Arc 1 : L'Éveil du Cristal
"Les souvenirs des morts ne mentent jamais. Mais celui-ci... respirait.
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La lampe à huile vacillait, projetant des ombres dansantes sur les étagères infinies de la Bibliothèque des Âmes Oubliées. Ryo passa un doigt sur le cristal qu'il venait de ranger, effaçant la fine couche de poussière.
_"Archive n°7294. Mémoire d'un marchand de la troisième ère. Cause de mort : inconnue."_
Sa voix résonna faiblement dans le silence oppressant. Ici, les morts ne dormaient pas - ils attendaient. Des milliers de cristaux scintillaient d'une lueur froide, chacun contenant une vie réduite à un fragment.
Quand le cristal tomba, Ryo eut à peine le temps de le rattraper. Une coupure à son doigt. Une goutte de sang.
Le monde explosa.
Un craquement sinistre déchira l'air. Des éclats violets jaillirent entre ses doigts. La lumière prit forme, s'étirant, grandissant - jusqu'à ce qu'une main diaphane émerge du cristal brisé pour se refermer autour de son poignet.
"Tu... tu m'as libérée ?"
La voix était comme du verre brisé - belle et dangereuse. Ryo leva les yeux sur la créature devant lui.
Elle flottait à quelques centimètres du sol, ses cheveux argentés ondulant dans un vent invisible. Sa robe en lambeaux laissait voir une peau parsemée de cicatères cristallines. Mais c'étaient ses yeux qui glacèrent Ryo - des abysses violets où dansaient des fragments de souvenirs.
"Non", bégaya-t-il. "On ne libère pas les morts. On les archive."
Un sourire tragique étira les lèvres d'Azura. Sa main toucha le front de Ryo.
La vision le frappa comme un coup de poignard : des flammes bleues, le Vortex se déchirant, son propre corps se consumant...
Les sirènes hurlèrent.
Quelque part dans les profondeurs de la bibliothèque, des pas métalliques résonnèrent. Les Gardiens.
"Ils vont te tuer", chuchota Azura en lui prenant la main. Ses doigts étaient froids comme la mort. "Suis-moi si tu veux comprendre pourquoi tu es déjà mort dans mes souvenirs."
Quand ils s'enfuirent entre les étagères, Ryo ne vit pas la silhouette observant leur fuite depuis la galerie supérieure. Ni le sourire du Directeur lorsqu'il effaça d'un geste la trace de sang sur le socle vide.
"Le cristal brisé gisait au sol. A travers les fissures, un mot visible seulement sous un certain angle : AZURA. Ecrit dans une langue que la Bibliothèque avait brûlée cinq siècles plus tôt."