Chapter 18 - Le contrat

Ale suivit la foule, guidé par l'homme au pancarte, à travers la place, jusqu'au bâtiment qu'il reconnut aussitôt : la fameuse *Taverne des Saints*, fief bien connu de la *Bande des Rouges*. La taverne, imposante, avec son enseigne usée et ses fenêtres sales, respirait la fausse bienveillance d'un repaire de criminels déguisé en simple établissement. À l'étage supérieur, derrière des rideaux lourds et des volets mal fermés, des silhouettes observaient attentivement ce qui se passait en bas.

Ale se rappela les mots de Chance, le vieux mendiant. « Lisez bien le contrat, et surtout, méfiez-vous… » Il s'efforçait de rester sur ses gardes, vingt pièces d'argent pour une simple soirée de service semblaient trop belles pour être vraies.

Ils montèrent un escalier grinçant jusqu'au deuxième étage, un lieu réservé d'ordinaire aux affaires plus sombres de la bande. Là, une dizaine de personnes attendaient, des travailleurs de fortune cherchant désespérément un salaire rapide. Les mafieux, en tenue d'un manteau noir, une chemise rouge à l'intérieur, avec un foulard rouge attaché, se tenaient derrière des bureaux, l'un d'entre eux tenant des documents épais entre ses mains.

« Bon, c'est simple, on va vous lire le contrat. Écoutez bien, et signez si ça vous convient, » déclara l'un des mafieux, l'air nonchalant.

Le mafieux commença à lire à haute voix. Il débita les termes du contrat d'un ton monocorde. Ale, vigilant, voulut s'assurer qu'il n'y avait pas de piège. Alors, quand le parchemin lui fut présenté après la lecture à haute voix de mafieux, il demanda calmement :

« Je préfère lire le contrat moi-même avant de signer. »

Un léger ricanement s'éleva de la pièce, tout en lui tendit le parchemin. Ale parcourut chaque ligne avec attention Les termes semblaient en ordre : une soirée de service pour vingt pièces d'argent, avec quelques clauses sur le comportement à adopter devant les invités. Puis, une ligne attira son attention :

Le serviteur est tenu de divertir les clients si cela est demandé. 

Ale fronça les sourcils et demanda :

« Qu'est-ce que ça signifie exactement, "divertir les clients" ? »

Le mafieux leva les yeux de son papier et répondit avec désinvolture, un sourire en coin :

« Rien de compliqué, gamin. Si un invité te demande de rigoler, tu rigoles. Si on te demande de chanter, tu chantes. Bref, tu fais ce qu'on te dit. »

Le ton du mafieux laissait entrevoir que la situation pourrait être plus désagréable qu'elle ne le semblait, mais Ale garda son calme, il ne remarqua rien d'autre de particulier, il signa le contrat et rendit le parchemin.

Une fois les signatures recueillies, un autre mafieux s'avança avec un grand sac. Il en sortit des uniformes de serveurs, des tuniques simples mais propres, et annonça :

« Il vous faut l'uniforme pour servir le vicomte. Il est obligatoire. Ça vous coûtera deux pièces d'argent chacun. »

Ale fronça encore les sourcils. Il prit la parole, la voix calme mais ferme :

« Pourquoi ne pas nous payer directement dix-huit pièces d'argent et garder les deux pour l'uniforme ? Ça serait plus logique. »

Le mafieux hésita, pris au dépourvu par la question d'Ale. Son sourire narquois s'effaça, mais avant qu'il ne puisse bafouiller une réponse, Grulf entra dans la pièce, calmement. Son visage buriné par les années de méfaits trahissait une autorité incontestable au sein de la bande.

« C'est pour éviter que certains partent avec l'uniforme sans aller bosser, » dit Grulf avec une voix grave et assurée, en fixant Ale droit dans les yeux. « Vous comprenez, c'est une mesure de sécurité. »

La foule des travailleurs hocha la tête en signe d'approbation, trouvant cette explication plausible. Ale, bien que toujours sceptique, n'insista pas davantage. Les gens commencèrent à payer les deux pièces d'argent pour leurs uniformes. Ale fit de même, bien qu'un doute persistait toujours.

Le mafieux qui tenait les contrats reprit alors la parole, cette fois avec un air plus détendu :

« Bon, on vous attend cet après-midi à seize heures précises au château, au portail secondaire réservé aux employés. Ne soyez pas en retard, sinon vous perdez le boulot et les deux pièces d'argent que vous venez de payer. »

Un murmure d'approbation parcourut la salle. Ale se disait que l'offre était peut-être trop belle pour être vraie, mais avec vingt pièces d'argent en jeu, il se dit qu'il devait tenter le coup.

Une fois les formalités achevées, le groupe quitta le bâtiment, uniforme en main, sans trop d'inquiétude apparente.

Mais derrière eux, dans la taverne, l'atmosphère se transforma aussitôt.

Grulf ferma la porte du bureau derrière lui et se tourna vers ses compagnons mafieux, un rictus sinistre aux lèvres.

« Ces idiots pensent vraiment qu'on allait les piéger dans le contrat. On n'en a même pas besoin cette fois. De toute façon, ils ne survivront pas à la soirée. »

Des rires gras résonnèrent dans la pièce, tandis que les mafieux préparaient déjà leur prochain coup.