Chereads / [FR] Les Sentiers de Dieu - Sulkin Tierran / Chapter 69 - Toute l'horreur de la guerre

Chapter 69 - Toute l'horreur de la guerre

Bien qu'ils n'aient échangé aucun mot durant les quelques minutes qui avaient constitué sa seule interaction du mois avec un autre mineur, Sulk avait bien remarqué la colère dans les traits de Shemn.

"Heh, je pourrait peut-être apprendre de lui à exprimer ma colère."

Fermant les yeux de nouveau, maintenant que le garde était parti, Sulk retourna dans sa méditation.

Encore une fois il tenta de se mettre les nerfs à fleur de peau.

Il ne réussirait à canaliser la Trace que via la colère, mais il avait échoué à chaque tentative précédente.

Pour le deuxième mois d'affilé, Sulk tenta de ressentir toute la colère qu'il avait jamais connu.

Ce n'était pas un exercice simple, et à chaque fois qu'il se levait le cœur rempli de haine, il avait l'impression d'en vouloir au monde entier.

Il avait l'impression que le monde entier lui en voulait.

Et pourtant, aucune de ses tentatives de canalisation de sa colère par sa Trace ne semblait marcher. Sulk se posait un bon nombre de questions à ce sujet.

"Est-ce c'est la méthode qui n'est pas bonne ? Ou simplement la colère qui est pas suffisante ?"

Bien que sa vie n'ait pas toujours été la plus simple et confortable, Sulk se doutait qu'il n'était évidemment pas la plus grande victime.

Il avait passé toute sa vie jusque là dans une mine, à travailler et ramasser la roche, mais il avait eu son lot de chance.

Sa mère l'avait accompagné toute sa vie, jusqu'à récemment, et il n'était pas seul.

Et bien sûr il y avait la rune. Faire la connaissance de Yahzin avait changé tout aspect de sa vie, et c'était un changement pour lequel Sulk était très reconnaissant.

En comparaison, son ami Kahn avait eu une vie bien pire.

Seul depuis sa petite enfance, il avait du voler et se cacher continuellement pour parvenir à survivre dans un monde où c'était sûrement difficile.

Même lorsqu'il fut capturé et marqué à vie, descendu dans la mine pour travailler comme un esclave, il n'avait jamais baissé les bras.

La colère que Kahn ressentait à chaque instant devait dépasser de loin celle de Sulk. Et pourtant ce dernier ne pouvait rien y faire.

Il devait canaliser sa colère. Il avait retourné le problème dans son esprit des centaines de fois, mais c'était le seul moyen qu'il voyait pour provoquer sa Trace.

C'était après une séance de réflexion suite à un nouvel échec qui avait laissé sa main en morceaux que Sulk eut un déclic.

"Peut-être que si mes souvenirs ne sont pas suffisant... mon imagination le sera !"

Avec l'impression d'avoir compris quelque chose de plus grand que lui, Sulk se plongea dans son imagination.

Ayant vécu toute sa vie dans un espace clos où l'on ne pouvait s'attendre que à un certain nombre de choses, Sulk n'avait pas souvent sollicité son esprit de la sorte.

Bien souvent les jeunes mineurs apprenaient à ne pas trop se faire d'illusion et perdaient espoir de voir un jour le monde extérieur.

C'était en quelque sorte une protection de la part de leurs aînés, qui préféraient tuer leur imagination et leurs rêves pour leur éviter de la souffrance toute leur vie.

Mais cela avait pour conséquence de freiner la créativité des mineurs.

Yahzin l'avait remarqué en plusieurs occasions, par exemple lorsque Sulk s'était imaginé pour la première fois sa mémoire pour donner de la consistance à son esprit, la seule chose qu'il avait pu imaginer étaient les rangées de bols de la salle commune de son quartier de la mine.

Faire preuve de créativité était pour lui, comme pour tous les mineurs étant arrivés dans les profondeurs jeunes, un exercice difficile.

Mais Sulk n'était plus un simple mineur désormais, et son esprit avait connu plus de choses.

Il avait eu un aperçu de ce que la vie pouvait être grâce à la magie, et cela lui avait donné assez d'espoir pour planifier une évasion.

Mais l'idée qu'il venait d'avoir, le déclic qui avait été poussé par ses réflexion n'étaient pas en lien avec une quelconque tentative d'évasion.

Il devait imaginer ce qui pouvait l'emplir de colère.

Sulk repensa à ses amis, et principalement à Lingi.

"Et si Lingi était en danger ? Et si elle avait besoin de moi ?"

Continuant son développement mental, Sulk laissa libre cours à son imagination.

C'était quelque chose de cruel que de s'infliger cela, mais bientôt Sulk sut qu'il était sur la bonne voie quand il se retrouva malgré lui empli d'une colère sans précédent.

Inconsciemment son esprit lui disait d'arrêter, les images qu'il construisait de toute pièces étaient si horribles pour le garçon que plus d'une fois il songea à arrêter. Mais avec toute la détermination qui lui était propre, Sulk continua.

Le temps passait rapidement, et la majeure partie d'un mois s'écoula sans qu'il ne s'en rende compte.

Plongé dans ses pensées, le corps de Sulk tremblait occasionnellement.

Yahzin crut même déceler le début d'une larme dans ses yeux.

C'est alors que à l'insu de Sulk, la fumée noire dans son esprit se mit en mouvement.

Quittant le globe sombre, une volute si fine qu'elle était virtuellement invisible se dirigea vers la forme mentale de Sulk, assise en tailleur.

Sans même qu'il ne s'en rende compte, Sulk inspira toute la fumée qui était dissipée autour de lui. Ou plutôt la fumée s'insinua dans son esprit.

Perdu dans ses pensées et son imagination semblant se dérouler sans fin, Sulk ne vit aucun changement.

Mais peu à peu, à mesure que le temps passait, les images déjà atroces à supporter se teintèrent d'une noirceur incomparable.

Devant les yeux de Sulk se trouvaient des scènes sanglantes de guerre, de torture.

Ses narines étaient envahies par l'odeur métallique du sang, de la décomposition et de la mort.

Dans ses oreilles il y avait des sons stridents, des cris, le bruit du métal frappant le métal.

Et dans son cœur se trouvaient ses amis, acteurs de ces scènes si détaillées qu'elles semblaient réelles.

A chaque scénario se déroulant dans son esprit, ses amis, ses proches vivaient ces scènes inconcevables, et il était lui même impuissant.

La colère de Sulk augmenta de façon exponentielle alors que au cœur de la sphère noire dans son esprit, Yahzin ressentait une peine incroyable.

Jamais l'esprit de Sulk n'aurait pu imaginer seul des scènes d'un monde qu'il ne connaissait pas. Mais Yahzin savait toute l'horreur de la guerre.

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