Après cette nuit, Arja était comme une autre personne. Elle était devenue confiante et joyeuse. Même si elle ne parlait pas, à l'exception de quelques mots à Typhon ou au général, l'ombre qui l'entourait disparaissait.
Au fur et à mesure que le temps passait, ils effectuaient de plus en plus de missions ensemble. Arja devint douée avec un sabre dans les mains et leur partenariat devint de plus en plus respecté.
Ils gagnèrent en popularité au sein de l'institution. Pour la plus grande joie de Typhon, de nombreuses filles commencèrent à tourner autour de lui. Il en était très heureux, leur expliquant qu'il avait déjà une partenaire avec une grande satisfaction.
Quant à Arja, les gens en apprenaient de plus en plus sur son attitude dans les combats. Ils avaient un sentiment de peur et de respect pour elle à chaque fois qu'ils la voyaient. Elle n'avait pas besoin de beaucoup de temps pour être connue comme le Boucher avec un sabre.
Le contraste entre Typhon, le danseur de vent, et elle, massive comme un roc, était saisissant. Elle écrasait plus qu'elle ne coupait, pour preuve, son sabre n'était même pas aiguisé. Il se trouvait qu'elle disposait d'une force incroyable qu'elle avait ignoré toute sa vie. Au fond d'elle, elle se plaisait à rêver que son héritage était peut-être là, quelque part. Que le fantôme de ses parents était là, dans son sang, pour lui donner du pouvoir. Après tout, sa famille comptait d'innombrables généraux, rois et héros de guerre.
Ce sentiment la rendait vraiment heureuse, chaque fois qu'elle utilisait son arme, elle se sentait soutenue par son frère bien-aimé Ulrich. Elle pouvait sentir ses mains autour des siennes lorsqu'elle tranchait ses ennemis.
Au bout d'un an, Typhon et elle étaient comme les deux doigts d'une même main. Le soir, ils utilisaient ensemble le lieu d'entraînement. Arja remarqua une femme dans un coin, elle sourit et fit un signe à Typhon discrètement. Typhon roula autour de l'épée d'Arja et chuchota.
"Tu crois qu'elle est jalouse ?
Typhon frappa et la lame d'Arja vola après ces mots. Typhon en profita pour se glisser derrière elle et l'enlaça fermement. La fille dans le coin envoya son poing dans un arbre avant de disparaître. Arja l'observa.
"Tu ne devrais pas jouer avec leurs sentiments."
Il sourit en réponse.
"Je ne joue pas, elles le savent toutes."
Elle plaça un petit couteau sous son bras et appuya. Il perdit rapidement son épée et en peu de temps, elle renversa la situation. Elle le poussa sur le sol.
"Ok pas mal, ne me tue pas, ne me tue pas."
Il plaça ses mains sur son visage pour simuler la peur. Elle ne peut s'empêcher de rire. Il la saisit par les hanches et l'attira sur le sol à ses côtés.
Ils étaient ensemble allongés sur l'herbe, à regarder les étoiles. Elle avait une attention particulière pour sa petite étoile, toujours présente. Typhon était brutalement nostalgique. Sa joie disparut un instant.
"Ils disent que quelque part dans le ciel, il y a une cité des anges."
Arja comprit ce qu'il voulait dire à l'instant, elle saisit son pendentif d'Yshnaa. La déesse des purs et des nobles. Elle compléta ses dires.
"Ils disent que les nobles et les braves rejoindront la cité après leur mort."
Il tourna son visage vers elle, elle pouvait voir que ses yeux étaient brillants. Elle sentit sa douleur.
Il posa sa main sur son pendentif. Yshnaa n'était pas une déesse vénérée par les gens communs. Seuls ceux de sang royal et les héros de guerre s'intéressaient à sa protection et avaient assez de ressources pour acheter ce genre de pendentifs.
Elle savait qu'il voulait lui demander, mais il la respectait trop pour cela, les questions lui brûlaient les lèvres. Elle prit une profonde inspiration.
"Il y a bien longtemps, j'étais une princesse. Yshnaa était la déesse que l'on m'avait dit de vénérer pour porter un jour un bon héritier au trône."
Elle posa inconsciemment une main sur son abdomen. En y pensant, elle eut envie de rire un peu. Toute sa vie, elle avait appris à glorifier la déesse, en fin de compte, elle ne pouvait plus avoir d'enfants et il n'y avait plus de trône. Typhon ouvrit de grands yeux. Il savait qu'Arja n'était pas une inconnue, mais il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit si haut placée dans la hiérarchie.
"Es-tu... Es-tu Arja de Faranza ? Cette Arja ?"
Ses mots n'étaient plus assurés. Son ton variait comme s'il ne savait plus comment parler. Elle le reconnut.
"Oui, cette Arja là, je crois que je n'ai plus besoin de prier pour Yshnaa. Je garde ce pendentif, car il m'a été offert par mon frère."
Typhon observa attentivement le pendentif, il se rendit compte qu'il était en or pur avec deux lettres gravées sur le côté. Il ne se rendit pas compte qu'il avait levé la main pour caresser le pendentif. Elle le laissa faire. Lorsqu'il leva les yeux, il la vit observer les étoiles. Elle lui dit d'un ton mélancolique.
"Je crois que cette ville existe, je crois que ta sœur et mon frère y sont et attendent que nous les rejoignons."
Il replaça sa main sur son torse et observa la petite étoile. Il se sentait transporté par ses paroles.
À cette époque, ils effectuaient de nombreuses missions pour l'institution. Parfois, ils devaient tuer des cadavres dans la forêt, parfois, ils devaient tuer des humains qui tentaient d'aider la peste à infester les villes.
Ils se rendirent dans la montagne de l'est pour détruire un nid de cadavres frais entassés là pour pourrir. Après cinq jours de voyage, ils trouvèrent enfin la grotte qu'ils cherchaient.
"Je n'en ai jamais vu autant au même endroit"
Typhon fut profondément surpris, il y avait peut-être une centaine d'entre eux qui gisaient là, attendant d'être relevés.
Arja était vigilante, elle avait la chair de poule et l'odeur lui donnait une légère nausée. La mission était de les brûler tous. Il y avait beaucoup de corps différents. Des enfants, des hommes, des femmes. Arja ne savait pas si les brûler était la meilleure solution en ce moment, mais il n'y avait pas de doute possible. Typhon alluma le feu d'un côté et Arja de l'autre.
En revenant, ils sentirent que la peste gagnait du terrain et se constituait une véritable armée. L'une des règles de l'institution était de ne rien essayer de deviner du monde, ils n'avaient pas le droit de poser de questions, pas le droit de savoir ce qui se passait. La seule chose qui comptait était d'obéir en silence aux ordres directs.
Alors qu'ils prenaient un peu de repos dans une auberge avant de revenir, ils se regardèrent l'un l'autre d'un air sombre. Ils savaient tous deux ce que l'autre pensait, ils n'avaient pas besoin de parler. Ils savaient que les choses allaient bientôt changer, et pas pour le mieux. Leurs missions seraient de plus en plus difficiles et, peut-être même que l'institution serait impliquée dans un combat plus important dans un avenir proche. Ils revinrent en silence. Typhon, d'ordinaire si joyeux et souriant, ne montra aucune joie. Il se rendit directement dans sa chambre et elle fit de même. Sans un mot. Peut-être que pour la première fois, ils avaient peur de perdre l'autre dans une future bataille qui pourrait être trop dure pour eux.