Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 65 - Il sait comment me surprendre.

Chapter 65 - Il sait comment me surprendre.

Le reste de la journée était passé très lentement aux yeux d'Hana, la principale cause de cette sensation étant l'anxiété que la jeune femme ressentait en la présence ou en l'absence d'Hosoda Chiho.

Durant tout ce temps, l'autre jeune femme avait strictement fait son travail, et n'avait pas du tout daigné engager la conversation avec Hana, ni même lui lancer un regard. Chiho n'avait pas non plus expliqué de choses supplémentaires depuis leur départ de Marline, laissant sa collègue dans la confusion même quand cette dernière la suivait de près. Puis, elle l'avait encore une fois laissée toute seule, comme si cela était tout à fait normal.

À cause de cette hostilité passive, Hana avait senti immédiatement qu'elle n'était pas la bienvenue et qu'elle était plus vue comme un fardeau que comme quelqu'un d'utile. Ce qui eut pour conséquence de l'éprouver mentalement et de la fatiguer un peu plus que d'habitude.

Qui plus est, le fait d'avoir été laissée livrée seule face à la tâche que lui avait confié l'autre femme l'avait encore plus plongée dans un état de confusion et d'abandon.

C'est donc avec une expression défaitiste qu'elle attendant devant les ascenseurs situés au rez-de-chaussée de Marline. Chiho s'était déjà éclipsée pour rentrer chez elle, sans se préoccuper une seule seconde de sa collègue débutante, ce qui avait laissé à Hana le choix de soit rentrer chez elle, soit retourner finir sa journée à Marline pour s'avancer dans son travail. C'était finalement la seconde option qu'elle avait choisie, quitte à terminer sa journée normalement, et s'attarda à regarder les numéros au-dessus des portes d'ascenseur décroître ou croître selon que la cabine à l'intérieur descendait ou montait dans les étages.

Les gens étaient encore très occupés, à 17h00, à aller et venir entre les différents Départements et Services, et la jeune femme savait pertinemment que la plupart de ces personnes seraient encore présentes d'ici 2 à 3 heures.

Un bref 'ding' lui indiqua qu'un des ascenseurs était enfin redescendu à son niveau, et laissant le passage au petit groupe de personnes qui en sortaient pour se diriger vers le grand hall, elle entra à son tour à l'intérieur avant d'appuyer sur le bouton pour sa destination.

Il se passa quelques secondes avant que les portes ne commencent à se refermer, laissant penser Hana qu'elle serait probablement seule à monter.

Cependant, au moment où les portes allaient se ferme, une main s'interposa dans l'espace encore ouvert et bloqua la fermeture des portes, qui se rouvrirent lentement avec un grincement métallique de mécontentement.

En face d'elle se tenait le jeune homme qu'elle avait rencontré la veille au matin.

« Utagawa-san ? » Dit-elle avec surprise.

Ce dernier semblait à nouveau avoir couru, mais fit mine de ne pas être fatigué, malgré sa respiration erratique. S'engouffrant dans l'ascenseur pour se positionner aux côtés de la jeune femme, il n'appuya sur aucun bouton, se contentant de regarder les portes se fermer en même temps qu'il lui répondit en respirant bruyamment.

« Vous allez bien, Shinohara-san ? » Demanda-t-il, un sac en plastique blanc à la main.

« O-Oui, » répondit-elle précipitamment. « Et vous, Utagawa-san ? »

Le jeune homme fit un grand sourire, et mit ses mains dans ses poches de pantalons.

« Je vais bien ! » dit-il avec entrain. « Mais vous, vous m'avez l'air fatiguée, est-ce que tout va bien ? »

Il avait l'air plutôt sincèrement inquiet de voir la jeune femme, même si cette dernière ignorait tout de ses préoccupations à lui, ce qui poussa Hana à lui répondre.

« À vrai dire, j'ai dû travailler à l'extérieur aujourd'hui... » Dit-elle avec un sourire gêné.

Takao, lui, se sentit un peu coupable, mais n'en laissa rien paraître. S'il avait su que l'envoyer à l'extérieur de l'entreprise une seule fois pour lui éviter des ennuis durant la journée déboucherait sur ça, il se serait probablement retenu de le faire. Toutefois, même s'il savait que ce travail en extérieur dont il était en partie responsable accablait la jeune femme, il ne put s'empêcher de lui demander qu'est-ce qui pouvait bien la contrarier à ce point.

« Ce n'était pas comme vous l'imaginiez ? » Demanda-t-il.

« Non, » répondit-elle brièvement.

« Mais vous avez quand même pu être en dehors du bureau toute la journée, » lui fit-il remarquer.

Elle hocha de la tête silencieusement, et Takao eut un pincement au cœur. Quelque chose semblait vraiment la troubler, mais elle ne voulait rien dire, restant évasive sur ses réponses.

Cependant, même si elle ne voulait rien dire, il avait envie de lui remonter le moral ; et serra dans sa main gauche le sac en plastique qu'il transportait.

Enfin arrivés au huitième étage, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, et Hana sentit une main se poser sur son épaule et la retenir.

Se retournant, elle vit que Takao avait des yeux tremblants rivés sur elle.

« Vous pouvez pas aller là-bas comme ça, » dit-il en un souffle.

« Que… Quoi ? » Parvint à dire Hana.

Continuant d'exercer une pression sur l'épaule de la jeune femme, il la maintint immobile dans l'ascenseur et appuya sur le bouton du tout dernier étage.

Inquiète, Hana vit les portes de l'ascenseur à nouveau se fermer, et tandis que Takao relâchait enfin sa prise sur la jeune femme, la cabine commença alors sa longue montée vers le sommet de Marline.

Elle n'était pas sûre qu'ils aient le droit de se rendre là, mais le jeune homme la rassura immédiatement.

« Les derniers étages sont la partie administrative de Marline, mais ça ne veut pas dire que tout l'étage est forcément occupé par des bureaux, » expliqua-t-il calmement. « Les employés peuvent quand même s'y rendre, et profiter de la terrasse. »

« La terrasse ? » Répéta Hana, curieuse.

Il hocha silencieusement de la tête, sans élaborer plus que cela.

Entre-temps, ils étaient arrivés au vingtième étage, et, comme le jeune homme l'avait dit, un grand espace était accessible aux employés, avant les épaisses portes en bois condamnant l'accès vers les bureaux de la direction. Toutefois, le jeune homme continua d'avancer dans les couloirs pour atteindre une autre porte qui donnait sur la cage d'escaliers droite de l'immeuble.

Hana, peu rassurée de voir qu'ils empruntaient des endroits vides et sans la moindre âme qui vive, regarda avec hésitation le jeune homme en train de monter un étage supplémentaire.

Ils n'étaient pas déjà au dernier étage, là ?

Se rendant compte que la jeune femme ne le suivait plus, Takao s'arrêta à mi-hauteur, sur le pallier où les escaliers changeaient à nouveau de sens, et regarda vers le bas.

« Qu'est-ce que vous attendez ? » Demanda-t-il en lui faisant signe de la main d'approcher.

Non, si ce type était vraiment dangereux, Hana l'aurait su.

Depuis le tout début, Kubo Touma l'avait mise sur ses gardes, et elle avait senti qu'il n'était pas quelqu'un de bien. Contrairement à lui, le jeune homme qui lui faisait toujours signe quelques marches plus haut avait une présence rassurante et amicale. Elle sentit qu'elle pouvait lui faire confiance.

Ne doutant plus, elle se mit aussi à monter les marches de l'escalier, et après quelques secondes, se retrouva sur un dernier pallier où se trouvait également un local dont la porte était fermée à clé. Hana s'était retrouvée sans savoir comment face à deux baies vitrées donnant sur un jardin.

Elle avait du mal à croire ce qu'elle voyait.

Un jardin ?

Ils n'étaient pas supposés être au-dessus du vingtième étage ?

« Marline a aménagé le toit pour que les employés puissent profiter de l'extérieur sans avoir à repasser les portiques de sécurité, » expliqua Takao. « Tout le monde a le droit d'y aller, mais je suppose que le temps nuageux n'aide pas... »

Elle contempla un instant l'étrange jardin dont elle n'aurait jamais pu soupçonner l'existence, se demandant s'il y avait encore d'autres choses aussi surprenantes qu'elle ignorait encore sur l'entreprise.

« J'ai vraiment honte... » Laissa échapper Hana.

Takao releva un sourcil interrogateur, ce qui poussa la jeune femme à préciser ce qu'elle voulait dire par là.

« Je veux dire… On a tous les deux commencé plus ou moins en même temps à travailler ici, et vous en savez déjà bien plus que moi... » Dit-elle avec un air maussade.

« Ah, ne vous inquiétiez pas pour ça ! » Dit-il avec précipitation en agitant sa main devant elle. « C'est plutôt moi qui me suis trop renseigné, trop rapidement ! »

« Je.. Je vois... » Dit-elle pour tenter de calmer l'agitation du jeune homme.

« Vraiment désolé ! » S'excusa-t-il vivement. «C'est parce que je me suis fait un ami aux Ressources Humaines, et ces gens savent absolument tout de ce qui se passe dans l'entreprise !»

« Je vois… Donc il faut se faire des amis en des endroits bien placés... » Réfléchit-elle à voix haute, les sourcils légèrement froncés .

Face au sérieux que démontrait Hana, Takao se mit soudainement à rire face à une jeune femme aux yeux grands écarquillés par la stupeur.

À ses yeux, le concept de connexions et d'amis bien placés devait être étranger. Peut-être que cela était dû à son manque d'amis, et le jeune homme prit enfin sérieusement en compte le fait qu'elle s'était probablement fait très peu d'amis jusqu'à présent.

Bien que la jeune femme avait tenté de paraître mature, elle avait rapidement perdu sa façade calme, et Takao ne put s'empêcher de rire de plus belle face à la candeur dont elle avait fait preuve; ce qui lui attira un regard intense de la part de la jeune femme qu'il venait de déstabiliser.

« Quoi ? » Demanda-t-elle, mécontente.

« Ah, je me disais juste… Vous n'avez pas l'air d'une personne qui se fait des amis juste pour avoir des connexions ! » S'exclama-t-il à voix basse.

« Je ne me fais pas des amis pour ces raisons ! » Répliqua-t-elle presque immédiatement avec un air offusqué.

« C'est bien ce que je dis... » Sourit Takao. « Vous me semblez bien trop honnête pour cela, Shinohara-san. »

Au moins, elle savait ce qu'avoir des connexions voulait dire, et elle était contre l'idée d'en former, ce qui mit du baume au cœur du jeune homme.

Il gesticula rapidement pour l'inviter à le suivre à l'extérieur – maintenant la double porte vitrée et lui faisant signe de la main de passer - et Hana crut un instant qu'ils se trouvaient en réalité dans les espaces verts plantés devant l'immeuble.

Pourtant, le vertige qu'elle ressentit en regardant rapidement à travers le grillage doublant le garde corps faisant le tour de la structure la ramena bien à la réalité.

Ils étaient une vingtaine d'étages au-dessus de la chaussée, des passants et des voitures. Tout paraissait à la fois minuscule et immense, les immeubles avoisinants obstruant la vue sur la ville et découpant de façon inégale le ciel.

Les bruits ambiants de la rue ne parvenaient pas jusqu'ici, et Hana se fit la réflexion qu'elle avait l'impression de se trouver sur une autre planète que la Terre. Tout était distant et étranger, comme des photos qu'on regarderait des années plus tard, sans vraiment se souvenir des noms de toutes les personnes présentes. Peut-être que si elle restait un long moment ici, les gens oublieraient aussi son nom…

Quittant des yeux le paysage qui l'impressionnait et l'inquiétait en même temps, elle vit que le jeune homme s'était déjà assis sur un banc en pierre non loin de là, et avait déjà commencé à déballer tout ce qu'il avait dans son sac.

Hana crut voir double, car Takao se mit à aligner deux exemplaires de chaque objet ou plat qu'il avait sûrement acheté quelques minutes plus tôt ; et la jeune femme ne put s'empêcher de penser que tous les deux ne s'étaient pas croisés par hasard dans cet ascenseur.