Chereads / [FR] Les Sentiers de Dieu - Sulkin Tierran / Chapter 68 - "Je vais le briser."

Chapter 68 - "Je vais le briser."

Une fois seul dans la prison, Sulk calma sa respiration pour se mettre dans des conditions propices à la méditation.

Yahzin était toujours présent, et malgré le fait qu'il ait extériorisé sa Trace pour aller visiter le reste de la mine, Sulk savait que le Patriarche était toujours dans la sphère de sa conscience.

Bien que sa Trace fut de plus en plus facile à contrôler au cours du temps, elle demandait malgré tout à Yahzin une concentration importante, et Sulk préférait éviter de le déranger.

Il avait un nouvel objectif, il devait canaliser sa colère.

En y repensant cela semblait de plus en plus possible de manifester sa Trace de cette manière, et Sulk dut contenir son excitation pour entrer pleinement dans un état méditatif.

L'idée qui lui était venue naturellement lorsque Yahzin lui avait parlé des émotions qui pouvaient l'aider était de focaliser sa mémoire sur tous les événements de sa vie ayant provoqué de la colère dans son cœur.

Peu à peu, Sulk coupa tout lien avec le monde extérieur, ne laissant qu'un infime fragment de son esprit alerte, ressentant les vibrations extérieures.

Une fois isolé, la forme spirituelle de Sulk dans son espace mental vide et blanc ferma les yeux.

Lorsqu'elle les rouvrit, l'espace initialement vide et monochrome s'était teinté d'une multitude de couleurs.

C'était l'idée qu'il avait imaginé pour visualiser ses souvenirs, Sulk l'avait développé depuis le début de sa quête de la Voie.

Depuis longtemps les bols rangés dans une étagère avaient disparu de son espace mental, et avaient pris une place différente de son esprit.

Dorénavant il suffisait à Sulk de se concentrer légèrement pour voir apparaître des filins colorés.

Les fils étaient en désordre tout autour de la projection de Sulk, comme enroulés sur eux mêmes, parfois proches parfois séparés, entremêlés partout.

Mais pour Sulk ce désordre apparent était naturel.

Il savait exactement où chercher et comment.

C'était normal, après tout c'étaient ses propres souvenirs, comment aurait-il pu se perdre ?

Tendant la main, Sulk attrapa un filin rouge sombre, presque violet qui flottait doucement devant lui.

La raison pour laquelle Sulk avait immédiatement pensé à sa mémoire lorsque Yahzin avait parlé de colère était précisément ce fil.

Chaque couleur représentait une émotion dans l'esprit de Sulk.

Parfois les teintes se mêlaient dans des points précis, lorsque le souvenir associé partageait plusieurs sentiments.

Les émotions positives étaient globalement plus claires, tirant souvent sur le bleu.

Par endroit lorsque c'était encore plus fort, on pouvait voir une teinte vert clair, exactement de la couleur de la jade que Sulk portait dans ses cheveux.

Les écartant par la pensée, Sulk se concentra sur le fil rouge.

En le tirant à lui une multitude d'images se construisirent toutes à la fois devant ses yeux.

Cela prend quelques temps pour décrire mais en réalité l'esprit de Sulk avançait à la vitesse de la pensée et seule une fraction de seconde s'était passée depuis qu'il avait fermé les yeux, assis sur le sol froid de la prison.

Une fois le filin rouge entièrement déroulé, Sulk ouvrit les yeux dans son espace mental.

Il sentait que son cœur battait légèrement plus vite, et que instinctivement ses dents s'étaient serrées.

C'était exactement comme Yahzin l'avait dit, la colère était une émotion difficilement contrôlable, et malgré la maîtrise de son corps que Sulk avait développé au cours du temps, involontairement la colère s'extériorisait.

Lorsque Sulk se rendit compte que cela fonctionnait, qu'il était plus proche que jamais de développer sa Trace, son excitation annula tous ses efforts, l'envie, l'espoir et la joie prenant le dessus sur sa colère.

Sulk soupira légèrement.

Il n'avait plus qu'une chose à faire s'il voulait canaliser pleinement sa colère au point d'extérioriser sa Trace.

Alors qu'il replongeait profondément dans sa mémoire, Sulk se fit la résolution de ne sortir que lorsqu'il serait confiant dans le fait d'être dans les conditions parfaites.

C'était comme ça qu'il fonctionnait, tout comme il avait quelques mois auparavant utilisé sa volonté de fer pour frapper le mur, une fois de plus Sulk fit appel à sa détermination et son acharnement.

Il ne sortit que quelques fois de sa mémoire pendant tout le mois.

La première fois au bout de quelques jours, puis au bout d'une semaine, et enfin deux semaines plus tard.

Dès l'instant où il ouvrait les yeux dans la cellule vide, il précipitait son poing sur la surface dure la plus proche, tentant de provoquer une réaction de la teinte violette au cœur de son méridien.

Cela va sans dire que chaque tentative se solda par un échec cuisant.

A plusieurs reprises, Sulk se rendit compte que certains souvenirs liés à la colère n'étaient pas vraiment appropriés pour ce qu'il tentait de faire.

Comme certaines mémoires étaient partagées entre plusieurs sentiments différents, Sulk les écarta doucement, ne gardant le filin que d'une couleur rouge la plus pure possible.

La vitesse à laquelle les images et les sons liés aux souvenirs était incroyable, et Sulk les repassaient en boucle, de la même manière qu'il avait pu le faire pour la vision de la Foudre.

Chaque passage, il sentait sa colère monter, son cœur accélérer, mais ce n'était jamais suffisant.

A chaque fois qu'il sortait, voir des heures et des jours à revivre les pires moments de sa vie s'évanouir dans l'écrasement douloureux de son poing causait une frustration grandissante et quasiment insoutenable.

Sans une volonté et une détermination à toute épreuve, jamais Sulk n'aurait pu tenir aussi longtemps dans le cauchemar de ses propres souvenirs.

Il n'avait pas eu la pire vie, mais elle avait été loin d'être agréable.

Cependant ce qu'il avait et que personne d'autre ne pouvait se vanter de posséder était un mental d'acier.

Yahzin revint de son exploration alors que Sulk venait d'échouer une nouvelle fois dans l'extériorisation de sa Trace.

La main de Sulk tremblait sous la douleur, et ses dents étaient si serrées qu'on pouvait entendre le grincement aigu de ses incisives.

Le Patriarche fut une fois de plus impressionné de la ténacité de Sulk, et se contenta simplement de retourner dans sa méditation.

Sulk était sur la bonne voie.

De toute façon il n'y avait pas d'autres solutions pour le moment.

La rage de Sulk augmenta à un autre niveau lorsque la fin du mois approcha et que le sol se mit à vibrer à nouveau.

Étrangement Sulk se calma rapidement, affichant sur son visage une expression presque sereine.

Comme il aurait pu le prédire, une fois de plus ce ne fut pas Mujin qui vint le voir, mais Shemn.

Sulk demeura immobile, assis contre le mur comme à chaque passage du garde.

La visite de Shemn ne dura pas longtemps, juste assez pour que ce dernier échange le sac vide contre une nouvelle ration de riz, sans oublier les cubes cette fois-ci.

Le cœur de Sulk était calmé, et son expression était presque joviale, à l'opposé de celle de Shemn.

C'était une idée de Sulk, qui fut content de remarquer que plus il paraissait serein, moins Shemn l'était.

Le garde n'avait pas oublié le regard que Sulk avait posé sur lui lors de sa visite précédente.

Il avait eu le temps de réfléchir au cours du mois, et était convaincu qu'il avait été stupide de s'effrayer de la sorte du regard d'un gamin enfermé.

Mais ce gamin était là, assis dans une cellule où il avait passé quatre mois de solitude totale, avec un air calme et détendu.

Cela le poussait à bout !

Alors qu'il retournait en arrière pour quitter une fois de plus la prison, Shemn se prit à penser.

"Je vais le briser. Si le mois prochain il n'a toujours pas perdu espoir et cette lueur dans ses yeux, je vais faire en sorte qu'il sache ce que c'est vraiment d'être en prison."