Quelques heures après l'impact des fragments sur Primis, les élus, inconscients, se retrouvèrent éparpillés. Le garçon choisi par l'aérolithe qui avait atteint la France gisait dans un champ de tournesols, sur une colline baignée de lumière. Ses paupières s'entrouvrirent avec peine, révélant un ciel d'un bleu infini, encadré par l'or vibrant des pétales qui le protégeaient des rayons du soleil.
Lentement, il se redressa, son esprit encore sonné par le voyage céleste qu'il venait de vivre, tandis que les fleurs se balançaient doucement au rythme d'une brise matinale, comme pour le saluer. Le jeune homme se leva lentement, ses yeux balayant l'océan de tournesols qui s'étendait à l'infini. Partout où il regardait, il n'y avait que des vagues dorées ondulant sous le vent, à l'exception d'un cercle d'herbe parfaitement plat dans la mer de fleurs, comme si quelque chose d'ancien avait autrefois reposé là.
"Qu'est-ce que...?" murmura-t-il, sa voix se perdant dans le chuchotement des pétales. Il pivota sur lui-même, et son souffle se coupa. En contrebas de la colline, une ville tentaculaire s'étalait, couronnée par un château colossal dont la tour centrale fendait la lumière du soleil matinal en deux. Il resta un instant figé, émerveillé par la splendeur de la scène.
"Cette vue, c'est magnifique, mais je suis où...? Je n'ai jamais vu une telle ville."
Un sentiment d'émerveillement le gagne. Avançant prudemment à travers les tournesols, il trébucha soudain sur quelque chose de dur. Il baissa les yeux et découvrit une pierre finement ciselée. La curiosité piquée, il la ramassa, révélant une statuette d'oiseau aux plumes sculptées captant et jouant avec les rayons du soleil.
"Une statuette, d'où tu sors toi ?" dit-il à la statuette, comme s'il s'attendait à ce qu'elle réponde. À peine eut-il fini sa phrase que la statuette se mit à briller d'une lumière vive. Une chaleur enveloppante l'entoura, et soudain, il ne vit plus rien d'autre que des couleurs vibrantes et une lumière éblouissante. L'oiseau de la statuette prit vie devant lui, ses plumes blanches bordées d'arc-en-ciel l'enveloppant dans une étreinte éthérée.
"Qui... qui es-tu?" demanda-t-il.
L'oiseau ne répondit pas, mais le garçon sentit qu'il n'était pas hostile, il l'entoure de ses ailes immenses et chaudes pendant un moment avant que la créature ne disparaisse, le laissant seul une fois de plus au milieu du champ de tournesols. La statuette avait disparu, ne laissant aucune trace de son existence.
Le jeune homme s'assit pensivement dans l'espace dénudé, là où les tournesols ne poussaient pas, laissant son esprit vagabonder sur les événements surréalistes qu'il venait de vivre. Soudain, un frémissement parmi les fleurs attira son attention. Il se redressa brusquement, prêt à prendre la fuite, mais ce qui émergea des tournesols n'était pas une menace. Un homme vêtu d'une robe de moine s'avança vers lui, les mains levées en signe de paix.
"Apaisez-vous, jeune élu de l'Errant. Je suis ici pour vous guider", dit le moine d'une voix douce.
"Mais avant cela, nous devons rassembler les autres et vous conduire au château que vous avez dû apercevoir."
Le jeune homme, encore sous le choc, balbutia : "Où suis-je ? Est-ce un rêve ? Le paradis, peut-être ? J'ai besoin de réponses !"
"Ce que vous vivez est bien la réalité, mon enfant. La patience vous apportera les réponses que vous cherchez", répondit le moine avec un sourire rassurant. Alors, d'un geste fluide, il sortit de sa manche un bâton orné de pierres précieuses et beaucoup plus grand que la manche dont il venait d'en sortir. Avant que le jeune homme n'ait le temps de s'interroger sur cette nouvelle étrangeté, le moine traça un cercle magique dans l'air.
En un instant, le monde autour d'eux se transforma, et ils se retrouvèrent au bord d'un lac paisible, le château se dressant majestueusement à l'horizon, offrant une perspective différente et tout aussi impressionnante. Le jeune homme se tourna vers le lac et aperçut une silhouette assise au bord de l'eau, les pieds immergés dans le lac tranquille. La jeune fille avait des cheveux très noir et lisses qui encadraient son visage métissé. Elle se retourna vers eux, une lueur d'appréhension dans les yeux.
"Qui... qui êtes-vous ? Et où suis-je là ?" demanda-t-elle d'une voix tremblante.
"Rassurez-vous, vous allez bientôt comprendre. Venez, je vais vous mener au château, là où les autres vous attendent," répondit Gaspard.
"Les autres ?" interrogea le jeune homme.
"Oui, vous êtes les seuls dont la trajectoire n'a pas été directement dirigée vers le château. Je manquais de la puissance nécessaire pour guider quatre fragments de l'aérolithe."
Le jeune homme resta perplexe, ne comprenant pas trop ce qu'il venait de dire. Ils accueillirent la jeune femme qui s'approcha avec une hésitation palpable. Elle partagea son expérience avec eux, leur disant qu'elle s'est réveillée au cœur de ce lac peu profond, où une statuette angélique tenant un soleil s'était illuminée dans ses mains, tout comme l'avait vécu le garçon. Elle leur confia avoir été témoin de la vision de cet ange et elle décrit une chaleur étouffante si intense que ses vêtements en furent séchés en un instant, puis la statuette s'était volatilisée elle aussi.
Le moine, ayant écouté son récit, leva son bâton et dessina un cercle incandescent au-dessus de leurs têtes. En un battement de cœur, ils furent transportés dans une salle vaste et close. Deux jeunes hommes, étrangers tout comme eux, étaient assis autour d'une table, les attendant, semblait-il, depuis un moment. Le jeune homme réalisa alors qu'ils se trouvaient dans le château évoqué par le moine lorsqu'ils étaient au milieu des tournesols.
"Rejoignez-les, mes enfants. Je serai bientôt parmi vous," dit le moine d'une voix qui résonna dans l'espace de la pièce avant qu'il ne disparaisse.
Le premier se leva pour les accueillir en se dirigeant vers eux, il les invita à s'asseoir avec eux et c'est ce qu'ils firent. Il donna l'idée de se présenter à tour de rôle et il commença. Il était assez grand, il avait les cheveux blonds, une coupe mi-longue avec une mèche qui tombait d'un côté, et ses yeux d'un bleu éclatant étaient magnifiques.
"Je m'appelle Klaus, je viens du Canada et je ne sais pas plus que vous ce que je fais ici. J'ai atterri dans le jardin de ce château et j'avais avec moi une statuette d'un guerrier bizarre sur un nuage. Je n'ai pas tout compris, mais j'imagine que vous avez vécu quelque chose de similaire, donc je n'irai pas dans les détails."
L'autre garçon se leva à son tour. Il semblait venir des pays d'Asie, avec une peau blanche et visuellement très douce. Il avait les cheveux noirs et courts et des yeux verts. Il avait l'air d'être le plus âgé du groupe et portait des vêtements élégants et traditionnels.
"Mon nom est Su-jin," dit-il. "Je viens de Corée du Sud. Je n'ai rien vu venir lorsque j'ai été touché. J'étais également dans le jardin, et ma statuette ressemblait à un serpent. Rien que le regarder me brûlait les yeux, tellement c'était réfléchissant, on aurait dit un diamant. Avant que je puisse comprendre quoi que ce soit, il est apparu et a disparu aussitôt après m'avoir enroulé. Et vous, les nouveaux ?"
Salma, la jeune femme, se leva un peu intimidée par la situation, essayant de garder son calme avant de se présenter.
"Je... Je m'appelle Salma ! Je viens d'Égypte et j'avais une statuette d'un ange avec un soleil. Il m'est arrivé exactement la même chose que vous. Je vous avoue ne pas être à l'aise et ne pas savoir si tout ceci est réel ou non..."
Elle s'assit, un peu gênée, comme si elle avait passé un entretien difficile. C'était au tour du jeune homme de se lever. Tous les regards se tournèrent vers lui. Il avait quant à lui, des cheveux courts bouclés de couleur châtain et des yeux gris.
"Je m'appelle Armand, je viens de France," dit-il. "Je ne me souviens pas vraiment de ce qu'il se passait quand j'ai vu ce gros truc arriver sur moi... à part qu'il pleuvait et qu'il faisait nuit. J'ai atterri dans un champ de tournesols immense au-dessus d'une colline qui surplombait la ville, et j'avais un immense oiseau magnifique avec des plumes de toutes les couleurs qui est sorti de sa statuette..."
Armand sembla réfléchir un moment, fronçant les sourcils après avoir remarqué quelque chose.
"Comment ça se fait qu'on parle la même langue si on vient d'endroits si différents ?"
Su-jin répondit, "Maintenant que tu le dis... ça a sûrement à voir avec ce monde."
Klaus ajouta en riant, "Je trouve ça marrant perso !"
Gaspard, le moine, réapparut alors devant eux, au-dessus de la table. Il descend ensuite de celle-ci avant de leur faire face.
"Je vous prie de m'excuser pour cette attente. Il semble que vous ayez déjà eu l'occasion de faire connaissance. Je me nomme Gaspard, et je suis en quelque sorte votre guide pour vous éclairer sur les raisons de votre présence en ces terres qui vous sont étrangères. Comme vous l'avez sans doute remarqué, vous vous comprenez grâce à un sort que j'ai utilisé sur vous à votre arrivée en ces lieux. Vous avez sans doute vu également ces statuettes au nombre de quatre qui vous ont été attribuées par l'aérolithe lui-même. Elles renferment des pouvoirs jadis détenus par des êtres légendaires des temps anciens. Chacun de ces êtres a été vaincu et scellé par la Sainte afin de transmettre leur force à ceux capables de sauver Primis dans le futur. Face à la situation critique actuelle, nous avons pris la décision d'utiliser les quatre dernières."
Su-jin demanda, "Y en avait-il d'autres auparavant ?"
"Effectivement," répondit Gaspard, "mais je ne connais pas le nombre exact. Mon maître, qui en avait certainement connaissance, a sacrifié sa vie pour offrir son âme à l'Errant des étoiles qui vous a amenés ici. Toutefois, je sais qu'il y a 400 ans, trois héros issus de votre monde ont défendu Primis au péril de leur vie. Il devait donc y en avoir au moins une dizaine à l'époque."
Klaus, intrigué, demanda, "Vous avez dit 'Primis', c'est le nom de ce monde, je présume ?"
"Veuillez m'excuser pour cet oubli crucial," dit Gaspard. "Vous êtes actuellement à Primis, le point d'origine de tous les mondes, directement lié au vôtre. L'existence de l'un dépend de l'autre, et il est de notre devoir de veiller sur lui. Primis est aussi un vaste continent, bordé par une mer sans fin. Il y a mille ans, le roi de Primis, un souverain tyrannique, aspirait à rivaliser avec les dieux eux-mêmes. Sa force était si grande qu'il a défié et vaincu d'innombrables anges. Après une lutte acharnée qui s'est étendue sur des années, des individus comme vous, liés aux aérolithes, ont réussi à le vaincre et à le sceller. Six siècles plus tard, il était sur le point de se réveiller à nouveau, mais fut arrêté grâce à l'intervention de ces trois héros dont je vous ai parlé précédemment."
Fin du chapitre 2.