Chereads / The prince of madness / Chapter 1 - Hawthorn

The prince of madness

Abdoul_Kone
  • 7
    chs / week
  • --
    NOT RATINGS
  • 93
    Views
Synopsis

Chapter 1 - Hawthorn

La plume de Marie glissait doucement sur un papier jauni, de mauvaise qualité, le grattement presque imperceptible se mêlant aux sons des gouttes de pluie qui frappaient les fenêtres de leur demeure en ruine. Le plafond, fissuré et tremblant, laissait s'échapper des filets d'eau glacée qui tombaient à intervalles irréguliers, créant une symphonie désordonnée. Ces gouttes rejoignaient des flaques qui s'étendaient lentement sur le sol déformé par l'humidité. L'odeur du bois pourri, mêlée à celle de la moisissure rampante, imprégnait chaque recoin de la pièce, s'infiltrant jusque dans les vêtements de la jeune fille.

La lumière vacillante d'une unique lampe à huile projetait des ombres mouvantes sur les murs décrépis, comme si la maison elle-même respirait dans la pénombre. Au-dehors, les rues de Blackmoor étaient noyées dans une brume épaisse, presque irréelle. Les rares passants s'effaçaient dans la nuit, leurs silhouettes indistinctes évoquant des spectres errant sans but dans ce quartier abandonné.

Marie, blottie sur une chaise bancale près d'une table cassée , replongea son regard dans son journal. Ses mains, bien que fines et délicates, étaient légèrement rougies par le froid mordant qui s'infiltrait à travers les fissures béantes des murs. Elle trempa sa plume dans l'encre et la posa sur la feuille.

Jeudi 20 avril 1858

Aujourd'hui, comme tous les autres jours, le froid mord nos os. Le vent s'infiltre à travers les murs fissurés , comme une lame invisible et cruelle, et la pluie s'abat sans répit, transformant notre maison en ruine en une passoire lugubre. Cette maison – si on peut encore l'appeler ainsi – n'est plus qu'un vestige. Les pierres qui la composent semblent prêtes à s'effondrer à chaque instant, comme un cadavre qui se décompose lentement. Les tuiles manquantes sur le toit laissent entrer des gouttelettes glacées jusque sur le sol, formant des mares d'eau stagnante où flottent des morceaux de bois rongé par le temps.

Mère n'est toujours pas revenue. Chaque jour qu'elle passe à l'extérieur, je me demande si elle reviendra un jour. La dernière fois que je l'ai vue, elle paraissait encore plus fatiguée que d'habitude. Ses joues, autrefois pleines et roses, sont devenues creuses, comme si la vie elle-même s'était retirée de son corps. Ses yeux, qui brillaient autrefois d'une lueur malicieuse, sont désormais ternes, comme éteints par une douleur que nous ne pouvons qu'imaginer. Si elle revient, ce sera peut-être avec quelques pièces, mais si elle reste là-bas… Elle nous apportera seulement plus de honte.

Marie posa un instant la plume, les doigts tremblants. Elle les observa avec attention : ils étaient si fins, presque translucides, mais, comme le reste de son corps, ils portaient les masques de leur misère. Ses ongles étaient cassés, ses paumes légèrement abîmées par les travaux qu'elle effectuait pour survivre.

Même ainsi, la beauté des Hawthorn était indéniable. Une beauté étrange, presque irréelle, qui semblait une malédiction dans leur situation. Ses longs cheveux blonds, bien que ternis par la saleté, tombaient en boucles élégantes sur ses épaules maigres. Son visage, fin et délicat, portait une expression de tristesse mêlée à une résilience farouche. Ses lèvres, bien que secs , formaient une courbe parfaite, tandis que ses yeux d'un bleu clair profond semblaient renfermer des océans d'émotions.

Elle fronça les sourcils et reprit son écriture avec plus de force, comme pour se raccrocher à ce moment de lucidité.

Arthur est resté assis près de la cheminée éteinte toute la journée. Ses yeux, cet étrange mélange d'un noir abyssal et d'un bleu glacial, paraissent encore plus intenses qu'avant. Ils brillent d'une lumière inquiétante, presque surnaturelle. Il parle peu, mais chaque mot qu'il prononce semble peser une tonne, comme s'il réfléchissait à mille choses que nous ne pouvons comprendre.

Je sais qu'il est spécial. Différent. Sa maladie, la Lucidité, est à la fois un don et une malédiction. En ville, les gens murmurent à son sujet, le décrivant comme un être touché par les dieux. Un génie. Mais moi, je le vois dépérir chaque jour un peu plus. Il est si beau que c'en est terrifiant. Ses cheveux noirs et bouclés encadrent un visage qui ressemble aux statues des églises. Et pourtant, quand il me regarde, c'est comme s'il voyait à travers moi, déchiffrant des secrets que je ne connais même pas.

Michael est rentré tard. Je l'ai vu arriver, les épaules basses, les poches vides, un air d'échec inscrit sur son visage. Je pense qu'il a encore perdu un pari, mais il ne l'admettra jamais. Il tente toujours de nous convaincre qu'il pourra ramener de l'argent un jour. Mais nous savons tous que c'est un mensonge. Nos chances, si nous en avions un jour, nous ont quittés depuis longtemps.

Anne, elle, continue de s'occuper des jumelles, Marguerite et moi. Elle travaille comme une forcenée, nettoyant les demeures des riches avec ce sourire forcé que je connais si bien. Je sais qu'elle les déteste autant qu'ils nous méprisent. Mais elle n'a pas le choix. Elle fait tout cela pour nous. Et moi, je regarde, impuissante, incapable de lui venir en aide. Chaque jour qui passe me vide un peu plus de ma force et de mon espoir.

Marie s'interrompit de nouveau. Elle laissa échapper un soupir en fermant son journal et leva les yeux vers la fenêtre. Le monde extérieur semblait si loin. La brume avalait les formes, étouffait les bruits, rendant la ville méconnaissable. Pourtant, elle savait ce qui se trouvait dehors : la misère, la faim, et ces regards éteints de ceux qui, comme eux, luttaient pour survivre.

Elle se souvint d'un autre temps, un temps où ils étaient riches, respectés. Où leur père… Elle hésita. Les souvenirs de cet homme étaient flous, comme un rêve dont les contours s'effacent.

« Blackmoor… » murmura-t-elle. Cette ville les avait avalés, comme elle avait avalé tant d'autres avant eux.

Elle se leva finalement, serrant son journal contre elle. Dans la pièce principale, Arthur était toujours là, assis devant les cendres froides de la cheminée. Ses traits surnaturels restaient impassibles, mais dans ses yeux brillait une flamme que Marie ne pouvait comprendre. Une flamme sombre .