Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 109 - À l'époque, il lui a demandé une chose déraisonnable.

Chapter 109 - À l'époque, il lui a demandé une chose déraisonnable.

Mangeant avec satisfaction des glaces à l'eau et aux fruits, Ryuji et Jun étaient assis sous l'entrée couverte de la maison. La fraîcheur du liquide soulageait un peu les deux jeunes garçons, qui avec la chaleur ambiante, transpiraient à grosses gouttes. Cette pause prolongée était idéale aux yeux de Ryuji, bien qu'il devrait tôt ou tard reprendre l'empaquetage de ses affaires s'il ne voulait pas avoir du retard. Ses parents continuaient de faire des allers et retours avec des cartons ou des objets de taille moyenne qu'ils ne pouvaient pas mettre dans des boîtes, et Ryuji se sentait un peu coupable de ne pas les aider pour le moment.

Certes, ses parents lui avaient dit de prendre son temps, et sur le moment, cela lui avait semblé correct ; mais les voir passer continuellement derrière eux dans le couloir de l'entrée rendait plus difficile de les ignorer.

« Alors, vous allez aller vivre dans une grande ville ? » Demanda Jun en croquant à pleines dents le reste de son eskimo.

« Mhh mhh, » fit Ryuji, sa glace dans la bouche. « Mais Toyohashi, c'est toujours la campagne pour moi... »

« Selon toi, tout ce qui est pas pas de la taille de Tokyo ou de Nagoya est la campagne, alors... » Soupira Jun. « Au moins t'auras la plage, et un centre ville plus gros qu'une dizaine de rues... »

Ryuji haussa les épaules. C'est clair que ça le changerait de la zone montagneuse où ils se trouvaient actuellement, et où il n'y avait pas grand-chose à faire. Mis à part le stade, la salle d'arcades, le karaoké, et certains cafés, les lycéens comme les enfants de tout âges n'avaient pas énormément de choix pour s'amuser ou passer du temps ensemble. Toutefois, c'était plus intéressant de traîner avec ses amis dans un coin où il n'y avait pas grand-chose à faire, que d'avoir l'embarras du choix en terme d'activité, et personne avec qui en profiter.

C'était comme cela que Ryuji voyait les choses : il allait déménager dans une grande ville où il pourrait voir beaucoup plus de choses, au détriment des amis qu'il s'était faits ici.

« Oublie pas quand même qu'on peut toujours se parler par messagerie instantanée, hein, » dit Ryuji, peut-être pour se consoler lui-même.

« Je vais sûrement te harceler, je pense, » dit Jun.

« Quoi ? T'es pas devenu ami avec des gars de ta classe, depuis le temps ? » S'étonna Ryuji. « Je t'ai pourtant vu discuter avec eux vivement l'autre jour... »

« On parlait de MonstaHunt, c'est pas pareil, » dit Jun. « C'est pas parce que je parle jeu vidéo avec quelqu'un que je le considère comme un ami. »

À cette déclaration, Ryuji ne put s'empêcher de pouffer de rire. Ce type était incorrigible.

« Donc tu comptes pas te faire d'amis, même après mon départ ? » Demanda-t-il en souriant.

« Boaf… Pour parler de quoi… » Maugréa Jun. « Si je t'ai parlé à toi, c'est bien parce que je sentais que je pouvais te faire confiance, et que tu n'étais pas du genre à juger les gens avec des critères stricts. »

« Ça veut dire quoi, ça ? Que je suis pas exigeant ? » Pesta Ryuji.

À cette remarque, c'est Jun cette fois qui ne put s'empêcher de rire de bon cœur. D'habitude, le garçon était plutôt réservé et calme, mais discuter avec Ryuji avait toujours cet effet de le rendre plus bavard et souriant. Certes, il n'était pas non plus du genre à tout dire sur lui, même à Ryuji. Pourtant, les deux garçons étaient assez proches pour sans arrêt traîner ensemble sur le chemin vers le lycée et vers leurs maisons – ou du moins, jusqu'au dernier embranchement où ils partaient chacun de leur côté. Les rares exceptions étaient les jours où meurs horaires de classe étaient trop différents, ou lorsque Ryuji avait insisté pour prendre des cours de soutien avec Hana.

Maintenant qu'il y pensait…

« Au fait, ça se passe comment depuis mon départ ? » Demanda Ryuji.

« Comment ça ? » Dit avec confusion Jun.

« Dans ma classe, je veux dire... » Précisa le jeune garçon.

« Hum, je sais pas trop, » répondit Jun en se grattant la tête avec un air perplexe. « Vu que t'étais pas là, j'avais aucune raison de m'y rendre, même si c'était la porte à côté... »

Sur ce point, Ryuji ne pouvait pas lui en vouloir. Jun était assez renfermé sur lui-même en temps normal, et ne se mêlait pas des affaires des autres s'il pouvait l'éviter. S'il ne s'était pas fait d'amis proches à qui parler dans sa propre classe, nul doute qu'il ne s'en était pas fait non plus dans la classe de Ryuji. Ce qui laissait à ce dernier une possibilité.

« Dis Jun, envie de te faire une amie en mon absence ? » Demanda avec sérieux Ryuji.

« Qu'est-ce que tu racontes encore ? » Dit Jun.

« Je pense juste à laisser deux personnes veiller l'une sur l'autre pendant que je ne suis pas là... » Continua Ryuji. « Deux personnes pour lesquelles je m'inquiète... »

« Attends… Me dis pas que l'autre personne est... »

« Takeuchi Hana, oui. » Confirma Ryuji.

« Alors, t'étais sérieux de vouloir sortir avec elle ? » Demanda Jun, abasourdi et décontenancé.

« Hum, disons, pas au début... » Avoua Ryuji. « Au départ, je comptais me servir d'elle pour tenir Kaeri éloignée, et aussi un peu m'amuser... »

À ces mots, Jun lui envoya un regard plein de reproches.

« Ouais, je sais ce que tu vas me dire... » Soupira Ryuji. « Que j'aurais jamais dû jouer avec les sentiments d'une fille… Mais elle m'a rejeté, alors je suppose que ça va ? »

« Parce qu'en plus, tu lui as demandé de vraiment sortir avec toi ? » Dit Jun en écarquillant les yeux. « Et tu pensais m'en parler quand, de ça ? »

« Je t'en avais pas parlé ? » Dit pensivement Ryuji.

Le regard affable que lui renvoya Jun lui confirma qu'il avait en effet omis ce détail. Peut-être devait-il lui dire la vérité, avant de lui demander quoi que ce soit. Avec un air maussade, Ryuji se pencha en avant, les mains posées sur ses genoux.

« Je sais pas s'il a pu se passer quelque chose depuis que je suis pas retourné en classe, mais ce que je vois sur le groupe de discussion de la classe ne me plaît pas du tout... » Avoua Ryuji.

« Tu dis ça parce que tu as craqué pour elle? » Demanda Jun avec un air indifférent. « Laisses-moi deviner : elle était 'cool' ? »

« Et pas qu'un peu ! » S'exclama Ryuji avant de se reprendre et de se calmer. « Enfin bref.. Ouais, j'ai fini par vraiment l'apprécier... »

Il se sentait embarrassé de devoir dire ça à voix haute, même s'il s'agissait de Jun à côté de lui pour l'écouter, et que ses parents étaient encore un peu trop occupés dans la maison pour leur prêter attention.

« Donc c'était une vraie confession que tu lui as faite ? » Demanda Jun, perplexe.

Ryuji hocha de la tête. Lui-même avait encore du mal à expliquer cette soudaine fascination pour la jeune fille. Ça s'était fait graduellement et discrètement. À croire que parler à la jeune fille de tout et de rien avait suffi à éveiller son intérêt et à le pousser à en savoir plus sur elle. Puis, avant même qu'il puisse s'en empêcher, il avait fini par la trouver mignonne. Se faire rejeter par elle n'était que le dernier clou sur son cercueil, car à présent, il en venait encore plus à regretter de déménager aussi vite après avoir commencé à s'intéresser à elle.

« Et tu veux quoi ? Que j'aille lui parler alors que je l'ai jamais vue ni abordée depuis que je suis ici ? » Demanda avec sarcasme Jun.

« Tu l'as vue pourtant... » Pointa du doigt Ryuji. « La fille qui se fait appeler la 'recluse'… »

« Attends… Quoi ? » S'offusqua Jun. « C'est avec elle que tu faisais des révisions, et c'est aussi sur elle que tu as craqué ? »

Il n'avait pas l'air de croire une seule seconde à ce que venait de lui raconter son ami, et ce dernier dut insister pour qu'il accepte que c'était bien ce qui s'était passé.

« C'est quoi cette idée de vouloir que j'aille lui parler ? Ton ami et la fille que tu apprécies ? C'est quoi ce plan foireux ? »

« Pas que lui parler. Devenir amis. » Insista Ryuji. « Réfléchis un peu : tu me perds en tant qu'ami de proximité, alors je t'en fais gagner un autre. Loi de l'échange équivalent ! »

« Ça n'a d'équivalent que le nom... » Pesta Jun.

« Oh, allez… Fais ça pour moi, Jun. Je me sentirai moins inquiet si vous veillez l'un sur l'autre... »

« Elle ne parle jamais avec personne, et ne semble pas avoir d'amies. Assez dur à approcher, comme genre de fille... » Râla Jun.

« Tu étais comme ça aussi, en arrivant, non ? » Répliqua Ryuji pour lui clouer le bec. « Et pourtant, regardes-toi ! Il suffit d'une personne pour commencer à s'ouvrir aux autres ! »

Malgré ces paroles reposant sur une vérité que Jun ne pouvait renier, il était toujours hésitant concernant le service que Ryuji voulait lui demander. Ce dernier prit cela comme un signe qu'il devait essayer une autre approche, et se redressant en arrière, dit :

« C'est vraiment un service égoïste que je te demande, et tu as tous les droits de refuser. Mais je pense vraiment que ça pourrait vous être bénéfique à tous les deux, alors considère ça comme mon dernier cadeau avant de partir d'ici... »

C'était vraiment ridicule comme proposition, même présenté sous cet angle. Jun ne savait pas trop quoi en pensait, ni même si cette fille daignerait lui parler. Il n'avait pas non plus envie d'approcher une fille, peu importe de qui il s'agissait, ou encore de devoir recoller les morceaux après les agissements de Ryuji. Cependant, son ami avait tellement insisté, que Jun se sentit incapable de lui dire non.

« Je… Je vais essayer, mais je te promet rien... » Dit-il avec hésitation.

Ryuji lui sourit avec sympathie en lui tapotant l'épaule, et ses parents l'appelèrent depuis l'intérieur de la maison. Ils n'avaient plus beaucoup de temps avant leurs adieux définitifs, et l'arrivée des camions de déménagement. Pour se faire pardonner de lui avoir fait perdre du temps, Jun se proposa de l'aider à faire ses cartons, et les deux garçons se dirigèrent alors vers l'étage et la chambre de Ryuji.

Quelques heures plus tard, les camions arrivèrent, et avec eux partirent Ryuji, ses parents, et tout ce qu'ils avaient décidé d'emporter avec eux. Jun lui fit au revoir de la main, jusqu'à ce que la voiture de Ryuji ait disparu au bout de la rue, et que le quartier redevienne silencieux.

Comme ça, en un clin d'oeil, les vacances d'été passèrent, et les cours reprirent.

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