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Chapter 90 - Je n'aurais pas dû m'emporter.

Alors qu'il se dirigeait vers son bureau, Takao repensait encore aux paroles d'Ito Ren.

Peut-être jugeait-il trop rapidement les gens, ou peut-être était-il trop têtu pour voir le Chef Kobayashi sous un autre jour.

En revanche, ce qui était sûr, était qu'il s'était avant tout énervé pour Shinohara Hana, avant de s'énerver pour un problème d'ordre professionnel. Cela, Takao le voyait comme un échec. Il ne devait pas se laisser emporter par ses émotions, car les choix qui en découlaient étaient toujours mauvais.

Il y avait aussi le fait qu'il n'avait pas été très honnête dans sa démarche face à l'employé du même Département. Takao n'aurait pas dû forcer des questions sur lui juste parce qu'il voulait peindre le Chef Kobayashi sous un mauvais jour ; et sur ce point-là, Ito Ren avait raison.

Il fallait rester objectif et impartial quand il s'agissait d'administrer une entreprise ou un des services affiliés, et Takao avait fait une erreur en abordant les choses de cette façon.

Il devait repenser à ce qu'il était juste de demander, mais aussi à quel comportement il devrait adopter vis à vis des personnes concernées.

S'il éprouvait toujours de l'hostilité envers le Chef de Section, il était également encore assez protecteur vis-à-vis de la jeune interne. Il ne voulait pas perdre une amie qu'il venait de se faire à peine rentré au pays, mais ne voulait pas non plus lui mentir. Et même si selon Ito Ren, le Chef Kobayashi n'était pas la cause de tous ces départs de personnel, le manque d'effectifs restait encore un problème à régler.

À cela s'ajoutait en plus la situation avec Nana, qui pouvait se montrer à tout moment, ce qui compliquait encore plus les choses ; et Hana, qui refusait pour l'instant de parler de cela avec lui, ou même avec Nana.

Ah, il avait vraiment beaucoup trop de choses à penser.

Un peu fatigué, il se laissa tomber sur le gros fauteuil rembourré de son bureau, et avant même qu'il ait pu ouvrir sa session sur l'ordinateur devant lui, le téléphone fixe se mit à sonner.

Le secrétaire personnel que lui avait promis son oncle n'était pas encore arrivé, et Takao devait encore prendre ses appels lui-même, sans tri préalable par un autre employé. Le coup de fil en question pouvait donc virtuellement porter sur absolument tout, sans que Takao puisse savoir à l'avance de quoi il s'agissait.

Avec précaution, il décrocha rapidement le téléphone, et le portant à son oreille, se présenta.

« Directeur Utagawa à l'appareil. »

« Directeur ! Excusez-moi de vous déranger à peine revenu de votre pause, mais nous avon sun problème ici... » Dit une voix à l'autre bout du téléphone.

Un problème ?

Takao regarda alors la base du téléphone, où le numéro de poste appelant s'affichait, et vit que l'appel provenait bien du Département Catastrophes Naturelles qui était à sa charge.

« Que se passe-t-il ? » Demanda-t-il à l'homme à l'autre bout du fil.

« Hé bien, il semble qu'un document très important ait été détruit par inadvertance... » Commença à plaider l'employé.

« Dites-m'en plus, j'ai du mal à comprendre ce qui se passe, là... » Demanda Takao.

« Un original de contrat de groupe est passé dans la broyeuse à documents, et.. Comment dire... »

Takao entendit des voix crier en arrière plan, et il reconnut très nettement la voix du Chef Kobayashi. Il était en train de réprimander avec virulence un employé.

« Le problème est que ce contrat n'a pas de double numérisé, et il est très important... » Balbutia l'employé à l'autre bout du fil.

L'homme devait sûrement craindre d'être lui aussi agressé par le Chef de Section, et parlait comme si sa vie dépendait de ce coup de fil.

« Et qui est responsable de ce carnage ? » Demanda Takao en se frottant les tempes.

« Le Chef Kobayashi avait demandé à l'interne de détruire tous les doubles, mais elle a détruit tout le dossier par inadvertance... »

« Pardon ? » S'exclama Takao, abasourdi.

C'était Shinohara Hana qui avait foutu la pagaille ? Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire comme bêtise, pour faire ce genre d'erreur ?

« Directeur ? » Demanda craintivement l'employé.

« Je… Donnez moi cinq minutes et j'arrive... » Dit-il en pressant ses doigts sur l'arête de son nez.

Il raccrocha le téléphone, et termina de se masser des deux mains les tempes. Il sentait sa tension artérielle faire un bond, mais ce n'était pas le moment de s'apitoyer.

Pendant ce temps, Hosoda Chiho assistait à toute la scène avec un sourire carnassier.

Son plan avait encore mieux marché que prévu, car Hana se retrouvait réprimandée en plein milieu de l'étage sans possibilité d'en placer une.

« Tu te rends compte de l'erreur que tu as faite au moins ?! » S'écria le Chef Kobayashi. « Je t'ai dit de détruire les documents copiés, avec la mention 'COPIE' dessus ! Qu'est-ce qu'il y a de si difficile à comprendre là-dedans ?! »

« J'ai bien fait attention et- »

« Le contrat que tu as détruit est trop vieux pour qu'on en ait une copie sur les serveurs, et si le client apprends comment on traite son dossier, je ne donne pas cher de notre peau ! » Continua le Chef, interrompant Hana.

« Je comprends mais- »

« Tu te cherches des excuses, en plus ?! » S'énerva encore plus le Chef Kobayashi. « Si Hosoda-san ne m'avait pas demandé ce dossier pour travailler dessus, personne ne s'en serait rendu compte ! Tu pensais t'en tirer en ne disant rien ?! »

« Non, je ne pensais pas- »

« Et arrête d'essayer de me répondre ! » S'emporta Shinsuke. « Quand on fait une erreur, on assume jusqu'au bout ! »

Honteuse et pétrifiée, Hana ne dit plus un mot et baissa la tête ; ce qui fit jubiler Chiho.

« À cause de toi, JE vais devoir appeler le client, et JE vais devoir lui demander de bien vouloir re-signer un contrat avec nous, parce que QUELQU'UN n'a pas correctement fait son travail ! » Continua Shinsuke.

« Shinsuke... » Tenta Saizo.

Même lui voyait que son ami s'emportait beaucoup trop et risquait de dire des choses qu'il regretterait, et il espérait qu'appeler le nom de son ami le calmerait.

« Te mêles pas de ça, Saizo ! » Vociféra Shinsuke.

« Non, je dois m'en mêler justement parce que tu ne vois pas dans quel état tu te met... » Le contredit avec fermeté Saizo.

« Dans quel état je suis, selon toi ? » Grogna Shinsuke.

« Tu t'emportes beaucoup trop, » dit avec confiance Saizo. « Shinohara-san sait qu'elle a fait une erreur, et ce n'est pas comme si la situation ne pouvait pas être résolue. »

Les épaules de Shinsuke se soulevaient et s'affaissaient avec chacune de ses respirations, mais il ne perdait pas pour autant l'expression colérique qui habillait son visage.

« Tu te fiches de moi ? Encore heureux qu'elle sache qu'elle ait fait une erreur ! » S'exclama Shinsuke.

« Shinohara-san n'y est pour rien. » S'imposa une voix.

Toutes les têtes se tournèrent vers le nouvel arrivant, tout juste sorti de l'ascenseur, et Shinsuke, incrédule, lui lança un regard de défiance.

« Vous ? » Grogna-t-il entre ses dents serrées.

« Shinohara-san n'y est pour rien, parce que c'est moi qui ait détruit ce dossier par erreur, » dit Takao en soutenant le regard de Shinsuke.

« Pardon ? » S'exclama Shinsuke. « C'est quoi encore ces conneries ? »

« Le local de tri est ouvert à tous, non ? Pendant la pause, je suis allé détruire des documents qui traînaient dans mon bureau, et j'ai dû prendre ce dossier par erreur... » Insista Takao. « De plus, si on prends en compte le fait qu'aucune copie n'avait été numérisée, et qu'il s'agit d'un très vieux dossier, la faute ne peut pas être reportée sur une interne venant tout juste d'arriver, vous ne croyez pas ? »

Shinsuke serra les poings avec agacement.

« Sur ce point, il a raison, » s'aventura le Chef Tsukasa. « En tant qu'employés avec de l'ancienneté, nous aurions dû nous assurer d'en avoir une copie... »

Lui aussi, il s'y mettait ?

Si même son homologue se joignait à cet argument, Shinsuke ne pouvait plus rien dire.

« S'il ne s'agit que d'un contrat à faire re-signer par le client, étant donné que c'est de ma faute, je m'engage à contacter moi-même le client, » proposa Takao. « Je prends toute la responsabilité de cette erreur, alors vous ne serez pas ennuyé, Chef Kobayashi. »

Énervé et face à une impasse, Shinsuke claqua nerveusement sa langue. Présenté comme cela, il n'avait plus aucune raison de s'énerver, et encore moins de crier sur la jeune interne.

Il tourna le regard vers elle, et vit que Mari était venue la chercher pour la ramener à son bureau sous les regards des autres employés. Elle semblait un peu pâle, mais c'était normal en ce genre de circonstances.

Le jeune Directeur, quant à lui, fit un sourire désolé, et après avoir déclaré qu'il échangerait par e-mails sur cet incident avec Shinsuke, se dirigea vers l'ascenseur ; non sans regarder une dernière fois avec un regard un peu inquiet la jeune interne.

Si c'était pas sa faute, alors pourquoi n'avait-elle rien dit ? Elle aurait très bien pu dire que ce n'était pas elle et qu'il se trompait, alors…

Ah.

Avec gêne, Shinsuke se rendit compte un peu trop tard de ce qui s'était passé ; et Saizo vint vers lui pour poser une main sur son épaule droite.

« Je parie que tu regrettes, maintenant... » Chuchota son ami. « Tu comprends maintenant pourquoi j'ai tenté de t'arrêter ? »

Shinsuke hocha la tête malgré lui, et les deux hommes retournèrent vers leurs bureaux.

Pendant tout ce temps, il s'était emporté sans même laisser à la jeune femme une occasion de s'expliquer ou de se défendre, et il sentit une pointe de culpabilité s'immiscer en lui. Même en voulant changer son approche de la jeune interne, il avait fini par retomber dans ses vieux travers, et en ressentait à présent toute l'amertume.

Nerveusement, Chiho se mordit les ongles. Non, ça n'allait pas s'arrêter là. Hana avait eu de la chance sur le moment, mais la jeune femme avait encore d'autres ressources pour nuire à son ancienne camarade de classe.

Avec précipitation, elle sortit de sa poche son téléphone portable.

Elle avait encore un certain 'atout' qu'elle pouvait mettre à contribution, afin de démolir une bonne fois pour toutes la jeune femme.

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