Dans les décennies qui suivirent, la traque des démoniaques toucha à sa fin. Je réunis les dieux dans la capitale de l'empire et leur fit part de ma décision : je me retirais du pouvoir, m'étant rendu compte de l'écart grandissant entre ma perception et celle des mortels. Je nommai une miyati à ma succession et l'empire Voz'nar tint mais de nombreux problèmes devinrent flagrants. Les différents humanoïdes possédaient une culture trop différente, propre au rôle de leur ancêtre dans l'ancienne société démoniaque.
La perte d'un ennemi commun et l'accomplissement du Serment de l'Union fragilisant d'autant les bases de l'empire. Cette scission se concrétisa en le choc de deux idéologies : les peaux-vertes et les peaux-roses. Les peaux-vertes demandaient un chef guerrier, sans rival parmi les mortels alors que les peaux-roses demandaient un chef stratège, sensible aux problèmes du peuple. Les siècles s'écoulèrent et la scission s'accentuait, jusqu'à ce que l'ogre Jar'noz, devenu immortel, s'emparât du pouvoir. Il parvint à réaffirmer l'autorité centrale de l'empereur mais en utilisant excessivement de violence.
Ceci provoqua de nombreuses révoltes chez les peaux-roses qui furent matées et je dus personnellement intervenir afin d'éviter plus d'effusions de sang. J'exigeai alors avec Tristam, un elfe, que Jar'noz se retire du pouvoir, Varnoch le gobelin et Rkon l'orcque le soutenaient. Ce fût la première fois que les anciens dieux ne purent tomber d'accord. Afin d'éviter la scission parmi les dieux, il fût décidé de lui permettre une période d'essai. Il devait se montrer capable de gouverner sans avoir recours aux répressions violentes que l'on avait pu observer. Il avait 15 ans pour nous convaincre.
Durant ces années, les tensions retombèrent mais sans jamais s'éteindre. De mon point de vue, il gouvernait de manière trop ferme. Il considérait ainsi les paysans comme des ressources remplaçables, mais sans jamais dépasser les bornes fixées par l'accord, il ne demeurait pas moins cruel envers les plus démunis. Des décrets forçaient les pauvres hors des cités dès les premiers signes du printemps, arguant que « nettoyer » ces quartiers rendait les villes plus sûres. Sans mon intervention, ils auraient été forcé hors des villes en plein milieu de l'hiver, laissés à mourir dans le froid.
Ce fût lors d'une de ces « purges » que le premier cas de Peste Violette frappa les expulsés. Ceux-ci ressentaient un picotement constant au niveau de leur peau, et leurs yeux tournaient violet. Avec de tels symptômes, on comprit vite l'urgence d'agir face à cette maladie inconnue jusqu'alors. Il fût vite décidé parmi les divers dieux de l'époque comment nous devions coordonner nos actions afin d'empêcher sa propagation mais elle finit malgré nos efforts par s'étendre à l'empire entier en à peine trois mois.
Nous la connaissions cependant mieux, les stades finaux voyaient la peau du patient violacer et elle tuait près de six peaux-roses sur dix et trois peaux-vertes sur dix. Nos efforts pour trouver un remède furent ainsi poussés à trouver en quoi les peaux-vertes étaient plus robustes à cette maladie comparée aux peaux-roses.
Tu sais probablement que la couleur du mana varie selon la magie utilisée. Ainsi, la magie de l'air est ivoire et la magie de l'eau cyan. Tu sais peut-être également que la couleur de la nécromancie est mauve. On découvrit à cette époque qu'une branche proche de la nécromancie, la magie des maladies, était violette. En effet, cette maladie, loin d'être naturelle, était l'œuvre d'un mage. On le comprit en même temps que les conséquences de la maladie : fuite du mana puis de la vitalité de l'être hors de son corps. Ces mêmes fuites permettant la diffusion de la maladie. Le talent supérieur à la magie des peaux-roses semblaient expliquer leur plus grande sensibilité à cette maladie. Connaissant les causes, on put commencer la recherche d'un traitement et notre enquête pour trouver le coupable commença simultanément.
L'enquête s'écoula sur une année entière et mit à contribution de nombreux dieux. Ce fut pendant cette année qu'on trouva le premier remède efficace et que la distribution d'antidote commença. Au terme de l'enquête, le responsable de cette maladie était clair : l'empereur actuel, Jar'noz. Il avait dût trouver plus facile d'éliminer ses détracteurs à l'aide de la maladie plutôt que de les convaincre par ses actes. Son procès fût court mais lourd de conséquences. Plutôt que se repentir, il défendit ses idées : peaux-roses et peaux-vertes ne pouvaient coexister, tout comme humanoïdes et démoniaques. Il réussit à convaincre certains dieux à ses idéaux ce qui précipita son exécution, de peur de voir une scission entre les dieux apparaître. Mais loin d'éteindre les flammes de la dissension, son exécution signa le début de la guerre des Dieux.
Lors de son exécution, l'ensemble des dieux étaient présents. Et parmi eux, les peaux-vertes tentèrent de le sauver et nous poignardèrent dans le dos, nous autres dieux peaux-roses. Ce n'est que grâce à la défiance de Rastagat, un dieu nain, qu'aucune perte ne fût à déplorer, même si Jar'noz avait pu s'échapper. L'empire fût ainsi réellement coupé en deux, entre les peaux-vertes et les peaux-roses et chaque camp commença les préparatifs de la guerre à venir.
Il faut savoir qu'au début de cette guerre, les dieux peaux-roses étaient plus nombreux. Mais nous découvrîmes également que la Peste Violette avait affectée de manière inattendue la grossesse des peaux-roses, celle-ci augmentant définitivement de plusieurs mois pour toutes les races. Ceci couplé avec les morts directes de l'épidémie étant plus nombreuses dans notre camp, nous comprîmes que pour gagner, nous devions gagner vite pour éviter de finir submergé par leur nombre. Une nouvelle alliance avec les dragons s'imposait afin d'atteindre cet objectif.
Je retournai voir les clans de dragons pour leur demander leur aide. Étant des êtres magiques, comme nous, je découvris qu'ils étaient également touchés par la Peste Violette, mais encore plus sévèrement que les peaux-roses. Je leur proposai promptement le remède en leur expliquant la cause de la maladie. Ils acceptèrent facilement une nouvelle alliance. Cependant le but de cette guerre n'était pas le même et je dus être clair sur ce point.
Cette nouvelle guerre ne devait pas devenir un génocide comme avec les démoniaques. Je connaissais nombre de peaux-vertes et respectai leurs coutumes. De plus, j'avais peur d'autre chose de plus subtil. Sans ennemi commun, les peaux-roses risquaient la même scission qu'avait connu l'empire Voz'nar. Il fallait conserver un ennemi commun afin d'éviter d'autres guerres d'extermination qui pourraient suivre.
La guerre ayant déjà débutée, les escarmouches furent nombreuses et coûteuses en vie avant que les dragons n'entrent réellement dans le conflit. Quelques dieux tombèrent dans chaque camp mais sans pour autant décider d'un vainqueur. Cependant ces batailles clarifièrent un point, il me fallait éliminer les dieux peaux-vertes et parvenir à unifier les dieux.
Les dieux n'étaient pas par essence surpuissants, mais les années allant, leur puissance ne faisait que croître jusqu'à en devenir absurde, et ce même en comparant aux mages mortels les plus puissants. Si au cours des années, des immortels avaient parfois abusé de leur pouvoir sur les mortels, j'avais toujours réussi à minimiser les dommages mais la Peste Violette et cette guerre me menaient à penser qu'il n'en sera pas toujours ainsi. Les immortels ne pouvaient cohabiter avec les mortels.
Avec l'arrivée des dragons dans la mêlée, la balance pencha clairement en notre faveur et la guerre fût terminée en moins de cinq ans. L'ensemble des dieux peaux-vertes furent exterminés et la frontière entre peaux-roses et peaux-vertes fût élevée. Cette frontière devait permettre un statu quo à long terme et éviter d'autres guerres sanglantes, les dieux décidèrent donc de la peupler de créatures dangereuses, augmentant les risques que prendrait un camp en la traversant. Afin de laisser le danger d'un ennemi commun assurer la cohésion des diverses espèces, une trouée existe dans cette frontière.
Plus aucuns dieux peaux-vertes n'existaient, il était temps pour nous autres dieux peaux-roses de changer de monde. J'avais réussi à convaincre les autres dieux de la nécessité de se retirer du monde. L'ensemble des dieux partirent du monde originel vers un monde de ma création : le Surmonde, où tu es actuellement. Je l'avais créé avec un lien sur notre ancien monde, afin de permettre aux dieux d'au moins observer leurs proches. De plus, un sort puissant, lancé avec l'aide de Tristam lia la magie du temps et de l'espace à ce monde et absorbe de fait dans le Surmonde tout mage maîtrisant une de ces magies.
Suite à la guerre des Dieux, l'empire Voz'nar disparut pour toujours et chaque espèce créa son propre royaume. Les peaux-vertes restèrent néanmoins alliés tout comme les peaux-roses et la frontière entre ces alliances demeure intouchée depuis la fin de cette guerre. Les dragons furent néanmoins énormément réduits. Suite à la Peste Violette puis la guerre, leurs clans se retrouvèrent diminués et ne retrouvèrent jamais leur grandeur d'antan.