Chapitre 12 : La Faille Intérieure
L'air dans le temple devint plus lourd, presque irrespirable. Une tension oppressante s'installait, comme si l'atmosphère elle-même anticipait une tempête imminente. Elias s'adossa au mur froid, essayant de calmer sa respiration rapide après l'entraînement intense de la journée. Chaque muscle de son corps criait à l'abandon, mais il n'avait pas le luxe de céder.
Camille était debout à quelques mètres, son épée reposant négligemment sur son épaule. Ses yeux violets, perçants et attentifs, ne quittaient pas Elias. Elle était silencieuse, mais l'éclat dans son regard en disait long : elle jugeait. Elle évaluait. Comme toujours.
— « Tu prends plaisir à me voir souffrir, hein ? » lança Elias entre deux inspirations laborieuses, un sourire nerveux aux lèvres.
Camille haussa un sourcil, esquissant un léger sourire amusé.
— « La souffrance forge la force. Et puis... » Elle désigna les lignes lumineuses qui ondulaient faiblement autour de lui. « Tu commences à comprendre les Lignes. Que tu le veuilles ou non, tu progresses. »
Elias baissa les yeux vers les filaments dorés et ombragés qui dansaient autour de lui. Leur mouvement semblait plus fluide qu'avant, plus en phase avec ses propres pensées. Mais il savait qu'il était encore loin de les maîtriser. La connexion qu'il partageait avec les Lignes était fragile, comme un fil tendu sur le point de se rompre.
— « Progresser, hein ? » murmura-t-il en secouant la tête. « À ce rythme, je serai mort avant de savoir m'en servir correctement. »
Camille croisa les bras, son sourire disparaissant.
— « Tu n'es pas mort, et c'est déjà une preuve que tu es plus fort que tu ne le crois. »
Elias grogna, mais il ne répondit pas. Elle avait raison. Elle avait toujours raison.
L'Anomalie
Puis, l'atmosphère changea brutalement.
Le léger bourdonnement des Lignes autour d'eux devint plus fort, plus chaotique. Camille fronça les sourcils et redressa sa posture, ses instincts en alerte.
— « Tu sens ça ? » demanda-t-elle, sa voix plus tendue qu'à l'accoutumée.
Elias hocha la tête, une sensation désagréable lui nouant l'estomac. Les Lignes autour de lui tremblaient, presque comme si elles avaient peur. Même les murs du temple semblaient vibrer légèrement, émettant un faible gémissement qui résonnait dans l'air.
Et soudain, une vague d'énergie déferla à travers la salle. Elias tituba, sa main se portant automatiquement au médaillon qui pendait à son cou. L'objet brûlait d'une lumière intense, des lignes dorées et ombragées s'échappant de lui dans une danse désordonnée.
— « Qu'est-ce qui se passe encore ?! » cria-t-il, tentant de garder son équilibre.
Camille dégaina son épée, ses yeux parcourant la pièce. Son expression n'avait plus rien d'amusé. Elle était sérieuse. Trop sérieuse.
— « Quelque chose a percé les barrières du temple. Reste près de moi. »
Avant qu'Elias ne puisse répondre, l'air devant eux se déchira. Une fracture apparut, une faille béante dans la réalité elle-même. Un vent glacial et irréel s'en échappa, portant avec lui une présence terrifiante qui fit courir un frisson sur la peau d'Elias.
De cette faille émergea une silhouette enveloppée d'ombres, son corps flou, presque insaisissable. Ses yeux rouges brillèrent dans l'obscurité, et une voix résonna dans l'esprit d'Elias, froide et implacable :
— « Porteur de l'Héritage… Tu n'es pas encore digne. »
Elias sentit ses jambes trembler sous le poids des mots. Ce n'était pas seulement la puissance de la créature. C'étaient les doutes qu'elle faisait naître en lui. Une peur sourde qu'il avait essayé d'ignorer depuis le début : et si les Lignes avaient fait une erreur en le choisissant ?
Camille s'interposa immédiatement, son épée levée, son regard fixé sur l'être d'ombre.
— « Recule, Elias ! » ordonna-t-elle d'une voix tranchante. « Ce n'est pas une menace ordinaire. »
La créature pencha la tête, comme amusée. Elle leva un bras fait d'ombres et fit onduler l'air autour d'elle.
— « Ton protecteur ne pourra pas toujours te sauver, enfant, » dit-elle, un sourire cruel dans la voix. « Les Lignes exigent des sacrifices. Es-tu prêt à payer le prix ? »
Elias serra les dents, trouvant la force de se redresser. Malgré la peur qui lui nouait l'estomac, il sentit une pointe de colère monter en lui.
— « Je ne sais pas de quoi tu parles, » répliqua-t-il, sa voix tremblant légèrement. « Mais je ne vais pas reculer. »
La créature éclata d'un rire froid.
— « De belles paroles… Voyons si elles ont un sens. »
Un Combat de Volontés
Sans avertissement, la créature attaqua. Sa vitesse était fulgurante, bien au-delà de ce qu'Elias pouvait suivre. Mais Camille réagit instantanément, son épée s'entrechoquant avec les ombres dans une explosion d'étincelles.
Le combat était féroce. Camille esquivait et ripostait avec une précision calculée, mais même Elias pouvait voir qu'elle luttait pour contenir la puissance de leur adversaire.
Elias resta figé, incapable de détourner les yeux de la scène. Une fois encore, il était réduit à être un simple spectateur. Inutile. Impuissant.
Le médaillon pulsa contre sa poitrine, comme s'il protestait contre son inaction.
— « Allez… Fais quelque chose… » murmura Elias, fermant les yeux. Il tenta de se concentrer sur les Lignes, d'ignorer la peur qui l'envahissait.
Au début, rien ne se produisit. Puis, lentement, il sentit une vibration, une connexion fragile qui s'établissait. Les Lignes autour de lui répondirent à son appel, leur chaos se transformant en un rythme plus harmonieux.
— « Elias ! » hurla Camille, parant une nouvelle attaque. « Si tu as un plan, c'est maintenant ou jamais ! »
Elias ouvrit les yeux, levant une main entourée de lumière dorée et de filaments sombres. Il inspira profondément, puis laissa son pouvoir jaillir.
Les Lignes explosèrent en une vague d'énergie, frappant la créature de plein fouet et la faisant reculer. Camille en profita pour lancer une série d'attaques qui forcèrent leur ennemi à se replier davantage.
Mais ce n'était pas fini. La créature, bien que blessée, se redressa rapidement, son corps se reformant.
— « Plus fort, Elias ! » cria Camille. « Concentre-toi ! »
Elias serra le médaillon, sentant une chaleur familière s'intensifier. Une image fugace traversa son esprit : celle de l'homme qu'il avait vu dans les visions. Le dernier maître des Lignes. Mais Elias secoua la tête.
— « Je ne suis pas lui, » murmura-t-il, son regard s'endurcissant. « Mais je serai meilleur. »
Une lumière éclatante jaillit du médaillon, et Elias libéra une nouvelle vague d'énergie encore plus puissante. L'onde de choc déchira la faille, et la créature hurla en étant aspirée dans le néant.
Puis, tout redevint silencieux.
Un Moment de Clarté
Elias s'effondra à genoux, haletant. Les Lignes autour de lui s'éteignirent lentement, ne laissant qu'une faible lumière émanant des murs du temple.
Camille s'approcha de lui, rengainant son épée. Elle l'observa un moment, puis hocha la tête.
— « Pas mal, » dit-elle d'un ton calme, presque admiratif. « Tu commences à comprendre. »
Elias rit faiblement, levant les yeux vers elle.
— « Tu veux dire que je n'ai pas tout foiré cette fois ? »
Camille esquissa un sourire.
— « Tu as survécu. Et c'est tout ce qui compte pour l'instant. »
Elias baissa les yeux vers le médaillon, le tenant fermement dans sa main. Une nouvelle détermination brûlait en lui.
— « Peu importe ce qu'il faut faire, » murmura-t-il. « Je vais y arriver. »
A suivre ... ?