Arrivée sur place, l'animation était à son paroxysme. À l'entrée se présentaient déjà des aventuriers ivres, décompressant de la rude journée qu'ils venaient de vivre. D'autres s'apprêtaient à débourser leurs magnus durement gagnés pour manger, ou bien boire de tout leur soûl.
Dans cette cohue infernale qui bordait les portes de la taverne, le louveteau sauta dans les bras de l'élémentaliste pour éviter d'être écrasé. Cette dernière se faufila rapidement à l'intérieur sous la direction de la bête.
Sin ne se trouvait pas loin. Il était salué au passage par certains, tandis que d'autres crachaient par terre à sa vue. Ces ressentis divergents auprès du chevalier ne se voulaient pas injustifiés. Et pour cause, il a toujours véhiculé une réputation ambiguë dans la cité d'Horizon. Secourant d'une part de nombreux aventuriers en danger lors de quêtes d'escorte ou de sauvetage, et en blessant d'autre part pendant des rixes un peu partout en ville ou à l'extérieur. Fréquentant Claire - qui est une référence en la matière - il prit de mauvaises habitudes qui dégradèrent son image d'individu. Cependant, celle de mercenaire ne s'est jamais mieux portée.
En entrant à son tour dans le bâtiment, il rejoignit Lissandra qui se trouvait déjà au comptoir. À côté de ce dernier, comme pour le temple, était exhibée une arme aux dimensions exagérées. C'était un marteau à deux mains tout aussi démesurée que la hache de guerre de Claire. En regardant bien le tavernier, cela ne faisait aucun doute qu'elle lui appartenait.
— Hé, Sin ! Comment vas-tu ?! s'exclama le gérant d'une voix rauque.
— On fait aller, Juge Reinhart.
— Grrrr… Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça, petit con !
Malgré sa carrure extravagante, celui-ci n'intimidait pas l'élémentaliste. Elle le dévisageait avec l'impression qu'elle serait amenée à venir plus souvent ici, si elle rejoignait leur groupe. Ce sentiment provenait du ton, à la fois familier et électrique, de ces salutations entre Sin et lui.
Ils ont l'air de bien se connaître… pensa-t-elle en souriant.
De son point de vue, le tavernier était une montagne de muscles - massif comme un hobgobelin. Elle observa ses imposantes mains velues, se disant qu'il pouvait aisément broyer le crâne d'un homme d'une simple pression. Cependant, sa moustache grisonnante et la candeur de son regard azuré, similaire au sien, venaient atténuer ses traits rigides. Elle ressentait son aura paisible, lui laissant imaginer une grande douceur de sa part.
Même s'il paraissait comme tel, le passé de Reinhart n'avait pourtant rien d'idyllique. Il commença sa carrière avec la Guilde comme la plupart de ses compères.
Au fil de ses péripéties, il dirigea rapidement sa propre équipe. Une dizaine d'années après ses débuts, lors d'une expédition, il participa à l'extermination d'un dragon. Ce dernier s'était extrait des Montagnes Draconiques et terrorisait les secteurs alentour, mobilisant ainsi de nombreux groupes de combattants de diverses espèces.
Après sa victoire sur la puissante créature, l'organisation le promut au rang Orichalque, mais pas sans mal. Il fut l'un des rares rescapés de l'affrontement, perdant tous ses compagnons d'armes et sa femme qui était elle-même une aventurière. Abattu par les événements, il renonça à sa carrière.
L'empereur actuel, étant un vieil ami et ayant eu vent de ses exploits, lui proposa alors de diriger le bataillon impérial de sa ville natale, Horizon, le proclamant ainsi « Juge ». Plusieurs années de service plus tard, on le surnomma « Reinhart, le Clément », car il avait tendance à gracier de son propre chef certains citoyens malgré les ordres d'exécution. Ces décisions - jugées comme de l'insubordination - déplurent à de nombreux nobles et personnes hauts placés. Et suite à diverses pressions politiques, il démissionna de son poste pour ouvrir son propre établissement qu'il baptisa « Le Sanglier Ivre ».
Sin le rencontra lors de sa première altercation avec Claire. Avec ironie, c'est le tavernier lui-même qui les sépara, car personne sur les lieux n'était assez fort pour s'interposer entre eux deux.
— Qu'est-ce que je vous sers, jeunes gens ? demanda Reinhart avec un grand sourire.
Le louveteau parla directement dans l'esprit de Lissandra. Elle ne le savait pas encore, mais elle seule pouvait l'entendre. Cette télépathie se montrait pratique lorsque le chevalier et lui devaient communiquer en toute discrétion.
Tu devrais prendre le ragoût de sanglier ! lui conseilla-t-il avec enthousiasme.
— Ah bon ? répondit la jeune fille à haute voix.
— Il y a un problème, gamin ? fit Reinhart d'un regard suspect pendant qu'il nettoyait une chope.
— Euh… Non, j'étais en train de par… AH ! Non, rien !
Sin et Fenris soupirèrent à l'unisson.
Je te rappelle que je ne suis qu'un honorable bébé loup ici ! Ne cherche pas à me répondre, sauf si c'est discret ou que tu veuilles te faire passer pour folle ! précisa tardivement la bête en aboyant.
— C'est une fille, Reinhart. Tu commences à te faire vieux.
— Q-Quoi ?! Oh... Excuse-moi, gamine ! Avec ton accoutrement, je t'avais pris pour un garçon ! révéla ce dernier d'un rire prononcé.
Lissandra rougissait de honte une fois de plus. Elle mit une tape derrière la tête du louveteau en guise de vengeance.
— Au fait Sin, tu me feras le plaisir de ne pas laisser ton stupide cabot traîner dans ma taverne sans surveillance !
— Oui... Comme tu l'as souligné, il est vraiment stupide. C'est pour ça que cette fille s'occupera de lui à présent.
Alors que la bête grognait face à ses injures, le chevalier lui tapota brusquement le crâne à son tour pour le faire taire.
— Oh ! Tu t'es trouvé une nouvelle camarade ?! demanda Reinhart, abasourdi par cette déclaration.
— On peut dire ça.
Lissandra et Fenris le regardèrent avec beaucoup d'incompréhension, mais jouèrent le jeu malgré tout. Suivant les conseils de la bête, elle chercha le plat sur le tableau noir accroché au mur.
— Alors… Je… Je vais vous prendre un ragoût de sanglier.
Face à ce choix judicieux, Sin fit un signe de la main pour en faire de même.
— D'accord, trois ragoûts ! Qu'est-ce que je vous sers à boire avec ça ?
Le chevalier observa l'élémentaliste. Il se rendit compte qu'il ne connaissait pas son âge, mais ne lui demanda pas pour autant :
— Tu bois de l'alcool ?
Elle hésita à répondre.
— Je ne sers que de l'alcool ici, gamine ! ajouta le tavernier. Je suis déjà sympa de te laisser entrer sans vérifier ton âge. Il faut dire que je fais confiance à cet idiot.
Il est à noter que les humains d'Élyséa sont considérés adultes à 16 ans. Bien entendu, cet âge varie selon les espèces.
Sin étouffa un rire devant ce sérieux qui ne lui ressemblait pas :
— Je vois qu'il vous reste encore quelques propos moralistes dans votre poche, Juge Reinhart.
Ayant un grand respect pour lui, le chevalier a tendance à taquiner le tavernier en le nommant par son ancien titre. Reinhart, qui a tourné la page sur cette période révolue de sa vie, déteste cela. Et sans surprise, ce dernier grinça des dents. Une tension palpable montait entre les deux hommes, mais cela se cantonnait à la simple moquerie.
Sans le vouloir, Lissandra mit un terme à la discussion en choisissant sa boisson alcoolisée de vive voix :
— Je… Je vous prendrai de l'hydromel !
— Une chope de bière pour moi, ajouta Sin.
Les alcools les plus répandus dans la Trinité sont le vin, l'hydromel et la bière. Chacun d'entre eux est produit par l'une des espèces dominantes. Les humains cultivent les vignobles, les elfes cultivent les ruches et les nains cultivent les champs de houblon. De ce fait, un commerce juteux et respectable est établi, dynamisant ainsi l'économie de tous.
— Très bien ! nota Reinhart en récupérant son grand sourire. Allez vous installer, je vous apporte ça tout de suite !
Lissandra repérait par bride les singularités de la taverne.
Des blocs de marbre raffinés peignaient ses murs d'un blanc immaculé. Quelques trophées de chasse - bêtes et monstres confondus - les habillaient fièrement, lui rappelant la nature sauvage et impitoyable des lieux. Le mobilier quant à lui se voulait simple et rustique.
Malgré ses tons austères et peu accueillants, les diverses bougies et cristaux magiques dégageaient une luminosité qui lui apportait des contrastes chaleureux, cassant l'ambiance froide que l'établissement pouvait inspirer.
Les trois compagnons restèrent au rez-de-chaussée, se dirigeant vers une table libre que le chevalier avait l'habitude de prendre. Elle se situait dans un coin reculé de la salle, éloigné du tumulte permanent qui s'y jouait.
Après quelques minutes d'attente, le tavernier amena de larges bols de bois remplis de garniture succulente. La forte odeur de ragoût qui s'en dégageait faisait saliver Fenris qui ne tarda pas à plonger sa tête tout entière dedans :
— Mium Mium… Les dieux… Mium mium… bénissent la cuisine humaine… Mium Mium.
— Ne parlez pas pendant que vous mâchez votre nourriture, Sire Fenris ! exigea Lissandra en soupirant.
Elle n'avait pas mangé de gibier de ce genre depuis son enfance et se disait que cela devait être quelconque. Le goût de la viande se révélait abrupt au départ, cependant la sauce adoucissait cet effet. Finalement, après une légère mastication, la chair fondait sur la langue et diffusait une splendide saveur aux papilles.
— Oh ! C'est délicieux ! affirma-t-elle en enfournant une deuxième cuillère dans sa bouche.
— Tu vois, chasser des sangliers n'est pas une tâche si ingrate, sous-entendit Sin en l'observant se régaler.
Lissandra ne percevait pas ces paroles comme un reproche, mais plutôt un jugement avisé. Malgré cela, elle s'en défendit :
— Oui, c'est vrai… M-Mais je ne regrette rien. Au final, je vous ai rencontré tous les deux !
Vu de cette façon… pensa-t-il avec surprise.
Le repas terminé, elle essuya une fois encore le museau de Fenris qui était enduit de sauce. Au même moment, un rôt nauséabond s'échappa de la gueule de ce dernier, dérobant un regard désespéré à la jeune fille face à sa grossièreté sans limites.
— Bon sang, tiens-toi correctement, répliqua Sin qui se montrait tout aussi désappointé.
— Hé ! Je joue mon rôle d'animal de compagnie, rétorqua la bête en le narguant.
Pendant leur chamaille futile, deux silhouettes s'approchèrent furtivement de la table.
— Bonsoir, les amis ! Comment va ?! s'exclama un nain avec un ton familier.
Il s'agissait de Cid, accompagné d'un grand homme barbu. Tout le monde le salua à son tour. Lissandra dévisagea l'inconnu comme si elle l'avait déjà vu quelque part. Nul doute que celui-ci devait être l'un de ses compagnons de forge au vu de sa carrure. Malgré ses traits rustiques, sa longue chevelure ardente était attachée en chignon et adoucissait son air sauvage.
— Oh fait, gamine... Voilà Héphaïstos ! déclara Cid. Héphaïstos, c'est la fille dont je te parlais tout à l'heure.
Le dieu chuchota à l'oreille de son partenaire. La scène se voulait comique, car en dépit de la différence flagrante de leurs tailles respectives, Héphaïstos devait littéralement se plier en deux pour atteindre l'esgourde du nain.
— Oui, c'est ça ! Le cristal de synthèse, oui. Rah ! Par ma barbe, tu m'fatigues à la fin ! Tu pourrais lui parler directement ! beugla-t-il. J'suis désolé, gamine. Il est du genre réservé. Il a du mal à communiquer avec les étrangers en général ! Ha ha.
Sous les remontrances de Cid, Héphaïstos fit une petite révérence pour saluer Lissandra.
— P-Pas de problème ! C'est un honneur de vous rencontrer, ajouta-t-elle en s'inclinant à son tour.
Étant admirative de ses créations, elle contenait son excitation de toutes ses forces à la vue du dieu.
— Bon ! C'pas contre vous, mais on comptait rentrer. On a réussi à semer cette folle dingue de Claire ! Oh… Et concernant vos commandes, elles seront prêtes avant la fin de semaine comme pré...
À peine eut-il le temps de finir sa phrase qu'une jeune femme de grande taille arriva derrière lui.
— Hé ! On cherche à s'échapper ?! supposa Claire d'un ton éméché.
Elle se pencha au même moment, déposant sa poitrine généreuse sur la tête du nain. Ses joues se montraient rougissantes. Elle titubait avec légèreté, une chope à la main.
— Tu as fière allure comme ça, Cid, jugea Sin.
Ce sarcasme fit éclater de rire Claire qui déversait un peu plus de bière au sol. Le comportement extravagant de cette dernière ne surprenait personne ici. Seul l'imposant Héphaïstos semblait intimidé par elle. Il lui tournait le dos et n'osait pas croiser son regard enivré.
Cette fille n'a peur de rien... pensa Lissandra en riant à son tour.
— Oh là ! Ne serait-ce pas la mignonne petite magicienne dont tu me parlais tout à l'heure ? demanda la jeune femme d'un air agréablement surpris.
Sin acquiesça avant de faire les présentations :
— Lissandra voici Claire, la vestale chargée du temple d'Horizon.
Claire dégagea vulgairement le nain et fit une révérence maladroite à l'élémentaliste.
Profitant de cette manœuvre brutale, Cid fit un geste de salutation tout aussi furtif que son arrivée et partit en poussant le dieu vers la sortie.
Claire ne mit que quelques secondes à s'en apercevoir, mais lorsqu'elle réalisa le subterfuge des deux comparses, ces derniers s'étaient déjà volatilisés. Elle gonfla les joues de manière puérile devant cette fuite malicieuse digne d'un nain.
— Oh non ! Ce sale traître s'est échappé !… Hmm… Pas grave. Il me reste mon petit chevalier noir préféré !
Elle tituba avec grâce jusqu'à Sin, puis posa sa chope en s'asseyant à côté de lui. D'une manœuvre agile - qui lui réclama une certaine dextérité au vu de son état - elle enlaça son bras, dévoilant le décolleté aguicheur de sa tenue légère.
Même si son visage était caché, le chevalier devait rougir face à cette vue insolite.
— Tu ne viendras pas pleurer sur mon épaule le jour où tu seras révoqué de la Main Solaire.
— Hmm… Pourquoi donc ? demanda-t-elle en jouant avec le casque de Sin.
— État d'ébriété et atteinte à la pudeur, ça ne te dit rien ?
La jeune femme éclata de rire une fois de plus, toujours surprise par le sérieux déroutant de son ami de longue date.
— Le voilà ! Le retour de mon petit chevalier noir moraliste !
Il faut croire que non… songea-t-il en soupirant.
— Alors, tu lui as parlé ?! demanda Claire avec une excitation soudaine.
— Pas encore.
Elle observa l'élémentaliste avec malice et leva son verre.
— Tu m'en dois une, gamine !
Un peu perplexe quant à la scène qui se déroulait devant ses yeux, Lissandra la regarda avec interrogation.
— Q-Qu'entendez-vous par là ?
Un grand sourire se dessina sur le visage de la vestale.
— Tu ne mentais pas, elle est très timide !
— En même temps, tu as tout d'un démon, déclara Sin sans prendre de pincette.
Claire abandonna sa jovialité arrogante pour un air offusqué.
— Je lui ai demandé conseil au temple, lorsqu'elle était encore en état de raisonner, et elle m'a "convaincu" de reconsidérer ma décision, ajouta-t-il.
Oh ! Cette femelle dégénérée a fait ça ? pensa Fenris avec stupeur.
— Vraiment ?! répondit Lissandra, tout aussi surprise.
— À une seule condition. Tu devras d'abord aller voir ta famille. Ce sera une façon de tester ta détermination et de couper le cordon avec tes proches.
— P-Pourquoi ?
— Pour que tu n'aies pas de regret s'il t'arrivait quelque chose ou inversement.
— Je… Je ne vous suis pas, Sire Sin…
— Avec tout ce que Fenris a dû te raconter, tu dois te douter que la route que nous empruntons n'est pas celle de simples aventuriers. Elle pourrait être bien plus dangereuse. Si tu comptes venir avec nous, tu n'auras pas forcément le temps de les revoir.
— Ah… O-Oui... Je comprends.
— Pour l'instant, nous restons ici. Mais avec la présence de cet ogre, cela risque de vite changer… supposa Sin avec une forme d'alarmisme.
Elle réfléchit un instant en regardant Fenris. Celui-ci prit un air serein pour la rassurer.
— D'accord ! acquiesça-t-elle avec un regain de motivation.
— Tu es tombée sur une drôle de gamine, elle semble aussi timbrée que toi ! s'exclama Claire d'un autre rire de vive voix.
— Et c'est toi qui dis ça... répliqua Sin en soupirant. Très bien.
Il tendit sa main, comme pour passer un accord. Lissandra l'attrapa pour la serrer sans la moindre hésitation.
— Dans ce cas, nous attendrons ton retour ici, déclara-t-il.
— Oui !
Le louveteau bâilla, la gueule grande ouverte.
— Bon ! J'ai sommeil ! aboya ce dernier.
La vestale s'avachit sur le chevalier et agrippa la babine de la bête en tirant dessus.
— T'es toujours aussi mignon, Fenris !
Il répondit à ce compliment avec un grognement singulier. Sin, quant à lui, se montrait également exténué. Il n'était pas difficile de deviner pour quelle raison.
— Nous avons eu une journée assez éprouvante, nous allons rentrer.
— Oh non ! Pitié reste encore un peu avec ta chérie !
Sa chérie ?! Serait-ce… la compagne de Sin ? Pourtant, ils n'ont rien d'un couple... pensa Lissandra d'un regard suspicieux.
Sin plaqua sa main sur le front de Claire et la repoussa grossièrement. Le rapport de forces s'était déjà inversé depuis son passage au temple.
Une fois la vestale abandonnée à son sort d'ivresse, il passa près de la sortie en laissant un magnus d'argent sur le comptoir de Reinhart. Ce dernier grogna, toujours agacé que le chevalier donne un aussi gros pourboire à chacune de ses visites. Finalement, le tavernier les salua d'un signe de la main avant que le groupe ne s'échappe de son établissement.
La nuit était bien installée et son décor radicalement changé. La sphère pourpre qui occupait le paysage brillait cette fois-ci d'un éclat blanc et pur. Elle éclipsait les cieux obscurs se tapissant d'étoiles en tous genres et inondait la cité partiellement endormie d'une lumière légère et bienveillante. De nombreuses difformités sombres apparaissaient à sa surface et offraient un spectacle hors du commun à quiconque s'arrêterait pour l'observer.
Sur la route du retour, Sin observa Lissandra d'un œil critique. Celle-ci titubait sans nul doute. Le louveteau, qui se trouvait dans ses bras, s'en aperçut en premier.
— Tu vas pouvoir rentrer toute seule ? Sinon, la brute derrière pourrait te porter ! déclara-t-il avec humour.
La jeune fille riait niaisement. L'ivresse de l'hydromel faisait enfin effet sur son corps chétif. Cependant, une fierté soudaine lui fit refuser cette demande. Elle insista pour poursuivre la route sans la moindre aide.
En arrivant au manoir, Sin la guida jusqu'à sa chambre.
— Nous n'avons pas de chambre d'amis donc tu prendras la mienne pour l'instant. Je dormirai sur l'un des sofas du salon.
Lissandra acquiesça, entrant dans la pièce avant de s'effondrer sur le lit en silence.
— Sous tes airs de tsuntsun se cache finalement un côté deredere ! remarqua Fenris avec une étrange formulation.
— Je ne comprends pas ce que tu insinues.
— Cela veut dire que tu es une parfaite tsundere, mais laisse ! C'est le dialecte d'un autre monde !
— Si tu le dis, répondit-il sans le comprendre davantage.
— Au fait, si tu comptes accueillir la petite humaine... je suppose que tu vas aussi faire de nouveaux travaux ?
— Oui. Nous ne pouvons rien faire pour les thermes, mais j'ai demandé à Cid de refaire des chambres.
— Tu vois que tu prends des initiatives quand tu veux !
Alors que le louveteau entrait à son tour dans la pièce après cette provocation gratuite, Sin lui mit un coup de pied au postérieur en guise de réponse.
— Grrr ! Allez bonne nuit, saleté d'humain ! grogna-t-il en sautant sur le lit.
— Bonne nuit, sac à puces.
Il ôta son casque, libérant sa chevelure blanche singulière, et retourna dans le salon. La fatigue se lisait sur son visage.
— Quelle journée...
Il avait l'habitude de feuilleter un ouvrage avant de dormir, mais il n'en fit rien. Il se contenta de se dévêtir et s'assit sur le sofa. Après un court instant, il s'effondra de sommeil.
Les aventuriers profitèrent d'une longue nuit de repos. Sin étant en convalescence, il avait donc une semaine devant lui pour récupérer avant de reprendre ses activités. Lissandra, quant à elle, avait un dilemme. Celui de retourner auprès de sa famille pour décider si elle suivrait ou non le chevalier et le loup.