Ce soir ne fait pas exception, il y a un monde fou pour la soirée organisée par le bar. Le « Shadow », c'est là où je travaille le week-end pour arrondir les fins de mois… ou plutôt pour m'échapper de chez moi.
Je m'appelle Jazz, j'ai 39 ans, maman de 3 garçons et mariée à l'homme que j'ai rencontré quand j'avais 20 ans. Une petite vie bien tracée qui a fini par avoir raison de moi il y a quelques mois. J'ai eu besoin de faire autre chose, et j'ai atterri au « Shadow ».
Par pur hasard au départ, on cherchait un endroit pour passer la soirée avec les filles, et on a atterrit ici. On a adoré l'ambiance, beaucoup de motards, musique diffusée d'un jukebox. Ici pas de chichi, c'est alcools forts, bière, billard et fléchettes. Bref on s'y sent tout de suite bien, et c'est rapidement devenu note QG. On a sympathisé avec les habitués et surtout avec Thor, le patron, un viking aux mensurations surdimensionnées et à la barbe digne d'un guerrier du nord. Tout le monde l'appelle Thor, je crois que personne ne connait son vrai nom.
Un soir où il y avait beaucoup de monde, Wolf et Danny, les barmans, se sont retrouvés débordés et j'ai demandé à Thor si je pouvais passer derrière et leur donner un coup de main. Quand j'ai abandonné mes études, j'ai bossé dans un restaurant routier et parfois j'étais au bar. J'ai tatonné au début, et ensuite, j'ai pris mes marques, je n'ai jamais quitté le bar depuis. Thor m'a embauché.
Tous les vendredi et les samedi soirs.
Et comme dans tous les bars où la clientèle est quasi exclusivement masculine, une femme au bar, ça fait des ravages.
J'ai un caractère bien trempé, je n'ai pas la langue dans ma poche, et ça, c'est ce qui plaît aux clients. Certains respectent, même si ils essaient d'avoir mon numéro, en général quand je dis que je ne suis pas disponible, ils lâchent l'affaire. Et d'autres ne respectent pas, comme ce soir, un gars qui est déjà venu plusieurs fois et qui, quand je lui sert sa bière, m'attrape le poignée et me demande à quelle heure je fini ce soir. Je lui réponds que je finis trop tard pour lui et il s'énerve, il faut dire qu'il a pas mal bu ce soir. Il a passé la soirée accoudé au bar à me fixer. Ce genre de type me met mal à l'aise, mais c'est le boulot.Wolf lui demande de se calmer, mais c'est Gabe, un habitué qui lui attrape le bras et lui demande de me lâcher. Tom, le collègue de Gabe s'est levé à son tour.
Je tente de calmer le jeu et mon tortionnaire fini par lâcher prise. Je souris à Gabe et Tom et leur offre un verre pour les remercier.
Exceptionnellement, ils restent jusqu'à la fermeture. Pourtant moi je n'ai pas peur, cela fait plusieurs mois que je travaille ici, et il n'y a jamais eu de souci.
Le bar se vide tranquillement, et nous finissons de ranger avec les gars. Vers 3h30, je prends mes affaires, et je rejoins le parking.
Adossé à ma voiture, Gabe m'attend.
« - Merci pour tout à l'heure.
- Avec plaisir Jazz, me répond-il avec un sourire.
- Que fais-tu ici à cette heure ci? Je lui demande.
- J'attend une jolie fille pour lui taxer son numéro. Dit-il en s'approchant de moi »
Bizarrement je ne me sens pas du tout en insécurité, je suis même plus que tentée de lui donner mon numéro.
Ma conscience me rappelle à l'ordre.
- je ne suis pas dispo Gabe, je suis désolée.
Il me sourit en disant qu'il aurait essayé et me souhaite une bonne nuit. Il attend que j'ai démarré pour monter dans sa voiture.