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Chapter 16 - chapitre 16

Le soleil se levait lentement sur le petit village, baignant les cases en bois de sa lumière dorée. Les habitants, encore prudents mais moins méfiants après une nuit de calme, commençaient à vaquer à leurs occupations. Aniaba observait cette scène depuis le pas de la porte de la maison de Victor. Le contraste entre la brutalité de sa mission et la tranquillité de ce moment le frappa de plein fouet.

Il se remémorait les paroles du Baron Samedi : « Libère cette île. » Ces mots résonnaient en lui comme une sentence. Mais devait-il vraiment accomplir cette mission par le sang et la terreur ? Il était né prince, élevé pour mener par la parole, pour négocier, pour inspirer. La violence était un outil, mais n'était-elle pas aussi une entrave ?

Victor, préparant une décoction près de la table où Marie-Louise reposait toujours, l'observa du coin de l'œil.

— Tu sembles pensif, Aniaba, dit-il en brisant le silence.

Aniaba tourna la tête vers lui, les bras croisés. Il hocha lentement la tête avant de répondre.

— Ce que j'ai fait jusqu'ici… Ce n'est pas ce que j'avais imaginé. Je devais être un guide, pas un bourreau. Peut-être qu'il existe une autre voie.

Victor posa ses outils et le regarda avec intensité.

— Une autre voie ? La diplomatie ?

Aniaba esquissa un sourire fugace.

— J'étais bon dans cet art. Un prince doit l'être. Mais ce monde… ce monde semble ne répondre qu'à la force.

Victor s'adossa contre le mur, les bras croisés.

— Peut-être. Mais si tu crois vraiment en la diplomatie, pourquoi ne pas essayer ? Tu dis que les Loas t'on choisit et que le Baron Samedi t'a confié une mission, mais il ne t'a pas dit comment l'accomplir, si je ne m'abuse.

Ces paroles firent écho dans l'esprit d'Aniaba. Il avait été consumé par la rage, mais il n'était pas condamné à la suivre. Peut-être pouvait-il convaincre certains de ses ennemis de se rendre, de changer, de réparer les torts qu'ils avaient causés. Une étincelle d'espoir naquit en lui.

Marie-Louise émit un faible gémissement, attirant leur attention. Aniaba s'approcha de son lit, posant une main légère sur son épaule.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-il doucement.

Elle ouvrit lentement les yeux, un faible sourire éclairant son visage.

— Mieux. Merci…

Elle le fixa, une lueur de curiosité dans les yeux.

— Tu sembles différent aujourd'hui. Hier… hier, tu étais…

Aniaba hocha la tête, coupant doucement ses paroles.

— Hier, j'étais un homme que je préférerais oublier. Mais aujourd'hui, je veux être meilleur.

Marie-Louise hocha la tête, fermant les yeux de nouveau. Aniaba se releva et se tourna vers Victor.

— Peut-être qu'il est temps de parler, pas de tuer, dit-il.

Victor sourit, mais avant qu'il ne puisse répondre, un cri déchirant éclata au loin, suivi par des bruits de tambours et de voix furieuses. Les trois occupants de la maison se figèrent. Aniaba sortit en trombe, scrutant l'horizon.

Un groupe d'hommes armés à cheval était apparu, brisant la paix fragile du village. Ils étaient nombreux, vêtus d'habits militaires, leurs visages marqués par l'arrogance et la cruauté. Un homme, manifestement leur chef, s'avança.

— Nous sommes ici pour récupérer ce qui nous appartient ! rugit-il. Rendez-nous vos évadés, et peut-être que nous vous laisserons en vie !

Aniaba serra les poings. Le doute qui l'avait envahi quelques instants plus tôt était balayé par une montée d'adrénaline. La diplomatie n'était pas une option avec de tels hommes.

— Victor, reste ici avec Marie-Louise, dit-il d'une voix ferme. Je vais leur parler.

Victor tenta de protester, mais Aniaba était déjà dehors, marchant vers le centre du village. Les habitants s'étaient rassemblés, leurs visages marqués par la peur et la détermination.

Aniaba leva une main, s'adressant au chef.

— Vous n'avez rien à récupérer ici. Ce village ne vous doit rien.

Le chef éclata de rire, un son froid et cruel.

— Et qui es-tu pour décider cela ? Un autre esclave évadé ? Un métèque jouant au héros ?

Aniaba avança encore, son regard sombre fixant le chef. Sa posture, droite et imposante, dégageait une autorité naturelle.

— Je suis Aniaba, fils de roi, et je ne laisserai pas votre poison souiller davantage cette terre.

Un silence tendu s'installa. Les hommes armés semblèrent hésiter, mais le chef, piqué au vif, donna un ordre brusque.

— Tuez-le.

Les villageois crièrent, se dispersant dans toutes les directions. Aniaba resta immobile, son visage figé dans une expression de défi. Lorsque le premier soldat s'avanca, il agissait moins comme un diplomate que comme une tempête prête à s'abattre.