Pdv Aurora.
Une fois de plus, je souffle. Le cours n'en finira donc jamais, je guette cette pendule qui semble s'être arrêtée. M. Colson, est barbant. Je n'en ai que faire de ses cours sur les cellules et tous ses noms compliqués qu'il ne cesse de mentionner tout en me fixant de son regard noir.
Mon stylo tape frénétiquement sur mon cahier alors que je regarde une fois de plus cette horloge qui orne le dessus de la porte de la salle de classe. J'entends pendant les infimes poses de M. Colson les oiseaux chanter au-dehors, je désirerais être avec eux et profiter de ce temps clément.
Je donnerais tout pour quitter cet endroit, m'enfuir loin d'ici. Je fixe cette porte, dont la couleur jaune pipi ne donne pas envie de poser la main dessus, la vitre qui se trouve au centre est presque opaque. Des personnes se trouvent dans les couloirs, je me demande comment ils ont trouvé une échappatoire à leur cours, surtout s'il est aussi ennuyeux que le mien. De désespoir, je laisse tomber ma tête sur mes bras repliés sur le bureau. Je n'en peux plus de ces cellules de leurs noyaux et tout ce blablabla. Je n'envisage pas de devenir généticienne ou rien d'autre qui serait en rapport avec ce ramassis de connerie. Pourquoi ai-je l'obligation de subir ce cours ?
Le silence se fait dans la salle, je me demande à quoi cela est du. Levant les yeux, M. Colson me dévisage, il semble irrité par mon manque d'attention, je ne peux pas lui en vouloir.
- Mle Trevil, quel sujet vient d'être abordé ?
Il attendait une réponse de ma part, et cette fois-ci, il m'avait clairement eu. Je fouillais dans ma mémoire, tentant de comprendre ce que mes camarades me chuchotaient sans grande réussite. Quitte à avoir une note désastreuse, autant être franche avec lui.
- Je ne sais pas Monsieur. Vous savez, les cellules et tous leurs trucs bidules machin chose ne m'intéressent pas. Je ne suis pas destinée à faire de grandes études, je le sais ! Je ne vois pas pour quelle raison je perdrais mon temps et mon énergie à écouter et comprendre ce que vous dites !
J'avoue, c'est ce que j'aurais eu à lui répondre, mais au lieu de cela, je suis restée muette comme une carpe. Il voulut me dire quelque chose, mais il fut interrompu par le directeur de l'établissement qui après avoir frappé venait d'entrer dans la salle. Il reporta tout naturellement son attention sur lui ce qui m'évita la suite de notre charmante discussion. Il parla avec lui un instant, me lançant par moment des regards furtifs, j'aurais parié qu'il lui parlait de mon comportement. Il baissa les yeux puis tous les deux se tournèrent vers moi, le directeur fit deux pas dans ma direction et je commençais à m'inquiéter pour mon sort.
- Aurora, suis-moi s'il te plaît !
Son ton était froid et ne présageait rien de bon. Une fois encore, j'étais bonne pour une heure de colle peut-être ? Enfin, je sortais de cet enfer et le reste ne m'importait plus. Prenant mes affaires, je le suivis docilement regardant, M. Colson qui à ma surprise ne paraissait pas si heureux que cela de se débarrasser de moi.
Bizarre.
Une fois hors de la salle de classe, le Directeur M. Chase soupira un peu bruyamment comme s'il était fatigué, désespéré. Honnêtement à sa place, je pense que je ferais pareil. Je ne lui enviais pas son job qui était de passer le plus clair de son temps à réprimander ses élèves pour toute sorte de choses. On arriva au niveau du couloir où se trouvait son bureau, il se stoppa net, n'ayant pas le courage de l'emprunter.
La tension était palpable.
Faisant demi-tour, il me fixa, il avait quelque chose dans le regard qui me perturbait. J'entendais des voix dans le couloir qui était notre destination, je me demandais si cette fois, mes parents n'avaient pas été prévenus de mon comportement. Bien que je ne sois pas une élève trouble fait, mes notes et mon comportement transparent faisaient que j'avais fréquemment rendez-vous dans le bureau de M. Chase, ou dans celui de la psychologue du lycée Mlle Drake qui s'évertuait à percer le mystère qui m'entourait.
Pour être franche, il n'y avait pas de mystère, juste une flemme et un manque d'intérêt pour ces études insipides. À force de le côtoyer, je voyais bien que quelque chose ne tournait pas rond. D'autant plus qu'il posa ses mains sur mes bras. Me regardant comme on le ferait avec une petite fille qui devait comprendre la morale, le sens d'une situation. Cela m'a tétanisé, bon sang que se passe-t-il ?
- Aurora, je sais que tes notes et ton manque d'intérêt pour les études ne reflètent en rien tes capacités intellectuelles qui je pense sont sans égales. Il va falloir que tu te serves de cela pour faire face à la suite. Tu vas être dans l'obligation de puiser dans la force qui t'habite et saches que je serai toujours là si tu as besoin.
Ok ! Là, ça devient vraiment flippant, du style film d'horreur !
Je ne suis pas du genre à avoir peur, non, mais à ce moment, j'étais dans l'obligation d'avouer que mes jambes commençaient à trembler et mes dents jouaient des claquettes. J'avais froid, réellement froid et je n'aurais pas la capacité de dire pour quelle raison. Il enleva ses mains de mes bras, se redressant, massif devant moi, puis tourna les talons. Comme si la conversation était terminée, alors que je n'avais pas compris un traître mot de ce qu'il venait de me dire et la raison qui l'avait poussé à me parler ainsi, ... Comme un père.
- Attendez, ... Je... Je ne comprends pas, que ... que se passe-t-il ? Balbutiais-je
Il tourna la tête afin de poser ses yeux sur moi, son regard me donnait des frissons, il semblait tellement affligé.
- Suis-moi et tu comprendras.Il disparut dans le couloir que je ne me permettais pas d'emprunter. Pour une fois, je priais pour être aux prises avec les cellules leurs noyaux, le cytoplasme, les membranes et tout ce qui compose ces fichues cellules.
Tiens, je me souviens des mots cette fois-ci !
Pour une fois, je désirais être en cours comme tout le monde et non pas ici, dans le couloir qui me faisait penser au couloir de la mort. Je l'entendis m'appeler.
Il me fallait y aller.Je devais y aller. Pourquoi mes pieds ne désiraient-ils pas bouger d'un centimètre ? Les mots qu'il avait prononcés résonnaient dans mon esprit, prenant un sens, un sens que je ne voulais pas qu'ils prennent.
Il m'appela une fois de plus. Puisant dans mes forces, mon courage surtout, je lui fis face et fus surprise de voir à ses côtés Mlle Drake et ... Ma tante.
Que fait ma tante ici ?
Pour ce qui est de Mlle Drake, j'aurais été en état de comprendre sa présence, mais ma tante ? La regardant de plus prés, je vis ses yeux bouffis et rougis. Voyant mes pires craintes se réaliser mes jambes menacèrent de me laisser tomber au sol.
Je pris appui sur le mur pour ne pas faillir. Elle se tourna brusquement voyant mon état de stress intense, visiblement trop d'émotion pour elle.
Je l'entendis sangloter alors que moi, j'étais encore dans l'inconnue la plus totale.
Que s'était-il passé ?
Mlle Chase s'approcha de moi, passant son bras autour de mes épaules, elle me serra contre elle. Me câlinant, tentant, je suppose de faire disparaître la tristesse et la douleur qui s'insinuaient doucement en moi.
- Aurora, je suis désolée ma chérie, je suis désolée de devoir t'annoncer cela, ce qui est arrivé est effroyable.
Je levai les yeux afin de rencontrer les siens, puis elle me sourit, replaçant mes mèches brunes tombées sur mon visage, elle reprit, comprenant que je voulais des réponses. Il ne servait à rien dans ce genre de situation de tourner autour du pot.
- Tes parents n'ont pas survécu, je suis désolée ma chérie.
Ma chérie ce genre de mot que les adultes employaient quand ils venaient de dire quelque chose qu'ils auraient préféré ne jamais avoir à dire. Deux mots qui étaient censés réconforter et qui faisaient plus de mal que de bien. Le coup de grâce !
Un de mes parents, j'aurais pu encaisser, bien sûr avec grande difficulté, mais cela aurait était gérable. Mais là, les deux, ensembles, c'était trop pour moi, trop pour mon esprit tourmenté qui n'arrivait plus à assimiler cette information qui était rejetée en bloc.
J'ai retenu un cri de douleur et de tristesse autant que possible, mais mes sentiments étaient extrêmement violents. Tellement incontrôlable et douloureux que je n'ai pas eu la possibilité de faire autrement que de hurler à la mort.
La lignée de casier devant moi explosa d'un coup, projetant tout le contenu de ces derniers en l'air. Les portes étaient arrachés, défoncées, tout était sans dessus-dessous devant moi. Je regardait tout aussi choqué que les personnes présentes ce spectacle. Ma tante posa les yeux sur moi, terrifiée. Comme si cela était de mon fait, comme si je venais intentionnellement de détruire des mètres linéaire de casier, comme si je savais ce qui venait de se passer.