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Chapter 2 - Mystère

Le lendemain matin, à 09h45, une musique beaucoup trop dynamique pour un dimanche matin m'arrache à mon sommeil. Je descends les escaliers pour rejoindre les filles. Frany me tend une tasse de latte macchiato, un sourire espiègle sur les lèvres.

– Alors, comment s'est passée ta soirée ? me demande-t-elle avec un air complice.

– As-tu rencontré Julie et Richard ? plaisante Frany en reprenant un ton léger.

Elie éclate de rire, savourant la taquinerie.

– Rachel et Justin, Frany, pas Julie et Richard...

Je sors la fameuse carte de visite de ma poche et leur raconte avec enthousiasme chaque détail de notre échange. Frany, comme à son habitude, semble imperméable à mes aventures architecturales, mais elle s'efforce de garder un semblant d'intérêt. En revanche, Elie m'écoute attentivement, capturant chaque mot.

Les filles me racontent ensuite leur soirée d'hier, une sortie avec un nouveau groupe d'amis de Frany, des footballeurs. Une nuit bien arrosée, sans grande substance à en juger par leurs récits enjoués. Elie me fixe du coin de l'œil, pendant que Frany mime avec exagération une danse sensuelle qu'elle aurait improvisée avec un certain Ed. Elle quitte le loft en riant, se dirigeant vers son entraînement urbain du dimanche.

– Alors, qui est-ce ? demande soudain Elie, avec ce regard perçant qui lit toujours en moi.

– Qui donc ? De quoi tu parles ? répondé-je, mon regard se perdant dans le fond de ma tasse, espérant éviter le sujet.

– Ne me fais pas ça, Divy. On sait toutes les deux de qui je parle. Cet homme.

Un silence lourd s'installe, plus accablant que je ne l'aurais cru. Je soupire, réalisant que je ne peux rien lui cacher.

– Je... je ne sais pas qui il est. Je l'ai juste aperçu, c'était... intense. Il avait ce regard... ténébreux, presque déstabilisant. Il y avait quelque chose chez lui, quelque chose de magnétique, tu comprends ? Un homme qui respire la puissance, séduisant à en couper le souffle, mais... inquiétant d'une certaine manière. Ce genre de regard noir qui te fait te sentir exposée, vulnérable.

– Divyyyyyyyy... souffle Elie, avec un sourire en coin.

– Et puis... bien sûr, j'ai tout gâché en trébuchant comme une idiote, renversant un plateau entier de verres. C'était humiliant...

– Quoi ? Ahahaha ! Non, tu n'as pas fait ça ! C'est tellement toi ! Du Divy dans toute sa splendeur ! rigole Elie, se tenant le ventre.

Le rire devient contagieux, et malgré moi, je me joins à elle. Oui, c'est indéniable : je suis la maladresse incarnée.

– Franchement, il ne te reste plus qu'à demander à Simone qui est cet homme et de la convaincre de vous mettre en contact. C'est le moment, Divy ! Tu es célibataire depuis une éternité. Ce bel inconnu pourrait être ton remède miracle, qui sait !

– Elie, tu es vraiment impossible ! Je ne vais pas demander ça à Simone. Je ne mélange jamais travail et vie privée, tu le sais bien.

– Comme tu veux... Mais ne viens pas te plaindre quand tu auras laissé filer ta seule chance de passer une nuit inoubliable avec cet Apollon.

– Elie, sérieusement, arrête avec ça. Ça n'arrivera pas.

Lundi matin, je prends le temps de me rendre dans mon café préféré pour commander un Mocha et un Matcha Green Tea Latte pour Simone. Je veux démarrer la journée du bon pied.

Arrivée au bureau à 7h15, je dépose le Matcha sur le bureau de Simone. Elle ne tardera pas, et il sera à température parfaite à son arrivée.

– Bonjour, Divy. Pourriez-vous passer dans mon bureau à 10h15 précises ? J'aimerais avoir votre avis sur quelques points avant la réunion avec Group K.

– Bien sûr, Simone. J'y serai.

– Et merci pour le Matcha, je sens son parfum jusqu'ici, dit-elle en souriant.

Simone allait quitter mon bureau, mais s'arrête brusquement. Elle me regarde, prend une inspiration... puis, finalement, rien. Elle soupire et s'en va sans un mot de plus. Cette attitude me trouble. Simone est d'ordinaire très directe, et cette hésitation inhabituelle me met mal à l'aise. Je me demande si l'incident du plateau n'a pas laissé une impression plus marquée que je ne le pensais.

À 10h15, comme convenu, je pénètre dans son bureau. Nous faisons le point sur son projet, et je lui expose mes idées pour le faire évoluer. Ces moments me sont précieux, ils témoignent de la confiance qu'elle accorde à mon jugement, et cela me donne un sentiment de reconnaissance. Je me sens valorisée, presque indispensable.

Alors que je m'apprête à quitter la pièce, Simone m'interpelle :

– Divy, je voulais savoir... comment s'est passée votre soirée de samedi ?

Mon estomac se noue instantanément. Ça y est, elle va mentionner ma maladresse.

– Oh, je suis vraiment désolée pour l'incident des verres, Simone. Je suis une catastrophe ambulante avec mes deux pieds gauches.

– Non, Divy, ne vous méprenez pas, je ne parlais pas de cela. L'incident est déjà oublié. Ce qui compte, c'est que vous ne vous soyez pas blessée... ou pire, que vous n'ayez pas taché cette magnifique robe que vous portiez. J'avoue que j'en étais presque jalouse, dit-elle avec un sourire complice.

– Merci beaucoup. Cette robe est un véritable coup de cœur. J'étais tellement ravie de la porter enfin. Quant à Rachel et Justin, notre conversation s'est très bien passée. Ils sont vraiment adorables. Je vais leur envoyer quelques exemples de mes derniers travaux.

Simone me regarde, son expression devenant plus sérieuse.

– Divy, vous savez que décrocher ce contrat serait une opportunité en or. Cela vous propulserait directement au sommet. Le monde entier verrait ce bâtiment. Des centaines de journalistes couvriront le concours. Vous avez du talent, et je sais que vous êtes tout à fait capable de le faire. Ne vous sous-estimez pas. Vous êtes faite pour accomplir de grandes choses. De plus, les retombées pour notre société seraient considérables. Même si nous n'avons plus rien à prouver, nous devons toujours rester en tête, cent pas devant les autres.

Ses mots sont puissants, mais ils ravivent mes doutes.

– Simone, je... je ne sais pas. J'ai envie d'y croire, mais j'avoue que j'ai peur. Peur de les décevoir... ou pire, de vous décevoir, vous. Cela dit, je donnerai tout. Je m'y consacrerai corps et âme, je le promets.

Simone esquisse un sourire satisfait.

– Parfait. Envoyez-leur vos travaux, et nous verrons ce qu'ils en pensent. Ensuite, nous aviserons.

– Merci, Simone. Merci pour tout.

Elle me fixe à nouveau, son regard pénétrant trahissant quelque chose qui la tourmente. Elle me fait un signe de tête pour me signifier que je peux disposer. Je m'apprête à fermer la porte quand j'entends une phrase, presque murmurée, comme un écho à demi formulé :

– Faites attention à vous.

Je ne sais pas si elle voulait que je l'entende ou si ces mots lui ont échappé, comme une pensée enfouie qui aurait surgi sans prévenir. Mais cette phrase, si inhabituelle dans nos échanges, me laisse perplexe et mal à l'aise. Quelque chose dans son ton m'a troublée profondément.

Le reste de la journée se déroule dans une brume totale. Ses mots résonnent dans ma tête, sans cesse. Que voulait-elle dire ? Pourquoi ce soudain élan de sollicitude ?

À 16h30, je me rends à un rendez-vous de suivi de chantier. Je me gare près de mon dernier projet, un bâtiment en cours d'achèvement. J'avance avec assurance, dossiers et plans en main, mon casque vissé sur la tête et mes chaussures de sécurité aux pieds. Pas très glamour, mais qu'est-ce que j'adore ça ! Voir notre bébé prendre forme, sortir de terre, c'est grisant. Le rendez-vous s'étire, mais il est essentiel.

J'ai vraiment de la chance d'avoir une équipe en béton. Tout avance à un rythme effréné, et tout est sous contrôle, ce qui est devenu une véritable rareté dans le milieu de la construction.

En montant dans ma Tesla, je jette un coup d'œil dans le rétroviseur. Je dois l'admettre, en toute modestie, je suis plutôt une belle femme. Ce constat me fait éclater de rire à haute voix, fidèle à ma mauvaise habitude de rire à mes propres blagues.

Alors que je m'engage sur l'Interstate 5, un témoin lumineux s'allume sur mon tableau de bord. Problème de batterie, apparemment pas assez rechargée.

– C'est quoi ce bordel ? Impossible, elle est branchée en charge continue à la maison et au boulot ! marmonné-je, agacée.

Si une Tesla tombe en panne de batterie, elle devient impossible à déplacer. Et bien sûr, il aurait fallu que ça m'arrive ailleurs... Pas ici, en pleine autoroute. Après à peine deux cents mètres, la voiture s'arrête net. Je n'en crois pas mes yeux.

– Impossible... Putain, impossible !

Attendant la dépanneuse, je me poste derrière les barrières de sécurité. Mon esprit tourbillonne, cherchant une explication rationnelle à cette panne soudaine. Mes pensées sont brutalement interrompues par le vrombissement d'une moto qui ralentit en passant près de ma voiture, avant de filer à toute allure dans un rugissement de moteur.

– Pauvre type ! Tu n'as rien de mieux à faire ?!!

Peu après, la dépanneuse arrive. Ils doivent soulever ma Tesla pour la remorquer, totalement inerte. C'est l'occasion idéale pour rendre visite à mon père. Il a un garage non loin du centre-ville, et bien que nous ne nous voyions pas souvent, la faute m'en revient en grande partie. Toujours accaparée par le travail et cette routine infernale...

– Ma chérie, ta voiture n'a aucun problème, dit-il en levant un sourcil.

– Comment ça, papa ? Impossible ! Elle m'a lâchée en pleine autoroute, les dépanneurs n'ont rien pu faire.

– Est-ce que tu aurais des ennuis ? demande-t-il doucement.

– Des ennuis ? Pourquoi tu me demandes ça ?

– Écoute, tu peux tout me dire, tu le sais. Je serai toujours là pour toi, peu importe ce qu'il se passe.

– Mais papa, de quoi tu parles ? Tout va bien !

Il soupire et me tend un petit appareil étrange.

– J'ai trouvé ça sur le module de contrôle électronique de ta Tesla.

– D'accord... et je suis censée comprendre quoi ?

– Cet appareil a infiltré le système de ta voiture. En gros, c'est comme pirater un ordinateur.

– Quoi ? Mais qui aurait fait ça ? Ça n'a aucun sens ! C'est sûrement une erreur...

– Es-tu bien sûre que tu n'as pas d'ennuis ? Tu n'as pas fait de nouvelles rencontres ces derniers temps ? Ce genre d'appareil ne se trouve pas sur le marché. Je veux que tu comprennes que ce n'est probablement pas un « hasard ».

Je le regarde, troublée. Mon esprit refuse de connecter les points.

– Papa, je te promets que je ne sais absolument pas ce qui a pu se passer. Ma vie est d'une banalité affligeante. Écoute, je dois y aller, les filles m'attendent pour dîner. Merci pour la réparation. Tu m'enverras la facture ?

– Et si, à la place, tu m'accordais un dîner ? Tu me manques...

Je l'embrasse tendrement sur la joue et prends les clés, les glissant dans mon sac.

– Avec plaisir, papa. Mais envoie-moi quand même la facture.

– Fais attention à toi, ma fille, dit-il avec un regard inquiet.

Je retrouve le confort de ma voiture, mais sa dernière phrase résonne en moi. « Fais attention à toi. » Ces mots... Je les ai déjà entendus, ce matin même, dans le bureau de Simone.

Prenant la décision de ne pas m'attarder sur cet incident troublant, je monte le volume de la musique à fond, laisse les fenêtres ouvertes et profite du doux vent estival qui s'engouffre dans la voiture. J'ai besoin de me vider la tête.

Une fois rentrée au loft, je décide de ne pas alarmer mes amies. Ce n'est probablement qu'une coïncidence... Après tout, je suis juste Divy. Tout cela n'a aucun sens, me répété-je pour tenter de me rassurer.

La semaine a été interminable, chargée de travail jusqu'à l'épuisement. Entre plusieurs études de faisabilité et des esquisses à boucler, j'ai passé mes jours et mes soirées au bureau, sans voir la lumière du jour. Et pour ne rien arranger, je ne cesse de surveiller mes mails dans l'espoir d'un retour de Rachel et Justin après leur avoir envoyé le lien de mon book professionnel. Chaque fois que je vérifie ma boîte, même mes spams, je suis déçue de n'y voir aucun nouveau message.

Enfin, samedi soir arrive, et je ne pourrais être plus ravie. Frany a proposé de sortir à Belltown, un quartier branché en bord de mer, avec ses bars animés et son atmosphère parfaite pour évacuer le stress de la semaine.

Le loft est un véritable chaos. Trois filles qui se préparent à sortir, c'est forcément des vêtements éparpillés partout et un nuage de parfums mélangés flottant dans l'air.

Frany est vêtue d'un short vert et d'un débardeur blanc, bien sûr sans soutien-gorge, comme à son habitude. Elle répète toujours qu'il n'y a pas de raison de mettre des « barrières là où elles n'ont pas lieu d'être ». Elle seule comprend vraiment ses métaphores. Son trait d'eyeliner vert flashy souligne ses yeux pétillants, et ses cheveux châtains sont relevés en un chignon négligé, sa signature.

Elie, quant à elle, porte un mini-short en jean taille haute, associé à un crop top rouge qui révèle juste ce qu'il faut de sa peau. Ses cheveux brun foncé, lisses naturellement, tombent en cascade jusqu'à mi-dos. Ses yeux sont sublimés par un fard nude, et ses lèvres, d'un rouge flamboyant, captivent les regards.

Quant à moi, j'ai opté pour une petite robe noire moulante et courte, avec de larges bretelles et un décolleté en cœur. Mes cheveux châtain clair, légèrement ondulés, sont laissés libres, tombant jusqu'en bas de mon dos. Un léger fard rose pour faire ressortir mes yeux vert-or, un gloss transparent et un contour subtil au crayon. Un pschitt de Black Opium, et je suis prête.

Nous montons dans la Fiat 500 décapotable bleu clair de Frany, la musique à fond, déjà plongées dans l'ambiance de la soirée.

Notre première destination : le Spot Bar, un lieu que Elie adore pour son ambiance Grunge. Ici, tout est délirant, on s'y relâche complètement. Ce n'est pas mon genre de musique, mais pour commencer la soirée, ça passe.

La soirée bat son plein. Elie est déchaînée. Après quelques verres, elle se transforme en une autre personne : une nana sans complexe, sans inhibition, ou presque... Frany, elle, n'a même pas besoin d'alcool pour être ainsi ; elle est déjantée de nature. Ces moments de rire et de folie entre copines me remplissent de bonheur. Sortir avec elles est toujours un plaisir. J'ai déjà bu trois bières, et je commence à me sentir agréablement bien.

De loin, on entend scander « FRANYYYYY ». Ce n'est pas juste une personne qui l'appelle, c'est tout son groupe de footballeurs qui vient d'entrer en trombe dans le bar. Ils sont sept, et visiblement déjà bien éméchés. Ils foncent littéralement sur elle. D'après ce que j'ai compris, le fameux Ed, celui avec qui elle s'est trémoussée le week-end dernier, est parmi eux. C'est probablement lui qui la serre contre lui en lui attrapant les fesses.

Je ne peux m'empêcher de sourire. Ce soir, moi aussi, j'ai envie de me lâcher, de sentir quelqu'un me toucher, de me perdre dans la folie de la nuit. On enchaîne les verres de Tequila, et je sens que je ne tiendrai pas à ce rythme. Ces nouveaux amis ne sont pas mal, en fait. Ils sont cool, plutôt beaux-gosses. Je remarque que plusieurs filles dans le bar nous dévisagent, empreintes d'envie, et je dois avouer que la situation me plaît. Nous quittons le Spot et poursuivons la soirée dans une boîte de nuit branchée, Le Lézard.

En temps normal, faire entrer sept mecs dans une boîte comme celle-ci n'est pas une mince affaire. Heureusement, Elie connaît bien le propriétaire, un de ses clients. Grâce à elle, nous passons devant tout le monde, et une fois de plus, les regards envieux se posent sur nous. Je dois l'avouer, j'adore ces petits privilèges.

Ed ne lâche pas Frany d'une semelle. S'il le pouvait, il lui sauterait dessus là, au milieu de la piste, sans se soucier des autres. Elle le sait, et elle en joue. Frany adore se sentir désirée, elle pousse toujours les hommes à la limite du supportable, les laissant brûler de frustration. C'est elle qui mène le jeu, comme toujours.

Elie, quant à elle, rit aux éclats, installée sur une chaise haute du bar, un homme à chaque côté, tous deux s'évertuant à la faire rire. Ils doivent être convaincus que l'expression "femme qui rit, à moitié dans ton lit" leur garantit une chance ce soir. À voir l'expression d'Elie, il n'est pas impossible qu'ils aient raison.

Moi, je suis sur la piste de danse, déchaînée. Je m'amuse sans retenue avec un certain Tom. Grand, athlétique, yeux bleus, crâne rasé, barbe de quelques jours, il bouge bien. Très bien même. Ses mains effleurent mon corps, et je sens que la soirée prend une tournure torride. Chaque mouvement, chaque geste devient plus tactile, plus intime. Même moi, je me surprends à aller plus loin que d'habitude.

À un moment, Tom m'enlace et me murmure quelque chose à l'oreille, mais avec la musique assourdissante, je ne capte rien. Cependant, ses mains baladeuses me laissent deviner exactement ce qu'il a en tête. Un sourire malicieux aux lèvres, je me hisse sur la pointe des pieds, prête à lui mordiller légèrement le lobe de l'oreille.

Et puis, tout bascule. Mon estomac se noue violemment, me clouant sur place. À quelques mètres de moi, je reconnais ce dos. Ce dos parfaitement sculpté, ces épaules, ce jean noir et ce t-shirt moulant. Ce n'est pas possible. Non, c'est impossible... Mais c'est bien lui, je le sais. Il est là, à quelques mètres, dominant la foule, sa posture imposante, son allure inimitable. Mon cœur s'emballe.

Soudain, Tom me saisit le visage et m'embrasse avec une vigueur inattendue. Mais tout le désir, toute la légèreté que je ressentais quelques instants plus tôt s'évanouissent. Ce baiser ne me fait rien. Je n'ai plus envie de ça. Avec une détermination nouvelle, je le repousse brusquement.

Les regards se tournent vers nous, intrigués.

– C'est quoi ton putain de problème, Divy ? s'emporte Tom, visiblement vexé.

– T'es qui pour me parler comme ça ? Je ne suis pas ton objet ! rétorqué-je, la voix tremblante de colère.

– Putain, c'est toi qui m'allumes depuis le début de la soirée ! Et maintenant, tu me fais quoi, là ?

– Laisse tomber, Tom. Ça suffit.

Je fais volte-face, décidée à quitter la piste, à m'éloigner de lui et à prendre l'air. Mais Tom, refusant d'en rester là, m'attrape violemment par l'épaule pour me ramener vers lui.

– Tu vas pas partir comme ça, bébé ? grogne-t-il, son ton devenant plus agressif.

– Je ne suis pas ton bébé ! Lâche-moi !

– Tu crois quoi ? Que tu peux m'allumer toute la soirée et te barrer d'un coup comme ça ?

– Je fais ce que je veux, Tom. Lâche-moi, maintenant !

Je tente de me défaire de son emprise, mais sa poigne est trop forte. Tout autour de nous, les gens continuent de danser, inconscients de la tension qui monte. La musique est trop forte, personne ne semble remarquer ce qui se passe... Puis, soudain, un violent coup d'épaule en provenance de nulle part fait lâcher prise à Tom. La foule en transe rend difficile de comprendre ce qu'il s'est passé, mais je profite de cet instant pour m'éloigner de lui aussi vite que possible.

Au loin, je vois les filles toujours en train de se déhancher, insouciantes. Je décide de ne pas gâcher leur soirée pour si peu.

Le Lézard possède une terrasse avec une vue imprenable sur l'océan. Après avoir pris un verre de Margarita au bar, je sors pour profiter de l'air frais qui commence à se lever. Non loin de moi, un groupe de filles fume, et l'idée d'une cigarette me traverse l'esprit. Je m'approche d'elles avec un sourire hésitant.

– Excusez-moi, les filles... soirée compliquée. J'ose vous demander une cigarette ?

L'une d'elles me tend un paquet avec un sourire complice.

– Bienvenue au club. Garde-le, il en reste trois.

– Merci, t'es un amour. Le monde est petit, je te revaudrai peut-être ça un jour.

– Brandy, enchantée.

– Divy, ravie de te rencontrer.

Je m'éloigne et m'appuie contre la balustrade. J'aurais probablement dû demander du feu en même temps... Quelle idiote.

– Besoin d'un briquet ? me dit une voix familière.

Mon souffle se coupe instantanément.

– Finalement... je ne vais pas l'allumer. Merci.

Tom se tient là, à quelques pas de moi, l'air plus calme, presque désolé.

– Je suis désolé, dit-il d'une voix plus douce. J'ai trop bu et je m'excuse pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû être aussi insistant. Je voulais juste m'assurer que tu allais bien.

– Je vais très bien, dis-je d'un ton sec, essayant de garder mes distances.

– Divy, vraiment... pardonne-moi.

– Ok.

Il semble sincèrement désolé, mais je reste sur la réserve.

– Juste... sache que je ne suis pas le salaud que tu penses. Peut-être qu'un jour, on pourra en parler dans d'autres circonstances.

– Je ne sais pas. Pour l'instant, j'ai juste besoin d'être seule. Mais j'apprécie ton approche. Merci.

Tom s'éloigne sans insister, respectueux cette fois. Finalement, il n'est peut-être pas aussi idiot que je le pensais. Mais mon esprit est ailleurs. Cette silhouette... Je n'arrive pas à me sortir de la tête l'image de cet homme que j'ai vu chez Simone. C'est lui, j'en suis persuadée. Mais que ferait un homme de son calibre dans ce genre de soirée ?

Je repose ma main sur la balustrade et sens quelque chose sous mes doigts. Un briquet. Il doit appartenir à Tom. Il a probablement laissé tomber lors de notre échange.

Je termine ma Margarita et me tourne pour retourner à l'intérieur, rejoindre mes amies. Il est déjà tard, et Frany a disparu avec Ed. Pas la peine de lancer Interpol à sa recherche, elle rentrera sûrement demain. Je suis épuisée et j'ai envie de rentrer, mais Elie me supplie de rester encore un peu. Comment refuser à ma meilleure amie ?

Je me dirige vers le lounge, un espace plus calme, loin du bruit assourdissant de la musique. Enfin un peu de répit. Je m'installe, pianotant distraitement sur mon téléphone, mais je ne peux échapper à cette étrange sensation d'être observée. Je lève les yeux et regarde autour de moi. Il y a peu de monde dans cette partie du club, des couples et quelques groupes d'amis cherchant à discuter plutôt qu'à danser. Rien d'anormal.

Je reporte mon attention sur mon téléphone, mais soudain, un frisson glacé parcourt mon corps, semblable à celui que j'ai ressenti lors du cocktail chez Simone. Il est là. J'en suis certaine. Mes yeux peuvent me tromper, mais pas mon corps. Mon instinct hurle. Je me lève brusquement du fauteuil, me retournant d'un coup sec. Si quelqu'un m'a vu à cet instant précis, il doit probablement penser que je suis complètement folle.

Là, près des toilettes, je le vois ! Il est là ! Mon cœur s'emballe, et je m'avance d'un pas décidé... ou du moins, c'est ce que je pensais. Une serveuse surgit soudain et me coupe dans mon élan. Je la percute de plein fouet. Je tente de m'excuser tant bien que mal, mais vu mon état d'ébriété, elle se contente d'un sourire indulgent et continue son chemin.

Arrivée dans le couloir des toilettes, une fragrance familière m'envahit. Creed. Ce parfum, je le reconnaîtrais entre mille. Elie a travaillé pour cette marque. Mais où est-il ? Je scrute chaque recoin, la frustration monte. Je deviens folle. Il était là, j'en suis certaine. Furieuse d'avoir manqué l'occasion, je fais volte-face et retourne vers Elie.

– Elie, je suis désolée, je rentre. Un Uber m'attend en bas.

– Allez, Divy, reste un peu. Regarde, Tom n'a d'yeux que pour toi, me dit-elle avec un sourire complice.

– Je ne me sens pas bien. Trop d'alcool, je crois. On se voit demain, ma belle.

– Tu veux que je rentre avec toi ? propose-t-elle, son ton légèrement inquiet.

– Non, profite de la soirée. Fais attention à toi, je t'aime.

– Je t'aime aussi. Écris-moi dès que tu arrives à la maison, ok ?

Elle m'enlace, et comme toujours avec Elie, je ne ressens aucune gêne face à cette proximité. C'est rassurant. Mais alors que je me baisse pour récupérer mes clés, que je viens de laisser tomber, mon cœur manque un battement. Il est là, à nouveau. Ce regard. Ce regard ténébreux qui me scrute intensément. Plus aucun doute, c'est bien lui. L'homme que j'ai vu chez Simone.

Je reste clouée sur place. Ce ne sont plus simplement nos yeux qui se croisent, c'est beaucoup plus. C'est troublant, déroutant, presque douloureux. Nos regards s'accrochent, et je sens une chaleur ardente monter en moi. Ma tête tourne, mes reins brûlent. Puis Elie, me secouant vigoureusement pour me ramener à la réalité, me fait perdre ce contact visuel si envoûtant. Quand je reviens à moi, il a déjà disparu.

– Elie, je t'aime, bonne fin de soirée. Mon Uber m'attend.

Je quitte la boîte et, arrivée au loft, je me sens terriblement mal. Tous ces verres m'ont mise dans un sale état. Mon lit tangue sous moi. Je descends prudemment l'escalier, attrape une bouteille d'eau dans le frigo et m'appuie sur le plan de travail.

Ce regard ! Pourquoi m'obsède-t-il autant ? Je n'avais même pas réalisé à quel point il était beau lors de la soirée chez Simone. Une mâchoire carrée, une barbe parfaitement taillée, ces yeux... ténébreux, mystérieux. Et son corps, sa carrure... il est terriblement sexy ! Rien que d'y penser, je sens une chaleur envahir mon corps. Mais qui est-il ? Devrais-je poser des questions à Simone ? Trop de pensées se bousculent dans ma tête.

Il me reste deux cigarettes. Je sors sur la terrasse, en culotte et un simple t-shirt blanc en guise de pyjama. Briquet, il me faut un briquet. En fouillant dans mon sac à main, posé sur le canapé, je retrouve le briquet que Tom avait laissé sur la balustrade plus tôt dans la soirée.

La nuit est fraîche, une brise agréable caresse mon visage. Je ne suis pas une fumeuse habituelle, mais j'apprécie de fumer pour le plaisir, lors de moments particuliers, ou en bonne compagnie. Inspirant profondément, je fais tourner le briquet dans mes doigts. À bien y regarder, ce n'est pas un briquet ordinaire. Il est noir, avec un cadre couleur or, et l'inscription délicate « Cartier » gravée dessus. Ce truc doit valoir une petite fortune... Je devrai le rendre à Tom.

En l'observant de plus près, je remarque des initiales gravées sous le briquet, mais dans la pénombre, je ne parviens pas à les lire correctement. Ma cigarette se consume rapidement. Il est tard, et je suis épuisée. Je rentre et vais me coucher.

Peu de temps après, un vacarme provenant de l'étage du bas me tire de mes pensées. C'est probablement Elie, et à en juger par ses éclats de rire, elle n'est pas seule. Je souris, mais au fond, je ne peux m'empêcher de me dire que j'aurais préféré rentrer avec cet homme mystérieux. Mon esprit erre un instant sur l'idée de ce qu'aurait pu être la fin de la soirée en sa compagnie...