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Chapter 2 - Le départ

Sans doute en raison de l'approche imminente de la rentrée, la gare de Kastellin, seule et unique gare de la capitale de l'empire d'Heole, regorgeait de monde. Des gens plus ou moins en retard ou en avance déambulaient de toutes parts à la recherche d'un quai ou parfois même d'un proche perdu en cours de route dans la foule. Certains semblaient être des habitués quand d'autres au contraire étaient visiblement perdus et ne parvenaient pas à trouver leurs chemins parmi les innombrables halls, couloirs et quais de la gare. Parmi eux, un garçon au teint clair et à l'apparence soigné, qui n'avait pas l'air de se trouver dans son environnement naturel, cherchait désespérément quelqu'un à qui demander de l'aide quand il tomba finalement sur un agent en uniforme.

— Monsieur ! monsieur s'il vous plaît ! pourrait m'indiquer où se trouve le quai numéro douze ? »

— Mais certainement, monsieur. Si c'est le douze, il vous faut partir dans cette direction, avancer tout droit sur cinquante mètres puis tourner à droite, là alors vous trouverez les couloirs menant aux quais de dix à quinze. Sinon, puisque c'est le couloir menant aux quais desservies par les trains essentiellement pris par des étudiants, vous n'avez qu'à suivre un groupe de jeunes quand vous en verrez un ! »

— « Merci monsieur ! » s'exclama Norval en se pressant de prendre le chemin indiqué par l'homme en uniforme.

Son chauffeur l'avait déposé en avance devant la gare pour qu'il ait le temps de trouver son train, mais Norval avait perdu beaucoup de temps en se trompant plusieurs fois de chemin, et il commençait à être sérieusement en retard.

Je n'ai aucune envie de rater ce fichu train ! Cela serait trop pitoyable de devoir rentrer expliquer ça à père et mère. Surtout que je ne suis pas sûr qu'ils acceptent une seconde fois de me laisser partir là bas en train, et les moyens de locomotion qu'ils veulent me faire prendre sont trop voyants !

Norval parvient tout de même à trouver son quai cinq minutes avant le départ. Et il n'était apparemment pas le seul qui n'était pas en avance, puisque le quai était encore bondé de voyageurs dont quelques-uns toujours chargés de malles et bagages. Comme lui avait dit l'homme qui l'avait aidé à trouver son chemin, la plupart des passagers étaient des étudiants. Beaucoup faisaient leurs adieux à leur famille, attendant la dernière minute pour monter à bord pendant que les pères ou frères plus âgés aidaient à monter les valises.

Norval se faufila à travers la foule jusqu'à arriver à son wagon, croisant au passage bon nombre de jeunes de son âge. Il avait même pu apercevoir un groupe de fidèles d'une quelconque déité, qui étaient tous habillés de longues robes bleues. Sûrement les élèves d'une académie supervisée par une église.

Malgré les reproches de sa mère qui voulait absolument qu'il prenne avec lui au moins une dizaine de bagages, il était parvenue à conclure un marché pour ne partir qu'avec une seule valise mais en retour elle était autorisée à lui envoyer toutes les affaires qu'elle voulait, directement là bas à l'académie et bien sûr de façon assez discrète pour que les autres élèves ne puissent pas le remarquer. Norval soupira intérieurement en se remémorant cette scène. Il ne possédait peut-être qu'une valise pour seul bagage, mais ce n'est pas pour autant qu'il parvient à trouver un endroit où la ranger. Découragé par le peu de place qu'il restait sur les étagères portes bagages, il emporta sa valise avec lui jusqu'à son compartiment. La personne qui s'était occupée de réserver son billet de train n'avait sûrement jamais utilisé un tel moyen de transport, puisqu'elle n'avait pas réservé une place comme n'importe qui l'aurait fait, mais un compartiment entier ! Norval n'eut pas à réfléchir bien longtemps avant de comprendre de qui il s'agissait.

Qui est le génie qui à eu l'idée de laisser le vieil homme s'occuper de ça ?

Norval leva les yeux au ciel quand il vit la cabine qui lui était attribuée. En fait, il n'était pas rare pour les anciennes générations de n'avoir encore jamais utilisé le train comme moyen de déplacement. Cette invention était encore toute récente et elle ne datait pas de plus de quelques décennies seulement.

Norval porta sa valise jusqu'au lit superposé, avant de s'installer confortablement dans la banquette en dessous, puis sortit un livre et se plongea dedans, ignorant les bruits et les mouvements du train qui avançait. Dans les compartiments voisins, on pouvait entendre des jeunes gens s'amuser bruyamment et raconter ce qu'ils avaient fait pendant les vacances. Une fois, un groupe passa dans le couloir et toqua à la porte de chaque compartiment pour demander si d'autres étudiants étaient partant pour se joindre à eux et faire une partie de loups-garous, un jeu très populaire en ce moment. Quand le groupe arriva jusqu'à sa cabine, Norval hésita avant de refuser. Le soleil à l'horizon avait déjà pris des teintes rougeâtres quand Norval interrompit sa lecture. Fronçant les sourcils, il referma son livre et sortit un nécessaire d'écriture de sa valise.

Maintenant que je me fais passer pour une autre personne, il y a de nombreux problèmes auxquels je vais devoir faire face dans les prochains mois. Il faudrait que je réfléchisse dès maintenant à comment les gérer, et être prêt à jouer mon rôle avant la rentrée. Le plus gros problème maintenant, c'est mon niveau de Saint. Il serait absurde de penser qu'un plébéien puisse atteindre un tel niveau a seize ans seulement. Il faut donc absolument que je dissimule mon véritable niveau et l'état de mon Vis pour satisfaire au critère de ma nouvelle identité. Enfonçant sa tête dans ses mains, il se massa nerveusement les tempes.

Dans ce monde, le Vis symbolisait les différentes énergies qui existaient dans l'univers. Il y en avait trois principales : Le Vis cosmique, une énergie à l'origine de tout ce qui existe entre les deux mondes. Le Vis stellaire, une énergie produite par les dieux et qui possède les attributs de ceux-ci. Et le Vis Orbis, une énergie présente dans tous les êtres vivants. Chacun en possède de manière innée, et avec ses propres caractéristiques. En apprenant à utiliser le Vis, une personne pouvait devenir bien plus puissante. Sur le continent Ouest, qu'on appelait la terre des saints, les enfants se familiarisent à cette énergie dès leurs premières années, et se formaient très tôt pour avoir la chance d'entrer dans une académie spécialisée comme celle de Dryadalis. Sur ces terres, tout le monde naissait au moins avec les pouvoirs d'un saint initié. Les saint initiés représentaient la plus grande partie de la population, ils étaient aussi au plus bas de l'échelle sociale de la société. Afin de garantir leur futur, les enfants étaient formés dès leur plus jeunes âges pour progresser au niveau saint supérieur, le stade d'illuminés. Ceux qui atteignaient ce niveau avant leur douze ans, avaient alors le privilège de pouvoir étudier dans des académies spécialisées comme celle de Dryadalis. Là bas, les jeunes saint étaient formé et entraîné pour évoluer jusqu'à atteindre les plus hauts niveaux. Au delà du niveau de saint illuminé, il y avait les saints parfait, et ensuite les saint sages, Norval en était un. Néanmoins, parmi les saints, bien que tout le monde puisse utiliser le Vis Orbis, tout le monde n'avait pas la capacité de manier le Vis stellaire. En effet, cette énergie produite par les divinités, ne pouvait être utilisée que par les personnes ayant un lien avec la divinité qui l'a produisait. Les personnes capables de manier le Vis stellaire étaient généralement des ecclésiastiques ayant juré fidélité à un dieu. Les jeunes fidèles étudiaient dans des académies affiliées à l'église de leur culte. 

Il est crucial que personne ne s'aperçoive de qui je suis, mais il est encore plus important que personne ne découvre ma particularité. Sinon si jamais "ils" venaient à l'apprendre... bon sang, je préfère ne même pas y penser. Il déglutit amèrement et secoua la tête, essayant de ne pas penser aux possibles problèmes qui l'attendaient. Dans cette situation, le moins que je puisse faire est de mettre en place un plan pour–

Non, je ne peux pas appeler ça un plan, une liste de règles à respecter serait plus convenable. C'est ça, je vais m'interdire l'utilisation de certaines de mes facultés pour parfaire mon rôle dans cette nouvelle identité. 

Tapotant son stylo sur son front, il se lança dans une profonde réflexion. 

A moins d'être le fils d'un ange, un étudiant ordinaire ne pourrait pas être un saint sage en n'étant qu'en sixième années. Un plébéien qui serait un saint parfait pourrait déjà être considéré comme un génie et attirerait donc trop l'attention. Il ne reste donc plus que le niveau de saint illuminé. Puisque que j'entre en sixième année, me faire passer pour un saint illuminé de sixième palier me semble convenable.

Bien que les rangs de saint étaient déjà nombreux, la différence de niveau entre deux étapes restait toujours très importante. A cause de cela, des étapes intermédiaires avaient été mises en place afin de mieux distinguer la progression des pratiquants. Entre chaque rang saint, il existait neuf étapes intermédiaires qu'on appelait des paliers.

Je dois suffisamment restreindre mon Vis pour avoir le niveau d'un illuminé de cinquième palier. En tant que prince de l'empire d'Heole, je suis naturellement sous contrat avec une divinité et suis donc un utilisateur de Vis stellaire. Cependant, je joue maintenant le rôle d'un simple plébéien qui n'est lié à aucune divinité. Dorénavant je ne pourrais plus utiliser le Vis stellaire, mais ce n'est pas si simple de mettre en place une telle contrainte. Le Vis Orbis et le Vis stellaire que j'ai absorbée ont déjà fusionné dans mon corps pour ne former qu'un, alors il est impossible de ne pas l'utiliser juste parce je n'en ai pas envie. Je pourrais peut-être l'utiliser tout en dissimulant les attribut qui n'appartienne pas au Vis Orbis ? Ce serait compliqué mais faisable. 

Il s'arrêta dans sa prise de note, leva les yeux au ciel puis gribouilla la dernière phrase.

Non, sans compter les élèves, il serait très facile pour n'importe lequel des professeurs de l'académie de sentir ne serait-ce qu'une infime quantité de Vis stellaire à travers mon aura. Quelque chose de si simple ne fonctionnera pas.

En jetant un œil par la fenêtre pendant sa réflexion, il remarqua qu'un paysage urbain grandissait au loin. Le train n'allait pas tarder à s'arrêter à la prochaine gare.

Je dois faire en sorte que mon Vis stellaire ait l'air inexistante. En fait, ce n'est pas comme si il n'y avait aucun moyen d'y arriver. Le problème est que pour y parvenir, je vais surement devoir mettre en place un sceaux et si j'emploie ce moyen, c'est que je n'ai vraiment pas d'autres choix, j'espère pouvoir éviter d'en arriver là. Sceller son Vis est un acte extrême et irrémédiable. De part mon identité quelque peu unique, je pourrais outrepasser les règles logique en levant le sceaux, mais à moins qu'une divinité vienne en personne m'apporter son aide, les démarche serait d'une complexité tel que même un saint vénérable ou un ange serait incapable d'accomplir le miracle.

Norval fronça les sourcils en pensant à tous les problèmes que la mise en place d'un sceau engendrait dans le futur. Puis essayant de ne pas trop cogiter sur les pires des scénarios possibles, il fit de son mieux pour se convaincre qu'il parviendrait à trouver une solution avant d'en arriver à un acte aussi extrême.

Enfin, sans prendre en compte le problème du Vis stellaire, je dois toujours faire en sorte de restreindre mon Vis pour me faire passer pour un saint illuminé, mais je ne peux pas restreindre mon utilisation du Vis consciemment dans mon état actuel. J'ai besoin d'une aide extérieure qui le fera à ma place. Il existe plusieurs moyens de restreindre son Vis mais à ma connaissance, le plus simple reste les sortilèges et les outils magiques. Je ne me vois pas me lancer un sortilège blasphématoire moi même, ce serait dangereux et compliqué, l'idéal serait donc de me procurer l'un de ses objets. Mais, est-ce qu'un seul artefact sera suffisant ? Et bien, s'il est de qualité supérieure je suppose que ça fera l'affaire. Sinon, je peux toujours en prendre plusieurs mais le risque de se faire remarquer augmentera lui aussi.

Le train s'était déjà arrêté à la gare suivante et les voyageurs commençaient à monter dans le train. On entendait de nombreux aller et venus dans le couloir.

Il ne reste que deux semaines avant la rentrée, je dois gérer ce problème durant cette période. Le train a pour destination finale la mégapole d'Argol. Dans une aussi grande ville, ça ne devrait pas être si difficile d'acquérir les outils magiques que je recherche. Et puis ce n'est pas comme si ce genre d'artefact était rare, il n'est pas si compliqué d'en trouver, mais la plupart sont de mauvaise qualité. Néanmoins, Argol reste une ville ayant de l'influence sur tout le continent, alors je ne devrais pas avoir de mal à trouver des artefacts de bonne qualité. 

La porte du compartiment s'ouvrit, et un sourire aveuglant apparut dans l'espace créé par l'ouverture de la porte coulissante.

"Bonjour excusez moi, tous les compartiments de ce wagon sont pris, est-ce que je pourrais m'installer ici ?"

La réponse était bien évidemment non, mais puisque ce jeune prince était une personne bien élevée, il lui répondit avec courtoisie.

"...Oui bien sûr je vous en prie, asseyez-vous."

Puisque le compartiment entier lui était réservé, son sens moral l'avait en quelque sorte forcé à accepter. Après tout c'était en partie de sa faute si s'il n'y avait plus de places. 

"Merci beaucoup." Dit-il en se grattant l'arrière du crâne, agréablement surpris par la réponse de Norval. "Plusieurs compartiments m'ont déjà refusé et puisque celui là était le dernier du wagon, j'étais en fait plus tôt inquiet à l'idée que vous refusiez."

— "Hmm, Je vois."

Le jeune homme déposa ses deux valises sur le lit superposé qui était opposé à celui de Norval et s'asseya sur la banquette. Boucles brunes, pupilles couleurs de rouille et une forte odeur de terre et de sang qui, il semblerait, avait tenté d'être camouflé par de l'eau de cologne... c'est peut être mon imagination, mais cet homme m'a l'air tout sauf ordinaire.

"Je me présente, Mars Aprilis" se présenta-t-il en tendant la main, un large sourire aux lèvres. Il semblait sincèrement heureux que Norval ait accepté de partager son compartiment, à moins que ça soit simplement sa personnalité, Norval ne pouvait le dire.

— "Enchantée, Emile... Emile Jacob." Répondit-t-il avec une poignée de mains

Emile Jacob était la nouvelle identité que ses parents lui avaient donné pour partir étudier à Dryadalis. C'était une fausse identité fournie par le gouvernement, sur demande de sa majesté le roi. Les papiers officiels avaient été transmis au jeune prince avant son départ.

"Dans quelle académie est-ce que tu étudies ?

— "Dryadalis, mais je ce n'est que ma première année là-bas."

— "Non mais, par la déesse ! Tomber sur un étudiant de mon académie si tôt dans le voyage ! ahah c'est génial vraiment. Cependant, n'es-tu pas déjà trop vieux pour être en première année ?"

— "Non, je suis en sixième année, mais c'est la première fois que je me rends là-bas."

— "Oh alors tu es un élève transféré, et tu étais où avant ?"

Où est-ce que j'étais ? Je n'étais même pas considéré comme un étudiant avant aujourd'hui… 

Norval resta momentanément à court de mots, a la recherche d'une bonne excuse, mais puisqu'il ne s'était jamais rendu dans aucune académie auparavant, il ne pouvait même pas mentir en lui donnant un nom au hasard. Cela risquait de mener la conversation à une impasse où Norval ne serait plus en mesure d'inventer une histoire. Même avec une imagination débordante, il est difficile de mentir sur un sujet auquel on ne possède pas suffisamment de connaissances. Norval n'était certainement pas près à s'y risquer.

— "Je préfère ne pas répondre, désolé". Avoua-t-il, de manière à montrer qu'il était gêné par la question et qu'il valait mieux ne pas aborder le sujet. Norval avait choisi de se servir de son jeu d'acteur pour éviter de parler de son passé académique. Ainsi, ça le soulagerait de beaucoup de problèmes à l'avenir. Si les élèves de Dryadalis apprenaient que Norval ne voulait pas parler de là où il avait étudié auparavant, alors ils éviteraient naturellement les questions auxquels Norval n'était pas capable de répondre."

— "Ah, bien mais j'espère que tu ne dis pas ça pour cacher un sombre passé comme celui d'avoir étudier dans une secte démoniaque ou quelque chose dans le genre…"

Tu est le plus suspicieux d'entre nous deux à dire ce genre de chose ! Après tout, ce n'est pas moi qui essaie de camoufler une odeur de sang avec du parfum. Norval ne put que s'empêcher de secouer la tête, déconcerté par ce que venait de dire son interlocuteur.

— "Tu as une imagination débordante mais non, je t'assure que ce n'est pas le cas."

 Norval paraissait étonnamment sérieux à l'instant. Dans un monde où les diverses entités métaphysiques étaient connues de tous et avaient le pouvoir d'impacter le monde réel de nombreuses façons, les cultes maléfiques étaient un véritable fléau pour les peuples mortels. Ils menaçaient la paix de pays entiers, corrompaient des civilisations entières et étaient à l'origine de nombreuses guerres. En tant que prince héritier, Norval avait à plusieurs reprises eu l'occasion d'entendre parler des dégâts que ces cultes maléfiques avaient causés dans l'empire. Son père avait l'habitude d'en parler lors de réunions importantes avec les hautes instances du gouvernement. Il était donc très bien placé pour savoir que ce n'était pas un sujet sur lequel on pouvait plaisanter.

Mars qui avait remarqué l'étrange réaction de Norval, sembla réaliser qu'il venait peut-être d'aborder un sujet sensible.

— "Bien sûr je plaisantais, je ne pense pas que tu soit ce genre de personne. Et puis Dryadalis est très sélective avec ses étudiants. Jamais quelqu'un venant de ce genre d'endroit n'aurait été accepté." Il le dit avec un sourire forcé qui trahissait sa gêne, puis détourna le regard vers l'extérieur.

Sa réaction détendit Norval, qui se dit que le jeune homme qui lui faisait face n'avait juste pas fait attention aux conséquences d'aborder un tel sujet, et qu'il était simplement maladroit avec ses mots. Si à sa place, son interlocuteur avait été une victime de l'un de ces cas sanglants mené par des cultes maléfiques, cela aurait pu avoir un impact terrible sur la personne. Et Mars semblait l'avoir compris lui aussi. Plus tard, les heures qui suivirent furent atrocement longues. Norval s'efforça tant bien que mal à poursuivre sa lecture, mais celui qui partageait son compartiment s'était obstiné à vouloir lui expliquer le fonctionnement de l'académie ne cessant alors de déranger le jeune prince. Finalement la nuit tomba et une douce odeur de nourriture venant des voitures de restauration commença à envahir l'ensemble du train. Les deux garçons étant affamés, ils se mirent d'accord pour aller chercher quelque chose à manger. Après avoir quitté leur compartiment, les deux jeunes gens se dirigèrent dans le premier wagon, où se trouvait le bar. Quelques autres passagers étaient présents, mais la plupart des tables étaient vides. Norval reconnut le groupe de fidèles en robes bleu qu'il avait croisés plus tôt à la gare. Ils n'étaient pas tous là, seulement quatre d'entre eux étaient assis à une table.

"Je l'admet mes frères !" s'exclama le plus petit. "J'admet que l'ainé Marius m'avait formellement interdit de venir avec vous, mais… maintenant que je suis là vous ne pouvez plus me renvoyer là bas !"

— "Raah je le savais ! répondit le plus âgé. Nous sommes vraiment morts cette fois... quand le patriarche l'apprendra il nous tuera c'est sur !"

Les deux autres étudiants assis à leurs côtés paraissaient tout aussi anxieux que le plus âgé. L'un d'entre eux avait même la tête enfoncée dans ses mains, et se massait nerveusement le crâne. Quant à l'autre, il semblait tout simplement avoir perdu goût à la vie. A moins que ça ne soit parce que, qu'il le veuille ou non, sa vie était maintenant sur le point de prendre fin par elle-même.

"Tu te trompes mon frère ! rétorqua le plus petit. Je suis beaucoup plus talentueux que vous ne le pensez, l'académie ne m'éffraie pas !"

— "Je ne me trompe jamais... talentueux ou non, transgresser les règles nous vaudra une terrible punition."

La table des fidèles en robes bleu, tomba dans un profond silence. Norval se sentit désolé pour eux. Avoir un cadet si imprudent ne doit pas être facile à vivre. Pensai-t-il.

Alors qu'ils attendaient que la personne devant eux finisse de passer commande, Mars commença à parler à Norval de ce qui enthousiasmait tous les étudiant de Dryadalis en ce moment. D'ailleurs on n'en parlait pas que chez eux mais aussi dans toutes les autres académies de l'empire. 

"Savais-tu que le prince héritier de l'empire voisin se rendait aussi à l'académie Dryadalis cette année ?"

— "J'en ai entendu parler, oui. D'après les rumeurs il serait venue étudier ici pour se rapprocher de l'aristocratie Heolienne, et concrétiser une alliance entre nos deux pays ?" Posséder un bon jeu d'acteur est décidément bien plus utile que je ne l'aurais pensé.

— "C'est bien ça mais pas seulement. Le seigneur de Curson aurait en fait envoyé son fils ici afin que se fonde une amitié entre les princes héritier des deux empire. Cependant–"

L'hôtesse du bar l'interrompit.

"Bonsoir, qu'est ce que vous désirez messieurs?"

Norval dû faire un gros effort pour contrôler son expression faciale en voyant ça. Finalement, il ne put tout de même pas s'empêcher de froncer légèrement les sourcils. 

N'est-elle pas une hôtesse ? De quel droit se permet-elle d'interrompre des clients en pleine discussion ? Les règles de bienfaisance sont en effet totalement ignorées chez le petit peuple. 

Norval se plaignit intérieurement, avant de passer sa commande après que Mars ait fait de même. Les deux jeunes gens ayant reçu leurs paniers repas rapidement, ils retournèrent ensuite à leur voiture. De retour dans leurs compartiment commun, Mars qui n'avait pas oublié ce dont il parlait auparavant, ne tarda pas à reprendre là où il s'était arrêté.

"Je disais donc que le prince de Curson avait été envoyé ici pour consolider les liens entre les deux empires, sauf que notre prince n'a jamais mis les pieds à l'académie. Alors en apprenant qu'il n'avait aucune chance de rencontrer son altesse à Dryadalis, le prince de Curson aurait naturellement dû retourner chez lui n'est pas ?"

— "En effet, c'est ce que j'aurais fait à sa place."

— "N'est-ce pas ? Et pourtant il n'est pas reparti mais a décidé de prolonger son séjour de deux années afin de finir sa scolarité ici. Franchement, est ce que ce n'est pas complètement fou ?"

Norval avait déjà entendu parler de cette histoire mais ne s'y était pas intéressé plus que ça sur le moment, cependant maintenant qu'il était sur le point d'étudier lui aussi à Dryadalis, il était curieux de connaître les véritables motivations de ce prince. De plus, s'il découvrait que ses intentions n'étaient pas bonnes, Norval ferait en sorte de fournir plus d'effort afin de l'éviter le plus possible.

"Hmm, c'est étrange, c'est vrai, mais alors pourquoi a-t-il fait ça ?

— "Il y a plusieurs théories à ce sujet, mais beaucoup sont d'accord pour dire que le prince Karl essaierait de provoquer notre prince pour l'inciter à se rendre à l'académie."

— "C'est stupide." Répondit le jeune prince, en fronçant les sourcils.

— "Tu trouves ? Je pense plutôt que c'est une bonne idée. Regarde, si tu étais le prince de cette empire et qu'un prince d'un pays voisin se rendait dans ton pays et gagnait en popularité auprès de ton peuple, sans parler de la majorité des nouvelles générations de ton aristocratie. Est ce que ça ne t'embêterais pas ?"

Heh comment quelque chose d'aussi futile pourrait me déranger ? A moins que ce prince de Curson n'ose se servir du pouvoir d'une puissante déité pour greffer un indice psychologique dans l'esprit de nos citoyen, je doute que mon peuple tente de me trahir.

— "Je ne pense pas, non."

— "Réfléchis-y sérieusement Emile. A la place de son altesse, crois-tu vraiment que tu pourrais supporter une situation pareille ? Si c'était moi, je me rendrai immédiatement là-bas et je confronterai cet impudent en face."

Hmm..? Est ce qu'il vient de me traiter de lâche ? Les enfants sont tellement impolis de nos jours. Norval leva les yeux au plafond et réfléchit un peu plus à la question. Un instant plus tard, un sourire se dessina sur son visage.

— "Mars, tu es trop simple d'esprit."

Surpris, le garçon se redressa sur son siège et arqua un sourcil tout en croisant les bras sur sa poitrine.

— "Pourquoi cela ?"

— "Si ce que tu dis est vrai et qu'il cherche à provoquer notre prince, alors ce doit être un test. Le prince Karl souhaite voir comment va réagir son altesse. Analyser sa réaction lui permettra de jauger si notre prince est un bon parti pour une alliance ou si au contraire c'est un idiot simplet qui ne peut que mener son empire à la ruine."

— "Dit comme ça, c'est cohérent certes, mais alors je ne comprends pas pourquoi tu qualifie sa provocation de stupide."

— "Non, l'idée en soit n'est pas mauvaise, mais ses motivations le sont."

Voyant Mars ne pas comprendre où il voulait en venir, il poursuivit.

— "Je suis persuadé qu'il s'est fait une mauvaise image de notre prince en apprenant que son altesse ne comptait pas étudier à Dryadalis cette année, alors que lui à fait tout ce chemin sur ordre de son père pour venir à sa rencontre. En fait, je suis presque certain qu'il pense que son altesse le méprise."

— "Alors quoi ? Je ne vois pas en quoi ses motivations sont mauvaises. Si j'étais prince, je n'apprécierais pas non plus que le prince de l'empire avec lequel j'essaie de former une alliance agisse de manière aussi insolente."

Aïe... s'il te plaît ne soit pas trop dure avec ton prince, c'est tout de même de moi que nous sommes en train de parler là.

— "C' est là qu'est le problème, ce n'est pas son altesse qui le prend de haut, mais le prince de Curson qui se surestime. Si son altesse notre prince n'est jamais aller dans aucune académie auparavant alors que son statut l'y oblige, c'est qu'il à une raison. Pourtant le prince Karl a décidé d'agir de manière puérile alors que ça n'en valait la peine."

— "Emile, je ne comprends décidément pas ta logique. Tes arguments sont trop théoriques, comment peux-tu dire ça alors que tout le monde sait que son altesse est connue pour son arrogance ?"

...C'est donc comme ça que le peuple me voit ? Heh... je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit pour finir avec une telle réputation pourtant.

— "Son altesse n'est pas aussi arrogante que tu le dis."

— "Son altesse est pourtant bien connue pour mépriser tous les clans et familles familles noblesse de haut rang."

Norval resta momentanément à court de mots face à ces accusations. Ce n'est pas qu'elles étaient fausses, mais elles restaient tout de même légèrement exagérées par rapport à la réalité. En vérité, s'il agissait ainsi c'était en partie parce qu'il était de nature réservé et qu'il détestait participer à tout événement social regroupant plus de six personnes. Sinon, l'autre raison était qu'en effet il ne supportait pas la façon dont agissaient les membres de la noblesse. il les trouvait absurde et sans morale. Mais il n'était pas assez effronté pour critiquer ces nobles gens en public, alors ces rumeurs ne pouvaient être que le résultat de malentendus. Ces accusations firent presque rougir de honte le prince qui en resta bouche bée un instant. A ce moment, il aurait voulu se recouvrir le visage.

"Bien bien, il est clair que j'ai ma propre opinion de son altesse et toi la tienne alors au diable ce débat et je t'en supplie changeons de sujet. requéra Norval, tout en évitant de croiser le regard de son interlocuteur.

Mars étonné, ne fît pas attention à l'étrange réaction de Norval et accepta en détournant en même temps son regard sur le paysage qui défilait à l'extérieur.

— "Alors soit, il est clair que je ne peux pas te faire entendre raison de toute manière."

Norval jeta lui aussi son regard sur le paysage, puis ses émotions étant revenues à la normale il reprit son livre, s'apprêtant à replonger dans sa lecture.

— "Et à propos de ce test." Demanda Mars. "Qu'est ce qu'attend exactement le prince de Curson de la part de son altesse pour former cette alliance entre les deux empires ?"

— "Je n'en suis pas sûr. Je suppose qu'il souhaite être agréablement surpris."

— "Une deuxième chance pour réparer son affront alors?"

— "Hmm, quelque chose dans le genre…"

— "Tu as vraiment une drôle de façon de penser. Dit-il en plaisantant. Mais c'est bien, je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un comme toi avant. Si tu ne refuses pas mon amitié, sache que si jamais tu as des problèmes à l'académie, tu pourras compter sur moi. Je n'en ai peut-être pas l'air, mais je me suis déjà bâti une assez bonne réputation là-bas."

Je ne le pensais pas, mais finalement il a l'air d'avoir plutôt bon fond. Enfin je ne pense pas avoir un jour besoin de son aide, mais qui c'est ? Puisque je serais contraint dans l'utilisation de mes pouvoirs quand je serais là bas, un atout en plus n'est certainement pas quelque chose à refuser.

Norval esquissa un sourire.

"Je m'en souviendrais"

Les deux passagers vaquèrent un moment à leur occupation avant d'aller se coucher.