Le vent hurlait à travers les ruines de l'ancienne capitale d'Eldara, portant avec lui une odeur de décomposition et de terreur. La ville, désormais ombre de sa gloire passée, se trouvait au bord du gouffre. Les flèches de pierres, autrefois élevées vers les cieux, gisaient brisées, envahies par les tentacules rampants du Voile. Une brume noire et visqueuse, plus épaisse que la nuit, serpentait entre les bâtiments, s'infiltrant dans chaque fissure et recoin comme un être vivant.

Korrin se tenait sur le seuil de cette désolation, ses yeux scrutant les vestiges de la ville. Sa main se serra autour de la garde de son épée, l'acier froid qui avait déjà goûté à plus de sang qu'il ne voulait en admettre. Mais son regard ne s'attarda pas sur la destruction. C'était le Voile qui occupait ses pensées. Il en avait vu la puissance de ses propres yeux, assisté à l'horreur qu'il engendrait. Et maintenant, debout à la lisière de la ville, il était prêt à l'arrêter — quel qu'en soit le prix.

Un cri lointain perça le silence, suivi du bruit inconfondable du craquement terrible qui accompagnait la transformation. C'était le Voile. Une autre âme était dévorée. Une autre vie transformée en ruine. La main de Korrin se serra davantage, ses dents se serrant alors qu'il luttait pour contenir la colère et la tristesse qui montaient en lui.

"Je viens pour toi", murmura-t-il à voix basse, comme une promesse qu'il n'avait faite qu'à lui-même.

Derrière lui, la lueur faible d'un feu de camp mourant vacillait dans la distance. Il se retourna, son regard se posant sur le petit groupe rassemblé autour du feu. Les autres. Chacun d'eux avait ses raisons de s'aventurer dans le cœur de cette terre maudite.

Alira, la mage, était penchée sur un livre en lambeaux, ses yeux parcourant les pages anciennes. La lumière du feu révélait l'aspect pâle et fatigué de son visage, reflet de la malédiction qu'elle portait — une malédiction qui tordait son âme à chaque incantation. Elle était plus dangereuse que jamais, mais pas pour ses ennemis. Pour elle-même.

"Combien de temps avant d'atteindre la source ?" demanda Korrin, sa voix basse mais ferme.

Alira leva les yeux, son regard froid mais fatigué. "Pas longtemps," répondit-elle, sa voix rauque, comme si chaque mot était un effort. "Le Voile... il se répand plus vite que prévu. Nous devons agir vite si nous voulons l'arrêter avant qu'il ne dévore le reste d'Eldara."

Rian, le traître, se tenait là, silencieux, ses yeux cachés sous l'ombre de sa capuche. Son visage était impénétrable, un masque d'indifférence forgé au fil des années de trahison et de regret. Sa présence, bien que dérangeante, était nécessaire. Il savait plus que quiconque sur le Voile — peut-être même plus qu'il ne voulait le reconnaître.

Thoren, le plus jeune d'entre eux, était assis sur un rocher, ses doigts tordant nerveusement la pierre. Le garçon possédait des pouvoirs étranges — des pouvoirs qui semblaient pulser avec la même noirceur qui engloutissait le monde. Il était venu vers eux en quête de réponses, mais personne ne savait vraiment quel rôle il jouerait dans tout cela. Il était l'inconnu, l'incertitude qui flottait entre chaque plan qu'ils formaient.

Korrin fixa Thoren un instant avant de se tourner à nouveau vers la ville en ruines.

"Nous partons à l'aube," dit-il, sa voix catégorique. "Préparez-vous. Demain, nous ferons face à pire que le Voile."

Alira hocha la tête, ses lèvres tremblant alors qu'elle fermait le livre entre ses mains. Les yeux de Rian s'illuminèrent brièvement d'une lueur de doute, ou de regret, peut-être, mais il ne dit rien. Thoren, cependant, leva les yeux, sa voix hésitante.

"Comment l'arrêter ?" demanda-t-il, sa voix fragile. "Comment arrêter quelque chose qui... qui dévore les âmes ?"

La main de Korrin se crispa, et sa voix se fit plus froide. "Nous trouverons sa source. Nous la détruirons. Aussi simple que cela."

"Mais si le Voile est une chose vivante ?" intervint Alira, ses sourcils froncés. "Et si le détruire ne faisait qu'aggraver les choses ?"

Korrin tourna son regard vers elle, dur. "Nous verrons bien."

Le groupe tomba dans un silence lourd, chacun perdu dans ses pensées. Le feu crépitait faiblement dans le froid croissant de la soirée, et les cris lointains des corrompus résonnaient à travers la ville comme des lamentations funestes. Quelque part là-bas, au cœur du Voile, battait le cœur de la corruption — sombre, tordue et patiente.

Korrin serra les poings. Demain, ils pénétreraient dans le cœur du cauchemar. Demain, ils affronteraient la véritable horreur.

Et peut-être, juste peut-être, trouveraient-ils un moyen de le détruire.

Mais Korrin savait une chose avec certitude : dans ce monde d'ombres, personne ne sortait indemne.