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Chapter 15 - Retour dans le monde des hommes - Partie 03

Lars s'éloigna lentement d'Eric, mais son esprit n'était pas encore totalement libre. La rencontre avait réveillé une partie de lui qu'il croyait endormie : le désir profond d'aider les autres à se libérer de leurs chaînes invisibles. Pourtant, la tâche semblait presque insurmontable. Il savait que la route serait semée d'embûches, et que les ombres dans les cœurs des hommes étaient bien plus tenaces qu'il ne l'avait imaginé.

Il se retrouva devant un café, un petit établissement qui lui était familier. Il y avait longtemps qu'il n'y était pas venu, mais quelque chose l'attira à entrer. Le bruit des tasses, des conversations légères et des rires familiers semblait presque irréel après tout ce qu'il avait vécu. À l'intérieur, l'atmosphère était chaleureuse, presque rassurante, mais Lars ressentait comme un décalage avec ce monde apparemment ordinaire. Comme si chaque sourire, chaque mouvement, dissimulait une part d'ombre qu'il était désormais capable de percevoir.

Il s'assit à une table près de la fenêtre et observa les gens qui entraient et sortaient, tous absorbés dans leurs propres préoccupations, trop pris par la course effrénée de la vie quotidienne pour s'arrêter un instant. Lars soupira en se disant que, malgré leur apparente normalité, chacun portait en soi un fardeau, une peur, un secret non résolu.

"Un café, s'il vous plaît." La voix de l'un des serveurs le ramena à la réalité. Il fit un signe de tête, et, alors qu'il attendait, ses pensées s'égarèrent vers une autre rencontre qui l'attendait probablement dans les heures à venir.

Il avait pris contact avec un vieil ami, Michel, un homme qu'il avait connu dans ses années de jeunesse, avant son voyage. Michel avait toujours été quelqu'un de calme, presque trop calme, préférant observer plutôt que d'agir. Lars savait qu'il avait lui aussi ses propres ombres, mais qu'il n'avait jamais voulu les affronter. Cela faisait des années qu'il avait perdu le contact avec lui, mais le besoin de revenir vers ses racines, de retrouver les connexions qui avaient autrefois donné sens à sa vie, était plus fort que tout.

Lars prit son café et observa l'heure. Il savait qu'il ne pouvait pas remettre cette rencontre à plus tard. Chaque instant passé à hésiter, chaque minute dédiée à l'inaction était une occasion de plus de fuir la vérité. Mais quelle vérité exactement ? Comment pouvait-il expliquer à Michel tout ce qu'il avait vécu, tout ce qu'il avait compris, sans qu'il le prenne pour un fou ou qu'il se ferme complètement à cette réalité intérieure qui, selon lui, était maintenant la seule véritable chose qui comptait ?

Alors qu'il se perdait dans ses réflexions, son téléphone vibra. Un message de Michel : "Je suis là. À bientôt."

Lars se leva et paya son café. Il sortit, traversa la rue et se dirigea vers le parc où ils s'étaient donné rendez-vous. Le vent soufflait doucement, effleurant les feuilles des arbres et apportant avec lui un parfum de terre mouillée. Lorsqu'il arriva, Michel était déjà là, assis sur un banc, son regard perdu dans l'horizon.

"Salut," dit Lars en s'approchant.

Michel tourna la tête et lui adressa un sourire timide. "Ça fait longtemps, hein ?"

Lars s'assit à côté de lui, silencieux un moment. Il observa Michel, cherchant à voir à travers les yeux de son vieil ami. Une lueur de fatigue marquait son visage, et ses yeux, bien que calmes, laissaient entrevoir des années de réflexion sans réponse.

"Comment ça va ?" demanda finalement Lars, brisant le silence.

Michel soupira profondément. "On fait aller... Le boulot, les obligations, la routine. Tu sais, la vie. Mais toi… qu'est-ce qui t'est arrivé ? T'es un autre homme, on dirait."

Lars sourit légèrement. "C'est un peu le but. Tu sais, je suis parti… longtemps. J'ai découvert des choses. Des choses sur moi-même, sur le monde, sur les ombres qu'on porte tous."

Michel le fixa, intrigué mais aussi méfiant. "Les ombres ?"

Lars hocha la tête, prêt à se lancer dans une explication qu'il savait difficile à digérer. "Oui, les ombres. Ce sont ces parties de nous-mêmes qu'on cache, qu'on évite de voir. Et pourtant, ce sont elles qui nous contrôlent. Je les ai affrontées, et depuis, tout a changé. Mais je crois que c'est quelque chose que tu pourrais comprendre, toi aussi."

Michel le scruta un instant, comme s'il évaluait ses mots. Puis, il se tourna légèrement, croisant ses bras. "Je vois… Tu veux me dire que tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai vécu, tout ce que je suis, c'est à cause de mes ombres ?"

"Pas seulement," répondit Lars. "C'est aussi grâce à elles. Elles ne sont pas là pour nous détruire. Elles sont là pour nous enseigner. Si on apprend à les regarder, à les comprendre, elles nous révèlent des vérités qu'on n'aurait jamais pu percevoir autrement."

Michel ne répondit pas tout de suite. Il regardait l'horizon, le vent effleurant ses cheveux, comme s'il cherchait une réponse dans les nuages. "Et tu penses qu'on peut changer ?"

"On peut, oui. Mais c'est un chemin difficile. Ça demande de la volonté, du courage, et surtout, une grande dose d'honnêteté avec soi-même." Lars posa une main sur l'épaule de son ami. "Et tu n'es pas seul, Michel. Tout le monde a ses ombres. Mais si on les affronte ensemble, alors peut-être qu'on peut trouver la lumière."

Michel tourna lentement la tête vers Lars, un sourire triste se dessinant sur son visage. "Tu sais, ça fait longtemps que je ne crois plus vraiment à ce genre de choses. Mais… peut-être que j'ai tort. Peut-être que c'est justement ce que j'ai toujours fui."

Un long silence s'installa, comme une pause nécessaire pour que chacun des deux amis digère ce qui venait d'être dit. Finalement, Michel se leva et tendit la main à Lars. "Je veux bien essayer. Pas pour toi, pas pour moi, mais pour… pour enfin comprendre."

Lars serra sa main, un léger sourire aux lèvres. "C'est un bon début."

Ils restèrent là, tous deux, un moment, observant le monde qui continuait de tourner autour d'eux. Le voyage de Lars était loin d'être terminé. Il venait de poser un premier pas vers une vérité qu'il savait plus grande encore. Et peut-être, juste peut-être, ce pas en entraînerait un autre.

À suivre...