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Chapter 58 - Ravage et saccage

Zaelia contemplait les autres villages alentour, leur attitude, leur évolution, leurs améliorations. Elle vit qu'ils commençaient à se regrouper et à construire des défenses. Ils avaient de meilleures armes depuis peu. Il ne faudrait que quelques années de plus avant que son peuple ne soit plus en mesure de les affronter. Ils avaient l'avantage pour l'instant, mais pour elle, la tribu manquait d'ambition et d'intelligence. Ils étaient bloqués dans le passé et sur ce qui s'était passé. Ils voulaient préserver la véritable gloire de Dieu, mais ils ne cherchaient pas plus loin. Elle savait que leur constitution ne suffirait pas longtemps.

Il y avait tant à faire. Elle se leva et sortit avec sa bouteille pour boire. Elle s'assit sur le sol devant sa tente et observa le ciel. Il y avait de belles étoiles et quelque part, peut-être l'une d'entre elles, se trouvait la cité d'or qu'ils voulaient tous rejoindre. Elle ne savait même pas ce qu'ils faisaient vraiment là-haut. On disait que lorsque les dieux se voyaient attribuer des zones et des temples par Archanium, ils aidaient les habitants de leur zone à lutter contre les démons et autres catastrophes extraordinaires. 

On disait que les nouveaux dieux promettaient de ne pas revenir sur la terre des mortels afin de leur laisser une chance de prouver leur valeur et de s'élever à leur tour. 

Zaelia s'en fichait, elle voulait seulement que sa tribu brille, qu'elle soit glorifiée et racontée dans les histoires. Pour elle, les humains étaient le peuple qui devait se soumettre unanimement à Archanium et sa gloire, c'est pour cela qu'elle ne souhaitait pas devenir une déesse un jour. Elle voulait que le monde entier sache qui ils étaient. Cependant, lorsqu'elle observait la tribu, elle ne voyait qu'une bande de nomades brutaux qui s'éteindrait bientôt s'ils n'évoluaient pas comme le reste du monde autour d'eux. Leur force ne suffirait bientôt plus et elle était inquiète. Elle était la seule à le voir, les anciens refusaient toute discussion. 

Elle termina sa bouteille et rentra dans sa tente, elle jeta son corps fatigué sur le matelas et s'endormit comme un cadavre. Le lendemain, elle fut réveillée par quelqu'un qui entra dans sa tente. Un aîné s'approcha d'elle. 

"Zaelia ? Es-tu réveillée, mon enfant ?"

Elle reconnut la douce voix de l'aînée Zephira. Elle essaya de se lever immédiatement mais sa gueule de bois l'en empêcha. Elle faillit trébucher sur la petite table au milieu de sa tente. Zephira rit un peu.

"Tu devrais boire moins, tu sais."

Zaelia se gratta l'arrière de la tête sans rien dire. Il y avait beaucoup de bouteilles vides autour d'elle. Si elle était une bonne stratège et une personne bien organisée lorsqu'elle devait mener les raids ou avoir des idées pour améliorer la tribu, sa tente était un autre sujet. Elle n'était même pas capable de trouver un morceau de tissu à mettre sur sa poitrine nue, elle restait devant Zephira dans le désordre de sa tente en cherchant des yeux de quoi se vêtir. 

Zephira prit le premier tissu suffisamment propre pour être acceptable qu'elle vit sur le sol et le lui donna en riant à gorge déployée. 

"Les anciens veulent te parler. Sois prête."

Zephira s'apprêta à quitter la tente lorsqu'elle ajouta avec un sourire en coin.

"Et ne sois pas trop agressive cette fois-ci."

Zaelia soupira. Elle ne pouvait s'empêcher de penser : "Encore !? Que voulaient ces ancêtres cette fois-ci ? Je n'ai rien fait", suivi de "oh ma tête...".

Elle ne laissa rien paraître sur son visage et regarda le tissu dans ses mains. Elle s'habilla et tenta de mettre un peu d'ordre avant de quitter sa tente pour suivre Zephira. Elle resta silencieuse pendant toute la durée de leur marche, elle était plongée dans ses pensées et surtout affectée par sa gueule de bois. 

Tout en marchant, elle observait les gens autour d'elle, et pour elle, c'était une déchéance. Autrefois, ils étaient les plus forts, et maintenant, ils étaient réduits à "ça". Elle serra le poing de colère, mais elle savait que si elle parlait ouvertement, les anciens l'exileraient et Zephira ne pourrait pas la défendre seule. C'était un sentiment terrible de voir chaque jour l'échec des idées des anciens et de ne pouvoir rien dire.

Lorsqu'ils arrivèrent à la tente, Zephira prit place avec les autres anciens et laissa Zaelia seule au milieu de la place circulaire. Ils étaient sept anciens au total. Zaelia ne dit rien, attendant d'entendre ce qu'ils avaient à lui reprocher. L'un d'entre eux se leva et s'adressa à Zaelia d'une voix distante et furieuse. Ils avaient un point commun, ils se détestaient tous. Zaelia leur avait manqué de respect et ils n'avaient que de la haine envers elle.

"Il a été décidé de te donner une chance. Un éclaireur nous a parlé d'une ville plus au sud-est. Nous voulons que tu prennes un groupe de cinquante personnes de ton choix et que tu mènes un raid là-bas. Ils semblent avoir de bonnes armes et des armures solides, et ils sont assez nombreux. Si tu réussis, nous prendrons peut-être en compte tes idées pour la tribu."

Un autre ancien termina après avoir pris une longue et profonde inspiration. Ils n'essayaient même pas de cacher qu'ils étaient contrariés par sa présence. 

"Cette ville se trouve à l'extérieur du désert. À la frontière. Il faut au moins deux jours de marche pour s'y rendre. Tu ferais mieux de te préparer. "

Zaelia fut profondément choquée. Au début, elle était heureuse de comprendre qu'ils allaient enfin l'écouter, mais ensuite, elle comprit. Cinquante hommes contre une ville entraînée et blindée ? C'était du suicide pur et simple. Voulaient-ils se débarrasser d'elle ? C'était une jeune femme arrogante, et c'est pourquoi elle leva fièrement la tête et accepta le marché. Elle trouverait une solution plus tard. Elle était à la fois excitée et terrifiée. Elle devait trouver un moyen d'être plus confiante, sinon personne ne la suivrait en dehors du désert. Elle dit d'une voix faussement sûre : 

"Je le ferai. Merci, anciens."

Après cela, elle partit rapidement et regagna sa tente sans jeter un regard autour d'elle. Elle avait la tête basse, cachant son visage sous ses longs cheveux noirs. Elle prit une bouteille et l'a bu d'un trait, les mains tremblantes. Elle marcha frénétiquement en essayant de trouver une bonne idée pour une telle situation. C'était incroyablement désordonné dans sa tête. Elle n'avait jamais imaginé mener un raid en dehors du désert, certes, c'était ce qu'elle voulait mais peut-être pas aussi soudainement, et dans de telles conditions, elle ne connaissait rien de ces gens et maintenant elle paniquait. Elle avait besoin de se défouler, elle prit une deuxième bouteille avec elle et quitta sa tente.

Elle se dirigea vers le lieu principal du camp, là où se trouvaient l'alcool, la musique et les danses. Elle s'assit par terre avec les autres jeunes de son âge et but avec eux, profitant de la soirée. 

C'était hilarant pour elle. Pendant des années, elle avait poussé les aînés dans leurs retranchements et désormais qu'ils lui répondaient, elle était terrifiée. Cinquante hommes. Elle ne pouvait s'empêcher d'y penser. Elle regardait autour d'elle, cinquante hommes ne suffiraient pas. Elle ne connaissait pas la situation exacte de la ville qu'ils avaient mentionnée, mais d'après ce qu'elle avait compris, ce serait extrêmement compliqué. 

À coup sûr, ce sera une expérience unique, et pour cela, elle était excitée. Elle avait enfin l'occasion de faire plier les anciens devant ses idées. Elle serait la première à faire un raid aussi loin de la tribu. 

Elle décida de taire ses pensées, termina sa bouteille et la jeta par terre en brisant le verre, se leva et parla d'une voix forte entendue de tous. 

"Nous allons à la frontière ! Nous allons attaquer une ville à l'extérieur du désert !"

Les gens restèrent silencieux pendant une minute avant que quelques-uns d'entre eux ne se mettent à siffler et à applaudir, le groupe les suivit. Ce fut un moment incroyablement excitant, peut-être le dernier. Elle éclata de rire devant cette constatation. 

Elle regarda le ciel en se murmurant à elle-même.

"Je suis vraiment morte."