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Black Coats #1 : Improductifs

Pierre_BARBINI
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Synopsis

Chapter 1 - Black Coats, Tome 1 : Improductifs

Chapitre 1

"Ça va mieux ?"

Erun'Hak n'entend cette question qu'à moitié, plongé dans un état second de calme et de plénitude. Sa thérapie dure depuis presque un an et chaque séance est toujours aussi salvatrice. Son esprit peut s'égarer vers des pensées plus saines et son corps se détendre. 

Assis aussi confortablement que possible sur sa chaise de fortune, unique commodité à laquelle il a droit durant ses séances, il porte les vêtements réglementaires gris et ternes des détenus du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Il entrouvre péniblement les yeux et perçoit le plafond de béton de sa cellule, puis le visage félin de celui qui, une fois par semaine, lui rend visite afin de lui prodiguer son soutien.

Ses iris d'un rose sublime, caractéristique de la race des Bastet'Kas, lui offrent une vue enchanteresse. Il les a toujours trouvés beaux. Leur corps fin et élancé, leur manière de se mouvoir, gracieuse et fluide, leur visage de chat rayonnant de bonté. Ces séances, qui constituent le seul contact qu'il a avec le monde extérieur, sont une bénédiction pour lui, un lien avec le réel qui l'empêche de sombrer dans les abysses de la solitude.

Mais cette fois, l'Essence de son bienfaiteur le laisse dans un état plus passif que d'habitude. Le Bastet'Ka a été généreux dans l'utilisation de son énergie vitale, qui parcourt maintenant chaque membre du détenu.

"T'y es pas allé de main morte…, dit Erun'Hak calmement.

-Je pense que tu en avais besoin.

-Tu parles, ça m'a sonné. T'es sûr que tu sais ce que tu fais ?, demande-t-il d'un ton sarcastique, avec un léger rictus affichant ses canines.

-Tu oublies qui m'envoie prendre soin de toi. Si les dirigeants de la Nation m'ont choisi, c'est parce que je sais très bien ce que je fais, lui répond-il en haussant les sourcils.

-Mouais. Je préférais la mignonne qui venait avant toi.

-Et bien peut-être que si tu n'avais pas fait n'importe quoi avec elle, elle serait encore en train de s'occuper de toi aujourd'hui, et je n'aurais pas à supporter ton attitude ingrate."

Erun'Hak se tait quelques instants. Ses yeux se ferment alors qu'il prend une lente inspiration. Le Bastet'Ka passe derrière lui et appose doucement ses mains sur son crâne et sa tempe, continuant d'infuser son Essence.

"C'est vrai, j'ai merdé. Hey, le prends pas personnellement, d'accord ? Tu sais que je te respecte pour ce que tu fais.

-Ne t'en fais pas, je ne vais pas me vexer pour si peu. Après tout, on est presque amis, non ?

-Presque, lui répond-il avec un timide sourire. Bon, des nouvelles de la Nation Ash'Keth, quelques potins à partager ? Comment ça se passe pour vous, là-bas ?

-Les choses s'arrangent. Des accords sont en cours de négociation avec les humains concernant l'échange de l'Essence. Cela nous permettra de réveiller nos frères et sœurs en stase. Les Dirigeants ont bon espoir.

-Et toi, t'en penses quoi ?

-Si cela permet d'éviter de nous ingérer dans leurs conflits armés, je suis pour.

-En parlant de conflits, t'as des nouvelles ?", demande-t-il avec une certaine excitation.

Son compagnon félin soupire avant de répondre.

"Les guérillas entre l'Alliance des Pays de Centrafrique et les groupuscules terroristes au Cameroun touchent à leur fin. Avec nos frères et sœurs dans leurs rangs, l'APC est sûre d'être victorieuse.

-Excellent !

-Je ne comprendrai jamais la passion des Seth'Kas pour la violence.

-On ne se refait pas.", conclut-il avec contentement.

Le Bastet'Ka enlève ses mains de la tête de son patient, concluant ainsi la séance. Visiblement encore étourdi, ce dernier s'avance légèrement sur sa chaise mais reste assis, plongeant sa tête entre ses mains. Après quelques secondes, les effets s'étant légèrement dissipés, il se lève. Debout, il met en contraste la différence de taille entre lui et son comparse. Erun'Hak est un Seth'Ka et ils sont les plus grands des Ash'Keths. Du haut de ses deux mètres, son corps est musculeux et sec, parfaite harmonie entre puissance physique et souplesse. Son pelage noir, sa tête de grand loup aux allures sauvages, couplé à ses yeux aux iris rouges sang lui donnent un air menaçant. Mais son visage souriant et son attitude désinvolte contrebalancent ce côté effrayant, lui octroyant un charme ténébreux.

Il se rapproche du Bastet'Ka et lui fait une tape franche sur l'épaule.

"Merci. T'as pas idée du bien que ça me fait de te voir.

-Comme tu me le dis à chaque fois, je commence à m'en douter…

-On se revoit dans une semaine, alors ?"

Le Bastet'Ka se présente devant la porte de la cellule et y frappe pour avertir les gardiens de sa volonté de sortir.

"C'était notre dernière séance", lui répond-il d'un ton solennel.

Les verrous de la porte émettent un son lourd qui résonne dans le couloir. Doucement, dans le dos du Bastet'Ka, la porte s'ouvre. Erun'Hak est frappé par l'incompréhension. Depuis cet incident avec sa précédente bienfaitrice, il avait été laissé pour compte pendant deux mois, sans recevoir la moindre visite. Puis un jour, sans prévenir, ce Bastet'Ka s'est présenté à lui, disant que les Dirigeants de la Nation Ash'Keth lui offrait une seconde chance. La leçon avait été bien retenue et Erun'Hak se tenait tranquille depuis.

Allait-il être abandonné une seconde fois ? La crainte de retourner en isolement total, sans plus aucun contact avec personne, le paralyse. La porte, à présent complètement ouverte, donne vue sur le couloir et six gardiens du pénitencier, dans leurs uniformes bleus, entassés à l'extérieur de la cellule.

"Les choses changent, Erun'Hak. Elles avancent vers un futur plus prometteur."

Leurs regards se croisent. Le Bastet'Ka prend un air rassurant et affirmé. Ses iris rosâtres brillent, magnifiques, transportant à elles seules un message chargé d'espoir et d'amour inconditionnel.

"Toi aussi, tu dois avancer. Bonne chance, mon presque ami"

Le temps d'un ultime sourire accompagné d'un clin d'œil, il tourne le dos à Erun'Hak et disparaît derrière les gardiens.

De longues secondes s'écoulent alors que ces derniers restent dans le couloir, dévisageant le Seth'Ka qui leur renvoie leurs regards. Quelque chose d'inhabituel est en train de se produire. D'habitude, ils se contentent de simplement fermer la porte après la visite du Bastet'Ka. L'un des humains pénètre dans la cellule, une paire de menottes Entrav' à la main.

Ces modèles, qui consistent en un seul bloc solide se refermant électroniquement sur les poignets, ont été conçues pour contenir ceux qu'on appelle communément les "boostés", des individus améliorés électroniquement. Leur commercialisation a débuté sur Terre il y a 20 ans et, depuis la popularisation des MCE, modifications corporelles électroniques, elles sont devenues indispensables au sein des institutions pénitentiaires.

L'homme s'arrête à environs 3 mètres d'Erun'Hak.

"Bon, tu vas nous suivre. Mais d'abord, on doit te mettre ça", lui annonce-t-il avec hésitation.

Le gardien parle français et Erun'Hak le comprend parfaitement. Il jette un rapide regard aux menottes, puis fixe à nouveau le gardien humain, qui semble mal à l'aise d'être aussi proche de lui. Tout se précipite dans sa tête. Mais ses doutes ne pèsent rien à côté de sa soif de voir enfin l'extérieur de sa cellule. D'un simple hochement de tête, il affiche sa volonté de coopérer, tend ses bras et présente ses mains, paumes vers le bas. Le gardien reste méfiant l'espace d'un instant, puis se rapproche pour fermer les menottes Entrav' sur les poignets du Seth'Ka. Il se positionne ensuite derrière lui et lui ordonne d'avancer.

Erun'Hak, encadré par son étrange escorte, remonte le long couloir de l'aile d'isolation. La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était à son arrivée.

"C'est moi ou vous avez fait des rénovations ?, demande-t-il avec moquerie.

-La peinture a été refaite, lui répond, gêné, l'un des gardiens. C'était y a 2 mois, je crois.

-C'est donc ça…", conclut-il, comprenant que le silence est la meilleure alternative dans cette situation.

Le couloir remonté, il est ainsi accompagné jusqu'à l'antichambre, ultime salle de sécurité avant le Grand Hall qui mène à la sortie. Des lucarnes donnent sur l'extérieur et Erun'Hak les regarde, l'une après l'autre, alors qu'elles défilent à mesure qu'il progresse. Il contemple le ciel, grisâtre et triste. Sa pâle lumière, filtrée par l'épaisse couche de nuage, se reflète sur son visage par intermittence à chaque ouverture. Il ne l'avait jamais revu depuis son entrée ici. Cela ne paye pas de mine, mais pour lui, c'est déjà quelque chose.

Amené devant le comptoir renforcé de la sécurité centrale, il se laisse faire et reste simplement debout alors que la femme de l'autre côté du grillage lui énumère ses droits. Il l'écoute, au début, mais est rapidement distrait par des individus présents à sa gauche, dans le Grand Hall, de l'autre côté d'une imposante grille. Il compte six individus, cinq Ash'Keths et le directeur du centre pénitencier. Ce dernier semble avoir une conversation avec un Horus'Ka qu'il reconnaît, lui-même escorté par des guerriers Ash'Keths.

La curiosité d'Erun'Hak est interrompue lorsqu'on lui demande de signer sa sortie. Il appose calmement ses mains sur le scanner du comptoir qui balaye son rayon vert de haut en bas. Cela lui laisse un bref moment pour voir le directeur serrer la main de l'Horus'Ka et se diriger vers son bureau. Alors que ce dernier quitte le hall, les yeux des deux Ash'Keths se croisent enfin. Erun'Hak se souvient alors de ce regard perçant, cette force de conviction qu'on ne retrouve que chez les membres de cette race.

Il s'en détourne pour se concentrer à nouveau sur sa procédure de sortie qui touche à sa fin. Alors que ses mains sont libérées de leur entrave, la gardienne lui pose une dernière question : 

"Pouvez-vous me confirmer que vous n'avez aucun effet personnel à récupérer avant de quitter l'établissement ?"

D'abord baissée vers ses mains libérées, sa tête se lève doucement et il finit par regarder l'humaine dans les yeux.

"Non. Aucun.", répond-il d'un air absent pendant que la grille sur sa gauche s'ouvre.

Les gardiens s'écartent, lui laissant le champ libre pour se rendre dans le Grand Hall. Il sort par la grande grille et s'avance vers ses pairs Ash'Keths. La présence de l'Horus'Ka est imposante, non pas par son physique mais par son aura. L'humanoïde au visage de faucon, arborant un superbe plumage d'un blanc immaculé, flotte au-dessus du sol, lui permettant de compenser sa plus petite taille. Son armure à la couleur assortie à son pelage et aux formes acérées est parsemée de superbes gravures dorées. Il est encadré par quatre solides Ash'Keths, deux Seth'Kas et deux Sekhmet'Kas, aux visages durs, leurs fusils à Essence en mains.

Un rapide coup d'œil suffit à Erun'Hak pour identifier les armures de combat qu'ils portent, pointe de la technologie Ash'Keth. Aux teintes claires et métalliques, parsemées de détails dorés, elles recouvrent tout leur corps, ne laissant apparaître que leur visage. Un tissu blanc parsemé de motifs dorés est attaché par un nœud autour de leur taille et pend le long de leur jambe droite. Le symbole des guerriers est inscrit dessus, en rouge pour les Seth'Kas et en orange pour les Sekhmet'Kas. La marque des Élites de la Nation.

"Je vois qu'on ne rigole pas quand un dirigeant se déplace hors de la Nation…, sort-il avec ironie.

-En revanche, je constate que toi, tu rigoles bien face à tes obligations."

Sa réponse est tranchante. Son regard n'oscille nullement face à l'attitude provocatrice de son interlocuteur. Le sourire d'Erun'Hak disparaît peu à peu, ses yeux se baissent et il finit par s'incliner.

"Dirigeant Tehi'Rah, dit-il avec une certaine humilité.

-Bien. Voilà qui est prometteur pour l'avenir", lui répond ce dernier sans détourner son regard du Seth'Ka.

Erun'Hak se redresse et lui fait face, sans dire mot. Tehi'Rah se décale sur la droite, toujours en flottant, et l'invite à avancer vers la sortie, ce qu'il fait sans hésiter. Tous deux passent la porte du Grand Hall, accompagnés par leur escorte.