Chapter 70 - Chapitre 65 : ...

" Je suis ici pour changer le cours d'une guerre."

Cette phrase sonna comme un coup de tonnerre. Qui d'assez fou irait voir les reliquats d'une ancienne civilisation en ayant comme un tel espoir ? Cependant, cette réponse inattendue ne manqua pas d'intriguer ses auditeurs.

" Et qui es-tu pour penser pouvoir changer l'issue d'une guerre ? "

Demanda Reiner. Un sentiment d'impuissance s'abattit sur ses épaules quand il prononça ces mots, le poussant à se rappeler sa propre impuissance. Derrière lui, quelques murmures avaient éclaté. 

" Un peu de respect paria ! "

Déclara par réflexe l'un des imposants soldats au côté du compte. Toutefois, celui-ci dressa son bras devant son serviteur, s'inclinant respectueusement.

" Le compte Théodore de Reillne. Maître de ce comté. "

" Le compte ?! "

Murmura Salvatoris, fixant le jeune homme de manière incrédule. Théodore ne manqua pas de le regarder en retour, étudiant la réaction des autres personnes ici présentes qui ne prirent pas même la peine de hausser les épaules. Salvatoris était le seul à avoir réagi à son nom.

" Je com-prend mieux pourquoi il est là."

Déclara Mélissa en s'approchant prudemment de Reiner, avant d'ajouter.

" C'est la prem-ière fois qu'une délégation vient pacifique-quement, ça vaut la pei…ne de discuter."

Alice lança un regard à Reiner qui hocha la tête en guise d'accord tacite, la laissant prendre la parole.

" Suivez-nous, on va vous guider dans un endroit plus adapté pour discuter. "

Le conte acquiesça, faisant signe à son groupe d'avancer. Sierra, cependant, semblait toujours légèrement tendue à la présence de Reiner.

Lors du court trajet, les soldats étaient à cran. La présence d'androïdes devant et derrière eux, près à les exécuter au moindre faux pas était tout sauf rassurante. Le simple fait de leur venue ici était déjà un exploit que le compte n'avait pu réaliser qu'uniquement grâce à la confiance sans borne qu'ils lui vouaient. Après tout, en dépit des lois, rares étaient les seigneurs donnant au semi-humain une chance de prouver ce qu'ils valent réellement. 

Quand ils arrivèrent au abord du petit hameau, Sierra ainsi que les autres soldats ne purent maintenir leur bouche fermée. Seul Théodore restait impassible, analysant avec minutie l'architecture étrange qu'il n'avait jamais vu avant. La simple ruine était déjà impressionnante et se suffisait à lui-même, mais la vue de tous les petits bâtiments l'entourant suffisait à la rendre bien plus majestueuse et intimidante que n'importe quel village bâtit de manière archaïque. Même architecture de la ville où résidait le comte semblait pâle en comparaison.

" Si vous voulez bien entrer. "

Demanda Reiner en ouvrant la porte de l'une des petites bâtisses à peine terminée. Il fit signe aux autres androïdes de ne pas le suivre, parallèlement au compte ordonnant à ses soldats d'attendre devant la porte en compagnie de Salvatoris dont tout le corps était tendu. En dépit de la protestation de ses hommes, Théodore entra en compagnie de Sierra, prenant place autour d'une petite table en bois ou s'était déjà installé Reiner, Alice, ainsi Mélissa. Bien que la structure où il était accueilli n'avait rien de formelle, paraissant même accueillante, l'atmosphère était tendue. Au loin, le bruit d'une légère mélodie venant de l'étage avait attiré son attention, mais il passa outre. Mise à part la cheminée soutenant une marmite d'acier, tout dans cet endroit était bien trop étrange et moderne pour qu'il puisse s'attarder sur chaque détail lui paraissant sorti d'un autre monde. Si il prenait la peine de tout analyser, il en oublierait sans doute la raison de sa venue ici tant il y avait à de choses à étudier.

" Maintenant que nous sommes installé, en quoi nous parler changerai une guerre ? "

Demanda Reiner de manière informelle. Il ne se souciait pas du titre de l'homme lui faisant face, mais de ses intentions. Si il avait dû pouvoir, être en bons termes pourrait se révéler d'une grande aide à l'avenir. Surtout si il devait se retrouver seul face au monde.

" Vous avez toujours représenté une menace pour mon domaine, et maintenant plus que jamais. "

Commença le compte, laissant Reiner se pencher légèrement, s'interrogeant sur l'intérêt de commencer ainsi sa déclaration.

" Et j'ai justement besoin de ce genre de menaces à mes côtés. "

Ce fut au tour de Mélissa de plisser les yeux, prenant la parole.

" Pourqu-oi maintenant ? Nous- nous avons tou-oujours été là, à se-e faire attaquer. Et mai-aintenant vous voulez qu'on vous rejoigne ?"

Théodore s'approcha de Sierra, parlant avec confiance. Ses yeux étaient aiguisés, à l'affût de la moindre réaction de ceux lui faisant face.

" Je ne vous ai jamais attaqué personnellement, et connais plus ou moins votre situation. Voici la raison de cette proposition. J'ai besoin de puissance, et je peux vous venir en aide en retour. Pourquoi ne pas négocier ? "

Il en était directement venu au sujet principal. Il n'avait pas le temps ni l'opportunité d'entretenir une conversation anodine afin de jauger ses opposants. Venir demander de l'aide sans même connaître le camp adverse le mettait en véritable difficulté. Pourtant, son visage exsudait de confiance.

[ Le nécromancien est clairement un habitant des alentours, la jeune femme aux cheveux rose m'analyse, et l'homme face à moi tétanise Sierra, en plus de manier les mêmes armes que les golems et la jeune femme, mais ce sont les trois seuls humains présents. Ils ne sont pas nombreux à être ici, une simple troupe d'aventuriers et de mercenaires chevronnés pourrait les exterminer… Mais ils ont décidé de se montrer au monde et de construire ici en persuadant la Golem rousse qui est clairement sur la défensive. Nos objectifs paraissent similaires, tout devrait bien se passer. ]

" Et qu'attendez-vous de nous ? "

[ Il est hors de question de négocier si on nous demande l'impossible, qu'importe le gain. ]

Demanda Alice, essayant de prédire la demande qu'on allait lui faire.

[ Parfait. ]

Pensa Théodore, hochant la tête à Sierra qui prit la parole pour lui. Si un demi-démon parlait, il était convaincu que Mélissa serait plus à l'écoute. Il souhaitait mettre toutes les chances de son côté.

" Nous voulions vous demander votre aide afin de mener une offensive conjointe contre l'armée du phénix rouge. Peut-être ne vous intéressez-vous pas à la politique, mais ils sèment le massacre partout où ils passent au nom des dieux, tuant systématiquement tout ce qui ne serait pas un humain de sang pur, et exécutant à la naissance tout nécromancien."

" Ils sont un ramassis de zélote fanatique arborant la religion comme toute-puissante et qualifiant le dieu maléfique d'abomination ayant mené le héros légendaire à sa perte. Et bien sûr, ils n'hésiteront pas à exterminer les alliés des démons que nous sommes. "

Ajouta calmement Théodore, observant avec minutie les subtils changements dans l'expression des trois personnes lui faisant face. Tous avaient compris qu'il se qualifiait comme "allié des démons" en raison de Sierra. Cependant, le véritable détail qui les avait fait réagir était les conséquences de laisser de tels personnages s'emparer de ces terres. Ils savaient que se montrer au monde ne serait pas tâche aisée, mais si ils ne venaient qu'à être traqués activement, leur chance de survie chuterait drastiquement.

[ Et c'est à cet instant que ce compte se dresse comme un sauveur, proposant de l'aide en nous donnant bien trop de choses pour nous laisser la possibilité de refuser, tout en nous menaçant subtilement de ne pas refuser son offre. ]

Pensa Reiner, la figure d'Arthus, dirigeant de la nation qu'était le dictatorial d'Arès, apparaissant dans son esprit. Il ne connaissait que trop peu ces deux hommes, mais il ne pouvait s'empêcher de les trouver semblables malgré lui.

Un léger sourire naquit sur le visage de Théodore alors qu'il devinait une partie de la pensée de Reiner.

" C'est pourquoi je suis ici pour vous proposer un choix. "

Cependant, la suite de sa phrase prit ses auditeurs au dépourvu.

" Rester ici alors qu'on se fait massacrer et continuer seul, ou vous opposer à eux avec nous ? "

Aucune menace n'avait été proférée, aucun avantage réel n'avait été donné. Uniquement des faits et ce qu'il pensait constituer l'avenir.

C'était inattendu. Si Théodore les avait menacés ou avait évoqué les avantages à se joindra à lui, il aurait été simple de deviner qu'il ne souhaitait que les utiliser, puis les jeter. Cependant, il n'avait fait qu'une simple proposition, avouant même de nouveau sa position de faiblesse. C'était totalement contre productif, quel politicien dirait être faible en souhaitant bâtir ce qui semblait être une alliance.

" Je m'opposerai à eux si vous garantissez notre sécurité, et empêchez vos soldats et aventuriers de nous attaquer. "

Répliqua Mélissa, essayant de rendre sa voix grésillante aussi claire que possible.

" Je ferai mieux que ça."

Répondit Théodore, ses yeux brûlant d'une intense ambition. Il se leva doucement, parlant d'une voix charismatique tout en usant de sa gestuelle afin d'appuyer ses propos.

" Je vous donnerais l'indépendance. "

Le silence frappa momentanément la pièce. Puis, quand la réalisation la frappa, les yeux de Sierra s'écarquillèrent alors qu'elle laissait échapper un mot par réflexe. Sa voix était incrédule.

" Déjà ? "

Cependant, Théodore occulta ce détail, hochant la tête en direction de Sierra avant de continuer sa prise de parole.

" Le royaume de Drac est au pied du mur, mon domaine n'y fait pas exception. Mais si nous gagnons votre force, votre…technique, nous pourrons amplement dresser une nation. Mon domaine, votre force, c'est une chance unique. De plus, cela fait déjà un moment que je songe à une méthode permettant de déclarer mon indépendance. Tout cela tombe à point nommé. "

C'était le rêve de Théodore depuis sa rencontre avec Sierra. Créer un endroit où il pourrait vivre avec elle. Il rêvait d'égalitarisme bien évidemment, mais tout serait vide de sens si ce n'était pas pour Sierra. Il éprouvait plus qu'une simple sympathie pour les démons, mais seul l'amour pourrait pousser un homme à rêver de bâtir une nation protégeant une race toute entière. Et non simplement pour son propre profit ou ambition personnelle. Si quelques rares démons avaient pu survivre sur le continent, la majorité se trouverait sûrement aux abords de son domaine.

Il revoyait encore le jour où il s'était épris de la figure esseulée et aux portes de la mort qu'était Sierra, ne portant qu'à peine un linceul de tissu afin de laisser le loisir au spectateur de pouvoir l'arracher de leurs mains. Ce spectacle était plus que commun pour lui, ça ne paraissait pas révoltant, au contraire. Il ne prenait pas foncièrement plaisir à observer ce spectacle, mais était loin de s'y opposer. D'autant plus quand des démons devenaient le jouet de la foule noble entretenant toute sorte de désir et fétiche ne pouvant être nommé.

Il revoyait encore son visage las et inexpressif, ne portant aucun intérêt à l'idée de vivre pour diriger l'un des plus petits comptés et être méprisé de ses pairs, perdus au centre de la luxueuse salle de banquet où il était installé. 

Si il n'avait pas rencontré Sierra, peut-être aurait-il nourri des ambitions de conquête et de grandeur comme tout grand noble. Peut-être serait-il devenu le dernier des imbéciles ne s'occupant en rien de son domaine pour s'adonner au plaisir de la chair et de l'alcool comme tout méprisable noble. Pourtant, quand il avait vu le visage de Sierra, sa lassitude ainsi que les possibles avenirs tout tracé devant lui se brisèrent. Sans être le coup de foudre, il avait ressenti l'ardent désir de la protéger. Et si ce qu'il avait perçu comme étant le plus précieux des joyaux pouvait être traité ainsi, le système devrait être changé. À ses yeux, seuls ses ennemis devraient devenir esclave, non pas des innocents.

Cependant, ce n'était pas l'autorité d'un petit compte qui changerait cela, le menant au rêve qu'il poursuivait actuellement. Un rêve de grandeur qu'il ne recherchait pas pour lui-même. L'Indépendance. 

Reiner se mit à rire, fixant les yeux ardents du compte. Peut-être continuait-il d'envier ceux qui les possédaient. Cependant, il tendit la main en sa direction, parlant d'un sourire non dissimulé.

" Je m'appelle Reiner. On part quand ? "

Une pensée s'immisça dans l'esprit de Théodore en entendant le nom de Reiner, un léger moment de surprise se lisant sur son visage.

[ Hum… Il porte le même nom que le héros, c'est rare de nos jours. ]

Toutefois, il secoua rapidement la tête, un sourire fendant son visage alors qu'il saisissait la main tendue dans sa direction. 

" Dès que vos hommes seront prêts. "

Quand ils se lâchèrent les mains, une sensation sinistre parcourra la colonne vertébrale de Théodore. C'était comme si il sentait une aura sombre émaner de Reiner. Puis, une nouvelle pensée parcourra son esprit.

[ Ses mains sont gelées. ]