- Taurak ! Taurak ! s'écriait une jeune enfant orque, courant jusqu'à une hutte de cuir, d'os et de bois.
La jeune fille avait une peau rougeâtre et ses canines inférieures étaient très légèrement développées. Elle portait une petite robe de tissu et tenait quelque chose dans sa main.
La hutte à l'apparence menaçante ne sortait pas du lot comparée à celles à coté. Seulement celle-ci était davantage décorée de dents, de cornes et de crânes. Ces trophées appartenaient à des bêtes qu'un simple homme devrait craindre. Mais ici, elles n'étaient que des proies.
Ce petit rassemblement de huttes était tout de même loin du centre du village, à l'orée de la forêt. En regardant depuis le ciel, ce village paraissait tout de même imposant et n'avait de "village" que le nom. Si ce n'était pas pour les ressources limitées qu'offrait cette enclave de montagnes briseuses de ciel, nul doute qu'il serait encore plus développé.
Les alentours du clan étaient complètement rasés, déforestés, et un mur de pierre avec des coffrages de bois protégeaient le village. Les habitations au centre prenaient la forme de huttes arrondies mais faites de pierre et de bois. Une grande place ornait le milieu de village, au milieu duquel se trouvait un pilier de roche noire et bleue, semblant accueillir des gravures.
La petite orque, elle, se trouvait loin de tout ca, en dehors même des remparts, mais toujours dans la partie déboisée. Elle se rapprocha encore de la hutte, plus doucement.
- Taurak ? T'es là ? J'ai un cadeau pour toi.
Un grognement se fit entendre de l'intérieur de la hutte. Un grande main dégagea la peau à l'entrée et le grand orc sortit de sa petite maison en étirant tout son corps jusqu'aux orteils.
- Aaah, Kami ! Je suis content de te voir ! s'enjoue t-il en la prenant dans ses bras avant de tourner sur lui-même. La petite fille était visiblement tout aussi content de le voir et son rire aigüe s'entendait sur toute la plaine avant qu'il la repose.
- Alors tiens, tu mérites ce petit collier que j'ai fait pour toi.
Elle lui tendit alors se mains au sein desquelles un collier décoré de diverses dents se logeait.
- On m'a donné des grosses dents comme ca on les verra quand même quand tu le portera.
Cette attention ému notre le grand orc qui se mit à genoux devant la fille pour l'enlacer doucement avant de prendre son collier avec soin et de le mettre.
- Tu sais quoi, je l'enlèverai jamais.
- Et t'en prendra soin hein ? Cette question sotte fit sourire Taurak tellement la réponse semblait évidente.
- Evidemment. Tu me prends pour qui ?
Les yeux de la fille devinrent noirs. Si noirs qu'il n'étaient plus que de simples trous dans son visage maintenant fermé. Elle répondit d'une voix grave venant d'un autre monde.
- Taurak... Enfin...
L'orc se tétanisa et son cœur s'emballa dans l'incompréhension. Il plongeait dans le regard vide de la chose qui fut sa sœur sans réussir à s'en extirper. Un frisson de douleur fit trembler tout son corps.
D'un sursaut il tomba de l'arbre qui lui servait de lit dans un cri étouffé.
Un cauchemar. Il n'en avait pas fait depuis longtemps. Depuis la Rougepeste.
" Le stress de ce nouveau monde m'a plus atteint que ce que je pensais..."
Il vérifia s'il avait toujours son collier et ne prit que quelques secondes à se remettre en forme et surtout sur ses gardes. L'est du Halo avait disparu alors que celui de l'ouest était encore légèrement visible. La nuit prendrait bientôt fin.
Il récupéra ses affaires et décida de suivre la rivière. Il avait pu remarquer que peu importe la rivière, elles guidaient toutes vers l'extérieur de la forêt. Cependant il ne pouvait pas savoir laquelle il devait suivre exactement.
Son objectif à court terme était de trouver une vie capable de communiquer avec lui afin de leur demander des indices sur l'emplacement du Dragon. Il savait que le temps ne pressait pas, car son espèce pouvait vivre très longtemps. Surtout, il ne savait pas s'il était assez puissant pour en affronter un. Etre le guerrier le plus fort de sa tribu est une chose, mais du nouveau monde... Il fallait qu'il le soit et si nécessaire, qu'il le devienne.
Même si son réveil fut compliqué, il gambadait avec émerveillement et s'arrêtait devant chaque plante et chaque petit animal qu'il croisait, même si ces derniers s'enfuyaient aussi tôt qu'ils sentaient le regard du monstre sur eux.
Il remarquait beaucoup de petits reptiles, des serpents et des lézards qui semblaient envahir la forêt. Il devait se frayer un chemin dans la végétation de plus en plus dense. Son naginata était un bon moyen pour cela.
Autour de lui les oiseaux chantaient sans cesse, les animaux criaient et parlaient entre eux sans jamais s'arrêter. Le bruit constant pourrait presque en être désagréable. Il empêchait surtout à Taurak de se concentrer correctement et d'être à l'affut. Si ce n'était pas ses pas qui faisaient craquer du bois, c'était un écureuil. Si ce n'était pas un écureuil, c'était un petit félin et ainsi de suite.
C'est alors qu'il arriva dans un petit coin de la forêt où les arbres se faisaient plus timides. C'est d'ailleurs grâce à ca qu'il remarqua facilement l'énorme bête au milieu de la clairière. Il ressemblait aux cerfs qu'il avait déjà pu chasser, mais celui-ci était énorme et ses bois étaient démesurément larges par rapport à sa tête. Alors qu'il se demandait comment des bois aussi époustouflants pouvaient tenir sur sa tête, il fut attiré par ses sabots et surtout par le phénomène qui s'en dégageait. L'herbe sous ses pieds poussait chaque seconde et des fleurs se montraient au monde à chaque pas de l'animal au pelage de terre.
Il n'avait jamais entendu parler d'une créature pouvant avoir les mêmes pouvoirs que les chamans de sa tribu, c'est à dire une maitrise sur les éléments qui constituent ce monde. Mais le chaman, lui, emprunte le pouvoir à la Nature. Il ne fait que recevoir son autorisation. Face à lui, il voyait pour la première fois un être béni par la Nature.
Lui-même ne pouvait manier la Nature, encore moins la maitriser. Son sang de géant lui apportait des avantages que les autres de sa tribu n'avait pas, mais ce don de la Nature est quelque chose de spécial que tu ne peux que recevoir.
Ses yeux étaient plongés dans la splendeur de la créature bénie, qui freina sa marche, perturbé par un regard qu'elle sentait sur elle. Un regard qu'elle n'avait jamais senti avant. Elle décida d'y faire face et de fixer la bête à la peau grise, pourtant bien camouflée derrière de denses feuillages.
Elle avait l'habitude de chasser et de voir les animaux fuir devant elle. Presque tous. Ce n'est pas celui-là qui allait l'impressionner.
Elle se tourna complètement en sa direction et frotta son sabot contre le sol en bramant. Les poils de Taurak se hérissèrent alors qu'un son puissant et grave sortit de la cage thoracique de l'animal.
Son sang de guerrier bouillait et avait envie de faire face à l'animal. Son ventre, lui, grondait en pensant à sa saveur. Son honneur, quant à lui, refusait la fuite. Son mentor le tuerait s'il savait ce qu'il s'apprêtait à faire. On lui a toujours appris à ne jamais tourner le dos à un potentiel ennemi et à toujours attaquer en premier. Ce n'est pas aujourd'hui dans le Nouveau Monde qu'il va oublier ce précepte qui lui a permis de devenir ce qu'il est maintenant.
Il bondit de sa cachette, son naginata tendu fermement face à la créature. Il avait confiance en sa force et en sa lame. Il se projeta en avant à une vitesse surprenante, assenant un coup vertical soutenu par chaque muscle de son corps au cerf, qui n'eut qu'à pencher sa nuque pour que ses bois s'entrechoquent contre l'arme dans un fracas étincelant.
Une puissante réverbération parcouru les mains et les bras de Taurak alors que son arme fut complètement repoussée. C'était la première fois pour lui que quelque chose résistait à un de ses coups sans aucune égratignure.
Le rebond de la lame le déséquilibra et il fit un pas en arrière. Enfin, c'est ce qu'il demanda à son corps de faire si ce n'était qu'une racine se noua autour de ses pieds lors du choc. Il tomba à la renverse et le cerf se pressa de se jeter sur lui alors que les racines resserraient leur emprise. Sa gueule s'ouvrit en grand et laissa dépasser des rangées de dents longues et acérées, prêtes à se repaitre de cette nouvelle chair.
Des lianes nées de la terre agrippèrent les mains de Taurak qui dans une rage les arracha du sol et lâcha son arme trop grande. Il n'avait pas le temps de sortir son couteau et alors que la gueule de la créature allait lui arracher le visage, il l'empoigna fermement pour l'arrêter face à lui. Le souffle de la bête se mélangeait presque avec celui saccadé de Taurak.
Certains de ses doigts saignaient dans la bouche de l'animal qui désormais ne laissait plus transparaitre son aura majestueuse mais simplement de l'horreur affamée. Elle voulait en démordre pour se défaire de son emprise et l'attaquer de nouveau mais l'orc enragé n'avait qu'une idée en tête.
Son corps devenait chaud et la peau de ses bras se mit à rougir. Ce n'était ni du sang ni la pression de ses muscles qui retenaient fermement la bête. Une marque d'un rouge vif apparu sur son plexus et des veines de la même couleur se mirent à parcourir son corps. Le cerf sentait le danger et se débattait plus fort que jamais. De nouvelles lianes tiraient les bras de l'orc.
Il était sur le point de lâcher avant que, de ses avant-bras et de ses mains, des flammes s'échappèrent de sa peau. Les lianes se mirent à fuir et la gueule du cerf à bruler. Ses cris graves remplirent la forêt à mesure que l'orc resserrait ses mains.
Les flammes ne laissèrent aucune chance à l'être choisi par la Nature, qui au bout de quelques longues secondes, ne pouvait plus se débattre. Ses muscles lâchèrent et son corps chuta sur celui de Taurak, qui résorba ses flammes.
La scène était d'une violence cruelle que Taurak fut toujours prêt à assumer pour survivre, encore plus dans ce Nouveau Monde.