Le lendemain matin, Cécile fut tirée de son sommeil par le bruit feutré des pas de son compagnon, qui quittait la maison.
Elle ouvrit les yeux, à moitié consciente, et observa silencieusement sa silhouette s'éloigner par la porte.
Pas un mot, pas un regard échangé.
Elle le suivit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse au coin de du couloir , une étrange lourdeur pesant sur sa poitrine.
Prenant une profonde inspiration, elle chassa ses pensées et se tourna vers "Jessica, Thomas, allez, réveillez-vous. Vous allez être en retard pour l'école", dit-elle d'une voix douce, mais teintée d'une tristesse qu'elle ne pouvait dissimuler.
Les enfants, ensommeillés, grognèrent avant de commencer à bouger lentement .
Pendant ce temps, Cécile se dirigea vers la salle de bain.
Elle entra dans la douche et tourna le robinet.
L'eau tiède se mit à couler lentement, glissant le long de son corps.
Elle ferma les yeux, leva la tête et se laissa envahir par la sensation apaisante de l'eau sur sa peau.
Mais ses pensées la ramenèrent inévitablement à la veille.
Les images de cette journée tournaient en boucle dans son esprit.
Chaque détail revenait avec une précision douloureuse : les regards échangés, les mots hurlés, la peur, le désespoir.
Une larme s'échappa, se mêlant aux gouttes d'eau qui ruisselaient sur son visage.
Puis une autre, et encore une autre, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus les contenir.
Elle resta ainsi, immobile, à pleurer sous l'eau, jusqu'à ce que son souffle s'apaise enfin.
Après un long moment, elle coupa l'eau, s'enroula dans une serviette et ouvrit la porte.
Jessica était là, plantée devant l'entrée de la salle de bain, la fixant de ses grands yeux silencieux.
Cécile se rapprocha et s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.
"Qu'est-ce qui ne va pas, ma chérie ?" demanda-t-elle avec tendresse.
Jessica détourna les yeux et répondit, presque dans un murmure : "Non… rien."
Elle glissa rapidement dans les toilettes avant que sa tante n'ait le temps d'insister.
Cécile ne prêta pas davantage attention.
Elle alla dans la chambre, enfila une tenue pour le travail, et s'observa un instant dans le miroir.
Ses traits étaient tirés, ses yeux encore rougis par les larmes, mais elle prit une profonde inspiration et releva le menton.
De son côté, Jessica était restée debout un moment dans le couloir, regardant sa tante.
Malgré son jeune âge, elle comprenait.
Elle voyait les sacrifices que Cécile avait faits pour elle et son frère, tout ce qu'elle portait sur ses épaules sans jamais se plaindre.
Et même si elle ne disait rien, elle admirait en silence cette femme qui, malgré tout, trouvait encore la force de les aimer.
Cécile, après avoir déposé les enfants à l'école, se dirigeait à toute vitesse vers la supérette, jetant de fréquents coups d'œil à sa montre.
« Je dois me dépêcher, sinon je risque d'être en retard », murmura-t-elle, paniquée.
Arrivée à la supérette, tout le monde était déjà là. Elle était la dernière à prendre son poste, comme souvent. Ses collègues la dévisagèrent, mais elle n'y prêta pas attention. Elle se dirigea vers sa caisse et s'installa.
Assise derrière la caisse, elle observait distraitement les passants et les fleurs à l'extérieur à travers les vitres. C'était, sans aucun doute, l'un de ses rares moments de bonheur dans la journée.
Soudain, Christian apparut devant elle, la faisant sursauter.
« Salut, comment tu vas ? »cria-t-il avec un grand sourire.
Focalisée sur ce qu'elle regardait, elle ne l'avait pas vu arriver.
« Christian, t'es malade ou quoi ? Tu veux me faire avoir une crise cardiaque ? » s'écria-t-elle en posant une main sur sa poitrine, essayant de reprendre son calme.
« Désolé, tu avais l'air tellement triste et perturbée... Je n'aime pas te voir comme ça. Je voulais juste te faire sourire », répondit-il, toujours souriant.
« Eh bien, j'espère que tu es satisfait maintenant », répliqua-t-elle en colère, se levant brusquement et le laissant seul à la caisse.
Christian était à la fois son collègue et son seul véritable ami à la supérette.
La journée de travail terminée, Cécile se préparait pour son second emploi.
Christian réapparut devant elle, inquiet. Il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer son humeur maussade toute la journée.
« Cécile, on peut discuter ? » demanda-t-il timidement.
« Désolée, je n'ai pas le temps. Je dois partir pour mon autre boulot », répondit-elle sèchement.
« Tu n'avais pas l'air dans ton état normal aujourd'hui. Je suis désolé pour ce matin », ajouta-t-il.
Cécile passa devant lui sans un mot, mais, en voyant son air attristé, elle s'arrêta un instant.
« Ne t'inquiète pas, ce n'est pas ta faute. Ce sont des problèmes personnels », lui dit-elle avant de reprendre sa route.