Chapitre 4
Elena ajusta une dernière fois son manteau en se regardant dans le miroir de son salon. Elle avait opté pour une tenue sobre et élégante : un pantalon noir cintré, une chemise blanche fluide et un trench beige. Pas de couleurs criardes, rien de trop voyant. Elle refusait de s'habiller comme une WAG (Wives and Girlfriends), ces compagnes de footballeurs toujours ultra-lookées.
Mais malgré sa tenue soigneusement choisie, une nervosité étrange la gagnait.
— Qu'est-ce que je suis en train de faire ? murmura-t-elle pour elle-même.
Un coup de klaxon retentit dans la rue. Elle jeta un dernier regard à son reflet et attrapa son sac avant de descendre.
Devant son immeuble, une BMW noire aux vitres teintées l'attendait. Un chauffeur en costume en sortit et ouvrit la porte arrière avec un sourire professionnel.
— Señorita Moreau, je suis chargé de vous conduire au stade.
Elle hocha la tête et s'installa à l'arrière du véhicule. Alors que la voiture démarrait, elle sentit son cœur battre plus vite.
Elle avait assisté à de nombreux matchs, vu des dizaines de joueurs défiler, négocié des contrats compliqués et géré des affaires délicates.
Mais ce soir, c'était différent.
Ce soir, elle allait apparaître en tant que "fiancée" d'Alejandro Vasquez.
La pression n'avait jamais été un problème pour elle. Elle était madridista depuis son adolescence et connaissait l'univers du club sur le bout des doigts. Pourtant, le carré VIP était un monde à part. Elle ne l'avait jamais expérimenté de l'intérieur.
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Dès que la voiture franchit les grilles du stade, l'atmosphère changea du tout au tout.
Des foules de supporters vêtus de blanc affluaient de toutes parts, chantant et agitant des écharpes aux couleurs du Real Madrid. L'air vibrait d'excitation, les chants résonnaient déjà à l'intérieur du stade comme une marée humaine prête à rugir.
Le chauffeur arrêta la voiture devant une entrée privée. Un agent de sécurité s'approcha, reconnut immédiatement son nom sur la liste et lui ouvrit la porte.
— Señorita Moreau, bienvenue au Bernabéu. Suivez-moi, s'il vous plaît.
Elena inspira profondément et descendit de la voiture. Elle ne pouvait pas nier l'énergie électrisante du lieu.
Les lumières du stade brillaient au-dessus d'elle, immenses et aveuglantes. L'odeur du gazon fraîchement coupé, mélangée à celle des snacks vendus aux abords, flottait dans l'air.
Un employé du club l'accompagna à travers un couloir luxueux menant aux loges VIP.
— Votre place est juste ici, Señorita.
Lorsqu'elle entra dans la loge, elle se retrouva immédiatement sous les regards curieux de plusieurs femmes et hommes bien habillés. Certains étaient des familles de joueurs, d'autres des investisseurs ou des invités spéciaux du club.
Elena esquissa un sourire poli, mais elle sentait déjà qu'elle était observée avec attention. Elle n'était pas une habituée des lieux.
Et surtout, elle était "la nouvelle fiancée d'Alejandro Vasquez".
À travers la vitre panoramique, le terrain s'offrait à elle dans toute sa splendeur.
Le stade était plein à craquer. Plus de 80 000 supporters madrilènes chantaient d'une seule voix, brandissant fièrement leurs écharpes blanches. C'était un spectacle à couper le souffle.
Elena sentit une présence derrière elle. Lorsqu'elle se retourna, elle croisa le regard perçant d'une femme brune aux traits parfaits.
— Alors, c'est toi ? demanda-t-elle avec un sourire énigmatique.
Elena haussa un sourcil.
— Pardon ?
— La fiancée d'Alejandro.
Un frisson lui parcourut l'échine. C'était évident que cette femme la jaugeait, attendant de voir si elle était à la hauteur.
— Oui, c'est moi, répondit Elena avec assurance.
L'autre femme la scruta un instant, puis sourit.
— Intéressant… Je m'appelle Estella. La copine de Fran García.
Elena ne connaissait pas tous les joueurs du Real Madrid, mais le nom de Fran García lui disait vaguement quelque chose.
— Enchantée, Estella.
— Je me demande juste… dit Estella en sirotant un verre de champagne. Pourquoi Alejandro ne t'a jamais présentée avant ?
Elena garda son expression impassible.
— Nous avons voulu garder les choses privées aussi longtemps que possible.
Estella eut un petit rire.
— Bien sûr. Alejandro et la discrétion…
Elle haussa les épaules et s'éloigna pour parler à quelqu'un d'autre.
Elena soupira intérieurement. La soirée promettait d'être longue…
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Soudain, un rugissement assourdissant secoua le stade.
Elena sursauta. Les joueurs du Real Madrid entraient sur la pelouse, et Alejandro Vasquez était en tête du groupe.
Il portait le maillot blanc immaculé du club, ses cheveux bruns légèrement en bataille, et son regard déterminé fixé droit devant lui.
Même si elle trouvait son arrogance insupportable, elle devait reconnaître qu'il avait une présence magnétique sur le terrain.
La foule scandait son nom à l'unisson :
— ¡VASQUEZ! ¡VASQUEZ! ¡VASQUEZ!
Elena sentit un étrange frisson parcourir son dos. Pour la première fois, elle réalisait vraiment l'ampleur de ce qu'elle venait d'accepter.
Elle était la fiancée d'un des joueurs les plus célèbres du monde.
Et tout Madrid la regardait.
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Elena s'installa confortablement dans son siège en cuir du carré VIP, mais son esprit était ailleurs. Tout ce qui l'entourait lui semblait à la fois familier et étrangement nouveau.
Les cris des supporters, les chants entonnés en chœur, l'ambiance électrique d'un match du Real Madrid… Elle avait vécu ça des dizaines de fois.
Mais cette fois-ci, elle n'était pas qu'une simple spectatrice.
Elle était "la fiancée d'Alejandro Vasquez".
Elle jeta un regard discret autour d'elle. Plusieurs visages connus du monde du football et des affaires étaient présents. Certains la fixaient avec curiosité, d'autres chuchotaient entre eux.
Elle devait jouer son rôle à la perfection.
Sur la pelouse, le coup d'envoi venait d'être donné.
Le Real Madrid dominait dès les premières actions.
— Las Palmas va garer le bus ce soir, commenta un homme assis non loin d'elle.
— Comme toutes les équipes qui viennent ici, répondit une voix féminine derrière Elena.
Elle reconnut Estella, la petite amie de Fran García, qui lui lança un regard amusé avant de reporter son attention sur le match.
Sur le terrain, Alejandro évoluait à son poste de prédilection. Il était rapide, puissant, précis. Chaque fois qu'il touchait le ballon, le stade grondait.
Elena, malgré elle, se laissa happer par le jeu. Elle n'avait jamais nié son admiration pour le football et encore moins pour ce club.
Mais voir Alejandro jouer avec une telle intensité était une expérience différente.
— Tu es nerveuse ? demanda Camila en jetant un coup d'œil à Elena.
Elena haussa un sourcil.
— Pourquoi serais-je nerveuse ?
Camila haussa les épaules.
— C'est la première fois que tu le vois jouer en tant que… tu sais… fiancée.
Elena sourit légèrement et reporta son regard sur le terrain.
— Il joue bien. C'est tout ce qui compte.
Mais au fond d'elle, elle savait que ce n'était pas juste ça.
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À la 20e minute, le Real Madrid obtenait un corner. Alejandro se positionna dans la surface, prêt à exploiter la moindre opportunité.
L'arbitre siffla, le ballon fut tiré et…
BIM !
Alejandro s'effondra au sol après un duel aérien musclé avec un défenseur adverse.
— Putain… souffla Elena en se redressant instinctivement.
Sur la pelouse, Alejandro se tenait la tête. Le staff médical accourut.
— Ce n'est rien, souffla un homme derrière elle. Il est dur au mal.
Elena serra les poings sur son accoudoir. Ce n'était pas son problème, elle ne devait pas s'inquiéter.
Et pourtant, quand Alejandro finit par se relever, un bandage autour de la tête, elle sentit son cœur ralentir.
— Tu es déjà dans ton rôle de fiancée inquiète, on dirait, glissa Estella avec un sourire moqueur.
Elena lui lança un regard assassin.
— Ne raconte pas de bêtises.
Estella haussa les épaules, amusée.
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Alors que la première mi-temps touchait à sa fin, le Real Madrid obtenait un coup franc bien placé.
Alejandro se positionna derrière le ballon.
Elena savait ce que cela signifiait.
Le stade entier retint son souffle.
L'arbitre siffla.
Alejandro frappa.
Le ballon fila comme une fusée et transperça la lucarne.
BUUUUUUUT !
Le Bernabéu explosa.
Elena se leva instinctivement sous la clameur du stade.
Alejandro, lui, courut vers le coin du terrain, leva les bras et fit un geste vers les tribunes VIP.
Vers elle.
Elena sentit son souffle se bloquer une fraction de seconde.
Le message était clair.
Il lui a dédiée le but.
Un geste capté par les caméras.
Elena resta figée quelques secondes, son regard toujours rivé sur Alejandro. Il venait clairement de la désigner du doigt après son but.
Et comme elle le craignait, les caméras ne ratèrent rien.
L'écran géant du Bernabéu afficha son visage sous tous les angles. Un ralenti montra même Alejandro levant les yeux vers elle, un sourire en coin.
— Ouh là, souffla Estella à côté d'elle, hilare. Si ce n'était pas officiel avant, ça l'est maintenant.
Un brouhaha monta dans le carré VIP. Plusieurs personnes lui jetèrent des regards curieux, d'autres commentaient déjà.
— Ils sont ensemble depuis longtemps ?
— Je pensais qu'il n'était pas du genre à se caser…
— Elle est sublime, ça ne m'étonne pas.
Elena serra la mâchoire.
Le plan du club fonctionnait à merveille.
Elle sentit son téléphone vibrer frénétiquement dans son sac. Des messages, des notifications, des appels.
— Félicitations, future madame Vasquez, plaisanta Estella en levant son verre de champagne.
Elena lui lança un regard noir.
— Arrête avec ça.
Mais au fond, elle le savait. Ce simple geste venait de changer la donne.
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Alors que la deuxième mi-temps débutait, Elena se força à se concentrer sur le jeu.
Alejandro était de retour sur le terrain, toujours aussi imposant. Si la première période avait été maîtrisée, la seconde s'annonçait plus compliquée.
Las Palmas revint avec de meilleures intentions, resserrant leur défense et jouant plus agressivement.
À la 55e minute, Alejandro récupéra un ballon dangereux dans la surface, dribbla un défenseur et tenta une frappe… bloquée de justesse par le gardien.
Le stade gronda de frustration.
Dans les tribunes, Elena ne put s'empêcher de se pencher en avant, captivée. Elle connaissait ce sentiment. L'excitation d'un match serré.
Mais ce qui était nouveau, c'était cette étrange sensation au creux de son ventre chaque fois qu'Alejandro touchait le ballon.
À la 70e minute, un défenseur adverse accrocha violemment Alejandro. Il s'écroula, tordu de douleur.
Le Bernabéu siffla bruyamment, demandant un carton.
Elena sentit une montée de colère instinctive.
— C'est une faute grossière ! lâcha-t-elle sans même s'en rendre compte.
Estella l'observa, un sourire en coin.
— Tu es vraiment dans ton rôle, dis-moi.
Elena croisa les bras, feignant l'indifférence.
— Je défends juste un joueur du club.
— Bien sûr.
Sur le terrain, Alejandro se releva difficilement. L'arbitre ne sortit qu'un carton jaune.
— C'est une blague, grogna Elena.
— Oh, je vais adorer te voir nier encore longtemps que tu es concentré que sur lui, s'amusa Estella.
Elena préféra ignorer la remarque.
Mais elle savait que quelque chose clochait.
Pourquoi était-elle aussi investie ?
À la 85e minute, alors que le Real Madrid menait toujours 1-0, Alejandro reçut un centre parfait.
Un face-à-face avec le gardien.
Tout le stade se leva.
Elena retint son souffle.
Il frappa.
BUUUUUUT !
Le Bernabéu explosa de joie.
Alejandro courut célébrer en levant les bras, ses coéquipiers l'entourèrent.
Mais juste avant de rejoindre ses partenaires, il jeta un rapide coup d'œil vers la tribune VIP.
Un regard furtif.
Presque imperceptible.
Mais Elena le remarqua.
Et son cœur rata un battement.
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Le coup de sifflet final retentit, confirmant la victoire du Real Madrid. Le Bernabéu rugit une dernière fois, célébrant le succès de son équipe.
Elena se leva sous les applaudissements du carré VIP, mais son esprit était ailleurs.
Alejandro avait brillé sur le terrain, et maintenant, elle allait devoir jouer son rôle à la perfection.
Quelques minutes plus tard, un officiel du club s'approcha d'elle.
— Mademoiselle Moreau ? On vous autorise à rejoindre Alejandro dans le vestiaire.
Elle arqua un sourcil.
— C'est une habitude, ça ?
— Disons que pour la "future madame Vasquez", on fait une exception.
Elena sentit une vague d'agacement, mais elle se força à sourire. Ce n'était que le début.
Lorsqu'elle entra dans le vestiaire, l'ambiance était euphorique.
Les joueurs chantaient, certains dansaient, d'autres prenaient des selfies avec le trophée de "Homme du Match" qu'Alejandro venait de recevoir.
Des bouteilles d'eau volaient, et l'odeur du vestiaire était un mélange de sueur, de parfum et de victoire.
Elle chercha Alejandro du regard et le trouva, torse nu, une serviette autour des hanches, un large sourire aux lèvres.
Il respirait l'assurance et l'adrénaline.
En la voyant, il s'approcha lentement, sous les regards amusés de certains coéquipiers.
— Alors, tu es venue admirer le champion de plus près ? lança-t-il avec arrogance.
Elena croisa les bras, levant les yeux au ciel.
— Je suis venue pour remplir mon rôle.
— C'est très romantique.
Un des joueurs, un milieu de terrain connu pour son humour, siffla en passant à côté d'eux.
— Les gars, vous avez vu ? Alejandro a déjà appris à fermer sa gueule devant sa femme !
Des rires fusèrent.
Elena se contenta de hausser un sourcil.
— S'il pouvait apprendre à faire ça plus souvent, ce serait une victoire pour moi aussi.
Les autres éclatèrent de rire, tandis qu'Alejandro secouait la tête, mi-amusé, mi-exaspéré.
— Attends moi dehors, dans 10 minutes on pourra s'en aller.
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Sur le trajet du retour, dans sa voiture luxueuse, Alejandro semblait étrangement calme.
Elena, elle, fixait la ville illuminée à travers la vitre, pensant au tourbillon dans lequel elle venait de plonger.
Puis, sans la regarder, il lâcha :
— Cette semaine, on signe le contrat de mariage.
Elle détourna brusquement la tête vers lui.
— Déjà ?
— Oui. Et le mariage aura lieu ce week-end. Une petite cérémonie, rien d'extravagant.
Elena sentit un frisson lui parcourir l'échine. Tout devenait de plus en plus réel.
— Ça va vite.
— C'était le deal.
Il tourna enfin la tête vers elle, son regard perçant.
— Tu es toujours prête à jouer, non ?
Elena prit une profonde inspiration.
— Toujours.
Mais au fond, elle savait qu'elle venait de franchir un point de non-retour.