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Chapter 2 - Andréa Ann Cooper et le vieux Yuri

Il ne m'a pas fallu attendre longtemps avant de la voir sortir du Golden Stone, casino le plus extravagant de cette zone. Au premier coup d'œil, on voyait une jeune femme douce, pure, complètement détachée du décor miséreux des bas quartiers. Son visage était serein, sa démarche calme, et ses compétences aux maquillages cachaient à merveille la fatigue d'une nuit mouvementée.

- Ah Locke ? Enfin décidé à devenir un homme ? Tu m'excuseras, j'ai déjà fini mon service, il fallait venir plus tôt.

- Pour enrichir encore plus la brigade ? Non, merci. Si tu me veux, il te faudra travailler toute ta vie pour me payer, mon corps n'a pas de prix.

- Quoi ? … Ha Ha Ha ! Dis-moi, jeune homme, où as-tu trouvé les couilles pour me parler ainsi ? Tu sembles différent, t'es tombé du lit ?

- Peut-être… J'ai un truc à te parler, tu as mangé ? Viens, on va chez Yuri, on sera au calme.

Sans attendre sa réponse, je rebroussais déjà chemin pour retourner vers notre bloc. Je sentais sur moi le regard intrigué d'Andréa qui essayait de comprendre ce qui se passait. Elle savait que quelque chose avait changé, mais ne pouvait pas mettre le doigt dessus. Son hésitation n'a duré que quelques secondes, puis elle m'a emboîté le pas.

Yuri était un vieux rüs qui a débarqué à Merra, il y a déjà plus de trente ans. Tombé amoureux de l'île et de son climat chaud, il a ouvert son restaurant et était le seul jusqu'à maintenant à résister aux gangs. Son secret ? Personne ne sait, mais il paraît qu'il a des connexions avec la pègre, là-bas. Difficile à croire quand on connaissait le personnage, mais tout était possible en ce monde.

Son restaurant était divisé en trois étages. Le rez-de-chaussée incluait un bar-comptoir et des tables pour les non-initiés ou ceux qu'il ne portait pas spécialement dans son cœur.

Le premier étage, la zone VIP, était dédié aux personnes qui voulaient se sentir important. Souvent, c'était la chasse gardée des petites frappes de la Stone Brigade, où ils se pavanaient de leurs conquêtes du moment.

Enfin, il y avait la terrasse, réservé aux vrais habitués, ceux qu'il jugeait réellement digne de sa confiance et qu'il considérait comme des membres de sa famille. On n'y commandait pas, et on n'y payait pas. 

La terrasse de Yuri était notre QG, notre refuge. On y jouait quand on n'était que des mômes, et on s'y réfugiait quand les choses allaient mal. Yuri y servait des plats qui ne figuraient pas sur la carte, et on avait pris l'habitude de laisser de l'argent sur la table pour le remercier.

- Alors, tu voulais me parler de quoi ?

Avant d'entamer la discussion, j'ai pris soin de lancer « Sens Aigu » et « Isolation » pour m'assurer que personne ne puisse entendre ce qui allait se dire. Respect pour elle.

- Combien tu dois à la Stone Brigade pour ta liberté ?

En un éclair, j'ai vu la tristesse et la colère passer dans ses yeux, avant de reprendre leur calme habituel. Je savais que la discussion allait l'affecter, mais je n'étais plus la même personne qu'hier, à prendre des pincettes pour ne pas froisser les gens.

- Ce ne sont pas tes affaires, et tu ne peux rien pour moi. S'il te plaît, soit un bon petit frère, ne te mets pas dans des embrouilles que tu ne peux pas contrôler et concentre-toi sur tes études.

Elle allait se lever pour partir, mais j'ai insisté.

- Combien ?

Troublée par mon insistance et mon autorité, elle s'est rassise machinalement, pris quelques secondes de réflexion, avant de continuer.

- … 20.000.000 de crédits. 5.000.000 si je leur laisse la maison de mes parents. Pourquoi ?

- J'ai une affaire à te proposer.

Au même moment, j'ai posé sur la table un petit coffret, avec dedans une dizaine de pierres précieuses brutes, qui avaient toutes la taille d'un petit poids.

- Je connais quelqu'un qui cherche à revendre ces cailloux en dessous des radars. Il peut en fournir une dizaine par mois, et tu toucheras 30% de commission pour les ventes. T'en penses quoi ?

Prenant une pierre dans les mains pour l'étudier, Andréa a complètement perdu son sang-froid naturel cette fois-ci.

- Mais t'es malade ? Dans quoi tu t'es embarqué ? Je viens de te dire que tu devais faire très attention à toi et tu me sors ça ? Chacune de ces pierres valent au minimum 500.000 crédits ! Qui irait confier ça à un gamin ? Ramène tout de suite ces pierres là où tu les as trouvés !

Je m'attendais déjà à sa réaction, j'ai lancé discrètement « paix de l'âme » pour la calmer avant d'enchaîner.

- Calme-toi, veux-tu ? ça vient d'un gars qui travaille avec moi sur le chantier. Il a de la famille dans le sud qui font de la prospection. Là-bas, ils ne toucheraient même pas ce prix pour la totalité de la marchandise. Du coup, ils lui envoient les pierres pour avoir une chance de faire fortune. Il me les a confiés, car il sait que je viens de Black Waters et que je suis quelqu'un en qui il peut avoir confiance. Alors, ça te tente ?

Son regard allait et venait entre mon visage et les pierres précieuses. Elle avait beaucoup de mal à digérer l'information, mais l'appât du gain la tentait.

Pour être sûr qu'elle prenne la bonne décision, j'ai encore lancé sur moi le sort « Persuasion ». Heureusement que tous ces sorts n'ont pas d'émanation externe comme « Lame indestructible ».

- Bon, je pourrai te trouver des acheteurs, mais le souci, c'est qu'ils voudront une rencontre. Et ni toi, ni moi, n'avons la carrure ou la force nécessaire pour les intimider et assurer notre sécurité. Tu y as pensé ? La force fait tout dans ce monde, ton ami aurait dû le savoir avant de confier ça à un gamin.

- On va arranger la rencontre ici, et Yuri servira d'intermédiaire. Ce sera suffisant pour les convaincre de ne pas tenter quelque chose. J'en discuterai avec lui pour le reste. Alors ?

Après quelques secondes d'hésitation, elle a fini par accepter. C'était limite vexant de voir qu'elle avait plus confiance en un quinquagénaire étranger qu'en moi, mais en même temps, c'était de Yuri dont on parlait.

Le voilà justement qui venait pour servir notre petit déjeuner. La cinquantaine, 100 kg de muscle pour 2m de hauteur et des cicatrices sur tout le corps, il avait plus l'air d'un mercenaire endurci qu'un tavernier.

Nous en avons directement discuté avec lui, et Yuri, toujours fidèle à lui-même, a juste dit d'accord avant de redescendre. Seule chose particulière, avant de disparaître dans les escaliers, il nous a avertis :

- Faites très attention à vous les enfants, il n'y a pas de magie en ce monde.