Ce chapitre est à la première personne, cependant, le reste de l'histoire est à la troisième personne. C'est le point de vue de Cynthia.
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Cynthia montait les escaliers, guidée par son frère vers le jeune homme aux cheveux noirs qui se tenait dans l'allée nuptiale.
Un petit sourire se forma sur ses lèvres.
Enfin, nous nous retrouvons !
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Quand j'avais dix ans, j'ai fait un rêve ; peut-être était-ce un signe des dieux.
Dans ce rêve, ma famille bien-aimée, qui m'adorait par-dessus tout, s'effondrait en une seule journée, le jour de mes dix ans—c'est alors que mon cauchemar a commencé.
Mes parents, Caylan De Luminas et Irina De Luminas De Ramsel, Roi et Reine d'Eldoria, sont décédés dans un tragique accident de carrosse, dans lequel mon second frère aîné, le Prince Vincent De Luminas, était également présent.
Peu après, mon frère aîné, le Prince Alistair, fut couronné Roi d'Eldoria—Roi Alistair.
Cette année-là, Sa Majesté le Roi Alistair avait vingt ans, tandis que moi, Princesse Cynthia De Luminas, j'en avais dix.
Il dut partir brusquement pour la guerre. Sans prévenir, mon frère partit.
Le Palais de Jade, jadis chaleureux, devint froid comme si une tempête de neige avait tout balayé sur son passage, gelant tout sur son chemin.
Les servantes commencèrent à me négliger pour des raisons que mon jeune moi ne pouvait comprendre. Celles qui autrefois me complimentaient m'adressaient désormais des paroles dures que je ne saisissais pas, mais je supposais qu'il s'agissait d'insultes à cause de leur ton.
Avec le temps, je compris la raison. Elles croyaient que j'étais abandonnée par le roi, qui ne m'avait jamais contactée après son départ pour la guerre.
Dans un monde où la magie est primordiale, je n'arrivais pas du tout à la manifester, ce qui faisait de moi une princesse inutile pour le royaume.
Les années passèrent et après une décennie, mon frère revint du champ de bataille.
La guerre n'avait cependant pas pris fin.
Le roi du royaume ennemi, Roi Valérien de Selvarys, proposa un mariage entre les deux royaumes pour mettre fin au conflit.
Peu importe à quel point je m'y opposais, mon frère était sourd à mes supplications. Lui parler c'était comme de se heurter la tête contre un mur. Je ne comprenais pas ce qui était arrivé au frère qui m'avait tant chérie avant que nous soyons séparés pendant une décennie.
Une pensée douloureuse me traversa l'esprit.
"Est-ce parce que nous n'avons pas la même mère ?"
Bien que j'aie abordé un sujet interdit, l'expression froide de mon frère ne changea pas ce jour-là. Il me donna simplement l'ordre de retourner dans mes quartiers et d'attendre que le mariage ait lieu.
Avant que je m'en rende compte, je me tenais dans l'allée nuptiale, regardant l'homme qui allait devenir mon époux, le Prince Lucian, Grand Duc d'Erion, Lucian Von Gwyndor.
À travers mon voile blanc, fin et transparent, je pouvais à peine distinguer ses traits : cheveux noirs, une paire d'yeux émeraude, et un costume blanc qui correspondait à ma robe, contrastant fortement avec ses cheveux.
Son regard se posa sur moi ; cependant, tout ce que je pouvais ressentir de son regard était du mépris, le même regard que les serviteurs me lançaient.
Mais pourquoi ?
J'étais aimée. J'étais chérie.
Où cela a-t-il mal tourné ?
Le mariage prit fin en une semaine, et je fus envoyée au royaume ennemi en tant qu'épouse du grand duc, Grande-Duchesse d'Erion, sans aucun garde d'Eldoria pour me protéger, ni aucune servante disposée à m'accompagner au cas où quelque chose tournait mal.
Lors de notre nuit de noces, mon mari, le Grand Duc Lucian, entra dans la chambre.
Il ne prononça pas un mot et s'assit sur le canapé.
Je l'attendais pour parler, peut-être pour s'approcher de moi et me toucher comme on m'avait dit qu'un mari devrait le faire, mais le grand duc ne fit rien de tout cela.
Il ne me parla pas, ne me toucha pas du doigt et ne me jeta même pas un regard. C'était comme si j'étais invisible. Cela pourrait être scandaleux pour des nobles, mais j'étais soulagée.
La pensée d'être touchée par un homme que je ne connaissais pas me terrifiait plus que de dormir dans ma chambre, où des assassins pourraient apparaître et d'où je pourrais à peine m'échapper vivante.
Je me demandais souvent si c'était mon frère qui les envoyait. En avait-il assez de moi ? Voulait-il se débarrasser de moi ? Mais pourquoi ? Nous n'avions que l'autre dans ce monde.
Après la nuit de noces, le grand duc ne vint jamais dans ma chambre. Nous vivions comme si l'autre n'existait pas. Lors des fêtes, nous dansions souvent, mais nous ne regardions jamais l'autre amoureusement dans les yeux comme les autres couples le faisaient.
Étrangement, je ne leur enviais pas. J'étais contente de ma vie. Je n'avais rien de plus à demander.
Jusqu'à la nuit où des monstres apparurent dans le château.
Quand je regardais par ma fenêtre, toute la terre d'Erion brûlait, avec des monstres poursuivant les humains, essayant de les dévorer.
Les magiciens faisaient de leur mieux pour les arrêter, mais en vain. Leur vie s'éteignait progressivement par manque de mana.
"Si seulement ils avaient les pierres magiques", pensais-je en regardant la scène horrible. J'étais effrayée, mais je pensais que mourir ne serait pas si mal à présent. J'avais vécu plus longtemps que je ne l'aurais cru.
Alors que ces pensées me traversaient l'esprit, une silhouette apparut derrière moi. Je me retournai et vis une nouvelle fois le visage de mon mari.
Couvert de sang, il empoigna fermement mon poignet pour la première fois. Je le regardais, perplexe.
Avant que je puisse entendre ses paroles, une immense ombre noire se dressa sur le Grand Duc Lucian. Incapable de comprendre, je le poussai au sol, faisant face au monstre.
Il frappa ses grandes griffes semblables à des lames dans ma poitrine. La douleur était atroce, et je pouvais à peine respirer la seconde suivante. Je haletais et gémissais alors qu'une marre de sang se formait autour de moi. Le monstre avait une forme humaine, étrangement. J'essayais de regarder, mais ma vision devenait progressivement floue.
Je regardais derrière moi, Lucian me fixait, ses yeux émeraude écarquillés.
"Pourquoi me regardes-tu comme ça ? Est-ce si choquant qu'une épouse sauve son mari ?"
Je souhaitais dire, mais les mots se collaient à ma gorge.
L'inconfort dans ma poitrine grandissait, et graduellement mon esprit devenait vide.
Puis tout se dissipa en noir.
Quand j'ouvris à nouveau les yeux, je respirais bruyamment comme si j'avais été sous l'eau trop longtemps. Je jetais des regards désorientés autour de moi et me retrouvais dans une pièce à la fois familière et étrangère.
Des jouets raffinés, des murs aux couleurs bleu pastel et des draps de lit—ça ressemblait à ma chambre au Palais de Jade. Je ricanais, me demandant si les dieux me jouaient une farce cruelle.
"Votre Altesse, vous êtes réveillée ?" Une voix que je ne pouvais oublier parla.
Je me retournais pour voir ma servante d'enfance au palais, Ami, debout devant moi. Je regardais mes mains et réalisais qu'elles avaient régressé à la moitié de leur taille initiale.
"Qu'y a-t-il, Votre Altesse ? Vous avez des larmes aux yeux."
"Quelle année sommes-nous ?" demandais-je, la voix tremblante.
"Je crois que nous sommes en l'an 300 du calendrier lunaire. Et précisément le 19 février, votre dixième anniversaire."
Dans le rêve que j'avais eu, tout s'était renversé à partir de ce jour. Cela semblait si long et sans fin… presque comme si c'était réel. Ce fut alors que je réalisai que j'avais vécu tout ce qui ne cessait d'arriver.
Ce fut alors que je me suis promis de ne jamais laisser ces événements se répéter—ma vie passée. Et pourtant… je me tenais maintenant devant l'homme que je m'étais jurée de ne jamais revoir !