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Chapter 12 - Ce que l'homme a vu

"Aïe ! Aïe !"

Eve grimça sous l'impact de sa chute sur le sol mouillé. Sans parapluie au-dessus de sa tête, les gouttes de pluie tombaient sur elle. Ses vêtements s'imbibèrent rapidement, et ses cheveux devinrent humides.

Elle lança alors un regard un peu dur à l'homme. Se poussant sur ses pieds, elle se planta devant lui, qui se tenait avec un parapluie noir au-dessus de sa tête.

Ses cheveux argentés se confondaient presque avec la pluie, mais ils étaient plus foncés et plus marqués quand elle diminuait. Avec la cape couvrant ses vêtements en dessous, Eve ne prit pas note de son origine.

"Pourquoi ne m'avez-vous pas empêchée de tomber ?" Lui demanda-t-elle, ressentant une douleur sourde dans son postérieur. Elle avait vu son regard se déplacer vers sa main, mais il n'avait fait aucun effort pour bouger.

"Vous ne l'avez pas demandé," répondit l'homme, ses mots plus tranchants que le bruit de la pluie qui les entourait.

Pas demandé ?

"Un gentleman aurait eu la gentillesse de l'arrêter avant même qu'on le lui demande," dit Eve, les franges de ses cheveux collées à présent à son front.

L'homme la dévisagea un instant avant qu'un côté de ses lèvres ne se retrousse, et ses yeux couleur cuivre-rouge pétillèrent, "Je suppose que je ne suis pas un gentleman."

Eugène, qui marchait en tête, se rendit enfin compte qu'Eve n'était plus derrière lui et ses yeux s'écarquillèrent. Il regarda à gauche et à droite avant de rebrousser chemin dans la direction d'où il venait. Il vit Eve debout devant un inconnu, et elle avait l'air sur le point de se battre.

Un froncement de sourcils apparut sur le front d'Eve, et elle dit, "Vous êtes un homme impoli—"

L'homme fit un pas en avant et, juste pour ce moment, son parapluie offrit un abri à Eve.

Elle remarqua que ses yeux se rétrécissaient de manière inquiétante, et il dit d'une voix basse et moqueuse, "Les petites filles devraient rentrer vite chez elles. À moins que vous ne souhaitiez que d'autres vous voient…"

Le visage d'Eve pâlit, et on aurait pu croire que c'était à cause de la pluie, où de petites gouttes d'eau dévalaient son visage puis son cou avant de disparaître dans sa robe. Sa peau d'écailles était-elle en train de se révéler ? Mais c'était impossible, la pensée lui traversa rapidement l'esprit. Elle avait appris à contrôler et à cacher son véritable aspect. Mais maintenant, il pleuvait.

Elle recula rapidement de deux pas, faisant bien attention de ne pas retomber et de se ridiculiser une nouvelle fois.

"Dame Eve !" Eugène arriva à ses côtés avec son parapluie qui était tombé au sol.

En présence d'Eugène, l'homme partit dans l'autre direction sans lâcher un mot d'excuse.

"Ça va ?" Demanda Eugène, "C'était quelqu'un que vous connaissiez ?" Eve, encore alarmée, lui demanda,

"Eugène, à quoi ressemble mon visage ??" Elle tourna la tête de gauche à droite.

Un peu perplexe, Eugène répondit, "Vous êtes trempée. Tenez, prenez le parapluie."

Eve saisit le parapluie dans sa main et tourna les yeux dans la direction où l'homme avait maintenant disparu sous la pluie. Pourquoi avait-il dit cela alors ? Ses écailles étaient-elles apparues et disparues ?

"La pluie ne semble pas vouloir s'arrêter de sitôt. Rentrons vite à la maison," Eugène les pressa de quitter cet endroit et de s'éloigner du marché.

En rentrant chez elle, Eve replia son parapluie et le laissa s'appuyer contre le mur. Elle monta les escaliers en courant.

"Faites attention avec ça—ATCHOUM !" Eugène éternua, bien qu'il ne soit pas celui à être trempé sous la pluie.

Eve avait déjà atteint le haut des escaliers et était arrivée à sa chambre. En fermant la porte derrière elle, elle se dirigea devant le miroir. Comme prévu, elle ressemblait à un chat égaré jeté sous la pluie.

Ses yeux bleus ressortaient comparés à sa peau mouillée et froide. Elle examina rapidement son visage puis son cou, mais ne trouva aucune trace de ses écailles. Ce fut quand ses yeux baissèrent plus bas qu'elle remarqua que sa robe collait à sa peau comme une seconde peau. La robe beige qu'elle portait aujourd'hui était devenue transparente.

Le sang lui monta au visage de gêne pour ne pas s'en être rendu compte plus tôt.

Pour aggraver les choses, elle avait aussi reculé de deux pas devant lui, lui laissant voir ses courbes féminines et sa robe moulante et humide.

Après avoir changé pour une robe sèche, elle frotta ses cheveux mouillés.

Quand elle jeta un œil à son visage avec ses cheveux mouillés détachés, elle paraissait avoir ses dix-huit ans. Jeune comme les autres filles de cet âge, son visage était impeccable et lisse. Ayant perdu sa mère très jeune, Eve n'avait pas de réponses au fait qu'elle avait cessé de vieillir.

Elle grincia des dents en se souvenant de l'homme impoli qui l'avait appelée 'petite fille'. Elle était une femme !

Quand Dame Aubrey revint à la maison, après que la pluie se fut arrêtée.

"Bon retour, Dame Aubrey," accueillit Eugène en prenant son manteau.

"Où est Eve ?" S'enquit la femme, les lèvres ourlées en une ligne fine.

"Elle est dans la cuisine à broyer les pierres," répondit Eugène, se demandant pourquoi la dame avait tout de suite demandé après Eve.

Dame Aubrey se dirigea vers la cuisine. Elle trouva Eve, utilisant le mortier et le pilon pour broyer les pierres.

Avant qu'Eve puisse la saluer, Dame Aubrey demanda, "Est-ce vrai, Eve ?"

"Quoi ?" Eve pencha la tête.

"Avez-vous giflé quelqu'un à la ville de Skellington aujourd'hui ?" exigea Dame Aubrey, et l'expression sur le visage d'Eve était éloquente. Un soupir fatigué et exaspéré s'échappa des lèvres de la femme, "Pourquoi ? Pourquoi avez-vous fait ça ?"

La femme plus âgée semblait ne pas savoir quoi faire d'Eve. Quelques minutes avant de partir de chez Mme. Henley, la dame avait reçu la visite d'une personne qui lui avait parlé d'une femme de basse condition du Pré qui avait giflé un homme. Dame Aubrey avait des doutes, mais à présent, elle les confirmait.

"Comment l'avez-vous appris ?" Demanda Eve, continuant de broyer les pierres avec soin. Que les commérages se propagent-ils si rapidement d'une ville à une autre ? Ce n'était pas comme si elle avait giflé un Lord ou un Duc. L'homme était une créature vile.

"Peu importe comment je l'ai su. Qu'est-ce qui s'est passé pour que vous deviez le gifler ?" Dame Aubrey attendit qu'Eve parle. De l'inquiétude apparut sur le visage de la femme, et elle demanda, "C'était involontaire ?"

Eve pouvait dire que Tante Aubrey allait bientôt défaillir d'angoisse. Elle secoua la tête, "Non, c'était intentionnel."

"Oh, cher Dieu," la femme plus âgée posa sa main sur son front avec incrédulité.

"Il le méritait. En fait plus que ça," répondit Eve, utilisant plus de force pour broyer les pierres. "Il devrait se considérer chanceux que je ne l'ai pas frappé avec mon parapluie après m'avoir malmenée," ajouta-t-elle. Les sourcils de Dame Aubrey se froncèrent, comprenant finalement ce qui avait dû se passer, et elle soupira.

Comme soudainement éclairé, Eugène remarqua, "Ah ! Je comprends maintenant pourquoi votre parapluie aurait pu être endommagé par la chaleur," réalisant le sens des mots plus tôt prononcés par Eve.

Quand Dame Aubrey prit place à la table à manger, Eve lâcha le pilon, et elle se plaça derrière la dame plus âgée. Elle massa soigneusement les épaules de la femme pour apaiser son inquiétude. Puis elle dit,

"Je ne voulais pas causer de problèmes."

Dame Aubrey ne pouvait gronder Eve car ce qui s'était passé était inévitable. Elle demanda, "Comment vous êtes-vous retrouvée avec cette personne ? Peu importe. Vous devez être prudente, Geneviève. Surtout avec les gens de Skellington," et Dame Aubrey soupira à nouveau. "Si les gens découvrent que c'était vous qui avez giflé 'l'homme respectable', vous pouvez également oublier de devenir gouvernante."

Les épaules d'Eve s'affaissèrent car elle savait combien les mots de Tante Aubrey étaient vrais.

Personne ne lui offrirait le poste de gouvernante. Après tout, les habitants des villes alentour étaient tous obsédés par la réputation.