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Chapter 2 - CHAPITRE II – Comme Mon Père

« Ton père avait raison Sirius, tu iras loin ! Arriver au rang VI à seulement 19 ans c'est quelque chose, beaucoup doivent se démener jusqu'à 30 ans pour y arriver ! »

 

Assis au bar, j'écoutais Luther me parlait en regardant la mousse dans le fond de ma chope d'hydromel se dissiper peu à peu. À cette époque-là, je me reposais encore beaucoup sur ce vieil homme qui ne collait pas du tout à sa qualification de « vieux ».

Luther était une masse de muscle, surplombant de deux têtes la majorité des hommes. Il était aussi fier que forte moustache blanche, et aussi énergique que n'importe quel jeune de la vingtaine, même s'il disait souvent qu'il était trop vieux pour se battre.

Il était le meilleur ami de mon père de son vivant, et m'avait pris sous son aile vers mes 14 ans.

Enfin, quand je disais « prendre sous son aile », c'était plus comme un parrain de mafia pourrait le faire. Il avait un air sympathique de loin, et me montrait cette facette parce que je faisais du bon boulot.

Il ne valait mieux pas savoir ce qu'il faisait à ceux qui travaillaient pour lui et qui tentaient de le flouer…

 

Tout à coup, un gros coup dans mon dos, accompagné d'un rire gras du vieux Luther me firent tomber ma choppe.

 

« Oh aller tire pas cette gueule ! On dirait que tu viens de perdre quelqu'un, c'est jour de fête pourtant ! ».

 

Personne n'était présent dans le bar, il n'y avait que nous et le barman. Les portes étaient gardées par quelques hommes de Luther, ce qui contrastait avec le soi-disant jour de fête qu'il tentait de me vendre…

Luther pointa le barique d'hydromel. Le barman s'empressa de remplir une nouvelle choppe pour me la donner, ne s'inquiétant pas de celle qui venait de tomber au sol.

Il me sourit en posant la choppe face à moi, dévoilant une rangée de dents aiguisées. Ça devait être un bestial… Un métissé humain-bestial peut-être ? Ses attributs animaux étaient trop peu apparents pour qu'il soit de pur-sang, ce qui expliquerai pourquoi la population lui avais permis de rester en ville…

 

 « Bon ! Rangs VI, ça veut dire beaucoup de choses, tu en connais quelques-unes ? »

 

« Hm... Je suis censé avoir un peu plus de force, moins avoir besoin de dormir, avoir plus d'endurance aussi il me semble… », lui répondis-je d'un air nonchalant.

 

« Sirius, ne tournons pas autour du pot. »

 

« Oui, la spécialisation… »

 

Un sourire qui me déplaisait apparut sur le visage de Luther. Ce vieil homme sympathique connaissait bien les ficelles du métier ; il avait lui-même passé sa vie à faire les boulots que personne ne voulait. Protéger un noble, tuer un noble, voler une archive, intimider certaines personnes…

Il savait aussi parfaitement comment le miroir de l'âme fonctionnait. Dès qu'un humain dépassait le rang VII, qui était le rang le plus bas possible pour toute créature vivante, celui-ci devenait apte à une spécialisation ; une « évolution » de sa classe vers une classe plus élevée. Il allait alors se mettre à développer des sens spécifiques à sa classe.

Un épéiste pourra savoir exactement à quel point le tranchant de sa lame était émoussée. Un archer sera capable de prédire le sens du vent, et ainsi tirer sa flèche en conséquence.

 

« Partant d'un chasseur, il y a peu de choses que je peux faire… »

 

En effet, les classes sont assez simples à changer en elles-mêmes. Si je m'étais mis à travailler ma force et le pugilisme pendant l'année qui suivait, j'aurai sûrement pu devenir un guerrier assez aisément.

 Mais cela aurait juste été une perte de temps, surtout que je savais déjà ce que Luther attendait de moi. Il voulait que je devienne comme –

 

« Écoute Sirius, depuis que ton père est parti, j'ai un mal de chien à trouver de bons assassins. Tu ne peux pas imaginer le temps que j'y passe à chaque fois ! Et même si tu trouves un bon assassin, ils vont surement te filer entre les doigts pour un boulot qui paye mieux ou un boulot moins risqué… »

 

Luther jeta un regard au barman qui sorti par la porte arrière.

 

« Et j'imagine que tu sais bien comment on fait, pour développer une spécialisation ». Il parlait très proche de ma tête et à voix basse, laissant les relents infectes du schnaps qu'il buvait me picoter les narines.

 

« La pratique », lui disais-je en détournant la tête.

 

« Oh ça va ! » Dit Luther en jetant ses bras en l'air, « Qu'est-ce que tu veux faire d'autre ? Tu veux devenir traqueur ? T'en as sérieusement pas mal d'aller dans la cambrousse, accompagner le jeune maître du duché de Morte-couille parce qu'il a peur des loups dans un terrain de chasse gardé. ? »

« Si tu deviens traqueur, tu vas faire la même chose mais payé plus cher, super nan ? Aller arrête de te moquer de moi, c'est vraiment comme ça que tu veux finir ? »

 

Le barman passa à nouveau par la porte arrière, tenant dans ses mains un paquet scellé d'un cachet de cire.

Luther s'en saisit et brisa le sceau, révélant la dizaine de lettres que contenait ce paquet.

 

« J'ai ici un ensemble de cibles faciles. Certains sont d'anciens nobles qui en savaient un peu trop, d'autres sont des érudits ayant dévié du droit-chemin ».

 

 

 Je feuilletais un par un les contrats, la majorité étant produits par l'église avec comme raison « hérésie ».

Tous les documents avaient déjà été signés de la main de Luther, je comprenais que je n'avais pas mon mot à dire...

 

« Tu as déjà tué, Sirius, mais je sais que tuer de sang froid est une autre histoire. C'est pour ça que je t'ai trouvé des cibles faciles, et surtout des gens qui avaient réellement commis des atrocités ».

 

Luther dirigea mon attention sur le cas d'un érudit qui avait été excommunié pour avoir réalisé des recherches illégales sur les démons. Après son excommunication, il avait mené des expériences totalement inhumaines pour tenter de créer des hybrides humains-démons, ou encore avec des bestiaux. Il cherchait à créer des humains « civilisés » qui pouvaient tout de même bénéficier de la force des monstres, inhérente aux démons.

Il fut directement jugé comme hérétique au moment même où ses agissements furent connus de l'église. Sa localisation était donnée, une photo de lui capturée par magie était fournie dans les documents.

 

« Plus tard, tu auras à compléter des contrats où seules des images de la cible et quelques informations utiles pour son assassinat seront fournies. Mais pour le moment, tu peux au moins te dire que tu ne fais que nettoyer la planète de la vermine qui y grouille ! »

Dit Luther avec un affreux sourire.

 

« Il y a un ordre particulier ? ».

 

Mes paroles n'eurent comme effet que de faire grandir le sourire de Luther, il me répondit : « Le paquet est dans l'ordre, si tu les tues un par un, tu n'auras pas à faire d'aller-retour, tu devrais être rentré dans environ 6 mois ».

 

Il m'arriva souvent de repenser au jour où j'eu accepté la demande de Luther. Plusieurs fois je m'étais dit que j'aurai mieux fait de lui cracher au visage plutôt que d'accepter ces contrats mal payés.

Plusieurs fois je m'étais dis qu'à la mort de mon père, cela aurait été pour le mieux si j'avais juste quitté la ville pour partir vivre dans « la cambrousse » comme aimait le dire ce vieux Luther en riant.

 

Mais peu importe, finalement, je fus le dernier à rire. Si j'étais parti à mes 15 ans, certes, j'aurais certainement perdu moins de temps ; j'aurais peut-être même eu une vie plus agréable.

 

 Néanmoins, j'aimais que vous m'eussiez permis d'avouer qu'à ce jour, peu de choses m'avaient autant comblé que de voir Luther faillir sous ma lame.