Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 107 - À l'époque, elle pensait pouvoir se débrouiller seule.

Chapter 107 - À l'époque, elle pensait pouvoir se débrouiller seule.

La salle de classe resta agitée tout de journée, du moment de la bagarre jusqu'à l'après midi, quand un des élèves confirma par un message qu'il avait reçu que les deux garçons impliqués dans la bagarre du matin avaient été exclus temporairement du lycée. Les regards indiscrets dans la direction d'Hana avaient empiré, et même si les élèves de la classe avaient été mis en garde par leur professeur principal au sujet de leur mauvais comportement, une certaine agressivité pouvait toujours être perçue dans l'air.

Cependant, il se passait certainement plus de choses que ce qu'Hana pouvait voir de ses propres yeux. Les autres élèves devaient très probablement s'échanger une multitude de messages pour parler tous ensemble de ce qui s'était passé, ou des personnes impliquées dans la bagarre. Hana aussi, devait faire partie de ces conversations.

C'était probablement ce qui était le plus difficile, dans ce genre de situation : savoir que les autres parlaient de vous, sans pour autant pouvoir savoir exactement ce qui était dit. C'était comme être coupé du monde, alors que le monde lui-même continuait de tourner.

Qui plus est, le fait que Ryuji soit soudainement exclu de cours empêchait Hana de lui en demander plus sur ce qui avait pu se passer entre lui et Kaeri. Elle n'avait même pas son numéro de téléphone ou son adresse email, car elle n'avait pas pris la peine de les lui demander. Ils étaient dans la même classe, donc elle avait trouvé ça un peu superflus, en plus d'être inutile ; car elle n'avait pas souhaité parler avec le jeune homme en dehors de leurs cours de soutien.

À présent, elle le regrettait un peu. Peut-être s'était-elle déjà habituée à la présence du jeune homme, en à peine une semaine. Peut-être que passer du temps avec Ryuji lui avait donné l'opportunité de se monter à nouveau sociable, bien qu'elle ne lui avait quasiment jamais adressé la parole. C'était la première fois, depuis le décès de sa mère et l'abandon de ses anciennes amies, qu'elle passait autant de temps avec un camarade de classe ; alors c'était un peu perturbant pour elle. Il était un peu tard pour s'intéresser aux autres, mais Hana espérait que Ryuji ne serait pas trop embêté par cette sanction, sachant qu'elle pouvait être incluse dans son dossier scolaire.

Toutefois, quelque chose d'autre préoccupait également la jeune fille. La durée de suspension de Ryuji était de deux semaines, et la fin du semestre actuel se produirait dans moins d'un mois. Allait-il seulement pouvoir revenir en cours, avec ce si court délai avant son véritable départ ?

Si Hana se souvenait bien, le jeune garçon lui avait dit devoir déménager vers la fin du semestre. Les déménagements étant plutôt chronophages et nécessitant beaucoup d'organisation, pouvait-il seulement se permettre de venir en cours ?

Non, elle devait arrêter de penser à ça. De toute façon, elle ne souhaitait pas tant que ça lui parler. Elle exprimait juste une légère inquiétude, rien de plus.

La sonnerie indiquant la fin des cours pour la journée retentit, et Hana sentit que sa chaise venait d'être frappée par quelqu'un ou quelque chose. Elle leva la tête, et vit une des filles de la classe passer tout en lui lançant un regard noir. Sûrement une des fanatiques suivant tous les gestes et les opinions de Kaeri.

Hana ne dit rien, et observa le jeune fille qui s'éloignait vers la porte d'entrée, la bandoulière de son sac de cours appuyée sur son épaule.

Au moins, elle était directe dans son approche, et Hana pouvait identifier son comportement comme étant hostile.

En revanche, ce qui suivit les prochains jours fut bien plus dur à détecter.

Chaque matin, en arrivant en cours, Hana put voir que son pupitre avait été dégradé, soit par des écritures sur la table, soit avec de l'eau ou une boisson sucrée versée dans le petit compartiment sous la table. Elle ne savait pas qui était le coupable de ces actes de dégradation, ni s'il s'agissait d'une ou plusieurs personnes. Les coups dans sa chaise et son bureau s'étaient aussi multipliés, les élèves montrant leur mécontentement sans jamais être réellement inquiétés pour leur comportement. Tant qu'ils ne touchaient pas physiquement Hana, les professeurs et les surveillants n'interviendraient pas. Tous les adolescents dans la classe savaient ça : dans ce lycée qui était qualifié de petit enfer personnel sur internet par les anciens élèves qui y avaient subi du harcèlement, la violence psychologique primait sur la violence physique. C'était plus insidieux et moins facilement détectable qu'un harcèlement faisant appel aux mains et aux pieds. Les adultes de l'établissement ne cherchaient qu'à punir ce qui pouvait réellement leur porter préjudice, et tant que les parents d'élèves ne venaient pas accuser le personnel enseignant, ou que leurs enfants n'avaient pas de marques physiques des sévices, tout allait bien. C'était là le secret d'un établissement bien noté en ligne, mais dont les commentaires étaient disparates et autant chaotiques que les relations entre élèves.

Durant les semaines qui suivirent, Hana se retrouva encore plus seule que dans la solitude qu'elle avait elle-même choisie. Après tout, une solitude imposée était toujours plus dure qu'une solitude choisie. Par leur attitude et leurs gestes, les camarades de classe d'Hana avaient décidé de repousser la jeune fille encore plus dans ses retranchements.

Si Hana était aussi un peu rassurée par le fait d'être de nouveau tranquille et sans conflits directs autour d'elle, elle subissait tous les jours de nouvelles dégradations sur son pupitre. De nouvelles « blagues » avaient aussi été inventées, rien que pour elle. Ses affaires disparaissaient pendant les pauses, des chewing-gum apparaissaient sur sa chaise ou dans ses cheveux, ou des gens décidant de lui frapper à nouveau le dos pour aucune raison apparente au-delà de leur propre amusement personnel.

Le nettoyage de la classe lui aussi était plus souvent confié qu'avant, et Hana soupçonnait que son nom avait été écrit plusieurs fois dans le cahier de classe à cet effet ; le professeur principal ne le consultant que rarement et ne se rendant pas compte de ce qui était en train de se passer dans la classe.

Le plus dur arriva en fin de première semaine, où, alors qu'elle était aux toilettes, un seau d'eau gelée fut versé sur elle par-dessus la cloison de séparation. Complètement trempée, elle entendit des rires étouffés, qui en s'éloignant, se changèrent en ricanements complètement assumés.

Ayant dû revêtir son survêtement de sport pour rentrer, son père lui avait demandé s'il s'était passé quelque chose, pour qu'elle décide de rentrer avec cette tenue.

Elle avait prétexté être tombée près de la rivière, et son père ne s'était pas inquiété.

Comment pouvait-il, alors qu'elle lui avait menti, en disant que tout allait bien ?

Depuis quand lui cachait-elle des choses, alors qu'elle était censée tout lui dire ? Depuis quand encaissait-elle les brimades, les moqueries, et les « blagues » sans réagir ?

Ça ne faisait qu'une toute petite semaine, et ça avait pourtant l'air d'une éternité. Dans cette petite semaine, tous les jours semblaient interminables, sans fin. Le temps passait beaucoup trop longtemps, comme s'il ralentissait à chaque fois que quelque chose de mauvais arrivait ; pour signifier à Hana qu'elle devait souffrir aussi longtemps que possible.

Puis, la seconde semaine de sévices commença, et avec elle, son nouveau lot de harcèlement.

Ah oui, c'était comme ça que ça s'appelait.

Au départ, Hana n'avait pas su dire quel mot définissait le mieux ce qu'elle subissait. Était-ce un comportement mesquin ? Des représailles ? Une vengeance ? Elle avait cherché sans relâche ce qui pouvait le mieux correspondre à la situation, et quand elle avait enfin compris que, si ce n'est Kaeri, rien de spécial ne motivait les personnes qui s'attaquaient à elle, elle avait enfin trouvé le mot juste : harcèlement.

C'était un comportement sans aucune logique, ni aucune revendication. Ces « blagues » étaient là pour amuser leurs auteurs, et eux seuls. Hana n'était pas là pour en rire, car elle était l'objet de leur amusement.

Chaque matin, la même question se posait : cela valait-il le coup de se lever et d'aller en cours ? Elle pesait le pour et le contre, les potentielles conséquences sur sa personne, et ce qu'abandonner le lycée signifierait si elle renonçait. Combien de temps lui restait-il avant de terminer le lycée ? Combien de temps pouvait-elle tenir ?

Dans moins de deux semaines, les vacances d'été seraient là, puis quelques moins plus tard encore, sa dernière année commencerait.

Si elle abandonnait le lycée ou refusait de se lever, cela inquiéterait son père, et elle se refusait à cela. Elle voulait qu'il ait l'esprit tranquille, afin de pouvoir travailler sans soucis dans son atelier. Il avait déjà eu son lot d'inquiétudes avec la mère d'Hana, et la jeune fille refusait de le voir encore mentalement instable.

Qui plus est, elle était persuadée que tout cela finirait par s'arrêter, à un moment ou à un autre. Ce n'était qu'un mauvais moment à passer, puis tout irait mieux, surtout avec les vacances qui approchaient. Elle pouvait le faire, si elle s'en donnait les moyens.

En parler aux professeurs pouvait momentanément empirer la situation, si ses camarades de classe réagissaient mal ; mais elle pouvait tout de même considérer cette option.

Pour l'instant, il suffisait qu'elle ait la même attitude que d'habitude, à ne se soucier de rien d'autre que ses cours, et tout irait bien. Les autres élèves finiraient par se lasser de son manque de réaction, et par la laisser tranquille.

Avec cette résolution, elle continua d'aller en cours tous les jours, même si parfois elle devait nettoyer ses affaires ou se couper quelques mèches de cheveux. Tant que ce n'était que cela, elle pouvait le gérer. Donc, vraiment, elle n'avait pas besoin d'en parler à des adultes. C'était quelque chose qui se jouait entre elle et les autres élèves, et elle se sentait capable de maîtriser la situation.

En un clin d'œil, les vacances d'été furent enfin là, sans que Ryuji soit revenu en cours ; et pour Hana, un moment de répit lui fut enfin accordé.

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