Note de l'auteur :
J'ai fait une grosse erreur concernant le maïs.
Le simple fait d'en planter en grande quantité n'épuise pas les eaux souterraines.
La période de croissance du maïs coïncide avec la saison chaude, faisant qu'il est facile pour l'eau des champs de s'évaporer.
Le maïs a donc besoin de plus d'arrosages artificiels que les autres cultures. Il absorbe également plus d'eau du sol que les autres cultures.
Si une telle culture est cultivée de manière répétée dans une zone peu pluvieuse et que l'arrosage artificiel est effectué à partir des eaux souterraines, elles ne seront pas suffisamment reconstituées et le sol s'asséchera.
La raison pour laquelle le maïs est cultivé dans ce genre de zone est que tant qu'il y a suffisamment d'eau, la forte lumière du soleil et le dioxyde de carbone des régions arides les rendent adaptées à l'agriculture.
Une autre raison est le rendement élevé du maïs.
J'ai fait une grosse erreur malgré mes recherches.
Je suis vraiment désolé pour ma représentation trompeuse de la culture du maïs.
La tension fut à son comble, mais elle se dissipa rapidement.
L'intrus avait jeté son wakizashi, le rendant complètement désarmé.
Les soldats se détendirent légèrement en voyant cela.
Cependant, ils avaient estimé qu'ils ne devaient pas baisser leur garde et s'approchèrent lentement de l'intrus.
Ledit intrus ne montra aucune résistance et se laissa docilement attacher ses mains derrière son dos.
Le wakizashi et la lance posée contre la clôture furent récupérés et amenés à Niwa.
"Hé, je peux jeter un coup d'œil à cette lance ?"
Shizuko appela le soldat, intéressée par la lance.
Le soldat regarda Niwa qui hocha la tête. Il prit la lance par le milieu, la retourna et la lui présenta.
Après avoir reçu la lance, Shizuko étudia attentivement sa lame. Puis elle avait enfin compris.
Son sentiment d'avoir déjà vu cette lance quelque part ne venait pas de son imagination.
"Des lettres sanskrit et une épée à la poigne en forme de vajra sont gravées dessus. Elle a été faite par Fujiwara Masazane de la secte Mikawa Manjushri. Si je me souviens bien, son nom est Tonbogiri…"
À ce moment-là, l'intrus, qui était resté silencieux jusqu'à présent, tourna brusquement la tête vers Shizuko.
"C-Comment le savez-vous ?!"
Voyant leur captif surpris, Niwa interrogea Shizuko tout en gardant ses yeux sur l'intrus.
"Shizuko-dono. Connaissez-vous l'identité de cette personne ?"
"Hum, s'il possède Tonbogiri… il doit être un homme du Mikawa : Honda Heihachirō-dono, un vassal du clan Tokugawa."
Bien qu'elle n'en était pas entièrement sûre, Shizuko répondit à Niwa.
***
La province de Mikawa était la région dirigée par celui qui deviendrait le premier shōgun du shogunat d'Edo, Tokugawa Ieyasu. Au cours de l'an 5 de l'ère Eiroku, Nobunaga avait établi l'Alliance Kiyosu avec Ieyasu.
Cette alliance faisait qu'aucun voleur ne pouvait être facilement ou sévèrement puni s'il était un serviteur des Tokugawa.
"Peu importe ce qu'il m'arrive. Je veux être le seul fautif et que mon seigneur ne reçoive aucun blâme."
Tadakatsu (Heihachirō) apprit qu'il était un entré dans un lieu secret du territoire des Oda sans passer par les procédures formelles, mais il n'était ni paniqué ni perturbé.
La seule chose qu'il voulait était que cela ne cause pas de problème à son maître, le clan Tokugawa. Il était même prêt à donner sa vie pour cela.
En entendant cela, Shizuko reconnut qu'il était vraiment Honda Tadakatsu, l'homme qui était resté fidèle à Ieyasu même après sa mort.
Même s'il appartenait à une force alliée, ce qu'il avait fait était trop grave pour être gracié. En plus de s'être immiscé dans leur territoire, il avait découvert la culture artificielle de shiitakés qui était considérée comme une information top secrète.
Tadakatsu ne savait pas cela, mais il avait compris au vu de l'atmosphère qu'il avait commis une erreur irréparable. Il était si effrayé qu'il essayait de réduire sa présence.
"(Que devrions-nous faire… ?)"
Shizuko murmura à Niwa qui s'était approché d'elle.
Elle ne voulait pas faire toute une affaire de cette situation et chercha un moyen de régler cela pacifiquement.
"(Hum, bonne question… nous allons devoir attendre le jugement du seigneur.)"
Niwa ne voulait pas non plus que cela dégénère en incident diplomatique entre leurs pays.
Au final, le sort de Honda Tadakatsu serait déterminé par Nobunaga.
Par conséquent, Niwa envoya un messager à Nobunaga et Tadakatsu serait confiné dans une pièce de la garnison jusqu'à l'arrivée de la réponse.
"Je comprends."
Ce furent les seuls mots que Tadakatsu avait prononcés.
Niwa ignorait si cela était de la bravoure ou de la compréhension, mais il était ravi de l'absence de résistance.
Mais au moment où ils allaient transférer Tadakatsu en prison, un son indescriptible semblable au rugissement d'une bête les surprit.
Le coupable baissa la tête et trembla légèrement suite aux gargouillis de son ventre.
En regardant de plus près, il était si embarrassé que même ses oreilles avaient rougi.
Voyant cela, Shizuko et Niwa se regardèrent en souriant. Après un grondement d'estomac aussi fort, la tension avait complètement disparu.
"… Ah, ça me rappelle, Niwa-sama ! J'ai pensé à une nouvelle recette d'onigiri. Je pensais que vous pourriez me donner votre avis."
"Oh, euh, eh bien, j'accepte avec plaisir."
Ayant élaboré un plan pour épargner à Tadakatsu cet embarras, Shizuko tapa des mains comme si elle venait d'avoir une idée.
Bien que sa réponse fut quelque peu maladroite, Niwa joua le jeu.
Ils se regardèrent avec des visages tendus avant de se tourner vers Tadakatsu.
"H-Honda-sama, est-ce que vous en voulez aussi ?"
"Il reste encore beaucoup de temps avant le dîner. Avoir quelque chose pour calmer l'estomac en attendant est recommandé."
"Je… je vous suis redevable. Pour être honnête, je m'étais égaré dans les montagnes et j'ai épuisé ma nourriture, je n'ai eu que de l'eau depuis hier. Merci pour votre bonté."
Tadakatsu corrigea son apparence et se joignit au duo.
Cela semblait forcé, mais tous trois avaient les mêmes intentions alors ils effectuèrent une dégustation d'onigiri.
Pfiou… c'était un peu forcé, mais ça a marché.
Soulagée, Shizuko sortit des onigiri de sa bandoulière.
Par chance, elle en avait exactement trois. Elle tendit les grosses boules de riz enveloppées dans des feuilles de bambou à Niwa et Tadakatsu.
"D'habitude, on aurait préparé des baguettes, mais les onigiri se mangent à la main. Alors allez-y."
"Comme une ration militaire ? Voyons voir…"
Le trio était assis autour d'un irori, Niwa retira les feuilles de bambou, montrant un onigiri fait avec du riz brun et des patates douces et des iburizuke en accompagnement.
"Shizuko-dono, qu'est-ce que c'est ?"
Niwa demanda en pointant les iburizuke qui semblaient à la fois similaires et différents des tsukemono habituels.
Comme prévu, il hésitait à mettre quelque chose d'inconnu dans sa bouche, mais Tadakatsu était différent.
"… Délicieux. Je pensais m'être lassé des boulettes de riz, mais ces morceaux jaunes juste assez de douceur pour rendre chaque bouchée agréable. Ces étranges tsukemono sont également incroyables. Ils contiennent une nostalgie qui me rappelle mon village natal. C'est vraiment délicieux."
Il alterna ses bouchées entre la boulette de riz et l'iburizuke.
Niwa ne put cacher sa surprise face au manque de suspicion dont Tadakatsu faisait preuve face à la nourriture qui lui avait été présentée. Remarquant le regard qui lui était lancé, Tadaktasu avala sa bouche et lui parla.
"J'ai quelque chose sur le visage ?"
"Non, je suis juste étonné que vous n'avez pas suspecté que ce soit empoisonné."
"Vous ne semblez pas être du genre à empoisonner les autres, et si vous aviez voulu me tuer, vous aviez déjà eu de nombreuses occasions de le faire."
"J-Je vois…"
Tadakatsu continua de manger son onigiri en souriant.
Libéré de toute mauvaise volonté, Niwa se mit lui aussi à entamer sa boulette de riz et ses daïkons marinés.
***
Après cela, plutôt que d'être jeté en prison, Tadakatsu fut placé dans une pièce vacante avec un garde à l'extérieur puis transféré à un autre endroit le lendemain.
Il était entouré d'une trentaine de soldats et de Niwa.
Cependant, il n'était pas particulièrement paniqué, il était sur un cheval et tenait un paquet d'iburizuke.
Il portait ce paquet car il avait été conquis par le goût des iburizuke et en avait demandé une portion à Shizuko avant de partir. Comme ce n'était pas une nourriture secrète et qu'il était de type fumé, faisant qu'il ne se gâterait pas trop rapidement, Shizuko avait immédiatement accepté.
Elle lui avait donné un grand paquet emballé dans du tissu et Tadakatsu avait tenu ses deux mains et exprimé sa gratitude.
Lorsque Tadakatsu posait ses deux mains sur quelqu'un, faisant qu'il n'avait pas de main libre pour tenir une arme, c'était sa façon de dire [Je vous fais confiance].
Cependant, en plus d'être difficile à comprendre, le comportement énergique de Tadakatsu empêchait généralement l'autre parti de réaliser cela.
"… Des fleurs de cerisier ?"
Soudain, des fleurs de cerisier tombèrent sous ses yeux.
Alors qu'il regardait le cerisier, qui avait déjà perdu la plupart de ses pétales, une série de mots lui vinrent à l'esprit.
Il ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche :
"Le vent du printemps
Pétales de cerisier
Même dispersés
Brillant et épanouissant
La fleur de mon cœur."
"Hein ?"
"Hein ? Euh, non, rien."
Remarquant le regard suspect de Niwa, Tadakatsu se racla la gorge en rougissant légèrement.
Lui-même ne comprenait pas pourquoi de tels mots étaient sortis de sa bouche.
"Nous arriverons dans environ une heure."
"Compris."
Niwa, n'y prêtant pas attention, changea de sujet.
Profitant de cela, Tadakatsu durcit son expression. Mais il poussa rapidement un léger soupir.
"Nous attendrons la décision de notre seigneur. Mais nous ignorons quel sera son jugement…"
"(… J'espère qu'ils ne demanderont pas comment j'étais arrivé là-bas) Je comprends. Si possible, j'aimerais que mon seigneur ne reçoive aucun blâme."
Après ces mots, il continua de se murmurer à lui-même.
Ce serait humiliant s'ils découvraient que j'avais erré là-bas parce que mon cheval s'était enfui.
***
Au début d'avril, après avoir confié la gestion du travail au champ à Daiichi et les autres, Shizuko se rendit au champ de soja qu'elle avait planté l'année dernière.
Avec une tarière, elle creusa des morceaux de terre là où elle avait planté le soja et le maïs. Puis elle les disposa selon la profondeur de chaque couche.
"… Ah zut. J'ai oublié ce problème."
Au premier coup d'œil, il ne semblait pas y avoir de différence entre les morceaux de terre devant elle.
Cependant, après une observation approfondie, elle remarqua que la terre était extrêmement sèche par endroits. C'était de la terre creusée à environ 1,5 mètre sous la surface.
Bien que le sol en surface était parfaitement humide, à une certaine profondeur, il était complètement asséché.
D'un point de vue extérieur, cela pouvait ressembler à un phénomène étrange, mais Shizuko savait ce qui causait cela.
"J'ai oublié que si le maïs est planté à côté du soja, il absorbe plein d'eau…"
La cause était le maïs planté à côté du soja.
L'eau faisait trois quarts du poids du maïs, faisant qu'il avait besoin de plus d'eau que les autres grains.
Pour une même superficie, le maïs avait besoin de trois fois plus d'eau que le blé.
Inévitablement, il absorbait bien plus d'eau souterraine que les autres cultures.
Il était possible de maintenir l'humidité de la surface du sol grâce à l'irrigation, mais les racines du maïs pouvaient faire jusqu'à 230 cm de longueur.
C'était presque deux fois plus long que le soja et le blé, et près de trois fois plus long que les pommes de terre et le riz.
Il y avait également les problèmes de timing.
La période principale de la croissance du maïs coïncidait avec la saison chaude, lorsque l'eau des champs s'évaporait rapidement.
Par conséquent, la majorité des précipitations annuelles, qui survenaient principalement pendant la saison des pluies et lors des averses nocturnes en été, étaient absorbées avant d'atteindre la couche d'eau souterraine, provoquant une réaction en chaîne dans laquelle les eaux souterraines diminuaient lentement.
"Hum… ça va être difficile de retourner la terre."
Le manque d'humidité du sol était dû à une erreur de calcul de la quantité d'eau de l'irrigation et des faibles précipitations ; heureusement, les dégâts étaient minimes en raison de la petite taille des champs.
Mais si la production de maïs augmentait en parallèle avec la production de soja, l'eau de la rivière finirait par ne plus suffire et l'eau souterraine serait utilisée.
Lorsque cela se produira, le sol commencera à s'affaisser en raison de l'absorption rapide de l'eau des nappes phréatiques.
À terme, les eaux souterraines s'épuiseront, le manque d'humidité du sol s'aggravera et rendra la terre sèche, puis elle passera de la sécheresse à la désertification.
Dans le monde moderne, les États-Unis étaient réputés pour leur culture du maïs, mais ce pays n'avait fait qu'arroser la surface de la terre pendant 200 ans. La vraie source d'eau était les nappes phréatiques.
Il existe plusieurs sources d'eau souterraine aux États-Unis, et certaines d'entre elles contiennent environ 4 000 milliards de tonnes d'eau (environ 150 fois plus que le lac Biwa).
C'était une immense quantité d'eau, mais que se passerait-il si elle était continuellement siphonnée pour arroser de vastes terres agricoles ?
Les nappes phréatiques se videraient. Dans le Midwest des États-Unis, un réservoir souterrain de la taille du Japon est sur le point de disparaître.
Selon des recherches, il faudrait au moins 5 000 pour le remettre à son état originel.
Pour éviter que le sol ne perde son humidité à cause du maïs absorbant intensément les eaux souterraines, il suffisait de laisser la terre se reposer, mais pour cela, il fallait également arrêter la production de soja.
Si la production de soja atteignait les prévisions de Shizuko, Nobunaga exigerait que le niveau de production soit maintenu.
Mais s'ils faisaient cela, cela détruirait la terre fertile d'Owari. Dans le pire des cas, Owari serait transformé en désert en quelques décennies.
"Pour lutter contre les parasites… il y a des moyens, mais ça signifie négliger les rizières."
Comme la production de soja n'était pas grandement influencée par les engrais chimiques, son rendement dépendait uniquement de la fertilité du sol et des actions des rhizobiums qui coexistaient dans ses racines.
Par conséquent, les problèmes techniques à la culture du soja étaient les fréquentes apparitions d'insectes nuisibles et de mauvaises herbes.
La production de soja chuterait particulièrement en cas de pestes et de maladies. Le maïs avait été planté pour contrecarrer cela, mais cela avait provoqué le problème actuel du manque d'eau souterraine.
Les principaux ravageurs du soja étaient les Pentatomoidae (punaises) et les Lépidoptères (papillons et mites). Tous deux vivaient principalement dans les zones ombragées remplies de mauvaises herbes telles que les crêtes entre les rizières.
Et du début de l'été au début de l'automne, ils endommageaient les gousses et les graines de soja en cours de maturation.
En d'autres termes, pour lutter contre les pestes, il fallait faucher ou brûler toutes les mauvaises herbes autour du champ avant de planter le soja.
Cela permettait de réduire le nombre d'insectes hivernants. Il fallait donc couper jusqu'aux racines.
"… Hum, ouais. On va changer de méthode cette année."
L'autre problème, celui des mauvaises herbes, était relativement plus facile à gérer. Pour le soja, le labourage et la culture intercalaire étaient suffisamment efficaces pour lutter contre les mauvaises herbes.
Avant de planter le soja, empêcher la prolifération de mauvaises herbes en labourant la terre et en faisant de la culture intercalaire faisait une grande différence.
Elle décida de ne pas s'appuyer sur une méthode sophistiquée pour contrer l'épuisement des eaux souterraines dû au maïs et d'utiliser à la place une méthode plus basique mais fiable.
La méthode était extrêmement simple. Des gouttières en bambou seraient installées dans le champ de maïs.
Bien entendu, ces gouttières seraient légèrement spéciales : des petits trous seraient creusés ici et là.
Lorsque l'eau passera dedans, l'eau s'écoulera lentement des petits trous, gardant le sol légèrement humidifié.
En faisant cela, la quantité d'eau utilisée peut être réduite de 70 % et les nutriments des racines seront à la place utilisés pour la croissance.
Mais le plus important était le contrôle des mauvaises herbes. Régler ce problème ou non donnait une grande différence de rendement.
"Ouaip… il va falloir tout brûler !"
Sur ces mots ambigus, Shizuko se retourna―
"…"
―Et fut nez à nez avec Aya qui était juste derrière elle sans qu'elle ne le remarque.