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Sous les rires, un cœur brisé

bangee_gum_user
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Synopsis
Dans une école prestigieuse d'Agadir, Rachid, un jeune garçon issu d'un milieu modeste, vit un quotidien marqué par le harcèlement. Fils d'une enseignante respectée, il souffre en silence, pris dans l'étau de la haine des autres élèves qui n'ont de cesse de le ridiculiser à cause de sa taille et de son poids. Seul réconfort, son petit poussin, Espoir, qu'il chérit comme son unique ami. Mais la vie de Rachid prend une tournure encore plus cruelle lorsqu'il perd ce dernier dans un tragique accident, le plongeant dans une profonde solitude. Alors que ses camarades ne cessent de l'ignorer, une rencontre inattendue avec Yasmine, une jeune fille belle et distante, semble offrir un rayon de lumière dans son monde sombre. Mais Rachid, bouleversé par ses propres complexes et le poids de ses blessures invisibles, doute de sa place dans la vie des autres. Avec la promesse d'une nouvelle chance de se sentir accepté, il s'ouvre à un avenir incertain, où les apparences se révèlent trompeuses et où la vérité se cache derrière des sourires et des promesses.
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Chapter 1 - Sous les rires, un cœur brisé

Chapitre 1 : La première cloche

Le soleil matinal baignait la ville d'Agadir d'une lumière douce, promettant une belle journée. Devant les grandes grilles en fer forgé de l'école Pascal, un petit garçon à la silhouette rondelette tenait fermement la main de sa mère. Ses yeux brillaient d'un mélange de peur et de curiosité.

« Mon chéri, regarde-moi, » murmura sa mère en s'accroupissant à sa hauteur. Elle ajusta avec soin la chemise trop grande qu'il portait, une tenue qu'elle avait repassée avec amour la veille. « Tu es intelligent, tu es spécial, et tu vas faire de grandes choses ici. »

Le garçon hocha timidement la tête, mais son regard se détourna rapidement vers les autres enfants. Ils portaient des vêtements élégants, des sacs flambant neufs, et semblaient se connaître depuis toujours. Il n'avait jamais vu autant de voitures de luxe alignées devant une école.

Son père, les traits tirés par une nuit de travail en tant que réceptionniste dans un hôtel, lui posa une main chaleureuse sur l'épaule. « Écoute ta mère, Rachid. On a travaillé dur pour que tu sois ici. Cette école, c'est ta chance. Tu es notre fierté. »

Rachid sentait l'émotion dans la voix de son père. Il savait que ses parents avaient sacrifié bien plus que de l'argent pour l'envoyer dans cette école prestigieuse. Les longues nuits de son père à l'hôtel, les journées de sa mère à enseigner, tout cela pour lui offrir un avenir meilleur.

Dans la cour, un groupe d'enfants riait fort. L'un d'eux, un garçon aux cheveux bien coiffés et à l'uniforme impeccable, pointa Rachid du doigt en chuchotant quelque chose à son voisin. Les deux éclatèrent de rire. Rachid baissa la tête, les joues rouges, espérant que sa mère n'avait rien vu.

« Ne t'inquiète pas, » ajouta son père, confiant. « Tu vas te faire des amis. »

Lorsque la cloche sonna, Rachid se détacha à contrecœur de ses parents. En traversant la cour, il sentit les regards pesants des autres élèves. Une boule se forma dans son estomac. Mais il se répétait les mots de sa mère : Tu es spécial.

Ce qu'il ne savait pas encore, c'est que cette journée marquait le début d'une longue série de souffrances qu'il n'oublierait jamais.

 

Chapitre 2 : Les ombres de la cour de récréation

Les mois s'égrenaient à l'école Pascal, et Rachid, désormais en CE1, ressentait de plus en plus le poids de sa solitude. Chaque matin, il franchissait les grandes grilles en fer forgé avec l'espoir secret que cette journée serait différente, que peut-être un camarade l'inviterait à jouer ou partagerait son goûter avec lui. Mais la réalité était implacable : les cercles d'amitié étaient déjà formés, et Rachid restait en périphérie, invisible aux yeux des autres.

Les récréations, censées être des moments de joie et de détente, se transformaient pour lui en épreuves silencieuses. Il errait seul dans la cour, feignant l'intérêt pour un caillou ou une feuille morte, tout en jetant des regards envieux vers les groupes d'enfants qui riaient et jouaient ensemble. Le bruit des ballons rebondissant, les cris de joie, les chuchotements complices... tout cela accentuait son sentiment d'exclusion.

À la maison, ses parents percevaient sa tristesse, mais Rachid, par peur de les inquiéter davantage, préférait garder pour lui sa douleur. Il s'enfermait dans sa chambre, prétendant faire ses devoirs, alors qu'il dessinait des scènes où il était entouré d'amis imaginaires, des compagnons bienveillants qui l'acceptaient tel qu'il était.

Un après-midi. Lors de la séance d'EPS, les élèves sont divisés en équipes. Lui, comme souvent, se retrouve à la fin, choisi par défaut. Rayan et Oussama, les deux élèves les plus populaires, sont dans l'équipe adverse, accompagnés de deux autres garçons. Lui, Rachid, fait partie de l'équipe des "éliminés", ceux qu'on ne choisit jamais, à qui on laisse les miettes. À tour de rôle, chaque élève doit garder les cages pendant quelques minutes.

Le match débuta, et Rachid, bien que nerveux, s'efforça de donner le meilleur de lui-même. Les premières minutes passent sans histoire, les balles s'écrasant contre les poteaux, les rires fusaient. Quand arrive son tour, il se dirige vers le but avec une légère angoisse, sa main tremblant légèrement en s'approchant des gants. Il sait ce qui va se passer, il le sent dans l'air. Alors qu'il prend sa place entre les barres, un des garçons de l'équipe adverse, un sourire moqueur aux lèvres, lui lance :

"Écoute, reste gardien. Si tu le fais, on fera semblant d'être tes amis, on jouera avec toi à la récré. Ça ne coûtera rien, tu vois ? Juste ça, et tu pourras être avec nous de temps en temps."

Ces mots, comme un coup de poignard dans le cœur, résonnent dans sa tête. Il n'est qu'un pion dans leur jeu, une simple promesse d'amitié sous forme de manipulation. Mais au fond, il sait. C'est son seul espoir. Il n'a jamais eu d'amis, pas de vrais. Ceux qu'il voit autour de lui se moquent, l'évitent. Rayan, Oussama et les autres sont des murs infranchissables. Peut-être, juste peut-être, qu'en acceptant ce rôle, il pourra enfin sentir la chaleur d'un groupe, même si c'est illusoire.

Il reste là, entre les barres du but, une partie de son âme partant en lambeaux. Pendant quelques minutes, il endure, concentré sur la balle qui file à toute vitesse, sur les chants moqueurs et les rires étouffés des autres. Ce n'est pas juste un match de foot. C'est un tournant dans sa vie, un moment où la douleur et l'espoir se mêlent en un cocktail amer.

Les minutes s'étirent. Leurs promesses sont vaines. Mais il reste là, gardant son poste, comme un soldat sans guerre à mener, attendant un geste, un regard. Rien ne vient.

 

Chapitre 3 : L'ombre de l'isolement

 

Les jours s'étiraient, interminables et solitaires. Rachid, malgré la douleur sourde qui pesait sur son cœur, s'efforçait de maintenir son excellence académique. Ses résultats étaient irréprochables, mais cette brillance ne faisait qu'accentuer son isolement. Chaque note parfaite, chaque réussite, semblait lui poser un fardeau plus lourd à porter. Plutôt que d'attirer l'admiration, elle nourrissait la jalousie des autres, transformant leur indifférence en détestation. Il était vu comme une menace, comme celui qui éclipsait les autres, même s'il ne cherchait qu'à se cacher, à se fondre dans l'ombre pour éviter la douleur.

Un lundi matin, le professeur annonça un projet d'exposé à réaliser en binôme. Le cœur de Rachid s'emballa. Un binôme… Peut-être que cette fois, quelqu'un le choisirait. Peut-être qu'il serait enfin inclus, que la solitude, cette compagne constante, le quitterait un instant. Mais alors que les élèves se mettaient en quête de partenaires, formant des duos avec ceux qu'ils appréciaient ou avec qui ils s'entendaient bien, Rachid se retrouva une nouvelle fois en retrait. Il attendait, silencieux, le regard baissé, espérant secrètement être choisi. Mais rien ne vint. Les regards fuyants, les chuchotements discrets, les sourires en coin… tout lui criait qu'il était invisible, rejeté avant même d'avoir eu une chance.

Les autres élèves s'étaient déjà arrangés, déjà choisis, et lui restait là, seul, comme toujours. Cette réalité, cette vérité brutale, le frappa comme une gifle. Il se sentit tout petit, insignifiant, comme un fantôme errant parmi les vivants. Il n'avait même pas l'audace de lever la tête. Ses mains tremblaient légèrement, une vague de tristesse l'envahissant. Comment pouvait-il être aussi invisible, aussi rejeté ? Pourquoi lui ? Qu'avait-il fait pour mériter ça ?

Finalement, le professeur, remarquant le silence de Rachid et sa solitude évidente, proposa qu'il réalise l'exposé seul. La proposition, bien que prévisible, le déchira. C'était peut-être plus simple que d'être rejeté une nouvelle fois, mais cela ne faisait qu'accentuer son isolement. Faire ce travail seul, sans personne pour partager le fardeau, semblait encore plus cruel. Mais il n'eut pas le courage de protester. Il se contenta d'un faible acquiescement, préférant cette solution à l'humiliation d'être à nouveau ignoré, à l'écart de tout.

Lorsqu'il rentra chez lui ce jour-là, une lourdeur écrasante l'accompagna jusque dans sa chambre. Il s'assit à son bureau, les yeux rivés sur le travail à accomplir, mais son esprit était ailleurs, perdu dans une mer de chagrin et de frustration. Il se sentait honteux, comme si sa simple présence était un fardeau pour les autres. Le poids de la solitude semblait encore plus lourd en ce moment, et chaque pensée de rejet, chaque regard détourné, l'envahissait.

Mais malgré tout, il se força à avancer. Jour et nuit, il chercha des informations, rédigea son texte avec une détermination silencieuse. Il réalisa une affiche en grand format, sur une feuille A1, qu'il espérait parfaite, sans faute, irréprochable. Ce travail, il ne le faisait pas pour lui, mais pour eux. Peut-être qu'un jour, en voyant ce qu'il était capable de faire, quelqu'un pourrait l'accepter, pourrait enfin lui accorder un peu de respect, ne serait-ce qu'un regard de reconnaissance. Mais même dans cette quête de perfection, il se sentait vidé, comme si cette reconnaissance, qu'il désirait tant, lui échappait toujours. La tristesse persistait, un poison lent qui rongeait son cœur, et il se demandait s'il arriverait un jour à en sortir.

Chapitre 4 : L'Exposé Détruit

La matinée s'étire lentement, chaque minute semblant une éternité. Rachid, assis à sa place, observe ses camarades s'affairer, formant des groupes, échangeant des rires et des idées. Lui, en retrait, se sent une fois de plus invisible. La cloche sonne, annonçant la fin de la première séance. Les élèves se précipitent vers la sortie, impatients de profiter de la récréation. Rachid se lève, mais au lieu de se mêler à la foule, il reste là, immobile, observant les autres s'éloigner. Il sait que, comme à chaque récréation, il passera ce moment seul, à errer dans les couloirs ou à s'installer dans un coin de la cour, loin des regards.

Aujourd'hui, cependant, quelque chose attire son attention. Alors que les élèves se dispersent, il remarque que certains restent dans la salle de classe, feuilletant des livres ou discutant en petits groupes. Intrigué, il s'approche discrètement et entend des bribes de conversation. Ils parlent de projets, de sorties, de moments partagés. Un sentiment de tristesse l'envahit. Pourquoi n'est-il pas inclus dans ces échanges ? Pourquoi est-il toujours mis à l'écart ?

Il s'éloigne silencieusement, se dirigeant vers la cour. Là, il s'assoit sur un banc isolé, observant les autres interagir, riant et jouant ensemble. Il se sent une fois de plus exclu, comme un spectateur de sa propre vie. La solitude est sa compagne constante, et chaque récréation, chaque pause, ne fait que renforcer ce sentiment d'isolement.

Le temps passe lentement. Finalement, la cloche retentit, signalant la fin de la récréation. Les élèves regagnent leurs places, et Rachid, toujours seul, retourne en classe. Il s'assoit à son bureau, le regard vide, perdu dans ses pensées. La journée continue, mais pour lui, elle est marquée par cette solitude persistante, ce sentiment d'être invisible, de ne pas appartenir.

Lorsque vient le moment de son exposé, il se lève, le cœur battant, et se dirige vers le tableau. Il déroule son affiche A1, espérant que son travail sera apprécié. Mais en la dépliant, il remarque que des coins sont repliés, des taches sont apparues, comme si l'affiche avait été maltraitée. Il cherche des yeux ses camarades, mais aucun regard ne croise le sien. Ils évitent tous son regard, feignant l'ignorance.

Rachid tente de présenter son exposé malgré tout, mais sa voix tremble, ses mains sont moites. Les mots se bousculent dans sa tête, mais il n'arrive pas à les articuler clairement. Les rires étouffés, les chuchotements moqueurs, les regards moqueurs sont autant de poignards enfoncés dans son cœur.

À la fin de sa présentation, le silence pesant qui suit est plus lourd que n'importe quelle moquerie. Rachid retourne à sa place, le visage baissé, les yeux embués de larmes qu'il s'efforce de retenir. Il se sent vidé, épuisé, comme si la vie l'avait abandonné. Il se demande s'il y a une issue à cette souffrance, s'il y a un moyen de sortir de ce cercle infernal de solitude et de rejet. Mais pour l'instant, tout ce qu'il ressent, c'est le poids accablant de l'isolement

Chapitre 5 : Une Parenthèse Bucolique

Les vacances d'hiver arrivaient enfin, offrant à Rachid une échappatoire bienvenue à la routine scolaire. Avec ses parents, il se rendait dans le village natal de son père, un lieu empreint de souvenirs et de traditions familiales. Ce voyage représentait pour Rachid une parenthèse bucolique, loin des préoccupations quotidiennes.

Le village, niché au cœur de la campagne, offrait un cadre paisible et pittoresque. Les maisons en pierre, les ruelles étroites et les champs verdoyants créaient une atmosphère sereine et authentique. Rachid se sentait apaisé par la beauté naturelle des lieux et la simplicité de la vie rurale.

Pendant une semaine, il s'adonnait à des activités simples mais enrichissantes. Le matin, après un petit-déjeuner copieux préparé par sa mère, il partait en promenade dans les champs environnants. Flâner parmi les herbes hautes, observer les animaux qui paissaient paisiblement et respirer l'air frais de la campagne lui procuraient une sensation de liberté et de bien-être. Il s'émerveillait devant la diversité des paysages, des collines ondulantes aux ruisseaux scintillants, et prenait le temps d'apprécier la beauté de la nature qui l'entourait.

L'après-midi, il rendait visite à des cousins éloignés, qu'il n'avait pas vus depuis longtemps. Ensemble, ils écoutaient des histoires du passé racontées par les aînés, partageaient des repas conviviaux et riaient de bon cœur. Ces moments renforçaient les liens familiaux et permettaient à Rachid de découvrir des traditions et des coutumes qui lui étaient inconnues. Il apprenait à connaître des membres de sa famille qu'il avait oubliés et se sentait de plus en plus intégré à cette communauté chaleureuse.

Le soir, après le dîner, la famille se réunissait autour du feu pour discuter et chanter des chansons traditionnelles. Rachid était fasciné par la richesse culturelle de sa famille et par les récits qui se transmettaient de génération en génération. Il se sentait honoré de faire partie de cette histoire et de contribuer, à sa manière, à la perpétuer.

Un après-midi, alors qu'il aidait sa cousine éloignée à ramasser des œufs frais dans le poulailler, elle lui tendit un petit poussin tout juste né. Elle lui expliqua que cet oiseau symbolisait la vie nouvelle et la croissance. Touché par ce geste, Rachid accepta le poussin, qu'il nomma "Espoir". Il s'engagea à s'occuper de son nouvel ami avec dévouement, le nourrissant et veillant à son bien-être. Cette responsabilité lui apportait une nouvelle source de joie et de motivation.

De retour à l'appartement, Rachid aménagea un petit enclos sur le toit de l'immeuble, où chaque appartement disposait d'une petite parcelle. Il utilisa des matériaux légers et résistants aux intempéries pour construire un espace sécurisé pour Espoir. Il veilla à ce que l'enclos soit bien ventilé et protégé des prédateurs, en installant un filet autour de la structure. Chaque jour, il nourrissait son poussin et nettoyait l'enclos, observant avec émerveillement sa croissance et ses premières explorations.

À la fin de la semaine, Rachid se sentait transformé. Le voyage dans le village de son père lui avait permis de se reconnecter avec lui-même et de trouver un équilibre intérieur. Il était prêt à affronter les défis de la vie quotidienne avec un regard neuf et une énergie renouvelée.

 

 

 

 

Chapitre 6 : Désespoir

La rentrée scolaire s'annonça comme un retour en enfer pour Rachid. Les premières journées furent une succession de moments pénibles, où le harcèlement et la solitude semblaient le ronger de l'intérieur. Ses camarades, indifférents à sa présence, le laissaient de côté, renforçant son sentiment d'isolement. Les moqueries et les regards fuyants étaient devenus son quotidien, le plongeant dans une spirale de tristesse et de découragement.

Le jeudi, après une journée particulièrement éprouvante, Rachid rentra chez lui, le cœur lourd. Il monta sur le toit pour nourrir Espoir, son petit poussin, son unique source de réconfort. Mais en arrivant, il découvrit une scène déchirante : un chat, attiré par la présence de l'oiseau, avait pénétré dans l'enclos et dévorait son ami. Rachid, désemparé, s'effondra en larmes, le visage baigné de tristesse. La perte de son compagnon, même si elle semblait insignifiante aux yeux des autres, était pour lui un coup dur, un nouveau rejet de la vie.

Anéanti, il refusa d'aller en cours le vendredi. Les deux jours suivants furent une succession de moments sombres, où la douleur de la perte et le poids du harcèlement se mêlaient, le laissant épuisé et sans espoir. Il se sentait vidé, comme si le monde autour de lui s'effondrait.

Le dimanche matin, alors qu'il était encore plongé dans ses pensées sombres, son père entra silencieusement dans la chambre de son fils, son regard inquiet scrutant le visage de l'adolescent. Rachid était assis sur son lit, les yeux vides, comme s'il flottait dans un autre monde. La douleur, cette souffrance invisible qu'il portait en lui, semblait l'engloutir complètement.

"Rachid…" commença son père d'une voix douce, mais ferme. "Je vois bien que quelque chose ne va pas. Tu es épuisé, je le ressens. Mais tu sais, rester enfermé dans ta chambre ne t'aidera pas à sortir de ce tourbillon de tristesse."

Rachid tourna lentement la tête vers son père, un regard fatigué et presque résigné dans les yeux. Il n'avait pas la force de discuter, pas l'envie. Mais son père, avec sa persévérance, savait comment le toucher.

"J'ai une idée," dit son père, tentant de briser le silence pesant. "Aujourd'hui, Majid, l'ami de papa, va aller pêcher. Et je pense que ce serait bien que tu l'accompagnes. Un peu d'air frais, un peu de calme au bord de l'eau… Cela pourrait te faire du bien. Qu'en dis-tu ?"

Rachid, sans grande conviction, se leva lentement. Il ne voyait pas l'intérêt, mais il savait qu'il ne pouvait pas rester là, dans sa torpeur, à ne rien faire. Il acquiesça d'un signe de tête, tout en ressentant une étrange lassitude dans chaque fibre de son être. Un simple moment loin des autres, loin de l'école… Il s'en contentait.

"Va avec Majid, et moi, je vais préparer une petite surprise pour toi," ajouta son père en lui souriant, avec un clin d'œil mystérieux. "Un petit quelque chose pour te changer les idées. Mais pour ça, il faut que tu partes avec Majid aujourd'hui."

Rachid ne posa aucune question. Il savait que son père faisait de son mieux pour lui offrir un semblant de réconfort. Il prit ses affaires sans enthousiasme et monta dans la voiture de Majid, un vieil ami de son père, qui était toujours joyeux et un peu trop insistant pour ses goûts. Mais ce jour-là, tout semblait presque irréel pour Rachid, comme si tout s'était figé autour de lui. Il s'installa à côté de Majid, sans grande énergie, et la voiture roula en silence, la route bordée de champs et de collines.

Arrivés à la plage de Taghazout, juste au nord d'Agadir, un endroit calme où la mer venait lécher doucement le sable, Majid, enjoué comme à son habitude, lui tendit une canne à pêche.

"Allez, Rachid, tu vois ? Ce n'est pas si terrible. Laisse-toi aller, respire un peu."

Le jeune garçon hocha lentement la tête, jetant un regard distrait sur l'eau calme de l'océan Atlantique. Un moment de calme, loin de la douleur de la réalité. À mesure que les minutes passaient, il se surprit à apprécier la quiétude du lieu, le bruit des vagues, l'éclat du soleil sur la surface de l'eau. Pour un instant, il oublia les moqueries, la solitude, la perte de son poussin. Il laissa son esprit s'évader. Majid lui parla de pêche, de nature, de ses propres souvenirs d'enfance, et au bout d'un moment, Rachid, bien que toujours en proie à sa tristesse, se sentit un peu plus léger.

Après quelques heures passées au bord de l'eau, ils prirent le chemin du retour. Le silence entre eux n'était plus aussi pesant qu'au départ, mais Rachid restait plongé dans ses pensées. Lorsqu'ils arrivèrent enfin près de son immeuble, il aperçut son père qui l'attendait en bas, près de la porte d'entrée. Curieux, Rachid descendit de la voiture avec Majid, se demandant pourquoi son père l'avait attendu dehors. Mais en arrivant, il s'arrêta net.

Là, juste devant son père, un petit chiot était assis, les yeux brillants, remuant doucement la queue. Il n'était pas seul : son père se tenait à côté, un sourire complice sur le visage. Rachid s'approcha lentement, les yeux écarquillés, et s'agenouilla devant le chiot, le caressant doucement. Un sentiment étrange naissait en lui, un mélange de surprise et d'émotion. Il joua avec le chiot un moment, ne comprenant toujours pas à qui il pouvait appartenir.

Son père, observant la scène avec tendresse, s'approcha de lui et dit, d'une voix chaleureuse : "Surprise, mon fils. Ce chiot est à toi."

Les mots résonnèrent dans la tête de Rachid. Un chiot à lui ? Il n'avait pas osé y rêver. La chaleur de ce geste, l'attachement immédiat pour cet animal tout aussi vulnérable que lui, fit naître un sourire timide sur son visage fatigué. Le chiot, avec son regard innocent et son pelage doux, était tout ce dont il avait besoin pour se sentir aimé et soutenu.

Rachid se redressa, les yeux brillants de gratitude. "Merci, papa… merci."

Pour la première fois depuis longtemps, il ressentit une lueur d'espoir, un sentiment de douceur dans sa vie. Un chiot, un petit compagnon pour partager ses moments de solitude, un acte simple mais qui marquait un tournant dans son cœur. Il se dit que, peut-être, après tout, il pourrait encore trouver un peu de réconfort dans ce monde, même s'il semblait si cruel par moments.

 

Chapitre 7 : Le Réconfort du Compagnon

Les premières semaines après l'arrivée de Rex furent étrangement réparatrices pour Rachid. Ce chiot, si petit et fragile, avait bouleversé la monotonie de sa vie. Chaque jour, dès qu'il franchissait le seuil de la porte après l'école, il se précipitait vers son compagnon. Rex était là, sa petite queue remuant frénétiquement, ses yeux remplis de joie et d'innocence. Les journées qu'il passait au collège étaient longues et épuisantes, un enchaînement de moqueries et de silence qui l'écrasait. Mais le moment où il retrouvait Rex était devenu une bouffée d'air frais dans sa routine étouffante.

Rachid sortait avec lui, le chiot gambadant joyeusement à ses pieds. Pendant ces promenades, il se permettait de parler à son ami à quatre pattes. Il lui racontait tout : les injures des autres élèves, la douleur des journées passées dans l'ombre, l'épuisement émotionnel qui semblait ne jamais cesser. Il se permettait enfin d'exprimer, même sans réponse, ce qu'il avait sur le cœur, ses peurs, ses rêves brisés et ses espoirs qui s'étaient fanés. À ses côtés, Rex était une oreille attentive, un réconfort silencieux.

"Tu sais, Rex, je me sens tellement à l'écart," disait-il parfois, les mots se bousculant dans sa gorge. "Je me demande pourquoi je n'arrive pas à me faire des amis. Pourquoi est-ce que tout le monde me déteste ?"

Rex, bien que n'ayant pas conscience des mots, semblait comprendre. Il se collait contre ses jambes, sa présence apportant une forme de chaleur, une petite lueur de réconfort dans un monde où Rachid se sentait souvent invisible.

Mais au fur et à mesure que les semaines passaient, une étrange vérité commença à s'imposer à Rachid. En dépit de Rex, la situation ne semblait pas s'améliorer. Il se sentait toujours aussi rejeté, de plus en plus enfermé dans un cercle vicieux de souffrance. Ses camarades l'ignoraient de plus en plus ouvertement. Chaque jour, les moqueries prenaient de nouvelles formes, les chuchotements devenaient plus acerbes. Et chaque soir, il se retrouvait seul dans sa chambre, à regarder Rex comme s'il était son seul ami réel, sa seule ancre dans cet océan de solitude.

Les promenades avec Rex devenaient un moment où il pouvait laisser libre cours à ses pensées les plus sombres. Mais le réconfort qu'il trouvait en lui était souvent de courte durée. Il revenait toujours dans le même état, aussi fatigué et abattu qu'auparavant. Les blessures émotionnelles ne se refermaient pas, elles s'aggravaient, et il se rendait compte que même Rex, avec toute l'amour qu'il lui offrait, ne pouvait pas changer la cruauté du monde qui l'entourait.

Un soir, alors qu'il se baladait près de la mer avec Rex, il s'arrêta, la brise marine caressant son visage. Il se pencha pour caresser son chiot, ses yeux perdus dans l'horizon.

"Tu sais, Rex, parfois je me dis que je préférerais disparaître. La solitude est devenue tellement lourde, je ne sais plus comment la supporter."

Rex, comme toujours, lui répondit par un regard plein de fidélité, les yeux brillants de confiance. Mais Rachid savait au fond de lui que même Rex ne pouvait pas résoudre la profondeur de sa douleur. Ce petit chien, bien qu'il le soutienne de toutes ses forces, ne pouvait pas comprendre la rage et la tristesse qu'il ressentait. Et à chaque fois que le chiot le suivait dans les rues de la ville, Rachid ressentait une intensité croissante de sa détresse. Même s'il était accompagné, il était toujours aussi seul.

De retour à la maison, son père remarqua souvent son état d'esprit sombre, mais il n'osait pas trop insister. Il savait que Rachid faisait de son mieux pour survivre, mais il était impuissant face à la dureté du monde de son fils. Et malgré le réconfort de Rex, il était évident que rien ne pourrait effacer les cicatrices invisibles laissées par les années de rejet et de douleur. Rachid se sentait épuisé, au bord du gouffre, comme si chaque jour était une nouvelle épreuve.

Malgré tout, il continuait à se lever chaque matin, à se rendre à l'école, et à revenir retrouver Rex le soir, son compagnon fidèle qui, sans le savoir, était la seule chose qui le maintenait encore debout dans ce monde trop cruel pour lui.

 

Chapitre 8 : Nouveaux Liens

Un après-midi ensoleillé, alors que Rachid promenait Rex dans le quartier résidentiel proche de son immeuble, il croisa trois garçons. Le plus jeune, Ali, avait un an de moins que Rachid. Les deux autres, Wassime et Mehdi, étaient ses aînés de deux ans. Ils s'approchèrent avec curiosité et demandèrent s'ils pouvaient caresser Rex. Rachid, ravi de partager la compagnie de son chiot, accepta avec enthousiasme.

Après quelques minutes de caresses et de rires, Wassime proposa : "Ça te dirait de jouer au foot avec nous ?" Rachid, qui n'avait pas eu l'occasion de se joindre à d'autres enfants depuis longtemps, accepta sans hésiter.

Ils se rendirent ensemble au terrain de foot voisin, où ils passèrent des heures à jouer, à rire et à partager des moments de complicité. Pour la première fois depuis longtemps, Rachid se sentit accepté et apprécié pour ce qu'il était.

En rentrant chez lui, le cœur léger, Rachid ne pouvait contenir sa joie. Il courut vers ses parents et leur annonça avec enthousiasme : "Maman, papa, j'ai rencontré de nouveaux amis aujourd'hui ! On a joué au foot ensemble, et ils veulent qu'on se retrouve demain."

Ses parents, touchés par cette nouvelle, échangèrent un regard complice. Ils savaient que ces nouvelles amitiés étaient le signe d'un changement positif dans la vie de leur fils.

Les jours suivants, Rachid retrouva Ali, Wassime et Mehdi. Ensemble, ils partagèrent des moments de joie, de rires et de complicité. Rachid réalisa que, grâce à Rex, il avait non seulement trouvé un compagnon fidèle, mais aussi des amis qui l'acceptaient et l'appréciaient pour ce qu'il était.

Cette nouvelle dynamique apporta à Rachid un sentiment de bien-être et de confiance en soi. Les interactions sociales avec ses nouveaux amis renforcèrent son estime de lui-même et l'aidèrent à surmonter les épreuves du passé. Les bienfaits de ces nouvelles amitiés, combinés à la présence réconfortante de Rex, contribuèrent à améliorer son bien-être émotionnel et à réduire le stress et l'anxiété liés au harcèlement scolaire.

Ainsi, grâce à la présence de Rex et à ses nouvelles amitiés, Rachid commença à voir la vie sous un jour plus lumineux, retrouvant peu à peu le sourire et la confiance en l'avenir.

Chapitre 9 : Ombres Persistantes

Les après-midis passés avec Ali, Wassime et Mehdi étaient devenus des moments précieux pour Rachid. Chaque jour, après l'école primaire, il retrouvait ses nouveaux amis pour jouer au football, partager des rires et profiter de la compagnie de Rex. Ces instants de camaraderie lui apportaient une bouffée d'air frais, une échappatoire bienvenue à la monotonie de ses journées scolaires.

Cependant, malgré ces moments de bonheur, le quotidien de Rachid à l'école restait éprouvant. Les moqueries et les insultes à propos de son poids persistaient, les harceleurs trouvant toujours de nouvelles façons de le rabaisser. Les remarques cruelles sur son apparence physique étaient devenues une routine, une litanie de mots blessants qu'il devait endurer chaque jour.

Pourtant, quelque chose avait changé en lui. Grâce au soutien de ses amis et à la présence réconfortante de Rex, Rachid avait développé une résilience inattendue. Les insultes glissaient sur lui sans s'y accrocher, comme si une armure invisible le protégeait désormais. Il avait appris à détourner son attention, à se concentrer sur les aspects positifs de sa vie, et à ne plus laisser les paroles malveillantes définir son estime de soi.

Cette nouvelle attitude n'était pas passée inaperçue. Ses harceleurs, déstabilisés par son indifférence apparente, semblaient perdre de leur assurance. Rachid, en refusant de leur accorder le pouvoir de l'atteindre, reprenait progressivement le contrôle de sa vie. Les moments passés avec ses amis après l'école étaient devenus sa source principale de bonheur, une lumière dans l'obscurité de ses journées.

Un soir, alors qu'il rentrait chez lui après une partie de football particulièrement animée, Rachid se surprit à sourire en repensant aux événements de la journée. Il réalisa que, malgré les défis et les épreuves, il possédait en lui la force de surmonter les obstacles. Ses amis, sa famille et Rex étaient les piliers sur lesquels il pouvait s'appuyer, et avec leur soutien, il se sentait prêt à affronter le monde.

Ainsi, bien que les ombres du harcèlement continuent de planer sur sa vie scolaire, Rachid avait trouvé en lui la lumière nécessaire pour les dissiper. Chaque après-midi passé en compagnie de ses amis renforçait sa détermination à ne pas laisser la cruauté des autres définir sa valeur. Il avait compris que le véritable pouvoir résidait dans sa capacité à choisir où porter son attention et à qui accorder son énergie.

Et c'est avec cette conviction renouvelée qu'il se prépara à affronter un nouveau jour, le cœur empli d'espoir et l'esprit résolument tourné vers l'avenir.

Chapitre 11 : Une Nouvelle Connexion

Cette année scolaire apporta son lot de nouveautés pour Rachid. Sa mère, en plus de son rôle d'enseignante, avait commencé à donner des cours particuliers à domicile. Parmi ses élèves se trouvait Yasmine, une camarade de classe de Rachid. Belle et issue d'une famille aisée, elle était souvent perçue comme la "fille à papa" de la classe.

Un après-midi, alors que Yasmine était venue pour sa leçon, la mère de Rachid invita ce dernier à se joindre à elles pour réviser ensemble. Surpris par cette proposition, Rachid accepta timidement. C'était la première fois qu'il se retrouvait en tête-à-tête avec une fille de son âge, et il ne savait pas vraiment comment réagir.

Les premières séances furent marquées par une certaine réserve. Rachid, peu habitué à interagir avec des filles, se montrait hésitant et maladroit. Cependant, Yasmine, avec sa nature ouverte et bienveillante, mit rapidement Rachid à l'aise. Elle l'encourageait, partageait ses propres difficultés scolaires et riait de bon cœur à ses blagues timides.

Au fil des séances, une amitié naissante se développa entre eux. Ils découvrirent des intérêts communs, échangèrent sur leurs passions et leurs rêves. Rachid appréciait ces moments privilégiés, loin des moqueries de l'école. Il se surprenait à attendre avec impatience les cours particuliers, non pas tant pour les révisions, mais pour la compagnie de Yasmine.

Cette nouvelle relation apporta une bouffée d'air frais dans la vie de Rachid. Il gagnait en confiance, osait davantage participer en classe et se sentait moins isolé. Yasmine, de son côté, appréciait la sincérité et la gentillesse de Rachid, loin des superficialités souvent présentes dans leur cercle scolaire.

Ainsi, ce qui avait commencé comme de simples séances de révision se transforma en une amitié sincère, offrant à Rachid une nouvelle perspective sur les relations humaines et renforçant sa confiance en lui.

Cependant, des indices subtils laissaient entrevoir une réalité plus complexe. Parfois, Yasmine posait des questions personnelles à Rachid, puis changeait rapidement de sujet, laissant une impression d'inconfort. De plus, certaines de ses remarques semblaient ambiguës, oscillant entre la gentillesse et une légère condescendance.

Malgré ces signaux, Rachid, avide de connexion et d'amitié, préférait se concentrer sur les aspects positifs de leur relation naissante, ignorant les doutes qui pouvaient émerger.

Ainsi, une nouvelle dynamique s'installait dans la vie de Rachid, apportant son lot de joies et de questionnements, dont les véritables implications ne se révéleraient que plus tard.

 

Chapitre 12 : Les Doutes du Cœur

Les jours passaient, et Rachid se retrouvait souvent à repenser aux moments qu'il passait avec Yasmine, ces rares instants où la réalité semblait s'éloigner de lui. Depuis qu'elle était entrée dans sa vie, quelque chose en lui avait changé. Ces séances de révision, d'abord banales, étaient devenues des moments qu'il attendait avec impatience. Un sourire, un regard, une attention particulière, tout en elle semblait briller d'une manière que Rachid ne comprenait pas vraiment, mais qu'il appréciait au plus haut point.

C'était un mercredi après-midi, dans le salon de la maison, après un autre de ces moments passés à réviser les mathématiques. Yasmine s'était penchée vers lui pour lui montrer un problème particulièrement complexe, leurs visages proches, leur respiration presque synchronisée. Lorsqu'elle lui effleura la main en lui tendant un crayon, il sentit une chaleur douce se répandre en lui. Son cœur battait plus fort, mais il détourna rapidement les yeux, essayant de masquer son trouble. Il se surprit à espérer, bêtement, que ce simple geste significatif ne soit pas anodin.

Le lendemain, Rachid parla de ses sentiments à ses amis, espérant trouver des réponses à ses questions sans fin. Il les retrouva comme chaque jour après l'école, assis sur leur banc habituel, à l'ombre des grands arbres du parc. Le soleil déclinait lentement, mais la chaleur de l'après-midi persistait.

"Les gars…" commença Rachid, sa voix faible mais remplie d'hésitation. "Je crois que j'ai un truc pour Yasmine."

Les trois amis se tournèrent vers lui, curieux. Ali, toujours le plus audacieux, sourit.

"Ah, donc tu n'es pas insensible à son charme après tout !" lança-t-il, taquin. "C'est la première fois que tu parles d'une fille comme ça."

Rachid se mordit la lèvre, mal à l'aise. Il n'était pas sûr d'avoir envie de partager tout ça, mais les paroles étaient déjà sorties. Mehdi, qui était plus réservé, observa son ami en silence, ses yeux perçant l'incertitude de Rachid. Wassim, de son côté, se contenta d'un sourire en coin, comme s'il était déjà au courant de tout sans que Rachid n'ait besoin d'expliquer davantage.

"Mais tu sais," continua Mehdi, d'un ton plus sérieux, "Yasmine… elle est différente. Elle est, disons… bien entourée, et les gens comme ça peuvent être… compliqués."

Ali le coupa, avec son optimisme habituel. "Tu te fais des idées, Rachid. Les gens comme elle, même s'ils sont populaires, ça ne veut rien dire. Elle a peut-être vu quelque chose en toi, qui sait ?"

Rachid ne répondit pas immédiatement. Il n'était pas sûr de ce qu'il ressentait. La simple pensée de Yasmine, de ses sourires et de sa gentillesse, lui apportait un léger soulagement, mais une partie de lui, celle qui doutait toujours de lui-même, lui disait que tout cela n'était qu'une illusion. Il était trop gros, trop invisible, trop à l'écart de tout.

"Je ne suis pas comme les autres…" souffla-t-il, à moitié pour lui-même, à moitié pour ses amis. "Je suis juste… trop différent."

Les trois amis se regardèrent, une certaine tristesse dans les yeux. Ali posa une main réconfortante sur l'épaule de Rachid.

"Ne pense pas comme ça, Rachid. Tu es notre ami, et on est là pour toi. Tu n'es pas seul," dit-il simplement, sa voix pleine de sincérité.

Wassim, toujours optimiste, hocha la tête. "Personne n'est parfait, mec, mais toi, tu es quelqu'un de bien, et ça, c'est ce qui compte."

Rachid se sentait un peu mieux après les mots réconfortants de ses amis, mais le doute restait. Il savait que les moqueries sur son corps étaient inévitables. À l'école, chaque matin était une épreuve : des regards furtifs, des insultes à peine dissimulées, des rires derrière son dos. La douleur, il l'avait apprivoisée, mais elle n'était jamais loin.

Mais avec ses amis, il se sentait un peu plus fort. Un peu plus à sa place.

Et, par moments, Yasmine devenait une bouffée d'air frais, une lueur d'espoir dans la grisaille de son quotidien. Mais il ne savait pas si cela durerait.

"J'ai l'impression qu'elle me traite comme un ami… mais est-ce que c'est plus que ça ?" se demanda-t-il tout haut.

"C'est à toi de voir, Rachid," répondit Mehdi. "Ne laisse pas les autres ou tes insécurités décider à ta place."

Ce soir-là, en rentrant chez lui, Rachid se laissa tomber sur son lit, son esprit tourmenté par toutes ces pensées. Il n'avait pas les réponses, mais une chose était certaine : Yasmine avait réussi à faire naître en lui des sentiments qu'il n'avait jamais vraiment expérimentés. Il se demandait si, un jour, il pourrait être celui qu'elle attendait, celui qu'il rêvait d'être.

Mais pour l'instant, il savait qu'il devait d'abord apprendre à s'accepter lui-même.

Chapitre 13 : L'Anniversaire de Rachid

L'anniversaire de Rachid approchait, et cette année, sa mère avait décidé de lui offrir quelque chose de spécial. Après tant de moments de solitude et de souffrance, elle voulait lui faire une petite fête. Pour une fois, elle espérait apporter un peu de joie dans son quotidien. Rachid n'en croyait pas ses yeux lorsqu'il l'apprit. Elle avait invité ses amis, Ali, Mehdi et Wassim, pour partager ce moment, et elle avait même invité Yasmine, bien qu'il ne s'y attendait pas vraiment. La fête serait simple, mais pour lui, cela semblait être une occasion de respirer un peu, de laisser derrière les moments de solitude.

Le matin de son anniversaire, Rachid se leva avec un sentiment étrange, un mélange d'excitation et de nervosité. C'était la première fois qu'il allait vraiment célébrer son anniversaire avec des gens qu'il considérait comme des amis. La maison était décorée de ballons et de guirlandes, et la table était remplie de gâteaux et de friandises. Il n'avait jamais été un enfant très exigeant, mais quelque chose dans l'air de ce jour-là lui donnait une lueur d'espoir, un espoir qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps.

Ses amis arrivèrent peu après midi, souriants et enthousiastes. Ali, toujours aussi dynamique, avait une boîte de bonbons sous le bras, tandis que Mehdi et Wassim portaient chacun un petit cadeau emballé. Rachid les accueillit chaleureusement, son cœur battant un peu plus vite qu'à l'habitude.

Mais Yasmine… elle n'était pas là. Rachid, bien qu'il ait essayé de ne pas y penser, sentit un pincement au cœur en constatant son absence. Elle avait promis, ou du moins, il pensait qu'elle viendrait. Peut-être qu'elle était occupée, ou qu'il s'agissait simplement d'une excuse pour ne pas venir. Peu importe. Il essaya de ne pas se laisser affecter, concentrant son attention sur ses amis qui étaient là.

La fête se déroula dans une ambiance joyeuse, avec des jeux, des rires et des moments de complicité. Rachid, pour la première fois depuis longtemps, se sentit un peu plus léger, entouré des gens qui le soutenaient. Les moqueries et les insultes semblaient loin, comme un mauvais rêve auquel il ne voulait plus penser. Ses amis, heureux de voir qu'il passait un bon moment, ne se préoccupèrent pas de son apparence ou des jugements des autres. Ils étaient là pour lui.

Mais alors qu'ils s'installèrent pour ouvrir les cadeaux, la surprise arriva. Ses parents, avec un sourire bienveillant, lui tendirent un petit paquet. Rachid, curieux, l'ouvrit lentement. Lorsqu'il découvrit l'objet à l'intérieur, ses yeux s'agrandirent d'étonnement. Un smartphone.

Ses parents, dans leur sagesse, avaient décidé qu'il était temps de lui offrir un téléphone, le même genre que tous les autres élèves de sa classe en possédaient déjà. Cela avait quelque chose de symbolique pour Rachid. Il savait que ce téléphone n'était pas qu'un simple cadeau, c'était aussi un moyen pour lui de mieux s'intégrer, de se connecter avec les autres, de ne plus se sentir à l'écart.

"Merci, maman, papa…" murmura-t-il, les yeux brillants. Il ne s'attendait pas à cela. Un téléphone, c'était un grand pas vers l'intégration dans la vie de ses camarades. Il espérait qu'il pourrait enfin, un jour, utiliser ce téléphone pour quelque chose de plus grand que simplement recevoir des messages. Peut-être un jour, Yasmine lui enverrait un message, peut-être même lui demanderait-elle des nouvelles. Mais pour l'instant, il se contentait de cet instant de bonheur simple.

Les sourires de ses amis et de ses parents faisaient briller l'endroit, même si une petite tristesse persistait dans son cœur. Yasmine avait manqué la fête, et Rachid ne pouvait s'empêcher de se demander si cela avait une signification, ou si, au fond, cela n'avait aucune importance. Après tout, la fête était là, et il y avait des gens qui tenaient à lui, même s'il était difficile de s'en convaincre parfois.

Le reste de l'après-midi se passa dans la joie et la convivialité, mais cette absence de Yasmine flottait toujours en arrière-plan de ses pensées. Pourtant, Rachid essayait de se concentrer sur l'instant présent. Il avait ses amis, un cadeau qui allait changer sa vie et un sourire sincère sur ses lèvres. Peut-être qu'un jour, il finirait par comprendre pourquoi elle ne s'était pas montrée.

Alors que la fête touchait à sa fin, Rachid se retrouva seul dans sa chambre, son smartphone entre les mains. Il contempla l'écran, se demandant s'il aurait un jour des appels ou des messages, si son numéro allait un jour être un moyen de communication réel avec le monde. Peut-être que ce téléphone marquerait un nouveau départ pour lui, ou peut-être que ce serait juste un autre objet dans son quotidien. Il n'avait pas encore la réponse.

Ce qu'il savait, c'était qu'il n'était plus seul dans cette maison, ni dans cette vie. Ses amis étaient là pour lui, et même si la route serait encore semée d'embûches, il sentait qu'il avançait. Pas à pas.