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Chapter 140 - Arc 7 - Épisode 12 : Mauvaise Perspective.

Alors que Renko vient de commencer sa marche lugubre vers la destruction, le vénérable et l'amoureux des combats sont dans la salle comportant la fameuse statue de Faironne. Celui qui vient d'être victime d'un retrait d'aura est allongé au sol, sur un sceau déjà actif. Le père de Fraya est assis en tailleur auprès de lui, bras tendus. Situation un peu ironique où un fanatique convaincu de la religion qu'il est sensé perdurer aide un être pourtant méprisé par celle-ci.

« Pourquoi vous m'aidez ? Je n'ai même pas fini votre formation !

- Qu'aurais-tu fait si c'était toi qui avait réussi l'épreuve ?

- Je serai devenu fort pour être capable de sauver mes amis. Lorsque la situation était grave, j'ai, encore une fois, été trop faible. Mes adversaires en ont profité et ont tué mon meilleur ami. avoue Rajik, les larmes au bord des yeux.

- Veux-tu te venger ?

- Non... Je veux être quelqu'un capable d'intervenir à tout moment. Se venger pose trop de problèmes.

- Absolument.

- Le problème... C'est lui qui a réussi votre épreuve, pas moi... Il faut l'arrêter.

- Il y a une chose qu'il ignore... S'il tue les éléments, Yamos sera libéré. L'adversaire qu'a eu Faironne pour posséder notre monde. Une entité prônant la domination d'une énergie unique. La sienne. Il a été exilé dans une autre dimension. Si les éléments disparaissent, la frontière qui le sépare de nous sera brisée.

- Pourquoi vous ne lui avez rien dit ?

- Je pensais être capable de le raisonner. En vain. Mais lorsque l'une des progénitures de Yamos a tenté de venir ici, je lui ai indiqué cet endroit.

- De qui parlez-vous ?

- L'Hoshaku.

- Quoi ?! Mais c'est mon ami ! »

Une telle affirmation étonne le vénérable. Décidément, une partie des propos de Renko était vraie. Sur le moment, Ki-Igno ne sait pas quoi en penser, sous le coup d'un trouble. Et si, l'intrusion de cet homme sur les terres sacrées était justifiée ?

« Il s'appelle Rai. C'est un Shirenai que moi et mon ami Yoru avons rencontré. Il avait perdu la mémoire. Il ne veut de mal à personne. Je vous le jure.

- Je veux bien te croire mais l'énergie de l'Hoshaku a été créée pour anéantir Faironne, que tu le veuilles ou non.

- Mais... C'est mon ami... Je ne veux pas l'abandonner... Sans lui, jamais je ne serai devenu aussi fort... Sans lui, je n'aurais jamais eu autant d'amis... Il avait ce truc avant qu'on le connaisse. Et sans ce truc, on serait déjà mort. Alors moi, je me fiche si c'est ce que vous dîtes est vrai. Il reste mon ami. Je dois l'aider. Alors... Guérissez-moi, je vous en prie. »

Le dilemme qui anime l'esprit du vénérable le tiraille de part en part. Doit-il rester fidèle aux règles établies par Faironne ? Doit-il céder à la demande d'un être qui a côtoyé un de ses ennemis ? Puis, sans explication préalable, il pense à sa fille. Le fait qu'elle ne soit jamais revenue provoque un mal au ventre. Pourquoi s'était-elle enfuie ? Il n'était pas là de la bonne manière. Ignorant s'il la reverra un jour, la situation actuelle comporte quelques similitudes. Après tout, le ki, l'héritage de leur déesse chérie, vit dans ses veines. Ne pas venir à son secours constituerait une sorte de désobéissance.

« Ton sentiment est noble... Je vais t'aider.

- Vous allez l'arrêter ?

- Non. Le peuple Kiyuza a assez souffert par le passé. Nous ne voulons en aucun cas salir notre philosophie par des actes contraires à celle-ci. Je vais restaurer ton ki. »

Une certaine déception très perceptible se dessine sur le visage de Rajik. Avec la démonstration de puissance qu'il a pu démontré face au successeur du plus célèbre des Kiyuzas de l'Histoire, avoir un homme comme lui dans les rangs des surnommés sauveurs aurait constitué un atout majeur.

« Il y a quelque chose que je voudrais savoir... Pouvez-vous m'en dire plus sur le truc que j'ai sur moi lorsque je déploie ma force ? »

Voilà la question qu'il voulait éviter. Doit-il lui dire la vérité ? Doit-il se taire au risque d'amener certaines conséquences incontrôlables vu le caractère assez chaotique du pouvoir détenu par son interlocuteur ? Revient encore une fois le cas de Fraya qui lui rappelle encore et encore ses erreurs. Oui. Il faut lui en faire part.

« Un symbole constitué d'une spirale, de quatre points et d'un lotus ?

- Oui.

- Il désigne un talent que nous craignons tous. Celui de l'accumulation. Le Kiyuza qui le possède est comme un gouffre à ki sans limites connues. En raison de ça, nous avons décidé de... »

Un petit silence durant lequel, en analysant ses propres propos, à l'aide de brèves images du jour du fameux jugement qui força à l'exil l'un d'entre eux, le vénérable comprend qui est devant lui.

« De quoi ?

- D'abandonner tout enfant de Kiyuza naissant avec. »

Cette fois-ci, c'est au tour de celui qui vécut une bonne partie de son enfance dans les bois de faire le lien avec ce qu'il apprend. Une douleur due à l'écrasante émotion assaille ses entrailles, l'amenant presque aux larmes. La souffrance, qu'il cachait pourtant parfaitement, liée à ses difficultés de communication, revient dans sa mémoire. Il tient enfin l'explication derrière ce trouble. Mais, au-delà de tout ça, une question presque existentielle émerge de ses pensées.

« Vous voulez dire que... Mes parents sont ici ? »

Au lieu de lui donner une réponse claire, Ki-Igno acquiesce d'un mouvement de tête. Rajik est déboussolé par cette confirmation.

« Vu ce qui vivait en toi, conformément à nos règles, j'ai été obligé de t'exiler de nos terres... Une fois que tu auras récupéré tes forces, si l'envie te vient de te venger, je ne répliquerai pas. Ta colère sera entièrement justifiée.

- Guérissez-moi. » répond avec un ton assuré et grave l'amoureux des combats.

Son attitude étonne le vénérable. Pourquoi passer outre l'acte atroce qu'il lui a fait subir de force ? Son désir d'aider ses amis passe ainsi au-dessus de tout ? Son comportement, pourtant illogique par rapport à toutes les informations qu'il lui a confié, amène une sorte de pitié chez le paternel de Fraya.

« Je vous en prie. »

Ils se regardent intensément, sans que Ki-Igno n'accélère le processus de réintégration d'une aura dans le corps de Rajik. Pendant ce temps, Rai et Fraya, ignorant totalement tout ce qu'il s'est passé depuis la dernière conversation qu'a eu le premier avec le maître- conseiller, sont toujours face à face, assis en tailleur, yeux fermés et auras actives. Kenshiro reste en retrait. Un souvenir vient mettre en pause sa phase longue d'observation des deux énergies issues de l'Interdit. Celui-ci a lieu peu de temps après sa promotion en tant mercenaire. Et si, lorsqu'il consultait les écrits qui allaient être repris par Daigaku et Aritsune, et notamment celui concernant l'Hoshaku, la foudre la plus rapide du Continent Central s'était mis à mettre la main dessus ? Que se serait-il passé ? Aurait-il été capable d'arrêter Alnor pile au bon moment pour que jamais il ne s'empare de l'énergie noire ?Est- ce que ceux qui décideraient de son exil plus tard l'en aurait empêché ? Tant de questions auxquelles il ne trouvera pas de réponses à cause de l'arrivée inattendue de Lyn.

« Déjà de retour ? s'étonne-t-il.

- Oui... J'aurais aimé dans d'autres circonstances... Malheureusement, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer.

- Ah... Comme ci ça ne suffisait pas... Allez, dis-moi. répond-il après avoir lâché un soupire traduisant parfaitement une certaine fatigue d'être relancé pour des affaires graves.

- Notre cité s'est effondrée d'un seul coup. »

Cette affirmation le cloue au sol. Comment ça effondrer ? Une attaque surprise ennemie ? Si oui, par qui ? Pourquoi ?

« Personne n'a pu réparer le moindre bâtiment. Tous nos affiliés à la terre, Shirenai ou Zigrik, ont perdu leurs pouvoirs. »

Une telle annonce l'amène à faire le lien avec ce qu'il avait subi de la part de ses anciens supérieurs. Tout de suite, il se lève, le visage témoignant d'une gravité profonde. Il s'avance vers Rai tout en libérant des symptômes de son Kuwanoren.La chaleur qu'il émet parvient à mettre des frissons dans le dos de la mercenaire. Même à la retraite, cet homme a préservé une puissance latente assez conséquente. Arrivé près de lui, il glisse un éclair très fin les reliant.

« Rai ? Tu m'entends ? demande-t-il à voix basse.

- Oui. Qu'y a-t-il ?

- Nous rencontrons un problème majeur. Tous les géomanciens ont perdu leurs maîtrises. Tout s'est effondré à Kigen.

- Perdu ? Comment est-ce possible ? Nous avons vaincus les anciens conseillers.

- Lyn vient à peine de m'en faire part. »

Rai décide de mettre en suspens l'activité d'équilibre énergétique qu'il réalise avec Fraya depuis déjà un certain moment. La Kozana s'étonne encore une fois de cet arrêt. Heureusement pour elle, vu le temps passé avec son homologue énergétique, aucune envie de dévorer quelconque énergie même infime. Aussitôt, elle se demande qu'elle est la raison cette fois-ci derrière ça. Kenshiro fait signe à la Shirenai de s'approcher. Chose qu'elle s'empresse de faire.

« Un rayon les a atteint ? demande le détenteur de l'Hoshaku.

- Non. C'est arrivé d'un seul coup. explique-t-elle.

- En tout cas, j'ai toujours ma foudre. C'est déjà ça. Lyn, peux-tu confirmer une nouvelle fois que seule la terre a été retirée ? interroge le mari de Fraya.

- Apparemment, oui. Je me suis permise en chemin de tester et il se trouve que j'ai toujours mon feu.

- Étrange... Si je me souviens bien, quand je me délectais de mon temps en tant qu'exilé, je me suis rendu une fois dans le Continent du Sud pour vérifier une information que j'avais aperçu dans la salle des archives. Hormis les hauts lieux élémentaires permettant d'entrer en contact avec les éléments en personne, des failles postées aux quatre points cardinaux sont chacune associées à chacun d'entre eux.

- Oui. J'ai pu m'en apercevoir lorsque j'ai emprunté celle du Nord. La foudre en a la charge. Le Sud est occupé par Hotto, le feu. L'Est est réservé à l'eau. Donc... Si la maîtrise vient de disparaître, il y a de grandes chances que quelque chose s'est produit à l'Ouest. » confirme Rai.

A l'évocation de sa terre natale, un vertige s'empare de Fraya.

« Merde... Si ça continue comme ça, on perdra tous nos pouvoirs. enchérit Lyn.

- Si notre ennemi décide de vous neutraliser de cette manière, sans être obligé de venir ici, je ne vois pas quoi faire.... Je ne vois qu'une seule personne capable de m'éclairer : Yoru.

- Je ne veux pas être cynique mais... Il est mort. répond Kenshiro.

- Il m'a contacté.

- Quoi ? Tu es sérieux ?

- Désolé, j'ai oublié de t'en parler. Attends. Je vais tenter de l'appeler. »

Il se concentre pendant un instant. Celui qui fut un temps son mentor n'en revient pas. Est- ce dû à une propriété encore méconnue conférée par l'Hoshaku ? Au bout de quelques secondes, Rai arrête de tenter une communication, pensant qu'il pouvait inverser le processus utilisé par l'ancien vice-conseiller.

« Rien à faire... Je ne sais pas comment il a fait. Je retourne à Kigen voir le maître-conseiller. Lyn, tu viens avec moi ?

- Oui !

- Nous y serons en un éclair.

- Merci... C'est que ça m'épuise tous ces déplacements en peu de temps. »

Elle prend sans hésiter la main droite tendue par Rai. Un véritable honneur. Comme affirmé par ce dernier, après un bref mais intense dégagement de lumière, ils sont tous les deux téléportés. Fraya rejoint son mari.

« Ça va ? » lui demande-t-il.

Aucune réponse. La Kozana a le regard ailleurs.

« Qu'est-ce qui ne va pas ?

- L'Ouest...

- Ah oui... Je vois.

- Je pensais être passée à autre chose... Et, avec ce que j'ai pu comprendre là, c'est comme ci mon passé revenait au galop. »

Touché par la tristesse émanant d'elle, il vient la câliner.

« Nous réglerons ce problème. Ensemble. Je te promets que tu auras une vie apaisée et débarrassée de tout ce qui a pu te blesser.

- Je l'espère. »

A Kigen, quelques secondes plus tard, Rai et Lyn arrivent à l'entrée. Ainsi, le porteur de l'Hoshaku peut constater l'ampleur des dégâts. Les habitants font ce qu'ils peuvent pour tout reconstruire. Tellement ils étaient habitués à utiliser le peu de maîtrise pour modeler tout ce qu'ils voulaient, retourner à des méthodes classiques les déroute vraiment.

« Tu vois ? Plus aucun géomancien ne peut utiliser ses pouvoirs. »

Désireux de vérifier les conséquences du phénomène par lui-même, Rai s'approche de l'un d'entre eux. Il active en partie son aura, sur sa main droite. Comme il se souvient encore bien des signatures énergétiques uniques de chacun des membres du quatuor de la Chambre, il se concentre un moment, à la recherche d'une quelconque trace de l'élément de la terre à l'intérieur de l'affilié. Quelques secondes plus tard, il ne peut admettre qu'il n'y a plus rien.

« Je ne détecte pas la chaleur du maître-conseiller... Où est-il ? » demande Lyn.

Rai essaye de le détecter. En vain. Il n'est pas à Kigen. En effet, pendant ce temps, Tencubo arrive à proximité de la capitale du Sud, dominée par des maisons à murs blancs. Des arbres exotiques, très proches de notre monde, sont présents à chaque coin de rue.Des colonnes, au diamètre fin, terminées par des sphères gravées de motifs floraux, bordent les rues. Les habitants portent des bas amples et mixtes, à couleurs pastels. Les hommes ont les bras nus. Les femmes ont les cheveux attachés et/ou tressées. Le maître-conseiller défile à l'intérieur. Les locaux se retournent vers lui. Deux soldats viennent à sa rencontre.

« Halte ! Pourquoi êtes-vous ici ?

- Shirenais du Sud !... Je suis le maître-conseiller Tencubo. Ma cité et les miens viennent de connaître une tragédie. Par conséquence, je veux parler à votre chef de toute urgence. Puis-je le voir ? »

Comme une réponse à sa demande, une boule de feu fonce soudainement sur lui. Il la pare et la dévie facilement.

« Écoutez moi. Je suis venu pour implorer votre aide. Nous sommes tous en […] »

Plusieurs boules de feu arrivent à vive allure vers lui. Les symptômes de son Kuwanoren surgissent d'un seul coup. Il tend sa lame vers elles et les absorbe. Les habitants prennent peur. Avec cette prise de contact catastrophique, Tencubo vient à penser que si Yoru était encore là, il aurait trouver les mots. La diplomatie, c'était son point fort en tant que conseiller. Malgré l'impressionnante démonstration de force qu'il a effectué, les habitants prennent n'importe quoi comme armes et s'approchent doucement de lui.

« Nous sommes tous en danger ! Moi ! Les miens ! Vous aussi ! L'élément de la terre n'est plus ! Et dans peu de temps, ce sera le cas pour celui du feu ! »

Son affirmation donne des frissons dans leur dos, cessant immédiatement leur manœuvre uniquement motivée par un instinct de défense.

« Une nouvelle menace vient de nous frapper ! Nous devons protéger le volcan d'Irn avant qu'il ne soit trop tard ! »

Un silence glacial les frappe. Parfois, les mots sont plus percutants que la force, surtout pour un peuple comme celui-là. Le père de Lyn vient jusqu'à lui. En signe de respect, vu qu'il est sur son territoire, le maître-conseiller s'incline.

« Par le terme nouvelle menace, de quoi parlez-vous ? Avez-vous des preuves tangibles pour étayer vos propos ?

- Suite à l'élimination de mes prédécesseurs, nous avons appris que leur dernier soldat encore en vie s'était rendu sur le Continent de l'Ouest. Par souci que l'un de nos alliés infiltré là-bas soit en danger, nous avons envoyé celui qui possède l'énergie blanche. Malheureusement, il a été violemment repoussé. Quelques jours plus tard, alors que chacun de nous s'adonnait à ses taches quotidiennes le temps que des informations supplémentaires nous parviennent, d'un seul coup, nos maisons se sont écroulées. Nos affiliés ont tenté de les reconstruire. En vain. C'est là que nous nous sommes rendus compte qu'ils avaient perdu leur maîtrise. »

Malgré la pertinence de son discours, les visages des Shirenais restent impassibles, comme s'ils ne le prenaient pas du tout au sérieux. Avec la dernière bataille en date, l'unique moyen connu autre que la mort pour qu'un affilié perde ses pouvoirs reste cle fameux rayon de neutralisation employé par Daigaku et Aritsune.

« Je n'ai rien inventé ! Croyez-moi. Kigen ne vous a rien demandé depuis le Conflit élémentaire. Nous avons respecté l'accord. Mais, ici, la menace est beaucoup trop grande pour être ignorée. Un danger d'une importance que nous n'avons jamais connu. Cette fois-ci, l'équilibre de notre monde est en péril. Tout le monde peut perdre sa maîtrise à tout moment. Aussi bien vous que moi. »

Toujours aucune réaction qui pourrait le convaincre qu'ils accèdent à sa demande. Dans une dernière tentative de changer leurs avis, Tencubo lui tend sa main droite au père de Lyn.

« Aidez-moi. Vous aiderez votre fille. »

Même avec cet argument jouant sur l'émotionnel, rien.

« Je vois... Un Shirenai respecte ses principes, quels qu'ils soient. Excusez-moi de vous avoir déranger, vénérable chef des Shirenais du Continent du Sud. J'aurais tout tenté pour vous avertir... Passez une excellente journée. »

Dépité mais désireux que sa dernière pique tape dans le mille, Tencubo se retourne et commence à partir.

« Maître-conseiller. »

Sentant que celle-ci a fonctionné, il s'arrête net. Va-t-il enfin l'écouter ?

« Vous n'avez pas d'enfant, n'est-ce pas ? »

Sa question le surprend. Pourquoi lui demande-t-il ça ? Où veut-il en venir ? C'est à n'y rien comprendre !

« Ce qui nous relie tous dans ce monde, c'est la transmission. Nous prenons de l'énergie. Nous en redonnons. Un cycle. A trop engager d'énergie, on précipite le cycle. On l'accélère. Pour qu'il y est équilibre à nouveau, il faut le ralentir. Le Conflit élémentaire nous a donné une leçon. Si j'ai décidé d'intervenir, c'était avant tout pour ma fille. Pour qu'elle puisse transmettre notre histoire. Vous comprenez ? Tant que vous n'avez pas transmis comme je l'ai fait, jamais vous ne saurez pourquoi je refuse.

- Vous vous trompez. J'ai bel et bien transmis pas en tant que parent, oui, mais en tant que mentor. Je l'ai formé, si bien qu'elle a atteint son Kuwanoren. Malgré tout ce qu'elle a du enduré pour y parvenir, elle n'a rien lâché. Vous avez une fille formidable. Vous l'avez bien éduqué. Elle incarne bien nos valeurs. Vous pouvez en être fier. »

Encore une fois, malgré toute la sincérité du monde qu'il émet via ses propos, aucune réaction, même si, parmi la foule, apprendre que la fille de leur chef ait pu accéder à un tel niveau est impressionnant.

« Désormais, la balle est dans votre camp. Vous savez, si je viens vers vous, ce n'est pas pour preuve de faiblesse évidente. Face à l'inédit de la situation que nous venons de connaître, nous ne savons pas quoi faire. Je cherche avant tout à protéger tout le monde. Mon devoir en tant que maître-conseiller, mon devoir en tant Shirenai. Sur ce, bonne journée monsieur. »

Cette fois-ci, il n'a pas le temps de se retourner que le père de Lyn lui tend à son tour sa main droite. Un geste qui stupéfie les spectateurs.

« Vous avez personnellement formé ma fille... Impressionnant... Vous savez sans doute en partie ce que je ressens... Récemment, sans raison apparente, certaines de nos fondations se sont écroulées subitement. Avec les informations que vous venez de transmettre, si ce que vous dîtes est vrai, veuillez accepter mon renfort. »

Heureux que sa parole soit entendue, le maître-conseiller vient la serrer. Aussitôt, les habitants s'agenouillent.

« Merci... Merci beaucoup ! Protégeons nos cités. Ensemble. Une fois cette histoire terminée, l'accord initial entre nos peuples reprendra ses droits. »

Pendant que Tencubo savoure sa victoire diplomatique, après s'être exercé à la pratique de quelques-uns de ses nouveaux pouvoirs, Renko pose le pied sur le littoral du Continent de l'Ouest. Le moment opportun pour faire un point sur ce qu'il reste à réaliser pour l'emporter de manière certaine. Pour mettre un point final à ce que maîtres Daigaku et Aritsune ont entamé, il doit éliminer les trois autres corrompus. S'ils s'y mettent tous en même temps, il ²n'est pas certain de l'emporter. Comment y arriver ? Pour le moment sans solution, après quelques respirations, il se met en tailleur. Il faut chercher autre chose que des failles qui leur permettrait d'interagir avec le monde. Ainsi, il ferme les yeux et se concentre. Trois secondes plus tard, il émet alors une aura grise, très légère mais suffisante pour produire des ondes qui lui permettent de tout sonder à partir de lui. L'une d'entre elles parcourt, à une vitesse phénoménale, différents paysages et villages avant de parvenir à Kigen, aux oreilles de Rai et des affiliés à la foudre, sous la forme d'un son puissant de vent mélangé avec un autre son strident. Ils se tiennent tous la tête.

« C'est quoi ça ? se demande le porteur de l'Hoshaku.

- Quoi ? répond Lyn.

- Je détecte un signal complètement différent de tout ce que j'ai connu.

- Ah oui ?... Je ne sens rien. »

Après plus ample analyse de ce qu'il perçoit, il comprend quelle énergie en est la source. Puis, en comparant tout ce qu'il a pu ressentir auparavant, il devine aisément à qui appartient la puissance qui s'exprime. Aussitôt, son visage devient grave.

« C'est lui ? »

Rai tend sa main gauche vers la mercenaire.

« Il n'y a qu'un moyen de le savoir. »

Elle la prend sans hésiter, bien décidée à mettre fin aux agissements du dernier représentant de la menace Kiyuza. Celui qu'elle admire active son aura. Une lumière les englobe. Sur le moment, la Shirenai sent ses forces grandir. Quelle agréable sensation ! Ils disparaissent d'un seul coup. Sentant qu'une impressionnante puissance se dirige à vive allure vers lui, Renko, ouvre les yeux. Rai et Lyn apparaissent devant lui. Le Kiyuza se relève, calmement.

« Le voilà... »

Tout de suite, l'affiliée au feu active son aura au maximum, prête à bondir au moindre mouvement du dernier ennemi en vie.

« Finissons-en ! »

La colère bouillonne tellement dans ses veines que certains symptômes de son Kuwanoren s'échappent, notamment quelques lignes translucides. Seul son partenaire temporaire garde son sang froid. En prêtant plus attention à ce qu'il ressent chez le Kiyuza, il a l'impression d'y retrouver une trace de la terre.

« Vous pensez me battre ? »

Piquée par cette provocation, alors qu'elle allait s'élancer vers lui, Rai l'interrompt au bon moment en plaçant sa main droite devant elle. Normalement, elle se serait plaint face à un tel geste mais, en voyant le sérieux qui découle de ses yeux, elle est vite refroidie.

« J'avoue que j'avais peur de vous avant. Vos pouvoirs dépassaient l'entendement. »

Le Kiyuza épéiste se remémore le moment où il retrouva les conseillers agonisant au solavant de se rappeler tout ce qu'il s'est passé dans la grotte.

« Mais, maintenant, c'est terminé. Je suis devenu le plus puissant des Kiyuzas, l'émissaire de Faironne. Je tuerai tous les exploiteurs des éléments. J'éliminerai tous les corrompus. Où qu'ils soient. »

Frappée en plein cœur par cette déclaration de guerre, la mercenaire dégage encore plus de symptômes de sa technique ultime de dégagement de puissance.

« Je vais te faire regretter tes paroles ! Sale taré ! »

Son adversaire le plus sérieux matérialise une lame d'énergie blanche. Comprenant que le membre des personnes surnommées sauveurs ne changera pas d'avis, Lyn s'écarte. A peine une lueur émise, il disparaît sous ses yeux. Un des quelques talents éveillés en cours de route chez Renko réagit à la puissance qui veut s'abattre sur lui. Il le voit ainsi au ralenti. Quelle délectable sensation que de pouvoir prévoir la prochaine action ! Le Kiyuza lui lâche un sourire narquois. C'est au tour de l'émissaire de la déesse ultime de ce monde de s'effacer à la vue de la mercenaire. Sous un coup de stress, voulant à tout prix suivre le combat, elle se transforme presque. Soudain, à sa grande surprise, Rai réapparaît. Qu'est- ce que ça veut dire ? Qu'il est incapable de le retrouver ? Impossible ! Il s'agit de l'énergie blanche là. C'est loin d'être n'importe quoi. Des frissons d'effroi parcourent son dos. Soudain, deux croissants de ki foncent sur lui. Évités de justesse. Nouveau ralentissement de la perception du temps en ce qui concerne les deux combattants. Assaut lancé par Renko. A plusieurs reprises, l'homologue énergétique de Fraya manque d'être atteint. Une situation qu'il n'avait pas connu depuis fort longtemps, pire que celle qu'il avait dû endurer face à Daigaku et Aritsune. Par quel miracle son adversaire a-t-il pu s'élever à un tel niveau de puissance ? Retour à la vitesse normale. En moins d'une seconde, après une onde de choc, l'affiliée au feu les voit alors lame contre lame. L'écart entre deux n'est quasiment plus quantifiable. Une raison qui pousse Lyn à vouloir l'aider. Peu importe s'il n'est pas d'accord. A eux deux, complètement convaincue, ils peuvent le vaincre. Ainsi, elle active et amplifie son aura.

« Kuwanéfaï ! » hurle-t-elle.

Complètement transformée, elle embrase sa lame avant de se lancer dans la préparation d'une attaque à grande échelle.

« Ne fais pas ça ! lui crie Rai.

- Xénatyon ! »

Elle tire un énorme jet de flammes vers eux. Renko s'écarte. Quand à son collègue temporaire, trop focalisé sur l'épéiste, il n'a pas le temps de s'enfuir, obligé de bloquerla technique de Lyn. Sauf que, à son contact, son énergie fait grossir les flammes qui menacent de tout brûler autour de lui. Conscient du danger qu'ils créent, Rai n'a pas d'autre choix que de le renvoyer dans les airs. Heureusement, grâce à la maîtrise acquise par cette dernière, sous sa volonté, tout ceci s'essouffle rapidement. Le Kiyuza se téléporte tout près d'elle, paume droite tendue, un sceau brillant dessus, le corps exactement placé comme lorsqu'il s'était confronté à Rajik.

« Tiyényon !

- Non ! »

La malheureuse cible ne peut éviter ça. Renko la frappe en plein ventre. Comme avec l'amoureux des combats, toute l'énergie déployée de l'affiliée s'extirpe de son corps. Alors qu'il se préparait à retirer tout le reste, Rai réagit à temps en tirant un rayon d'énergie blanche vers lui, ce qui le force à s'éloigner de Lyn. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle remarque la présence de son aura rouge. Un mélange de terreur et de stupéfaction la pétrifie.

« C'est mon feu !... Il... Il est capable de nous retirer nos énergies ? »

La seconde suivante, Rai revient auprès d'elle.

« Tu... Tu crois qu'il pourrait te faire la même chose ?

- Il l'aurait déjà fait... J'ignore comment il y est parvenu mais ce type est devenu vraiment fort. Il égale ma vitesse et contre mes attaques. Tu n'aurais pas du intervenir.

- C'est mon devoir ! Je dois l'arrêter avant qu'il ne s'en prenne à d'autres ! Je suis sure qu'il est derrière ce qu'il vient de se passer avec nos collègues affiliés à la terre.

- Aucun doute possible. Nous devons vite trouver une solution sinon tout est fini. »

Dans l'incapacité totale de penser à une stratégie, celle qui vient de subir ce phénomène de scission avec sa propre puissance tourne les yeux vers la matérialisation de celle-ci. Après tous les efforts réalisés pour obtenir un tel résultat, le voir ainsi l'attriste profondément. Est- ce ça que Kenshiro a ressenti lorsqu'il prit le rayon de neutralisation à sa place ? Une sensation hautement désagréable. Dans la recherche d'un autre assaut à réaliser, en position de supériorité malgré l'infériorité numérique, le coupable de son mal-être n'attend plus qu'une chose : qu'un nouveau talent se réveille afin de mettre un terme à cet affrontement.