Les lisières embrumées de la forêt de Miyang ne rencontraient habituellement aucun visiteur. Cependant, depuis une semaine, déjà, un être terrible y rôdait. C'était un Effroi Sanguinaire, et un effrayant : il était humanoïde, haut de quatre mètres et avait la peau de couleur vermillon.
Il portait un crâne d'une créature depuis longtemps oubliée sur sa tête, comme une couronne morbide, et traînait une massue primitive. Heureusement, cette nuit-là, la créature errait sans but... Jusqu'à ce qu'elle remarque une silhouette à cheval s'approcher d'elle.
L'être ne savais pas réfléchir profondément, tout se à quoi il pensait, c'est qu'il avait trouvé son repas. Affichant un sourire sauvage, il se déplaça à grandes enjambées en direction de la silhouette qui fonçait droit sur lui.
Le cheval était blanc comme la neige, et tellement rapide qu'on aurait pu le confondre avec un courant d'air. De ce fait, il se retrouva en un instant en face de la créature... Dont le sourire sauvage se figea sur l'horrible visage vermillon.
Ce n'était pas par peur, ou par un quelconque autre sentiment ou instinct. L'Effroi Sanguinaire était en fait simplement mort.
Un instant plus tard, son corps se sépara en deux morceaux : il était coupé net de la tête à l'entrejambe.
Le cavalier du cheval blanc en était évidemment le coupable, et ce dernier continuait d'ailleurs sa route comme si rien ne s'était passé, du moins jusqu'à ce qu'il arrivât face au mur de brume entourant la forêt.
La, le cavalier fit stopper son cheval. La lumière pâle de la pleine lune éclairée son visage noble.
Il était grand, blond et dans une armure propre et scintillante. Il dégageait une aura de confiance absolue, malgré le fait qu'il se trouvait en territoire ennemi, et dans son dos flottait au gré du vent une cape rouge avec un corbeau noir représenté en son centre.
Lorsqu'il parla, sa voix enchanteresse et séduisante contenait un charisme qu'on retrouvait souvent chez les gens doués en politique.
- « Moi, Caglar d'Ébène, demande à Throne de Miyang d'ouvrir ses frontières à ma personne au nom de l'Empire et du royaume d'Ébène. »
Se disant, le cavalier s'inclina respectueusement devant la forêt. Sa demande resta sans réponse un moment, puis le vent frais de la nuit se fit plus agité.
Alors, le mur de brume entourant la forêt se fendit lentement.
Affichant un sourire satisfait, le cavalier fit signe à son destrier d'avancer. Un instant plus tard, le mur de brouillard se referma derrière lui, l'engloutissant dans les profondeurs sombres de la forêt.
***
Noctis se réveilla aux premières lueurs du jour, enveloppé dans les nombreux draps de son large lit. Il faut dire qu'il aimait le confort. Se redressant, il regarda par la fenêtre et bailla. Il était encore tôt. Il réfléchit quelques instants à ce qu'il allait faire, puis décida de déjeuner dehors : un dix-huit ème anniversaire, ça se fête avec luxe !
Rapidement, il choisit des vêtements appropriés. Son choix se porta finalement sur une simple chemise à lacet blanche, accompagné d'un pantalon noir, d'une paire de belles bottes en cuir marron et d'une cape de voyage bleu sombre.
Il hésita à prendre une autre agréable douche, mais décida de ne pas gâcher ses âmes. En effet, tout dans la ville marchait à l'aide d'une unique ressource : les âmes des abominations. L'eau, l'électricité, le gaz, tout en était dépendant, et c'était la raison pour laquelle un groupe d'aventurier d'élite partait chasser tous les matins. C'était la monnaie du monde actuel.
En pensant au groupe de chasse, Noctis se dit qu'il pourrait le voir s'il partait tôt, ce qu'il fit. Verrouillant sa petite maison, il se retourna et traversa le parc, jusqu'à la place du marché vide à cette heure-ci.
Juste à temps.
Une cavalerie d'aventurier était actuellement en train de la traverser. Chaque cavalier portait une armure d'acier et faisait au moins un mètre quatre-vingts, et ils devaient être une trentaine. Noctis s'appuie contre un mur en attendant qu'ils passent.
À la tête des cavaliers, un homme inhabituel : l'un des lieutenants les plus important de Throne. Un Maître.
Peut-être la cavalerie avait elle besoin de lui pour chasser une créature particulièrement puissante.
En-tout-cas, voir un vrai Maître de manière inattendue serait un choc pour n'importe qui.
Les humains avaient aussi des rangs de puissance décidés par la Lettre d'Hérésia.
En fait, les humains avaient déjà plusieurs rangs de puissance, avant. Cependant, c'était Hérésia qui avait choisi les noms qu'on leur donnait aujourd'hui.
À ses dix-huit ans, chaque personne obtenait un aspect magique ainsi que la capacité de voir la Lettre d'Hérésia. On appelait les gens qui se servaient activement de la lettre pour devenir des guerriers accomplis des aventuriers.
Si une personne en dessous de dix-huit ans tuait une créature, elle entendrait la Lettre d'Hérésia lui annoncer sa mort ainsi que l'obtention de son âme, comme avec le Fanfaron blanchâtre. Cependant, la véritable Lettre était une fenêtre magique qui apparaissait pour la première fois devant les gens en même temps que leurs aspects magique. Personne ne pouvait voir la Lettre d'Hérésia d'autrui, car elle était liée à l'âme de la personne.
Parmi les aventuriers, il y avait plusieurs rangs : les gens normaux, les Maîtres, les Seigneurs, les Souverains et les Célestes.
Noctis ne connaissait pas encore la manière qui permettait à un humain de passer à un autre rang, mais il se doutait que ça eût un lien avec la Lettre d'Hérésia.
Les derniers cavaliers avaient fini de traverser la place, ce qui permettait à Noctis de la traverser à son tour. Sa destination était déjà décidée.
Il traversa la magnifique place pavé, pleine de verdure et avec une magnifique fontaine au centre. Au sommet de la fontaine, se trouvait la statue d'un homme grand, beau et jeune, vêtu d'une armure de pierre parfaitement taillé et tendent les mains vers le ciel.
Personne ne savait vraiment qui représentait la statue, et d'après les rumeurs, elle avait été construite sur ordre de Throne lui-même. Passant devant sans trop y prêter attention, Noctis se dirigea vers une rue en particulier, puis vers une autre rue, puis une autre.
Enfin, il tomba sur un établissement particulier : « Bar-café, le Maléfice levé »
Décidément, Noctis ne comprenait vraiment pas ses amis quand il s'agissait des noms de leurs établissements.
Sans un mot, il poussa la porte et entra.
*ding*
Comme au « Hell's paradise », la boutique de Lisana, une clochette retentie. Cette fois, personne ne sursauta.
Il y avait deux personnes dans le café : l'une était un homme grand aux larges épaules. Il était noir de peau et n'avait pas le moindre cheveu, mais portait une petite barbichette qui lui allait très bien.
Il portait un tablier blanc et avait les manches relevés, révélant son physique musculeux. Il était en train de nettoyer négligemment un verre avec un chiffon.
L'autre personne était Lisana. Noctis doutait qu'elle fût là par hasard : elle devait savoir qu'il viendrait, ce qu'elle confirma aussitôt en se retournant sur son tabouret :
- « Noctis, on parlait de toi, justement ! Tu ne croyais pas qu'on n'allait pas fêter le grand jour ? »
Elle avait un sourire suffisant, et tenait dans la main droite un verre qui contenait sûrement un alcool fort. Son chat noir a la mine grincheuse était également présent, allongé sur ses genoux et occupé à ronronner tandis que sa maîtresse lui caresser distraitement la tête.
L'homme derrière le bar leva lentement la tête, puis sourit largement avant de parler d'une voix grave et profonde.
- « J'avoue que je pensais que tu te rendrais directement au château. Bienvenue, mon garçon, viens, je t'offre un verre. »
L'homme s'appelait François. Il avait l'habitude d'appeler Noctis "mon garçon", et Noctis lui-même ne pouvait pas lui en vouloir : François avait entre quarante et cinquante ans, et il le connaissait depuis qu'il était petit.
En fait, c'était un peu comme une figure paternelle, pour Noctis. Le garçon s'assit sur un tabouret en face du comptoir, à côté de Lisana.
- « D'accord, juste un verre, mais rien d'alcoolisé, évidemment. »
Lisana lui adressa un sourire taquin.
- « Pourquoi pas ? Juste un, tu as dix-huit ans maintenant, après tout ! »
François la regarda sévèrement.
- « Noctis a raison, Lisana. Et puis, je ne veux pas lui donner l'habitude de boire... C'est pareil pour toi, tu n'auras pas de quatrième verre. »
La jeune femme retourna à son verre, l'air boudeuse. Voyant qu'elle ne rétorquait pas, François se tourna à nouveau vers Noctis, affichant à nouveau son sourire doux et son air amical.
- « Et bien, bon anniversaire, mon garçon. Tu n'as pas de chance : tu obtiens ton aspect le jour même de l'année où Throne convoque les jeunes ! Au fait, tu l'as déjà reçu ? »
En même temps qu'il parlait, François lui tendit une tasse de chocolat chaud. Noctis lui était reconnaissant : c'était exactement ce dont il avait envie en ce moment.
Il est vrai qu'il n'avait pas de chance. Le roi Throne invité tous les jeunes de dix-huit ans de son royaume dans son château, et ce, chaque année, pour une durée d'un jour. Tout le monde y aurait sûrement eu dix-huit ans il y a quelques jours, voir quelques mois. Ils auraient donc eu le temps de vérifier leur aspect, ou au moins d'étudier leur Lettre d'Hérésia. Lui, en revanche, serait arrivé au château avant même d'avoir reçu son aspect et sa Lettre.
Le garçon soupira intérieurement, puis sourit face à son chocolat chaud.
- « Non, je n'ai encore rien eu. J'imagine que ça ne va pas tarder. Le château ouvre à sept heures, mais au discours de Throne à lieu à neuf heures. J'espère bien l'obtenir d'ici là. »
Sur ses mots, il se concentra sur son chocolat chaud, à nouveau perdu dans ses pensées.