Dans une salle de classe lugubre d'une école de seconde zone, on pouvait entendre les coups de craie grinçant sur le tableau d'un professeur d'histoire à bout de nerfs.
Le meilleur élève de sa classe, Romain Lanthane, bien qu'il ait les meilleures notes de toute l'école, passait son temps à dormir.
En tant que professeur, il avait essayé toutes les méthodes possibles, mais rien n'y fit. Le génie paresseux continuait de dormir en classe.
Aujourd'hui datait le dernier jour de cours avant les examens, et une pensée déprimait ce vaillant professeur d'histoire. Il savait que, malgré le fait que durant l'année écoulée cet élève n'avait pas écouté une seule minute, il aurait encore une fois un score parfait à son examen.
Depuis que Romain avait rejoint sa classe, il remettait sans cesse en question son utilité en tant que professeur. Qu'il soit là ou pas, cela changeait-il réellement quelque chose ? Les élèves qui étaient attentifs à ses cours réussissaient tout de même moins bien que celui endormi sur son bureau.
Pour ne rien arranger, la plupart des élèves assidus, ainsi que la quasi-totalité de la classe, avaient arrêté de suivre ses cours, démotivés à cause du génie qui ferait tout de même mieux qu'eux, peu importe leurs efforts.
Une pensée permettait tout de même à ce professeur de continuer à tenir. Cette année était la dernière. Cette classe de 6ᵉ serait, en grande majorité, diplômée dans un mois, et il n'aurait plus à donner cours à ce "monstre". Il avait réussi à survivre à toutes ces années de doute et de désespoir, et bien que sa santé mentale en ait souffert, il s'en sortait bien mieux que ses collègues. Trois d'entre eux étaient en congé indéterminé pour burn-out, et deux étaient tombés en phase aiguë de dépression.
En jetant un coup d'œil à sa montre, un soulagement intense l'envahit. Dans quelques dizaines de secondes, il n'aurait plus jamais à lui donner cours, et sa vie n'en irait que de mieux en mieux.
Finissant d'écrire au tableau les dernières informations de son cours, il se retourna, profitant des vingt dernières secondes qui lui restaient pour prononcer quelques mots d'encouragement aux étudiants pour leurs examens.
« …et il s'agit là des derniers examens de secondaire de votre vie, donnez donc tout ce que vous avez pour les réussir avec brio et commencer votre vie d'adulte de la meilleure des manières. »
À peine eut-il fini sa phrase que la cloche de l'école retentit dans l'entièreté du bâtiment, annonçant à tous les élèves la fin du dernier cours de cette année et le début de la période d'examens.
Le professeur d'histoire, en l'entendant résonner, eut du mal à contenir l'euphorie et le sentiment de libération qui montaient en lui.
Calmant de force ses émotions, il se retourna pour ranger ses affaires éparpillées sur son bureau.
Alors qu'il commençait, son corps se figea soudainement, tétanisé. Dehors, un énorme volatile d'apparence monstrueuse volait à grande vitesse vers la salle de classe.
Terrifié par cette vision sortie tout droit de ses pires cauchemars, il voulut se précipiter vers la sortie, mais malgré toute sa volonté, son corps ne bougea pas d'un iota.
Sans pouvoir se déplacer, il ne put que regarder le monstre plonger vers lui à toute vitesse. Fermant les yeux pour ne pas voir la scène, le professeur attendit que la mort arrive.
Après des secondes qui semblaient durer des heures, le professeur fut surpris d'être toujours en vie. Il ouvrit les yeux pour comprendre la raison de sa survie, et le regretta aussitôt.
Une immense vague de feu déferla, calcinant instantanément toute la classe. Empli d'une immense douleur, telle que la mort lui sembla douce en comparaison, il tomba au sol. Dans cet enfer, au milieu de la classe incendiée et des élèves en flammes, se tenait un élève indemne, endormi sur son bureau. Comme si la scène autour de lui ne l'intéressait pas, il continuait à dormir, fidèle à lui-même.
L'esprit confus, le professeur tendit la main pour l'appeler à l'aide. Dans cet ultime effort, sa vie s'éteignit. Son dernier souvenir fut la vue de l'élève lui jetant un regard fatigué avant de l'ignorer et de se rendormir.
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