À l'origine, Ouranos régnait sans partage sur le ciel. Son immense voûte étoilée recouvrait le monde, et il observait d'un regard souverain Gaïa, la Terre, qui, en silence, portait en elle le futur. Leur union était inévitable, et de cette étreinte naquirent des êtres divins : les Titans et Titanides, six fils et six filles aux puissances immenses.
Mais ce n'était que le début.
Le destin de cette lignée allait basculer, non sous le poids du temps, mais sous celui de l'ambition, de la vengeance et de la révolte.
Naissance des Titans et Titanides
Les douze enfants se tenaient devant leurs parents, fiers et majestueux. Le plus ancien, Océan, avait le regard aussi profond que les flots qu'il gouvernerait bientôt. À ses côtés, Céos et Crios échangeaient des paroles discrètes, Hypérion observait le ciel comme s'il cherchait déjà à percer ses mystères, tandis que Japet semblait méditer sur des secrets que seul l'avenir dévoilerait.
Les six filles, les Titanides, partageaient la même prestance :
Théia, dont les yeux brillaient d'un éclat semblable aux astres,
Rhéa, qui semblait incarner la douceur et la maternité,
Thémis, future déesse de la justice,
Mnémosyne, la mémoire vivante du monde,
Phébé, aux pensées aussi rapides que l'éclair,
Téthys, dont la présence évoquait le murmure des eaux.
Les Titans grandirent, et bientôt, chacun prit place dans l'ordre du cosmos. Hypérion s'unit à Théia, et ensemble, ils engendrèrent trois enfants qui allaient façonner le cycle des jours : Hélios, le Soleil, Séléné, la Lune, et Éos, l'Aurore.
De son côté, Japet épousa Clyméné, fille d'Océan, et elle lui donna quatre fils, dont Prométhée, celui qui, plus tard, défierait les dieux en offrant le feu aux hommes.
Pourtant, une ombre planait sur cette famille divine. Une ombre qui allait tout changer.
Les enfants maudits d'Ouranos et Gaïa
Un jour, alors que Gaïa se promenait à la surface du monde, son ventre s'arrondit de nouveau. Une nouvelle grossesse, différente des précédentes.
Mais lorsque les nouveaux-nés virent le jour, le regard d'Ouranos se durcit.
— Qu'as-tu fait ? gronda-t-il en voyant ses fils.
Ces enfants n'étaient pas comme les Titans. Ils n'avaient ni la grâce ni l'harmonie de leurs aînés.
Les Cyclopes, gigantesques, n'avaient qu'un œil rond au milieu du front, leur donnant un air étrange et inquiétant. Leur force dépassait celle de tous les autres Titans réunis.
Puis vinrent les Hécatonchires, surnommés les Cent-Bras. Leurs cent bras et leurs cinquante têtes faisaient trembler le sol à chaque pas. Ils étaient plus terrifiants encore.
Ouranos, pris de dégoût, refusa de leur accorder une place dans le monde.
— Ils ne verront jamais la lumière du jour ! rugit-il en les jetant dans les profondeurs du Tartare, cet abîme ténébreux sous la terre.
Gaïa, impuissante, regarda ses enfants disparaître dans l'obscurité.
Mais son cœur de mère saignait.
La colère de Gaïa
Les années passèrent, mais la douleur de Gaïa ne s'atténuait pas. Chaque nuit, elle entendait les cris de ses enfants enfermés dans le Tartare. La souffrance et l'injustice la rongeaient.
Elle tenta de raisonner Ouranos.
— Libère-les, ils sont nôtres ! plaida-t-elle.
— Jamais. Ces monstres ne méritent pas de fouler cette terre ! trancha-t-il.
Alors, Gaïa décida qu'il était temps d'agir.
Dans le secret de la nuit, elle rassembla les Titans, leur demandant de se rebeller contre leur père.
Mais la peur paralysait ses fils.
— Affronter Ouranos ? chuchota Océan. C'est insensé !
— Il est trop puissant… murmura Céos.
— Nous risquons de subir le même sort que nos frères… ajouta Japet.
Gaïa voyait leur hésitation, mais un seul d'entre eux n'avait pas baissé la tête.
Cronos.
Le plus jeune des Titans, ambitieux et impitoyable, s'avança.
— Je le ferai.
Gaïa posa sa main sur son épaule, un sourire fier illuminant son visage.
— Alors écoute-moi bien, mon fils…
L'attentat contre Ouranos
Cette nuit-là, le ciel était limpide, la lune seule éclairait le monde endormi. Ouranos dormait profondément, inconscient du piège qui se refermait sur lui.
Dans l'ombre, Cronos avançait, une serpe forgée par Gaïa dans la main. Son cœur battait fort, mais il n'hésitait pas.
Un pas. Un autre. Il était là.
Ouranos dormait sur un lit de nuages. Son souffle puissant résonnait.
Alors, dans un éclair d'acier, Cronos abattit la serpe.
Le cri qui s'éleva transperça le ciel. Ouranos, mutilé, hurla de douleur et de rage.
Le sang du dieu céleste jaillit et tomba sur la terre. Gaïa observa ce spectacle avec satisfaction.
Le règne d'Ouranos était terminé.
Mais du sang répandu naquirent les Érinyes, terribles déesses de la vengeance, les Géants, êtres colossaux promis à des batailles futures, et les Méliades, nymphes des frênes.
Ouranos, agonisant, maudit son fils :
— Tu régneras, Cronos, mais souviens-toi… Un jour, l'un de tes propres enfants te fera subir le même sort !
Et sur ces paroles, Ouranos disparut, abandonnant le monde à son fils.
Un nouveau règne, une nouvelle menace
Cronos était maintenant le maître du monde. Son premier acte fut de libérer ses frères et sœurs Titans.
Mais, prisonnier de la prophétie de son père, il commença à craindre sa propre descendance.
Alors, il prit une décision terrible : dévorer ses propres enfants.
Mais une mère veillait encore dans l'ombre. Une mère qui refusait de perdre un autre fils.
Son nom ? Rhéa.
Et déjà, en son sein, le destin du monde grandissait…