Dans cette demeure familière, empreinte de chaleur et de tendresse, je me tenais autrefois, entrelaçant les fils de mon destin avec ceux de ma famille. Les rires d'enfants résonnaient dans les couloirs, les parfums familiers embaumaient l'air.Mes proches, mon époux et mon enfant,vaquent à leur occupation,je suis là, invisible mais présente, observant, écoutant, hantant chaque recoin de cette existence qui m'a été chère.
Un an s'était écoulé depuis ma disparition. Un an de silence, de larmes et de souvenirs douloureux. Alors que je contemplais mon fils qui soufflait ses 5 bougies, je m'aperçus à quel point les enfants sont innocents,insouciants. Il avait grandi, mais moi, j'étais sûrement condamnée à rester figée dans le passé, à jamais prisonnière de ses souvenirs,si tenté même que les rouages du temps ne les effacent.
ADNANE MARONE
La fête d'anniversaire battait son plein, les rires des enfants résonnaient dans la maison.
Aujourd'hui est un jour difficile pour moi,le regard sombre et distant, je tentais en vain de dissimuler ma peine derrière un masque de normalité. J'ai perdu ma compagne, ma moitié, et je porte le poids de sa disparition chaque jour qui passe.Son absence est plus poignante en ce jour.Elle aurait adoré fêter l'anniversaire de notre fils.Elle était si prévenante et si attentionnée envers les autres,que le fait de faire plaisir lui procurait tant de bonheur,tant de satisfaction.
Elle me manque tant!!
_ Papa,on peut garder une part de gâteau pour maman ?
Mon cœur se resserra dans ma poitrine.Néanmoins j'esquisse un sourire bien que triste.
_Ta maman aurait adoré ce gâteau, mon grand. Elle aimait te voir heureux et souriant. Tu sais qu'elle ne peut pas manger ce gâteau,mais elle est sûrement très contente que tu aies pensé à elle.
_Mais je voulais qu'elle vienne pour mon anniversaire
_Elle ne peut pas venir,tu sais pourquoi?Qu'est-ce que je t'avais expliqué?
_Dieu l'a fait monté aux cieux et que maintenant sa mission est de veiller sur moi,du coup il faut qu'elle reste là bas pour remplir sa mission sinon il n'y aura personne pour veiller sur moi et ça c'est pas bien
_Exactement c'est ça,donc tu vois elle est toujours là avec toi,c'est juste que tu ne l'as vois pas.Alors ne sois pas triste,sinon elle le sera aussi et est-ce que tu veux que maman soit triste?
_Non non
_Voila et elle aussi ne veut pas que tu sois triste,donc qu'est-ce qu'il faut faire?
_Il faut que je sois toujours joyeux comme ça maman sera très contente et va réussir sa mission et Dieu va lui donner pleins de bonbons
_C'est ça champion,je suis fier de toi
_Papa,est-ce que c'est aussi Dieu qui m'a donné tous ces bonbons?
_Oui fiston
_Mais hier je lui avais dit que je voulais du chocolat pour cette fois
_Sûrement il te réserve le chocolat pour plus tard
Il repartit jouer avec ses amis,insouciant,comme il était venu.Si seulement mon cœur pouvait s'apaiser comme le sien.
J'étais encore perdu dans mes pensées lorsque soudain, j'entendis une voix familière, celle de Dorthy,la plus intime amie de ma défunte épouse et mon épouse actuelle.
Elle chuchota à mon oreille
_Tu penses à elle n'est-ce pas?
_Dorthy...
_ Fais preuve de courage et sois là pour lui
Elle avait raison,je dois être là pour mon fils,faire tout le nécessaire pour qu'il ressente le moins possible l'absence de sa mère.Je devrais donc recentrer toute mon énergie sur la fête.
Elle me prit la main et affiche un sourire,sûrement pour berner les observateurs indiscrets.
_Tu les vois comme ils nous regardent?Leur visage en dit long sur leurs pensées
_C'est normal,tout le monde ne peut pas voir les choses du bon côté,y'en a qui voit cela comme une trahison
_Qu...
Elle fut coupée par les parents de Moudèle qui nous rejoignirent
_Cette fête d'anniversaire est mal placée,Adnane tu me déçois beaucoup.Tu devais t'en tenir à un simple dîner en famille,comme je te l'avais suggéré
_Madame Biaye vous savez bien que le petit est encore en bas âge,il n'arriverait pas à comprendre qu'on ne fête pas son anniversaire.Son absence est difficile pour tout le monde mais on se doit de faire notre mieux pour ce petit garçon à qui la vie a déjà ôté sa mère.
_Chèrie il a raison,regarde comme Massiré est heureux
_C'est qu'elle me manque tellement
_Elle nous manque tous tata
_Toi,toi ne m'adresse pas la parole.Espèce de petite profiteuse sans vergogne,tu n'attendais que ça hein?Qu'elle disparaisse pour que tu puisses prendre sa place.Je lui avais dit,je l'avais prévenu que tu n'es pas son amie,que tu ne voulais que sa vie,son argent,son mari.Mais Moudèle était si naïve,elle ne voyais que les bons côtés des gens
_Arrêtez ça Madame Biaye,vous n'allez pas de nouveau insulter ma femme.Dorthy nous a été d'une grande aide après la disparition de Moudèle.Elle m'a aidé à tout surmonter et jusqu'à présent elle s'occupe de Massiré comme une véritable maman.
_Ohh mais merci Dorthy,vraiment merci de t'occuper si bien de la famille de ta meilleure amie décédée,c'est ça qu'il faudrait que l'on dise?Vous êtes tous aveugles,vous êtes dans le noir,mais moi je vois clair dans son jeu.Je connais ses véritables motivations.
_Mona ça suffit maintenant,viens on se déplace
Dit Monsieur Biaye en l'entraînant plus loin,mais elle eût quand même le temps de nous balancer
_Vous ne l'aurez jamais ce testament,jamais....
En y repensant, je ne comprends pas pourquoi elle a fait ça.Elle voulait jouer?Un dernier jeu peut-être?Ou voulait-elle simplement qu'on ne l'oublie pas?
Dans tous les cas, les raisons qui l'ont motivé restent encore flous pour moi et pour beaucoup d'autres j'imagine .
Flashback
Dans la sombre et solennelle salle où se déroulait la lecture du testament de Moudèle, le climat était tendu. Le notaire prit une grande inspiration avant de commencer, tandis que les regards inquiets des membres de la famille se croisaient.
_Comme de coutume,nous sommes réunis ici pour la lecture du testament de la défunte Moudèle Biaye.Inhabituel certes, je vous annonce que l'ouverture de ce long testament est régi d'une condition.
Nous nous regardions, perplexes, nous demandant ce que cela pouvait bien signifier. Tous attendaient avec impatience de découvrir ce qu'était cette condition.
_En effet,chaque partie concernant une personne ne sera révélée que lorsque cette personne aura trouvé le mot clé qui lui est particulier....déclara-t-il d'une voix grave
Aussitôt cette annonce faite,les avis divergents et les sentiments de frustration se mêlaient dans la pièce, laissant entrevoir une atmosphère tendue et chargée d'émotions.
Moi,je tentais encore de comprendre les raisons derrière ce jeu de mot clé.
Après tout,elle avait toujours aimé ces genres de choses,les devinettes,les énigmes....
Je connaissais ma femme,elle n'aurait jamais fait cela fortuitement,sûrement il y'a quelque chose derrière,quelque chose que nous ne cernions pas encore.
_Tout cela est absurde ! Nous devrions simplement pouvoir lire le testament et recevoir ce qui nous revient de droit,protesta Borso, la femme du frère de Moudèle, visiblement agacée par ce scénario inattendu.
_Peut-être qu'elle voulait nous défier une dernière fois, pour voir jusqu'où nous sommes prêts à aller pour accéder à notre héritage,suggéra Rahim , son fils et neveu de Moudèle,avec un sourire ironique.
_Fakhane, le frère aîné et mari de Borso ainsi que père de Rahim, haussa les épaules et répondit : C'est ce que je me disais aussi,elle voulait vraiment nous tester. Après tout,Moudèle aimait les jeux de réflexion et les défis.
_Dorthy secoua la tête avec exaspération:Mais ce n'est pas le moment pour des jeux et des devinettes ! Nous avons besoin de clarté et de transparence dans ces moments difficiles.
_Ahh parce que toi tu penses que tu fais partie de l'héritage?L'audace,mon Dieu!!....répliqua Borso
_Je...
_ Mesdemoiselles un peu de calme svp,j'ai une autre information à vous faire parvenir....lança le notaire,faisant ainsi montait encore plus la tension dans la pièce
_ ...Si le mot clé n'est pas trouvé dans un délai de trois ans après le décès de madame Moudèle Biaye, le testament serait ouvert et exécuté sans qu'il soit nécessaire de le déchiffrer. Ainsi l'intégralité de l'héritage des personnes n'ayant pas réussi à trouver leur mot clé,ira à une œuvre caritative.
Ceci est la volonté expresse de la défunte pour que chaque héritier se connecte à travers un mot clé symbolique.
Cette annonce provoqua une onde de choc chez beaucoup parmi nous, qui se sentirent encore plus frustrés et irrités par ce processus compliqué et le délai imposé.
_Trois ans? Une œuvre caritative? C'est une blague, c'est totalement injuste !....s'exclama Fakhane,exprimant ouvertement sa colère face à cette nouvelle condition
Il n'est d'ailleurs pas le seul,certains membres de la famille commençaient aussi à exprimer leur frustration face à ce petit jeu imposé, ne comprenant pas la raison derrière cette exigence.
Moi-même je peinais à la comprendre,mais la douleur de sa perte était encore présente,tout ce que je voulais en ces instants ce n'est pas un bout de papier qui parle de fortune,mais d'elle qui se tient à mes côtés,de ses mains qui s'entrelacent dans les miennes,comme elle le faisait à chaque fois qu'on n'était côte à côte.Elle était si tactile.
Mais je comprends leur réaction.Ils ont du mal à accepter l'idée que l'accès à leur héritage dépendait d'un mot mystérieux et que le temps leur était compté pour le découvrir.Ils se demandent pourquoi Moudèle avait choisi un tel moyen pour distribuer ses biens et transmettre ses dernières volontés. Les murmures d'incompréhension remplirent la pièce alors que chacun tentait de trouver une solution à ce dilemme inattendu et déroutant.
Ainsi, le petit jeu du mot clé imposé devint un sujet de discorde parmi nous, ajoutant une tension supplémentaire à un moment déjà chargé d'émotions et de complications. La pression de devoir résoudre un tel mystère dans un délai limité laissa entrevoir des réactions mitigées et des sentiments de frustration et d'incompréhension parmi les héritiers réunis ce jour-là.
Monsieur et madame Biaye qui étaient silencieux jusque là,prirent la parole.
_ Vous avez tous perdu la tête?Vous laissez l'argent vous aveugler.Vous avez oublié Moudèle,et comment elle a souffert avant de rendre l'âme.Si c'est comme ça qu'elle souhaite que son testament soit lu,alors accordons la lui.Respectons sa volonté et commencez à réfléchir à vos mots-clés,c'est tout
Fin flashback
FAKHANE BIAYE
- Je n'aurais jamais dû t'écouter,je devais aller à cette anniversaire
Lui rabâchai-je pour la énième fois
_Pourquoi faire?On t'a dit que tu étais indispensable là bas? Ils ne nous ont pas convié
_ N'importe quoi,tu les as devancé pour leur dire que nous ne viendrons pas.
_ Non je les ai appelé pour souhaiter un joyeux anniversaire à Massiré.Je n'avais aucune envie de croiser Dorthy qui aime sûrement sa nouvelle position de maîtresse de maison
- Tu ne peux pas parler sans insulter cette fille,tu es pareille que maman.Si elle est restée c'est juste pour être là pour la famille de Moudèle,je ne cesse de vous le dire
- Il n'y a que toi pour gober ces idioties.Elle est là que pour l'argent et c'est pour ça qu'elle a épousé Adnane.Crois-moi,si le testament avait été lu et qu'elle y figurait,il y'a longtemps qu'elle se serait barrée
- D'ailleurs en parlant de ça,vu que j'ai essayé Frère,famille,Fakhane,Moudèle,Amour,Fraternel et que tout cela n'a pas marché,j'ai commencé à penser à un truc....et si notre mot clé à tous était en fait « Cancer »
- N'importe quoi,tu sais bien que c'est pas ça
- Mais si,réfléchis bien
- Non arrête tu es bête ou quoi ?
- Ne me dis pas que je suis bête,ne me parle pas comme ça
- Je vais même le redire,tu es bête et ta sœur aussi est bête et saoulante,enfin elle l'était.Son jeu de mot m'agace au plus haut au point.J'espère qu'elle m'a légué quelque chose de conséquent
- Tu parles de Dorthy,toi aussi il n'y a que l'argent qui t'intéresse,tu en as rien à foutre de ma sœur ou de son décès
- Ne redis plus jamais ça,oui l'argent m'intéresse mais j'affectionnais Moudèle tout autant.Elle était ma petite protégée et tu as vu comment sa maladie m'a touché.
- Je ne sais pas Borso,personne ne peut jamais savoir avec toi.En tout cas tu ferais mieux de réfléchir à ton mot clé,moi je m'en tiens au « cancer ». Je vais appeler le notaire pour lui dire
DORTHY ROSENBERG
Elle semblait agitée, son regard fuyant trahissant une anxiété palpable.
_Madame Pilar,vous agissez bizarrement ce soir. Est-ce que tout va bien ?demandai-je
Elle détourna les yeux, ses mains tremblantes témoignent de sa nervosité.
_Je... je ne sais pas, tout est si étrange ici. Comme si une présence nous observait.
Je fronçe les sourcils et cherche les mots pour la rassurer
_Vous vous faites des idées,c'est juste l'ambiance de la fête qui vous met mal à l'aise.
_Elle secoua la tête, ses yeux fixés dans le vide: Non, je le sens, quelque chose ne tourne pas rond ici. Il faut que je m'en aille,vite.
_Mais atttendez Madame Pilar....
Elle s'était déjà éloignée à pas de course.
Madame Pilar était la voisine discrète du quartier.Habillée de manière élégante et sophistiquée, ses cheveux noirs comme l'ébène encadraient un visage au regard perçant, cachant quelque chose,mais on ne sait quoi.
Toujours entourée d'un parfum envoûtant, Elle attirait la curiosité des habitants du quartier qui se demandaient ce qui pouvait bien se cacher derrière sa façade impénétrable. Les rumeurs allaient bon train, alimentées par son attitude distante et réservée qui la tenait à l'écart du reste de la communauté.
La seule dont elle s'était liée d'amitié était Moudèle.On ne sait comment ni pourquoi madame Pilar l'affectionnait tant.C'était comme une évidence,elles étaient faites pour s'entendre.Quiconque ne les connaissait pas,penseriez qu'il s'agit d'une mère et fille très complices.
Mais bizarrement,avant le décès de Moudèle on ne les voyait plus ensemble.A ce qu'il parait il y'avait eu une embrouille entre les deux.
Bref me voilà réduite à causer avec la vieille Pilar.
Se sentir mal à l'aise dans une fête qu'on a soi-même organisé,et dans sa propre maison en plus,oui c'est possible et j'en suis la preuve.
Il y a des jours où je me sens submergée par les souvenirs, où chaque coin de cette maison me renvoie à elle de manière poignante. Son essence est omniprésente, comme si elle était encore là, veillant sur chaque recoin de ce lieu.
C'est difficile de faire son deuil lorsque chaque objet, chaque photo, chaque recoin de cette maison me ramène à elle, ravivant les souvenirs et les sentiments que j'avais tant de mal à laisser derrière moi. Ce fardeau devient parfois trop lourd à porter, trop oppressant pour que je puisse y faire face sereinement.
Je sais que je ne pourrai jamais effacer sa présence qui plane sur cette maison. Mais je peux y apporter ma propre touche,même si certains me jugent, me regardent de travers, comme si j'avais commis une faute impardonnable.
La sonnette retentit,je vois le gardien s'apprêter à ouvrir.
_Je vais ouvrir,tu peux y aller,lui dis-je
Il s'exécuta et je poussais l'aile du grand portail.
Étrange,il n'y a personne. Je m'apprêtais à refermer lorsque je m'aperçus du colis qui se trouvait à mes pieds.
Intriguée, je me penche pour le ramasser.Un cadeau d'anniversaire pour le petit Massiré,pensais-je.
Le colis mystérieux était enveloppé d'un papier kraft ancien, abîmé par le temps et noué avec une corde rugueuse. Des marques d'usure témoignaient de son voyage à travers le temps, lui conférant un aspect sinistre.
Je commence à douter qu'il s'agisse d'un cadeau.
En l'ouvrant, je découvre une boite en verre contenant un liquide rougeâtre, visqueux, qui semblait émettre une lueur lugubre. L'odeur métallique flottait dans l'air, mêlée à une pointe d'acidité, créant une atmosphère oppressante et anxiogène.
Le liquide teintait mes doigts à mesure que je plongeais ma main à l'intérieur, créant des motifs sombres sur ma peau.J'avais aperçu,à travers la boîte en verre,une note au fond et je voulais la saisir.
Il s'agissait d'un bout de papier jauni avec des lettres tracées de manière menaçante. La combinaison du liquide écarlate, de l'odeur métallique persistante et du message sinistre qui était en latin il me semble ajoutée à l'aura angoissante du colis, laissait planer un sentiment de malaise et de danger imminent.
"Tic tac gradus ad veritatem, tic tac hora tua advenit"
Voilà l'inscription que je pus lire.Qu'est-ce que cela voulait dire?
Je relève les yeux, le souffle court et les mains tremblantes.Un peu plus loin mais juste devant moi,j'aperçois avec horreur la vision cauchemardesque de Moudèle qui me fait un signe de la main, un sourire effrayant figé sur son visage blafard.
Prise de panique et d'une peur primale qui me submergea. Je laisse échapper la boîte qui s'écrase au sol dans un fracas terrifiant, répandant son contenu macabre sur le sol et sur ma silhouette.
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