On dit que la vie ne tient qu'à un fil, mais peu de gens en ont réellement conscience.
Aujourd'hui, je peux enfin dire que la vie est belle : j'ai de quoi manger, de quoi boire et, mieux encore, je viens d'acquérir un magnifique palais rien qu'à moi et ma famille. Enfin… palais est un bien grand mot pour désigner ce taudis de 10 m², une cabane perchée sur un immeuble abandonné. Théoriquement, ce n'est pas l'endroit qui compte, mais les personnes avec qui sur le partage. À moins que ce ne soit l'inverse…
— Sirius, arrête de rêver et donne-moi un coup de main !
Je fais un signe de tête à Iris et me mets à ranger le peu d'affaires que nous possédons.
Toc toc.
Je me retourne, intrigué. Lucy se tient à l'entrée, comme à son habitude, sans prendre la peine de frapper. Ah, j'oubliais… nous n'avons pas de porte. Mais alors, d'où venait ce bruit ?
— Alors, les jumeaux, qui a une main et trois billets ?
Je fronce les sourcils.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Je suppose que tu vas me le dire, rétorqué-je d'un ton neutre.
— Sirius, tu sais que tu n'es pas drôle ?
— J'ai un humour très particulier.
— Oh, moi, je connais un vrai clown ! s'exclame Iris en souriant.
— Erreur, ma petite Iris. Mais passons… ne vous fais-je pas attendre ? J'ai trois laissez-passer pour la capitale.
Je laisse tomber ce que j'ai en main, stupéfait. Iris affiche la même expression choquée. Nous restons figés, suggérons d'assimiler la nouvelle. Tout le monde dans les bas-fonds rêve de la capitale. Peu importe les guerres ou les catastrophes, elle reste toujours debout. Mais ce n'est pas parce qu'on en rêve que nos rêves deviennent réalité.
— Comment tu les as eus ? demande Ir n'y locataire plus.
— Eh bien… il n'y a rien au monde qui puisse résister à mon sourire ravageur !
Iris la fixe, fascinée, tandis que je la dévisage avec un regard froid et accusateur. Lucy Rougit et détourne les yeux.
— N'aie pas de pensées déplacées, ce n'est pas ce que tu crois ! se défend-elle. J'étais en mission, et cette pauvre âme, pour me remercie de l'avoir accordé du repos, m'a gentiment offert ces laissez-passer.
Une façon bien étrange de parler d'un meurtre. Mais que croit-elle que j'imaginais ?
— On s'était pourtant mis d'accord pour arrêter, dis-je, impassible.
— C'est la dernière fois promise.
— C'est ce que tu avais dit pour le vieux Griffin.
— Paix à son âme ! Mais 49, c'est un chiffre porte-malheur.
— Depuis quand les chiffres ronds présagent-ils du bonheur ? demandé-je, perplexe.
— Ce n'est pas la question ! Rassemblez vos affaires, en part demain à l'aube.
— Quoi ? Il nous reste moins d'une journée ? s'écrie Iris.
— Eh oui, ma petite. Ce pauvre homme devait rendre visite à sa mère mourante et avait prévu de partir tôt.
— Pas assez pressé, à mon avis, marmonné-je.
— On devrait penser à lui offrir des fleurs, ajoute Iris d'un ton sarcastique.
Je me demande si elle fait allusion à notre bienfaiteur ou à un autre défunt. Et au fait… d'où viennent les deux autres billets ?
— Ma petite Iris, où sont les sérums ? demande Lucy.
— Demande à Sirius.
— Tu as bu la dernière dose ce matin, dis-je. Je vais nous en réapprovisionner.
— N'oublie pas de passer chez Victor récupérer ma prime.
— Ok. Passe-moi la tête.
— Ça roule, ma poule !
Je lève un sourcil.
— Depuis quand suis-je ta poule ?
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Les rues sont anormalement plus animées que d'habitude. Les gens courent dans tous les sens comme si c'était la fin du monde. Pourquoi cette agitation soudaine ? Le monde aurait dû s'effondrer il ya mille ans, et pourtant, nous sommes toujours là.
J'aperçois une faute devant la pharmacie. D'ordinaire, des policiers montent la garde ici en permanence… mais aujourd'hui, personne. Curieux. En temps normal, j'aurais essayé d'en savoir plus, mais j'ai un train à prendre demain.
Je me déteste, longeant les ruelles sombres en direction du quartier des citoyens. Qui aurait cru qu'un tueur à gages tiendrait ses bureaux en face de la mairie ? Victor a toujours dit qu'il n'y avait pas de meilleure cachette que la lumière.
Arrivé devant un petit immeuble, je remarque que la réception est vide. Brenda, d'ordinaire vissée à son écran sous prétexte d'accueillir les clients, est absente. Je fronce les sourcils mais ne perds pas de temps. Je connais le chemin par cœur.
Je frappe à la porte du bureau de Victor. Aucun fils. Pourtant, j'entends du bruit à l'intérieur. Je prends la liberté d'entrer.
— Hé, Victor, tu as égaré tes oreilles ?
Je balance la tête de mon contrat sur son bureau.
Victor lève les yeux vers moi, le regard sombre. L'ai-je mis en colère ?
— Depuis quand tu te crois drôle ? grogne-t-il.
— Moi qui voulais détendre l'atmosphère… soufflé-je en prenant place en face de lui.
Son expression reste figée.
— Ce n'est pas le moment de plaisanter. Sur un problème.
— Oh, l'Ordre t'a attrapé ?
— J
j'aurais été malhonnête.
Il me fixe droit dans les yeux, grave.
— C'est la fin du monde.