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Chapter 6 - Chapitre 5 : Premières Lueurs de Rébellion

Le désert, habituellement si silencieux, semblait murmurer sous la lueur glacée de la lune. Kaelen se tenait seul au sommet d'une dune, observant les feux de camp des Talaris qui illuminaient faiblement les vestiges d'un ancien village, à moitié enseveli sous le sable. Chaque pierre brisée et chaque mur effondré étaient des témoins muets d'un passé tumultueux. Ce lieu n'était pas simplement un point de vue, mais un rappel des batailles passées et des vies éteintes. Pour Kaelen, c'était aussi un reflet cruel de ses propres doutes, un avant-goût amer de ce que l'avenir pourrait réserver à son peuple. Son père lui avait raconté des histoires de ce village autrefois prospère, maintenant réduit à des ruines. Kaelen avait juré de ne jamais laisser son peuple connaître le même sort, mais chaque jour, cet objectif semblait s'éloigner un peu plus.

La journée avait été marquée par des négociations épuisantes avec les tribus Talaris. Les visages fermés et les murmures sceptiques avaient laissé à Kaelen une sensation de frustration, comme si chaque parole qu'il prononçait se perdait dans le vent. Harak, l'un des chefs les plus respectés, avait été particulièrement difficile à convaincre. « Les alliances ne se forgent pas seulement avec des paroles, Kaelen, » avait-il lancé, son ton acéré comme une lame. « Elles demandent des actions… et des sacrifices. » Harak n'avait pas tort, mais chaque concession arrachait une partie de l'âme de Kaelen.

Sous la lune pâle, Kaelen fixait les ruines, perdu dans ses pensées. L'Étherium pulsait en lui, un pouvoir tentant et dangereux, murmurant des promesses de victoire à n'importe quel prix. Chaque décision, chaque mot, semblait ajouter un poids de plus sur ses épaules. Le silence du désert était interrompu par les échos lointains des feux de camp en contrebas, où ses compagnons discutaient, riaient, et se préparaient pour les jours à venir. Kaelen descendit lentement la dune, les grains de sable crissant sous ses bottes, comme un rappel constant de l'instabilité de sa position. Il savait qu'il devait se montrer fort, mais il se sentait au bord du gouffre, tiraillé entre ce qu'il voulait être et ce qu'il craignait devenir.

Près du feu principal, Nareen traçait des lignes imaginaires sur le sol, illustrant une stratégie complexe à Mira, dont le regard vif suivait chaque mouvement. Lyren, assis un peu à l'écart, observait l'horizon avec une intensité silencieuse, ses yeux fatigués mais toujours vigilants. Il semblait prêt à repérer la moindre menace, mais aussi à déceler les doutes cachés dans l'âme de Kaelen.

Nareen leva les yeux en le voyant approcher. « Kaelen, tu sembles absent. Quelque chose ne va pas ? »

Kaelen s'installa près du feu, observant les flammes qui dansaient et léchaient l'air avec une énergie sauvage. Il prit un moment avant de répondre, cherchant ses mots. « J'ai l'impression que chaque victoire nous éloigne de ce que nous étions. On gagne des alliés, mais on perd quelque chose de plus important à chaque fois. Peut-être que je me trompe de chemin. »

Lyren, qui semblait avoir attendu ce moment, posa son arme et répondit avec une gravité rare. « La guerre change tout le monde. On peut se perdre en chemin si on passe trop de temps à se regarder dans le miroir. Mais ce n'est pas le pouvoir ou les alliances qui te définissent, Kaelen. C'est ce que tu choisis d'en faire. »

Kaelen hocha la tête, mais ses pensées tournaient toujours en boucle. Mira, silencieuse jusque-là, s'avança et posa une main ferme sur son épaule, son regard adoucissant l'obscurité dans les yeux de Kaelen. « Nous sommes ici parce que nous croyons en ce que tu fais, pas parce que tu es parfait. Et tu n'es pas seul, Kaelen. On est tous là avec toi. On a chacun nos démons, mais on avance ensemble. »

Les paroles de Mira résonnèrent comme une ancre dans l'esprit de Kaelen. Il réalisa que ce n'était pas seulement lui qui portait le poids de cette guerre, mais tous ceux qui s'étaient rassemblés autour de ce feu, dans ce désert implacable. Pourtant, l'ombre du doute restait, tapie dans un coin de son esprit, attendant le bon moment pour ressurgir. Son père avait toujours dit qu'un vrai leader n'était pas celui qui n'avait pas peur, mais celui qui choisissait d'avancer malgré ses craintes. Cette pensée, même si réconfortante, ne suffisait pas toujours à chasser ses doutes.

Le lendemain, l'aube apporta une lueur d'espoir inattendue. Les éclaireurs rapportèrent que plusieurs tribus, galvanisées par leurs récentes victoires, avaient décidé de se joindre à leur cause. Mais parmi les sourires et les discussions animées, Kaelen remarqua l'expression fermée de Harak. Le chef de tribu, bras croisés, scrutait l'horizon sans jamais détourner le regard vers les autres. Kaelen s'approcha, sentant que leur dernière conversation n'avait pas encore trouvé de véritable conclusion.

« Harak, je sais que les mots ne suffisent pas, » dit Kaelen avec une sincérité qui trahissait une pointe de désespoir. « Mais chaque jour, chaque bataille, nous rapproche de quelque chose de plus grand. Ensemble, on est plus forts. » Son cœur battait fort ; c'était plus qu'une alliance, c'était un appel à l'espoir.

Harak garda le silence un moment, avant de tourner lentement la tête vers Kaelen, son regard perçant comme celui d'un aigle scrutant une proie. « Ce n'est pas une question de force, Kaelen. C'est une question de survie. Montre-nous que tu peux protéger ce que nous avons encore, et peut-être que tu gagneras notre confiance. Pour l'instant, tu n'as que des promesses. »

Les mots de Harak frappèrent Kaelen comme un coup de poing. Il se retrouva face à un défi qu'aucune victoire militaire ne pouvait résoudre : celui de gagner les cœurs et d'assurer à tous que leur lutte en valait la peine. Et pour cela, Kaelen savait qu'il ne pouvait pas seulement se fier à l'Étherium ou à ses stratégies ; il devait devenir quelque chose de plus, un leader en qui les Talaris pouvaient croire, même dans les moments les plus sombres. Chaque geste comptait, chaque parole avait un poids, et l'équilibre entre son pouvoir et son humanité devenait de plus en plus précaire.