Chereads / Les gardiens de Valinor (Tome 1): Maudite lame. / Chapter 9 - CHAPITRE 8 RENCONTRE

Chapter 9 - CHAPITRE 8 RENCONTRE

Encore une fois livré à lui-même toute la matinée, Adrien se trouvait dans la chambre d'Eowyn. Elle lui avait prêté ses carnets de prise de notes, qu'elle avait rédigé en commençant son apprentissage de la magie. Il était curieux d'en savoir plus, de savoir ce qu'il était capable de faire. Il prit donc en main le premier des petits carnets à couverture en cuir sombre. Ils étaient noircis d'une écriture régulière et ronde, mais particulière : un mélange de lettres en script et en cursive. Certaines lettres étant tantôt tracées dans la première forme, tantôt dans la suivante, selon les mots. Il y avait aussi beaucoup d'abréviations. Des schémas, des illustrations, des tableaux ou des cartes mentales illustraient les pages. Il se demandait ce qu'un graphologue pourrait en tirer comme conclusion.

De temps à autres, Eowyn s'était laissée aller à un commentaire ou a une anecdote, parfois cynique, parfois effrayante, mais souvent drôle. C'était presque un journal intime. Elle y avait laissé une part de ses réflexions. Ainsi, Adrien se rendit compte qu'elle avait appréhendé ses pouvoirs avec beaucoup de peurs au début. Ce monde nouveau l'effrayait, la crainte de faire des erreurs la paralysait… Malgré tout, son état d'esprit ne semblait pas avoir changé au fur et à mesure du temps : elle voulait utiliser ses dons pour aider les autres.

Les premières pages détaillaient le monde de la magie, ses règles, ses particularités, le moyen d'y accéder. Le jeune homme apprit que si la majorité était à dix-sept ans révolus, il fallait justifier de 5 ans de pratique auprès d'un sorcier confirmé pour avoir une véritable autonomie et travailler dans ce monde. Tous les métiers existaient… même si leur pratique était saupoudrée, voire carrément détrempée de magie.

Par exemple, les maïs étaient cultivés tout au long de l'année et on avait plusieurs récoltes par an… En réalité, il n'y avait pas vraiment de saison dans ce monde… Il faisait toujours la même température et la même météo, jour après jour. Le seul indice sur le temps qui s'écoulait, était le lever et le coucher de soleil. Les jours étaient un éternel recommencement. Dans ses conditions, sans magie, les végétaux n'auraient pas poussé ; certaines plantes ayant besoin de plusieurs jours à des températures suffisamment basses pour bourgeonner ; et les sols seraient devenus infertiles.

En réalité, le plus extraordinaire était que, malgré une absence de changements météorologiques jour après jour, les saisons et les climats existaient en même temps à quelques kilomètres les uns des autres. La séparation entre chaque zone semblait radicale.

 La vallée de la pluie et son climat équatorial, la plaine des cactus et ses quarante degrés Celsius de moyenne, la forêt de hêtres et ses espèces bien familières à Adrien… Il y avait une carte pliée en deux entre les pages. C'était une copie faite de la main d'Eowyn visiblement. Elle avait écrit au dos : « In Valinorem, ibi sunt leges et multas libertates ». La jeune fille semblait pratiquer le latin… Ce qui expliquait la présence des vieux ouvrages en langue morte dans sa bibliothèque…

Adrien retourna la carte : les légendes étaient tracées d'une écriture ronde et délicate en lettres noires, bleues, vertes ou rouge. Il repéra une ville en plein milieu avec un château dessiné en son centre. Avec ces tours pointues et son allure élancée, il lui faisait penser à ce château qu'il avait visité en Bavière, Neuschwanstein, le château dont Disney s'inspira pour la Belle au Bois dormant…

Autour du bâtiment se trouvait la vieille ville, puis par extension les quartiers modernes. Chacun avait son nom : Les Herbes, La Flambée, Le Sou, La Bonne Table, Les Grandes Eaux… Selon le carnet, tous ces noms farfelus désignaient une particularité du quartier, ainsi, pour faire du sport, il fallait aller aux Lauriers… Adrien avait hâte de visiter tous ces quartiers aux noms saugrenus.

Il parcourut rapidement des yeux le reste de la carte et un nom attira son attention : La vallée des loups garous ! Elle était située à côté d'une zone presque entièrement entourée d'une montagne et parcourue de bout en bout par une rivière. Cette zone comportait des mines d'argent d'après la carte. Cela rappela au jeune homme les indications du médaillon. Il faudrait qu'il en parle à ses nouveaux amis quand ils rentreront.

Il plia la carte et reprit sa lecture. Eowyn avait listé les différentes lois de Valinor. Certaines n'étaient guère différentes des lois françaises, d'autres étaient carrément moyenâgeuses. Ainsi, il ne fallait pas tenter de ramener des non-sorciers à Valinor, sous peine d'être enfermé à perpétuité dans les geôles du château avec ses invités.

Eowyn avait annoté : « Comme s'il me viendrait un jour à l'idée de me coltiner Éris pour l'éternité! ». Ce passage avait été rédigé six ans auparavant, d'après la date au début de la page. Ouah-ou ! L'animosité entre ces deux-là ne datait pas d'hier ! Les lois étaient édictées par le conseil des sages et ratifiées par la reine ou le roi de Diamant. Il ou en l'occurrence, elle, en ce moment était assistée par trois princes ou princesses. Chaque membre de la famille royale était « choisi » par une pierre de pouvoir.

Il en existait de nombreuses, mais les plus puissantes étaient le Diamant, le Saphir, le Rubis et l'Émeraude. Chacune donnait à son possesseur une capacité particulière : le Saphir apportait intuition et créativité ; le Rubis amenait force et autorité; l'Émeraude permettait protéger n'importe qui ; le Diamant concédait la capacité à soigner et reconstruire, agissant autant sur les personnes que sur les objets. À la mort d'un membre de la famille royale, la pierre de pouvoir cherchait un nouveau maître parmi la population de Valinor.

Cela faisait beaucoup à assimiler pour Adrien. Il soupira et s'allongea sur le lit d'Eowyn après une courte hésitation. Elle lui en avait donné la permission, mais il avait tout de même l'impression d'envahir son intimité. Il avait envie d'écouter de la musique… Il avait bien amené son lecteur MP3, mais comme Eowyn le lui avait expliqué le jour d'avant, les appareils électroniques et électriques ne fonctionnaient pas ici sans magie… Il se releva d'un bond. Eowyn avait bien réussi à enchanter son carillon pour qu'il lui serve de réveil… Pourquoi ne pourrait-il pas jeter un sort à son appareil pour pouvoir écouter de la musique ?!

Il chercha parmi les ouvrages de la bibliothèque et trouva ce qu'il cherchait : « La magie au quotidien : enchanter les objets de tous les jours. ». Il trouva une formule qui pourrait convenir et suivit les instructions : main posée sur le lecteur MP3, il récita l'incantation en fermant les yeux, se concentrant sur l'objectif.

« Que de l'objet ordinaire lié à la musique,

Une douce harmonie sorte des amplis.

Que de la magie enchante l'électronique,

Pour que des mélodies emplissent mon esprit. »

Adrien sentit une vague de chaleur déferlée par la main qui recouvrait son appareil. Il ouvrit les yeux, une intense lumière émergeait de sa paume en direction de l'objet, qui illumina à son tour. Puis, la lumière disparut et sa main lui parut glacée, plus encore que d'ordinaire. Des bruits étouffés sortaient des écouteurs. Il les mit à ses oreilles et il reconnut la musique contenue dans son lecteur MP3. Quand il pensait à une chanson en particulier, elle débutait. Quand il voulait baisser le son, celui-ci s'atténuait tout de suite. Il n'avait même plus besoin de toucher l'appareil…

— Fantastique ! pensa le jeune homme en souriant, fier de lui.

Il s'allongea à nouveau sur le lit et ferma les yeux, bien décidé à se vider un peu la tête.

***

Une main froide le sortit de sa torpeur. Le visage attendri et souriant d'Eowyn était penché au-dessus du sien. Ses cheveux lui chatouillaient le cou et les épaules, une odeur florale et fraîche, très agréable, s'en dégageait. Il sourit à son tour à la jeune femme, la dévorant des yeux. Surprise par l'intensité de son regard, elle se redressa. Il en fit de même, gardant la même distance entre eux. Elle bafouilla, un peu gênée par cette proximité.

— Tu … tu t'es bien… reposé ?

— J'écoutais de la musique.

— Mais… Oh ! Je vois !

Elle venait de remarquer le livre posé sur le lit.

— Beau travail, Adrien !

— Tu as raison, ça n'a pas été très dur. Je suppose que cela ne sera la même paire de manche dans le vieux monde.

— Oui, mais si tu y es arrivé ici, tu y arriveras dans l'autre monde aussi, avec un peu de concentration…Bon, on en reparlera plus tard, je dois te dire quelque chose d'important.

Elle s'éloigna un peu du jeune homme, le regardant avec sérieux.

— Voilà ! J'ai parlé à mon supérieur, celui qui est responsable de ma formation dans l'armée, de toi, de Maître Guillaume. Il m'a même accompagné chez lui, nous avons refait le même trajet qu'hier. Il a été un peu agacé que nous ayons suivis la piste seuls, mais il a aussi compris notre raisonnement. Je lui ai parlé des médaillons et il pense qu'ils doivent avoir un lien avec l'enlèvement comme nous le supposions… Maître Guillaume est un de ses amis. Il est inquiet lui aussi, mais il sait que rien ne sera fait sans des preuves concrètes. Il nous a donc donné la permission d'enquêter avec les autres. « Rien de mieux que le terrain ! » m'a-t-il dit… Ah ! Et il veut te connaître!

Adrien blanchit. Pourquoi voudrait-il le rencontrer ?

— Pourquoi ?

— Parce que tu es sous ma responsabilité et que je suis sous la sienne…dit Eowyn, hésitante.

— Je ne comprends pas, répondit Adrien, pas plus avancé.

— C'est moi qui t'ai guidé ici, je dois donc t'expliquer toutes les règles et t'aider à apprendre les bases de la magie, lui expliqua Eowyn en souriant.

— Je suis un boulet… soupira le jeune homme en se passant la main dans ses cheveux.

— Pourquoi tu dis ça ? »

Eowyn était stupéfaite.

— Il va me falloir beaucoup de temps pour apprendre tout cela, du temps que tu ne pourras pas consacrer à ton travail ou à la recherche de Maître Guillaume. Et puis, tu me l'as dit ce matin, tu travailles pour te louer cette maison et moi je ne peux pas t'aider, parce que je ne peux pas travailler tant que je n'y connais rien. Pourquoi tu t'encombrerais de quelqu'un comme moi ?

— On a tous débuté, Adrien… Ça me plaît de pouvoir aider quelqu'un d'autre. C'est pour cela que je me suis engagée dans l'armée, ici, et je souhaite enseigner dans le Vieux Monde. Je trouve que c'est un bon entraînement. Pas toi ? Quant aux sous, ne t'inquiète pas, maintenant que tu es déclaré « nouvel arrivant » je m'en suis occupée hier matin, tu toucheras une petite somme pour te loger et te nourrir. Alors arrête de te biler, tout va bien !

— Ça ne va pas déranger les autres que je loge ici ? hésita le jeune homme.

— J'en ai déjà discuté avec eux et ils sont très contents d'avoir un nouveau colocataire.

Probablement pas Mark, pensa Adrien. Mais il n'osa pas le dire à son amie.

***

Le capitaine Théodore était un homme austère, sec, tout en muscles et respirant l'autorité. Il avait l'œil vif et la capacité de repérer les talents. Son don était reconnu par ses pairs et ses décisions n'étaient jamais contestées. Quand il vit le garçon qui accompagnait Eowyn, il haussa un sourcil. Il manquait de confiance en lui, c'était flagrant, mais il y avait une aura étrange qui émanait de son corps. Une force inexploitée et indéterminée pour le moment… Hum, curieux… Son œil alerte passait de sa recrue au jeune homme, qui le regardait avec appréhension. Enfin, le militaire pris la parole :

— Eh bien ?! Voici donc ce nouvel élémental du feu !

— Oui, mon capitaine, acquiesça Eowyn

— Je suis heureux de vous rencontrer Adrien.

Il tendit sa main et apprécia la poigne ferme du jeune homme. Bien ! Voilà un garçon franc du collier ! Cela lui plaisait ! Il se rassit derrière son bureau, invitant ses hôtes à en faire de même face à lui, ce qu'ils firent sans mot dire… Ils attendaient la suite.

— Vous avez, bien entendu, connaissance de la disparition inquiétante du maître d'Eowyn.

— Oui Monsieur.

— Vous avez compris, que l'aventure pouvait s'avérer dangereuse. Vous pourriez être blessé ou pire… mourir…

Il baissa le ton de sa voix en prononçant le dernier mot. Adrien déglutit. Oui, il avait eu le temps de la réflexion ! Mais il n'avait pas hésité à porter assistance à Eowyn. Il lui faisait confiance. Elle n'était pas du genre à se mettre en péril inutilement. Si elle avait décidé de retrouver Maître Guillaume, c'est qu'elle avait bon espoir de s'en sortir. Et même s'il avait tort de lui faire confiance, il assumerait ses choix ! Il avait toujours fonctionné ainsi ; parfois il faisait des erreurs, mais toujours il les assumait, quitte à en souffrir… comme pour l'incendie… Adrien se rembrunit.

— Je ne sais pas ce qui nous attend, mais sachez que j'ai fait mon choix en toute connaissance de cause.

— Très bien, fit le capitaine. Dans ce cas, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous accompagnez mes recrues, du moment que vous obéissiez sans discuter à Eowyn.

— Elle a toujours eu des conseils judicieux depuis notre rencontre. Je continuerai de les suivre avec application.

— Je ne vous retiens donc pas plus longtemps, mais j'attends un rapport rapidement Eowyn.

Elle se leva, prête à prendre congé.

— Oh ! J'oubliais !… reprit le militaire, la faisant se retourner vers lui. S'il advenait dans votre recherche, que vous trouviez quelque chose d'inattendu… Un objet par exemple… Ramenez-le-moi !

Eowyn parut surprise, mais s'abstient de tout commentaire, se contentant de hocher la tête. Adrien se sentit légèrement contrarié sans savoir pourquoi. Il y avait dans l'idée que cette requête n'était pas un oubli de dernière minute, mais qu'elle avait été formulée dans le but de le paraître. Étrange…