La soirée battait son plein, résonnant des éclats de rire et du cliquetis des verres. Ale et les autres serviteurs se pressaient de table en table, remplissant les coupes de vin et répondant aux moindres demandes des convives. L'atmosphère était légère, presque insouciante, alors que les nobles s'adonnaient à la fête avec une exubérance sans limite.
Alors qu'il exécutait son service, Ale capta soudain une conversation qui éveilla sa curiosité. La princesse Ismérie, troisième fille de l'empereur Redès, faisait l'éloge du vicomte Alaric de Montclair.
« Le vicomte, dans sa jeunesse, était un homme de légende, » déclara-t-elle d'un ton admiratif. « À la tête de la Légion Rouge, l'une des cinq légions de l'armée des Cinq Génies, il pourchassait les monstres les plus terrifiants et sauvait des vies des fidèles des Ténèbres. Un véritable héros de notre empire. »
Ces paroles firent écho dans l'esprit d'Ale. L'armée des Cinq Génies ? Ce nom l'intriguait. Son grand-père lui avait souvent raconté des histoires sur les "Cinq Génies" et le Prince Lumière, mais il avait toujours cru que ce n'étaient que des contes pour enfants. Et pourtant, voilà que la princesse parlait de cette armée comme d'une réalité.
Ale réalisa alors que les histoires de son grand-père semblaient peut-être fondées sur des faits réels. Si l'armée des Cinq Génies existait réellement, cela signifiait-il que le Prince Lumière lui-même n'était pas qu'une légende ?
Une vague d'émotion monta en lui lorsqu'il se souvint du dernier souhait de son grand-père. « Retrouve le Prince Lumière... » À l'époque, Ale n'avait pas compris, mais maintenant, tout prenait un sens nouveau.
Le vicomte, humble malgré les éloges, profita de l'occasion pour vanter son fils, Aldric.
« Oh, ces jours sont derrière moi, Princesse. Maintenant, c'est au tour de la jeunesse de prendre les rênes. Mon fils, Aldric, est bien plus prometteur que je ne l'étais à son âge. »
Il posa une main fière sur l'épaule d'Aldric, qui semblait ravi d'être au centre de l'attention. « Déjà aventurier de classe 6, il a accompli tant de quêtes en si peu de temps. Il ne lui reste plus qu'à chasser un monstre de classe 5, et il grimpera encore dans les rangs. »
Dans l'empire de Valoria, les aventuriers n'étaient pas seulement des combattants, mais aussi des symboles de pouvoir et de statut social. Les nobles qui atteignaient les plus hauts rangs d'aventurier gagnaient le respect, renforçaient leurs positions et assuraient leur place dans l'élite impériale.
Les invités murmurèrent en signe d'approbation, admirant le jeune homme pour ses exploits. Ale, toujours en train de servir, ressentit une pointe d'admiration pour Aldric. Il savait ce que signifiait être un aventurier dans l'Empire de Valoria. C'était une voie de respect et d'honneur, et Aldric, malgré son rang de noble, avait choisi cette voie avec succès.
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Le banquet tirait à sa fin, et Ale, profitant d'un moment de calme, sortit de la salle de banquet et retourna vers les coulisses du château pour se reposer un instant. La chaleur et le bruit de la fête s'atténuaient peu à peu derrière lui, laissant place à une ambiance plus silencieuse et intime.
Alors qu'il avançait dans le couloir, il aperçut une silhouette familière se détacher à l'autre bout : Aldric, le fils du vicomte, marchant seul, perdu dans ses pensées.
Ale hésita un instant, mais finit par se lancer. Il accéléra le pas pour rattraper Aldric, sa voix basse mais contrôlée lorsqu'il l'appela.
« Monsieur Aldric... »
Le jeune noble se tourna, un léger sourire sur les lèvres, visiblement surpris d'être interpellé. « Ah, le serviteur. Tu as besoin de quelque chose ? »
Ale, s'approchant, choisit soigneusement ses mots. « Je voulais simplement vous dire que vos exploits sont admirables. Être un aventurier de classe 6 à votre âge, c'est incroyable.»
Aldric haussa les sourcils, intéressé. « Oh ? Tu es de la guilde, toi aussi ? »
Ale hocha la tête. « Oui, je viens de m'inscrire. Je commence officiellement bientôt. »
Un sourire étira les lèvres d'Aldric, qui semblait apprécier l'audace du jeune aventurier. « Tout le monde commence quelque part. Avec de la détermination, je suis sûr que tu pourras faire des merveilles. Il faut travailler dur, et qui sait, on se croisera peut-être un jour sur le champ de bataille. »
Ale garda un air modeste, mais déterminé. « Peut-être bien. Le destin réserve toujours des surprises. »
Aldric rit doucement avant de tapoter l'épaule d'Ale. « J'aime ta détermination. Continue ainsi, et tu iras loin. » Puis Aldric le quitta, disparaissant dans l'obscurité du couloir. Ale, ému par ces encouragements, se sent plus motivé que jamais. Mais ce qu'il ne sait pas encore, ce monde est rempli de masques, et même les sourires les plus chaleureux peuvent cacher des lames prêtes à frapper.
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Le banquet touchait à sa fin, mais Ale sentait la fatigue s'accumuler en lui. Les heures passées à servir les invités l'avaient épuisé, mais il savait qu'il ne pouvait pas se relâcher. Le banquet n'était pas encore terminé. Pourtant, alors qu'il observait la salle, il remarqua que les invités, loin de montrer des signes de fatigue, semblaient au contraire de plus en plus excités, ils échangent des sourires malicieux et des regards complices, comme si le point culminant de la soirée n'avait même pas encore commencé.
Alors qu'il replace un verre sur la table, la chef de son groupe, une femme aux manières strictes et au regard acéré, rassemble les serviteurs.
« C'est bientôt l'heure du spectacle, il faut que vous soyez là avant les invités, » dit-elle d'un ton froid et distant. « Suivez-moi. »
Ale, bien que fatigué, ne pouvait s'empêcher de se poser des questions. « On doit faire quoi, exactement, comme spectacle ? Ça va durer longtemps ? » demanda-t-il, tout en voyant que les autres travailleurs, des habitants du bidonville pour la plupart, murmurent avec inquiétude. Comme lui, ils sont épuisés et n'ont qu'une envie : rentrer chez eux.
La chef esquissa un sourire moqueur, un rictus qui ne présageait rien de bon. « Oh, ça va pas être long, je parie que la plupart d'entre vous ne tiendront même pas quelques minutes. »
Le groupe se regarda, l'incertitude et la peur se lisant dans leurs yeux. Ale, perplexe, se sentait mal à l'aise. Ce sourire, ce ton... Il sentait que quelque chose ne va pas, mais il espèrait que ce soit une simple exagération.
Ils suivaient la chef à travers une série de couloirs étroits, jusqu'à atteindre une grande porte en bois, lourdement gardée par des soldats impassibles. Chacun des soldats portait une armure noire et tenait une lance avec un sérieux absolu, comme s'ils gardaient l'accès à quelque chose de terrifiant. La chef échangea un signe de tête avec l'un des soldats, qui ouvrit la porte avec un grincement sinistre.
Derrière la porte se trouvait une salle sombre, où un escalier de pierre en colimaçon descendait dans les profondeurs. Le groupe s'enfonça dans l'obscurité, guidé par de faibles lumières qui bordaient les murs. La descente semblait interminable, il y avait bien une cinquantaine de mètres de profondeur. L'air devenait de plus en plus humide et froid à mesure qu'ils descendaient.
« Mais c'est quoi cet endroit ? » murmura quelqu'un dans le groupe, une note de panique dans la voix.
Au bout de la descente, ils débouchèrent dans un long tunnel sombre, faiblement éclairé par des torches vacillantes accrochées aux murs. De chaque côté du tunnel, des cachots sombres étaient alignés, leurs portes en fer rouillé fermées à clé.
Dans certaines cellules, des hommes et des femmes aux visages émaciés et aux vêtements en lambeaux les fixaient avec des yeux pleins de désespoir ou de folie. Leurs corps portaient les stigmates d'une vie de souffrance et de violence. L'un des prisonniers, un homme au crâne rasé et au regard fou, éclata de rire en voyant le groupe passer. « Vous allez tous mourir ici, bande d'idiots ! » cria-t-il en secouant les barreaux de sa cellule.
Un autre prisonnier, recroquevillé dans un coin de sa cellule, murmura : « Ils ne vous laisseront jamais partir... Vous êtes déjà morts... »
Dans d'autres cellules, c'était encore pire. Ale aperçut des créatures monstrueuses enfermées derrière les barreaux. L'une d'elles ressemblait à une sorte de loup géant, avec des crocs dégoulinant de bave, et des yeux rouges brillants de rage. Il y avait aussi des créatures que l'on n'aurait pas pu décrire aisément : des amalgames de chairs et de griffes, des monstres à plusieurs têtes qui grognaient dans l'obscurité, leurs yeux fous fixés sur les nouveaux venus.
« Mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ? » gémit l'un des travailleurs, terrifié. « Ils vont nous enfermer, c'est sûr ! »
Un autre ajouta, tremblant : « On va pas nous faire affronter ces trucs, hein ? »
Ale sentait la panique s'emparer du groupe, et il ne pouvait s'empêcher de partager leurs craintes. Chaque pas qu'il faisait semblait le rapprocher d'un piège. Petit à petit, il remarqua que les serviteurs du château, qui les avaient conduits jusque-là, s'étaient évanouis dans la foule. Quelques-uns des travailleurs tentèrent de faire demi-tour, mais ils se heurtèrent à des soldats qui étaient apparus en silence derrière eux, bloquant toute possibilité de fuite.
Ils n'avaient pas d'autre choix que d'avancer.
Ale, conscient qu'ils étaient piégés, se prépara à ce qui allait arriver. Il inspira profondément et chuchota un sort de fortification, renforçant ses muscles et son esprit pour combattre la fatigue. Il sait qu'il va devoir rester alerte et fort.
Enfin, ils arrivèrent au bout du tunnel, où une lumière plus vive émanait. Certains des travailleurs se pressèrent vers la sortie, espérant en finir au plus vite. Mais Ale savait que quelque chose d'horrible les attendait tous au bout du tunnel. Le spectacle venait à peine de commencer.