Le musée d'Orchadia était exactement comme je l'avais imaginé : immense, majestueux et excessivement impressionnant. Ses murs, ornés de fresques détaillant les légendes anciennes, s'élevaient jusqu'à un plafond voûté si haut qu'il semblait disparaître dans les ombres.
Nous étions arrivés avec une précision quasi militaire. Tout était orchestré : les élèves de notre lycée avaient été regroupés dans le hall principal, une salle aux dimensions démesurées, où de gigantesques lustres de cristal suspendus au plafond diffusaient une lumière tamisée.
Le professeur Thelaros s'avança vers nous, s'arrêtant au centre du hall, son regard perçant balayant les élèves rassemblés. Il s'éclaircit la gorge avant de parler, sa voix résonnant dans l'espace silencieux.
"Bien, chers élèves, nous sommes officiellement dans le musée d'Orchadia, au cœur de l'Empire. Pour ceux qui s'interrogent, les autres lycées ne devraient pas tarder, mais comme certains d'entre eux viennent des royaumes les plus éloignés, ils pourraient arriver avec un peu de retard. D'ici là, prenez un moment pour observer cette salle."
Il leva une main pour désigner les alentours. De chaque côté du hall, des armures de chevaliers alignées comme des gardes silencieux fixaient le vide, leurs heaumes polis reflétant la lumière dans des éclats presque inquiétants.
"Chaque artefact exposé ici a une histoire unique et, parfois, dangereuse. Ce musée n'est pas comme les autres. Et surtout… " il fit une pause dramatique, son ton devenant plus grave, "…gardez à l'esprit que ce lieu est chargé de mystères que même l'Empire n'a pas entièrement percés."
Un murmure parcourut les rangs des élèves. Klayn, debout à ma droite, souffla doucement :
"Un peu dramatique, non ?"
Je ne répondis pas, mon regard attiré par une plaque gravée près d'une armure. On y lisait une inscription dans une langue ancienne, probablement celle utilisée durant l'époque des premiers royaumes.
Thelaros reprit, ignorant l'agitation croissante parmi les étudiants :
"Vous aurez bientôt la chance de découvrir des artefacts rares et puissants, mais pour cela, il faudra rester disciplinés. Nous visiterons d'abord les sections d'exposition principales, puis nous descendrons dans les niveaux inférieurs pour observer des trésors plus uniques. Enfin, au sous-sol, vous aurez l'occasion de voir... les artefacts suprêmes."
Je relevai un sourcil à cette mention. Ce musée était bel et bien comme me l'avait décrit Izuma en fin d'comptes.
"Maintenant, je vais aller régler quelques formalités pour notre groupe. Restez ici et attendez mon retour."
Sur ces mots, il quitta le hall, laissant les élèves discuter à voix basse.
Cinq minutes plus tard, alors que certains étudiants continuaient à murmurer entre eux, le professeur était revenu, le sourire aux lèvres. Nous attendions tous de commencer enfin cette visite et juste au moment où il se mit à parler, un bruit métallique résonna à travers la salle. Les grandes portes par lesquelles nous étions entrés se fermèrent brusquement, suivies par un clac sec qui résonna comme un verrouillage.
Les murmures cessèrent instantanément.
Puis, sans prévenir, toutes les lumières s'éteignirent, plongeant la salle dans une obscurité totale. Je restai immobile, mes sens en alerte. Les élèves commencèrent à paniquer. Des voix s'élevèrent, certaines paniquées, d'autres cherchant à calmer la foule.
"Restez calmes," murmurai-je, bien que ma voix se perde dans le vacarme ambiant.
Puis, les lumières se rallumèrent, mais d'une manière étrange. Elles étaient plus faibles, vacillantes, comme si l'énergie qui les alimentait était instable. Ce fut alors que je remarquai l'absence du professeur Thelaros.
"Où est Thelaros ?" murmura Miyako à côté de moi, son regard scrutant la salle.
Avant que je ne puisse répondre, un grésillement retentit dans les haut-parleurs, suivi d'une voix grave et rauque.
"Bonsoir, chers prodiges. Vous vous demandez sûrement où est votre professeur. Eh bien… disons simplement qu'il est entre de bonnes mains, avec le reste du personnel de sécurité de ce musée."
Un silence de plomb s'installa.
"Pas le temps pour les présentations, appelez-moi simplement monsieur M. Et je vais aller droit au but. Sachez que ce musée contient un artefact d'une valeur inestimable, caché au cinquième niveau du sous-sol. Malheureusement pour moi, et pour certaines raisons, je ne peux pas y accéder directement. Les systèmes de défense sont bien trop dangereux, même pour mes hommes."
"Mais vous, chers élèves, vous êtes différents. Vous êtes l'élite des lycées du continent, les meilleurs et les plus prometteurs. Je vais donc vous utiliser. Et je ne vous cache pas qu'il y aura des morts."
Klayn serra les poings à mes côtés. "Ce type se fout de nous ou quoi ? C'est qui d'abord ?"
Je levai une main pour le faire taire, écoutant attentivement.
"Votre mission est simple : récupérez l'artefact pour moi. Je vous guiderai pour les trois premiers niveaux, mais après cela, vous serez livrés à vous-mêmes. Chaque niveau nécessite une clé pour avancer, que vous trouverez en résolvant des énigmes, en surmontant des pièges ou… en éliminant ce qui se dresse sur votre chemin."
Les murmures reprirent parmi les élèves, certains paniqués, d'autres curieux. Puis calmement, je demandai, "Vous ne nous demanderez pas quelque chose de si absurde sans avoir pris des précautions pour qu'on accepte, n'est-ce pas ?"
La voix reprit donc, "Hmmm, bien sûr que nous avons pris des précautions. Déjà, à l'instant même où vous essaieriez de franchir les portes du musée ou seulement tenter de sortir, vous seriez abattus par mes hommes. Et bien sûr, je me doute qu'il y a toujours des petits cons qui essaieraient tout de même, donc j'ai pris la liberté de faire prisonnier votre professeur ainsi que le personnel du musée. Je vous déconseille donc de faire des bêtises. Aussi pour finir, nous avons déclenché une IEM, dans la salle ainsi que dans presque tout le bâtiment. Ainsi, tout appareil électronique que vous possédez ne sera plus en état de marche. Ainsi vous ne demanderez pas d'aide extérieure."
Il était clair qu'on était obligé de faire ce qu'il demandait. Je me fichais des vies perdues, mais un truc que je ne supportais vraiment pas, c'était de me sentir enfermé. Néanmoins, en faisant ce qu'il dit, j'aurais l'occasion, en plus de voler son artefact, de récupérer les deux parties du Kyneryx.
Après une courte pause, l'homme reprit. "Bien, si vous avez compris, passons aux détails. Sachez que les artefacts que vous rencontrerez défendent d'eux-mêmes les étages où ils se trouvent. Tout échec peut être fatal. Si vous échouez ou refusez d'obéir, sachez que vos professeurs en paieront le prix. Bonne chance, prodiges."
La voix disparut, laissant un silence glacial dans la salle.
Je croisai le regard de Miyako et de Klayn. Klayn semblait prêt à exploser, ses poings toujours serrés, tandis que Miyako gardait un calme presque dérangeant.
"Bon… qu'est-ce qu'on fait ?" demanda Klayn, rompant le silence.
Je pris une profonde inspiration, analysant rapidement la situation. Ce M n'avait pas l'air de plaisanter, mais il ne s'attendait probablement pas à ce que quelqu'un comme moi soit ici.
"On joue selon ses règles," répondis-je calmement. "Pour l'instant."
Miyako plissa légèrement les yeux. "Et ensuite ?"
Je souris froidement. "Ensuite, on le bat à son propre jeu."
Le silence qui suivit la déclaration du "Maître" fut rapidement brisé par des éclats de voix.
« C'est quoi ce délire ?! » s'écria Darius, toujours prompt à réagir de manière bruyante. « Il croit qu'on va risquer nos vies juste parce qu'il a capturé un prof ?! »
« Et si c'est un test ? » intervint une élève aux cheveux bouclés, c'était Lydia, la fille avec qui discutait Klayn dans le bus peu avant notre arrivée, visiblement plus calme mais tout aussi inquiète. « Peut-être que l'Empire ou l'Académie veut voir comment on réagit dans une situation de crise… »
« Un test avec des risques de mort ? T'es sérieuse ? » répondit une autre, sa voix tremblante.
« Elle a probablement raison... » murmura Miyako, presque pour elle-même.
« De qui tu parles ? Lydia ? » demanda Klayn, les sourcils légèrement froncés.
« Oui, elle. Elle a raison, c'est tout à fait possible que ce soit un test organisé par l'Empire ou même par l'Académie, » répondit Miyako, posant deux doigts sur son menton, son regard devenant pensif.
Je croisai les bras, la fixant calmement. « Tu sembles bien sûre de toi. Y a-t-il quelque chose que tu ne nous aurais pas dit, Miyako ? »
Elle soupira, visiblement prise au dépourvu, avant de parler. « Oui... mais je vous assure que ce n'était pas intentionnel. Après ma discussion avec Zéphyr, il a laissé échapper un détail qui m'a mise sur la piste. Alors, j'ai contacté Raven pour avoir des précisions... »
« Et ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? » lança Klayn, le ton légèrement tendu, comme s'il redoutait la réponse.
« Elle m'a raconté qu'à son époque, lorsqu'elle était en terminale, ils ont vécu une situation similaire à une sortie scolaire. Selon elle, l'Empire avait orchestré un test pour évaluer qui avait le potentiel d'intégrer le service impérial, » expliqua-t-elle d'un ton sérieux.
Je haussai un sourcil. « Intéressant... Merci pour l'info, Miyako. Mais à l'avenir, je veux que ce genre de détail nous soit communiqué immédiatement. Plus tu caches des choses, moins j'aurai de raisons de te faire confiance. » Mes mots étaient calmes, mais mon regard restait fixé sur elle, perçant.
« C'est noté, Logan, » répondit-elle rapidement, son ton empreint de sincérité.
Je pris une inspiration profonde, détournant finalement mon regard. « Pour l'instant, nous ne savons pas si c'est vraiment un test ou autre chose. Gardons cette information pour nous et restons vigilants. »
« D'accord, » répondirent-ils en même temps, presque mécaniquement.
Alors que je détournais mon regard vers Lydia, toujours assise à l'arrière, une pensée traversa mon esprit. « Lydia... Est-ce de la perspicacité ou es-tu simplement mieux informée que tu ne le laisses paraître ? »
Les murmures devenaient de plus en plus chaotiques, certains élèves cherchant à organiser un plan, d'autres paniquant ouvertement. Klayn, qui était resté silencieux jusqu'alors, fit un pas en avant, sa voix s'élevant pour couvrir le tumulte.
« Calmez-vous ! » dit-il, croisant les bras. « Hurler ne nous mènera à rien. On doit réfléchir à ce qu'on va faire. »
Je laissai un léger sourire étirer mes lèvres. Klayn jouait parfaitement son rôle de médiateur, un point essentiel pour maintenir un semblant d'ordre. Pendant ce temps, je restais à l'arrière, observant les réactions de chacun. C'était là que résidait la véritable clé : comprendre qui était prêt à agir et qui deviendrait un fardeau.
Miyako se rapprocha de moi, son visage toujours aussi impassible. « Tu les laisses s'agiter exprès, hein ? » murmura-t-elle.
« Plus ils parlent, plus ils révèlent leurs faiblesses, » répondis-je simplement, mes yeux fixés sur Darius, qui continuait à argumenter avec un autre élève.
« Toujours aussi calculateur, » ajouta-t-elle avec un sourire en coin.
Je n'eus pas le temps de répondre. Une vibration sourde résonna dans la salle, attirant immédiatement l'attention de tout le monde. Le grand écran situé au centre du hall s'illumina, affichant une carte des étages du musée.
Un marqueur clignotait sur l'étage actuel, accompagné d'un message :
"1er Étage : Trouvez la clé pour accéder au niveau inférieur."
Des projecteurs s'activèrent, illuminant plusieurs directions à travers la salle. Chacune menait à une allée différente, chacune plongée dans une semi-obscurité inquiétante. C'était de la technologie midorienne d'où leur fonctionnement malgré l'IEM.
« Je suppose que c'est notre signal, » dit Klayn en se tournant vers moi.
« On ne peut pas partir à l'aveugle, » répondit Miyako, scrutant les différentes allées. « Il faut qu'on sache où chercher. »
« C'est évident, » dis-je, mes yeux fixant une armure de chevalier légèrement plus grande que les autres, placée au bout de l'allée centrale. « Ils veulent nous diviser. Les clés ne seront pas dans une seule direction. »
Darius, qui avait entendu, grogna. « Génial, comme si c'était pas déjà assez dangereux et inquiétant. »
« Raison de plus pour former des équipes, » déclara Klayn.
Le groupe se divisa rapidement en sous-groupes de cinq à six personnes, Darius et son groupe d'incapable, Lydia dans un groupe de 6 etc...chaque équipe choisissant une allée à explorer. Miyako, Klayn et moi restâmes ensemble, ce qui ne surprit personne.
« Bon, on prend l'allée centrale, » dis-je en désignant l'armure imposante au fond.
« Pourquoi celle-là ? » demanda Klayn, haussant un sourcil.
« Parce que c'est la plus évidente, et que ceux qui organisent cette mascarade comptent sur nous pour l'éviter, » répondis-je avec un sourire en coin.
Miyako hocha la tête. « Ça fait sens. Ils veulent probablement tester notre courage. »
Darius et son équipe choisirent une allée sur la gauche, tandis qu'un autre groupe plus hésitant s'aventura à droite, où il paraissait y avoir moins de risques, Lydia et son groupe quant-à-eux, prirent l'allée gauche, juste à côté de la principale. Les derniers élèves restèrent près du hall, trop effrayés pour bouger.
Nous tenions tous compte du compte à rebours apparu au dessus de nous et on était étrangement tous certain d'une chose: les armures présentes dans la pièce feraient le nettoyage de ceux qui resteraient, mais celà n'avait pas l'air d'inquiéter les indécis.
« Ils vont se faire massacrer s'ils restent là, » murmura Klayn en les regardant.
« Peut-être, » dis-je d'un ton indifférent. « Mais on n'a pas le temps de jouer les baby-sitters. »
L'atmosphère changea radicalement dès que nous passâmes sous l'arche qui marquait le début de l'allée centrale. Les murs étaient ornés de tapisseries anciennes représentant des batailles mythiques. Les armures de chevaliers alignées de chaque côté semblaient presque vivantes, leurs visières sombres fixant les intrus que nous étions.
« Ça te rappelle pas un peu trop les histoires des armures animées ? Ces histoires que nous racontaient nos parents.» chuchota Miyako, une main posée sur la garde de son arme.
« J'y pensais justement » répondis-je, mes yeux scrutant chaque détail.
Un bruit métallique résonna soudain derrière nous. Klayn se retourna vivement, sa main déjà en position de combat.
« Juste...une armure qui tombe...?» dit-il, essayant de se détendre.
Une armure qui est là sûrement depuis très longtemps qui tombe juste après nous, c'était plus qu'étrange. Pourtant, mes sens n'étaient nullement en alerte.
« Avançons, » dis-je, reprenant la marche. « Mais restez sur vos gardes. »
Plus nous progressions, plus la tension montait. Le silence était presque assourdissant, chaque pas résonnant comme un coup de tonnerre dans ce sombre tunnel.
Nous atteignîmes enfin l'armure géante au bout de l'allée. Sur son plastron était gravé un message dans une langue ancienne, accompagné d'un petit compartiment fermé par un verrou complexe.
« Voilà notre première énigme, » dis-je en croisant les bras, un léger sourire sur les lèvres.