Chereads / Onigard : Apparition / Chapter 10 - Chapitre 8

Chapter 10 - Chapitre 8

Le soleil commence à se coucher et la soirée s'annonce avec la pénombre. On décide d'attendre la nuit à la lisière d'une forêt, pas loin de la chaîne de montagnes qui délimite la frontière. On doit passer la frontière la nuit, le moment le plus propice pour prendre par surprise les hommes armés qui gardent la frontière. J'ai profité du chemin parcouru pour poser quelques questions et discuter avec Rose. Elle m'apprit que Aymer et Oriolda était bien frère et sœur. Oriolda a un mana lier au plante et son frère un mana lier au feu. Elle m'a aussi dit que son mana est liée à la télékinésie et celui d'Avenal est lié à une sorte de matière bleu assez destructive appelé "plasma". Faucheur, quant à lui, n'a jamais combatu avec son mana. Il se bat uniquement avec la faux qu'il garde constamment avec lui, attaché dans son dos. Ne pas utiliser son mana en combat et préférer des armes blanches, c'est assez étrange comme manière pour se battre. J'aimerai lui poser quelques questions en privé, notamment sur un quelconque moyen de revenir dans le monde moderne. Même si tout est flou, j'aimerais en savoir plus… C'est sûrement comme ça que j'aurais des réponses… Alors que l'on mangeait tous autour d'un feu, Faucheur s'éclipse en allant dans la forêt qui se trouvait à côté en emportant avec lui sa part de provisions. C'est le moment parfait pour lui parler. Je m'éclipse discrètement au cours du repas et m'enfonce moi aussi dans la forêt pour essayer de le retrouver. Une fois dans le bois, je me guide grâce à son aura. Elle est immense et je peux facilement la repérer. Je m'aventure lentement à travers les arbres, la lumière de la lune me permet d'y voir assez clair et au bout d'un certain temps de marche, je fini par tomber sur petit cours d'eau et j'aperçois Faucheur qui est assis sur la rive. Son masque, sa faux et son repas son posé à côté de lui, je ne distingue que son dos recouvert de la toge noire, légèrement déchiré et en mauvais état qui le recouvre entièrement ainsi que la capuche qu'il garde toujours. Je reste un moment debout sans rien dire, surpris de le voir ici.

Faucheur : Tu voulais me voir ?

Comment il a sû que j'étais là sans même se retourner ?

Jules : Comment as-tu fait pour savoir que j'étais là ?

Faucheur : Grâce à ton aura, c'est ce que tu as fait toi aussi, pas vrai ?

C'est vrai, je suis bête, lui aussi est capable de sentir les auras des autres. Il reprend son masque et l'enfile. Il prend aussi sa faux, la pose sur ses genoux et bouge son repas pour me faire de la place.

Faucheur : Ne reste pas debout, assis toi...

Je m'assois près de lui tout en observant le ruisseau qui est juste devant moi. L'agréable bruit de l'eau qui coule comble le silence pendant un long moment.

Faucheur : Tu veux rentrer chez toi ?

Jules : Oui, même si je ne sais pas exactement à quoi ressemble ma "maison".

Même si j'ai des souvenirs, tout ça reste assez vague et flou.

Faucheur : Je sais ce que tu ressens, on partage la même maison et les mêmes origines. Moi aussi j'aimerai rentrer, mais malheureusement ... Il est encore trop tôt pour ça.

Trop tôt ?

Jules : Comment ça ?

Faucheur : Il n'y a aucun moyen connu à ce jour pour revenir dans notre monde.

Jules : Aucun… Moyen…

Je m'en doutais…

Jules : Ça fait combien de temps que tu es ici ?

Faucheur : Je ne sais même plus…

Il soupire. Le silence est toujours troublé par le bruit de l'eau. Peut être qu'il n'y a pas de moyen de rentrer…

Faucheur : Des fois, je me demande si le seul moyen de partir d'ici, c'est d'accepter la mort. Elle nous guette, jusqu'au jour de notre délivrance... Le jour où l'on partira loin d'ici, loin de cet enfer. Être délivré pour retrouver ce monde qui nous est si étranger… N'est ce pas la seule solution que tu vois ?

Quoi ?! Mais il va pas bien ! Accepter la mort ?! Se la donner volontairement…La mort... Peut-être que nous sommes bloqués ici... À quoi bon se battre alors, à quoi se rattacher pour continuer d'exister ?

Faucheur : Si c'est ça notre seul et unique échappatoire... J'ai dû délivrer beaucoup de monde lors de ces années... J'ai semé la mort autour de moi, comme beaucoup d'autres chasseurs. Que ce soit des parasites ou des humains, on sème la mort autour de nous. Nous ne sommes que des armes, des monstres de destruction qui tuent d'autres monstres, humains ou non. Je ne sais pas s'il te l'a dit mais notre travail ne se limite pas qu'à tuer des parasites… Beaucoup d'entre nous ne prêtent même plus attention à la moralité de leurs actes à force de semer ce malheur.

Il serre sa faux avec sa main.

Faucheur : J'ai dû abandonner mon ancien moi pour m'y faire... Le fait de me voir tuer des gens était insupportable… Être un tueur... c'est pour ça que je me cache derrière ce personnage, c'est pour ne pas avoir toute cette culpabilité et me dire que ce n'est pas moi.

Il se cache pour éviter la réalité... Devenir un meurtrier, voir les gens disparaître un par un… Devenir comme lui… Putain, il doit bien avoir un moyen de partir de ce monde, non ?! Si je suis arrivé ici, je dois pouvoir partir ! Elle doit bien exister cette délivrance ! En réfléchissant à tout ça, je remarque qu'il n'a pas touché à la nourriture qu'il a emporté.

Jules : Tu ne manges pas ?

Faucheur : Je n'en ai pas besoin et ça a vraiment un mauvais goût.

Jules : C'est vrai que la nourriture n'est pas si bonne ici... Mais comment ça se fait que toi et Geno vous n'ayez pas besoin de manger ?

Faucheur : Toi aussi.

Jules : Comment ça ?

C'est alors qu'il se lève.

Faucheur : Lève toi, je vais te montrer quelque chose.

Je suis ses ordres et fait de même, on se retrouve face à face.

Faucheur : regarde attentivement mes yeux.

Je regarde ses yeux qui ne sont pas cachés par le masque en forme de crâne, c'est alors que son oeil droit devient totalement noir.

Faucheur : C'est à cause de ça. Nos corps peuvent, quand on le souhaite, produire beaucoup plus de mana que ce qu'ils produisent normalement. Cette production accrue se manifeste par cet œil, un l'oeil totalement noir ou, pour vous deux, un iris noir, toujours au niveau de l'oeil droit…

L'iris qui devient noir ? Mais oui, lors du combat avec le parasite ! Il s'est passé la même chose mais ce n'était pas volontaire.

Faucheur : C'est ce qu'il s'est passé lors de ton premier combat avec un parasite. On m'as dit que tu l'avais tué tout seul alors que tu ne maîtrisais même pas ton mana, pas vrai ?

Jules : Oui. Je m'étais pris un violent coup et c'est à ce moment là que Trish à remarqué que mon iris était devenu totallement noir.

Faucheur : Donc c'était bien ça… Alors, maintenant, nous sommes trois, trois à avoir ce "mana instable".

Jules : Instable ?

Faucheur : Oui, comme je te l'ai dit, il y a de plus en plus de mana dans ton corps et lorsque tu n'arrives plus à maîtriser tout ce flux, tu perds le contrôle de ton corps avant de t'effondrer d'épuisement.

Jules : Ah, et pourquoi c'est tout ton oeil qui est comme ça et pas juste ton iris ?

Faucheur : C'est parce que je maîtrise totalement ce surplus de mana ce qui me permet d'en faire encore plus.

Maîtriser totalement le surplus ?

Jules : Comment je peux faire pour maîtriser tout ça ?

Faucheur : Ca vient avec le temps. Personnellement, c'était lors d'un combat où j'étais mal en point et c'est à ce moment là que j'ai écouté mon instinct et c'est venu tout seul. Mais ça va te prendre du temps si tu veux totalement le maîtriser.

Rose : Vous êtes là !

L'œil de faucheur redevient instantanément normal et on se tourne tous les deux vers Rose qui approchait dans la pénombre.

Rose : Il est temps de passer la frontière...

On se dirige tout les trois vers le camp. Une fois arrivés, on est accueillis par Aymer et Avenal se disputaient pendant que Oriolda tentait de la calmer. Une fois que tout le monde réuni et les deux autres s'étaient calmés, on se met en route vers le début de la chaîne de montagnes qui se trouve non loin de nous, elles délimitent la frontière entre les deux royaumes. Il existe plusieurs grandes routes qui permettent de passer la frontière mais elles sont trop dangereuses à cause des bandits qui y rodent mais aussi à cause de la nature sauvage de ces montagnes. De plus, tous ces chemins sont tous jonchés d'avant postes contrôlés par les armées des deux royaumes, celui de Kogua et celui de Sathurlo. La route que nous empruntons est la moins bien gardée, seul un avant poste du royaume de Kogua nous posera problème. Nous avons abandonné la plupart des affaires derrière nous. Seuls quelques vivres mis dans un sac vont être utiles pour la suite. Après un long moment de marche, on arrive près du bâtiment qui marque l'entrée dans le royaume de Kogua. Il faisait nuit ce qui nous a permis de nous coller au mur du bâtiment sans se faire remarquer, dans l'ombre de la nuit. On était tous près d'une seule fenêtre, la lumière éclairait une partie l'extérieur alors qu'on entendait les soldats discuter ensemble, sans même imaginer ce qu'il pouvait se passer.

Faucheur : On ne laisse aucun survivant, sinon le reste de l'armée sera prévenu beaucoup trop rapidement.

C'est alors qu'il fait un mouvement de tête vers Avenal et ce dernier casse la vitre et rentre en premier. Tout le monde pénètre dans le bâtiment, moi en dernier. Les gardes ne s'attendaient pas à nous voir et sont complètement désemparés, courant dans tous les sens pour prendre en mains leurs armes. Tout le monde y va de son attaque, Avenal lance des boules bleues qui créent de légères explosions tandis Aymer lui lance des boules de feu qui brûlent vif les gardes. Un malin plaisir pouvait se lire sur leurs visages, une sorte de jouissance morbide et destructrice. Oriolda, quant à elle, fait apparaître des lianes vertes qui sortent du sol et des murs et qui foncent à toute allure sur les gardes, transperçant leurs corps. Les armes des hommes morts se mettent alors à flotter dans les airs, contrôlés par Rose. Elle les utilise comme projectile, surveillant les arrières des autres. C'est un vrai massacre qui se déroule sous mes yeux, les cadavres s'entassent au sol et ceux qui ne sont pas encore morts hurlent de douleur ou de peur, quant au sang, il recouvre petit à petit les murs et le sol. Alors que j'observais la scène, choqué, un homme surgit dans mon dos, criant et tenant fermement son épée. Faucheur bloque son attaque avec sa faux et avec un mouvement net et précis, le désarme avant de le prendre par le col et le plaquer contre un mur.

Faucheur : Il y a un chasseur qui est passé par là, il devait avoir des otages !

Garde : N ... non, personne n'est venu.

Faucheur : Je sais qu'il est passé par là, ne te fous pas de ma gueule ! Est ce que tu l'as vu ?!

Des larmes se forment alors dans le coin des yeux de la victime. Il avait l'air assez âgé, ce qui dénotait clairement avec les jeunes adultes qu'étaient ses anciens collègues, maintenant mort. Le reste du groupe avait fini de faire le nettoyage et observait l'interrogatoire qui se déroulait devant moi, personne ne semblait vouloir intervenir.

Garde : Non... je vous le jure, s'il vous plaît.

Faucheur rapproche la lame de sa faux près du cou du grade. Petit à petit, la lame s'enfonce dans la peau et une petite coulée de sang apparaît le long de son cou.

Garde : Ou.. Oui, je l' ai vu… Je l'avoue…

Faucheur : Où sont-ils partis ensuite !

Garde : V ...V…

Faucheur : dépèche toi de répondre !

Garde : V… Vers la base militaire de Gormsey, à l'ouest.

Faucheur : Merci...

Il lâche le garde qui glisse le long du mur et finit par terre, assis. Faucheur se retourne vers moi.

Faucheur : Il ne nous est plus d'aucune utilité…

Je croise son regard noir, terrfifiant. Ce n'est plus le même homme que tout à l'heure. Son attitude n'est pas la même, il est ce tueur qu'il ne voulait pas être, il est ce qu'il incarne le mieux… Il est la mort elle-même.

Faucheur : Il va falloir que tu lui donnes le coup de grâce.

Toujours sous le choc, je m'approche petit à petit du soldat, sans dire un mot. Le regard que m'a lancé Faucheur m'a terrifié à tel point que je me plie à ces ordres sans dire un mot. Je tremble, mon cœur bat très vite. Tout le monde me regarde en silence. J'arrive en face de l'homme.

Garde : Hey… Petit...Tu ...Tu ne vas pas faire ça... C... C'est une blague...

Je tends la main vers le ciel et ferme les yeux pour me concentrer. mon bras droit prend la forme d'une lame. J'ouvre à nouveau mes yeux et j'aperçois le pauvre homme, apeuré. Il se tourne vers Faucheur qui se tient debout à ma droite et qui regarde la scène.

Garde : Je vous en prie... Je vous ai aidé… Laissez moi en vie...

Des larmes commencent à couler sur son visage. Je continue à le fixer.

Garde : s'il vous plaît... J'ai une famille... Il y a deux magnifiques petites filles qui m'attendent...

Suite à ces mots, je me met à trembler de plus en plus. Devenir un meurtrier… Je ne prenais pas conscience des paroles qu'avait dit cette mort qui se tient actuellement à côté de moi mais maintenant je les comprends, je comprends ces paroles. Tuer est un poids lourd, immense. On ne porte pas que le malheur de la vie… Non, ce n'est pas celui de la personne morte, c'est celui de la mort elle-même que l'on porte… et celui du désespoir qui l'entoure... N'y a-t-il aucun moyen pour le laisser en vie ? Je tourne ma tête vers Faucheur et croise, à nouveau, son regard à travers son masque. Celui-ci est toujours aussi terrifiant et ne laissant aucune émotion transparaître… Un regard sans réelle vie apparente.

Faucheur : Souviens toi de ce que je t'ai dis.

D'un coup, plusieurs choses me reviennent en tête : "Nous ne sommes que des armes".

Je regarde cette personne une dernière fois, lui faisant comprendre qu'il vit ses dernières heures.

Jules : Je suis désolé… Pour vous… Pour vous tous… 

Puis je ferme les yeux et fait un vif mouvement vers le bas avec mon bras, je ressens quelque qui ralenti mon mouvement mais qui ne l'arrête pas. Je sentais la peau, la chair, les organes de cet humain qui ralentissait mon mouvement. Je sentais les palpitations à travers ma lame, cette lame qui est rattachée à moi, cette continuité de mon bras droit. Puis, maintenant, j'entends ses hurlements tout près de moi. Une fois fini, je fais en sorte de retrouver l'aspect initial de mon bras et ce seulement après m'être retourné, pour ne pas faire face à au mourant. Tout le monde m'observe et je fais de même en retour, les balayant du regard. Je croise ces regards que je comprends enfin... Au même moment, la main de Faucheur vient se poser sur mon épaule.

Faucheur : C'est toujours le premier le plus dur.

On quitte tous ensemble le bâtiment laissant derrière nous des hurlements de douleur. Juste après avoir passé le pas de la porte, je m'arrête.

Jules : J'aimerai savoir... Est ce qu'il va mourir avec ces blessures ?

Ils se tournent tous vers moi.

Rose : Ca sera douloureux pour lui mais je ne pense pas qu'il s'en sortira.

Malgré sa voix calme et relaxante, je n'arrive pas à me calmer. Je n'arrive pas à enlever toutes ces pensées négatives. J'ai tué un être humain... J'ai tué un de mes semblables… Pourquoi est-ce qu'il faut qu'on en arrive jusque là ? Puis je repense à ces paroles, à sa famille et à ces enfants qui ne verront pas leur père revenir et les problèmes qui les suivront ensuite, à son regard rempli de désespoir, mais aussi et surtout… à mon acte… à cette sensation étrange, perturbante, désagréable, dérangeante, violente, horrible, macabre qui parcourt mon corps et mes pensées. Je finis genoux à terre, les cris de douleur qu'on entend depuis tout à l'heure se calment petit à petit alors que je m'effondre en larmes, devant les autres.

Avenal : Il a enfin changé...

Faucheur : Oui, l'ancien Jules n'existe plus… Il va pouvoir affronter ce monde…

Avenal : Faucheur…

Faucheur : Quoi ?

Avenal : Ce n'étais pas ton idée de le transformer de cette manière, toi qui veut à tout prix éviter de tuer.

Faucheur : Non, c'est l'idée du troisième étranger...