Quatro après avoir courut des heures dans les rues d'Etamenki; s'effondra sous un pont, le corps brisé par la fatigue et les blessures.
Une brume froide et humide qui enveloppait la ville comme un linceul. Les bruits du marché s'étaient éteints, remplacés par le murmure lointain des vagues et les craquements occasionnels des planches pourries du pont au-dessus de lui. Il s'allongea sur le sol dur, les yeux fermés, essayant de retrouver un semblant de calme. Mais le calme était une denrée rare dans cet enfer.
Le sommeil le prit rapidement, comme une marée montante qui noie tout sur son passage. Et dans ce sommeil, il rêva.
Il se retrouva dans une clairière baignée d'une lumière dorée, semblable à celle de son précédent rêve. Les arbres autour de lui semblaient vivants, leurs feuilles murmurant des secrets anciens. Au centre de la clairière, la femme aux cheveux d'or l'attendait, son corps enveloppé d'une aura céleste. Mais cette fois, son visage n'était pas serein. Il était marqué par une tristesse profonde, une douleur qui semblait traverser les âges.
« Tu commences à comprendre, n'est-ce pas ? » murmura-t-elle, sa voix mélodieuse mais empreinte d'une mélancolie infinie.
Quatro fit un pas vers elle, les mots lui manquant. Il sentait que cette femme était plus qu'une simple vision. Elle était une clé, un fragment de vérité qu'il devait saisir.
« Qui es-tu ? » demanda-t-il enfin, sa voix tremblante.
Elle le regarda, ses yeux bleus comme des océans profonds. « Je suis Mistral, » dit-elle doucement. « La femme qu'Axiome a sacrifiée pour son immortalité. »
Quatro sentit un frisson parcourir son échine. « Sacrifiée ? »
Mistral hocha la tête, ses cheveux d'or ondulant comme des vagues. « Il m'a offerte à Chinook, le dieu des paradoxes, en échange de la vie éternelle. Mais Chinook est un dieu cruel. Il a pris ma vie, mais a maudit Axiome avec une immortalité qui n'est rien d'autre qu'une prison. Je suis devenue un esprit, qui erre entre les mondes, condamnée à guider ceux qui cherchent à le détruire. »
Quatro serra les poings, une rage froide s'emparant de lui. « Pourquoi moi ? Pourquoi m'as-tu choisi ? »
Mistral sourit tristement. « Tu as déjà traversé l'enfer, Quatro. Tu as vu ce qu'Axiome a fait à ta sœur, à ton peuple. Tu es brisé, mais cette cassure te rend fort. Tu es prêt à affronter ce que d'autres ne pourraient même pas imaginer. »
Quatro baissa la tête, les souvenirs de sa sœur, de son père, de son oncle, tout ce qu'il avait perdu, lui revenant en flots tumultueux.
« Je ne sais pas si je suis assez fort, » avoua-t-il.
Mistral s'approcha, posant une main sur son visage. Son toucher était chaud, réconfortant.
« Tu as cette volonté pour l'affronter. »
Quatro releva la tête, son regard croisant celui de Mistral. « Alors guide-moi. Dis-moi ce que je dois faire. »
Mistral sourit, mais son sourire était teinté de tristesse.
« Trouve ma dépouille. Elle est cachée dans les Tours Dorées, dans un sanctuaire secret. Détruis-la, et tu briseras le lien qui maintient Axiome en vie. Mais sois prudent. Les Tours sont gardées par des créatures que même les dieux craignent. »
Quatro hocha la tête, déterminé. « Je le ferai. Pour toi. Pour ma sœur. Pour tous ceux qu'il a détruits. »
Mistral commença à s'estomper, son image devenant de plus en plus floue. « Souviens-toi, Quatro, la vérité est souvent cachée. »
Et avec ces mots, elle disparut, laissant Quatro seul dans la clairière.
Quatro se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre. La brume froide de la nuit l'enveloppait toujours, mais quelque chose avait changé. Il sentait une présence autour de lui.
Trois silhouettes se tenaient à quelques pas, leurs ombres dansantes projetées par la faible lumière d'une lanterne. Des bandits, vêtus de haillons et armés de couteaux rouillés. Ils le regardaient avec des sourires narquois, croyant avoir trouvé une proie facile.
« Regardez-moi ça, les gars !» ricana l'un d'eux, un homme trapu avec une cicatrice qui lui traversait la joue. « Un parfumeur qui a trop bu. On va se faire un bon petit butin ce soir. »
Quatro se redressa lentement, les muscles tendus. Son esprit était encore embrumé par le rêve, mais la rage qui bouillonnait en lui était claire, précise. Il sentait le poids du couteau du parfumeur à sa ceinture, et celui du masque qu'il avait volé.
« Allez, lève-toi, enfoiré et donne tout ce que tu as !» grogna un autre bandit, un homme maigre aux yeux injectés de sang. « On va pas te faire mal... Pas trop... »
Quatro ne dit rien, presque aveugle. Il se leva d'un mouvement fluide, ses yeux fixant les bandits avec une intensité qui les fit reculer d'un pas. La rage qu'il avait contenue depuis si longtemps commençait à bouillir, à déborder. Il ne pouvait plus la retenir.
Le premier bandit attaqua, son couteau brillant dans l'obscurité. Quatro esquiva le coup avec une agilité surnaturel, attrapant le bras de l'homme et le tordant jusqu'à ce qu'un craquement sinistre résonne. Le bandit hurla, mais Quatro ne s'arrêta pas. D'un mouvement rapide, il lui planta son couteau dans l'oeil gauche, le faisant taire à jamais.
Les deux autres bandits hésitèrent, leurs sourires disparaissant rapidement. Mais Quatro était déjà sur eux. Il attrapa le deuxième bandit par le col, le soulevant du sol avant de le projeter contre le mur du pont. Le troisième essaya de fuir, mais Quatro était bien plus rapide malgré tout ce qu'il avait enduré. Il lui sauta dessus, le faisant tomber face contre le sol, et lui enfonça le couteau dans le dos à plusieurs reprises, jusqu'à ce que le corps ne bouge plus.
Quatro se releva, haletant, les mains tremblantes et couvertes de sang. La rage qui l'avait animé commençait à se dissiper, laissant place à un vide glacial. Il regarda les corps à ses pieds.
« La guerre est mon souffle... » murmura-t-il, sa voix rauque. « Ma lignée...»
Il ramassa le masque du parfumeur et l'enfila, sentant le parfum apaisant emplir ses poumons. Les Tours Dorées l'attendaient, et avec elles, la vérité sur Axiome, sur Mistral.
Il s'éloigna dans la nuit, laissant les corps des bandits derrière lui. La guerre n'était pas terminée. Elle ne faisait que commencer.