec de la patience. Mais il faudra être patient. C'est une condition qui prend beaucoup de temps.
Le soigneur s'arrêta et me regarda dans les yeux. Quelque chose dans sa manière d'être m'indiquait que c'était bien plus grave qu'il ne laissait l'entendre.
-Dame Kubulai, il faut garder la condition de la princesse secrète autant que possible. Plus que jamais, elle est en danger. Je vais préparer les papiers et la faire transférer dans une maison de repos qui a toute ma confiance.
J'acquiesçai, bien que sa famille n'ait jamais été méchante avec elle, ils l'ont toujours considéré comme une écharde sous la peau. Sans l'amour que le peuple lui portait, ils se serraient débarrassés d'elle bien avant. C'est ce qui l'avait protégé durant toutes ses années, s'attaquer à elle causerait un soulèvement dans tout le royaume.
Nous fîmes route vers le château de nouveau. Il m'expliqua comment faire le voyage pour s'assurer que la princesse ne souffre pas trop du déplacement.
-Itgel vous accompagnera. Elle pourra lui prodiguer les soins nécessaires et vous lui indiqueriez tout ce qui est différent et sa progression. Elle vous aidera aussi à déterminer quand elle devra rester et combien de temps sans être bougé.