Les minutes défilèrent d'une lenteur propre à l'ennui pour la jeune femme au teint diaphane et aux ondulations brunes.
Elle passa sa main sur les plis de sa robe bleutée, attendant avec hâte le moment du retour.
Sa tasse de thé à moitié vide fut une opportunité. Un pas vers elle pour le couturier qui lui jetait des regards furtifs et timides.
- Mlle Siya, voulez-vous...?
Le jeune homme frêle à l'accoutrement en dentelle digne d'un couturier ne pu finir sa phrase. A seulement un mètre de Siya, il n'osait la fixer du regard ce qui eu don d'amuser la dénommée Fiona, sa tante qui sur une chaise en face jouait le rôle d'une spectatrice malicieuse. Complice et témoin de cette supercherie concoctée avec soin, faisant tournoyer sa tasse de thé de ses doigts cachés par de grosses bagues d'un rubis terne.
- Mlle Siya ? répeta-t-il, incertain.
Le courage, timide et réservé, fleurissait dans les notes de sa voix tremblante. Ses paroles s'élevaient avec douceur, portant l'écho de ses rêves les plus profonds, se frayant un chemin à travers les doutes et les peurs qui l'assaillaient. Chaque mot était telle une offrande, un fragment de son être, une prière susurrée à l'oreille de l'univers.
Mais l'univers était émerveillée par une différente galaxie.
Un différent registre.
L'image d'un soldat à l'allure féroce mais à la voix douce dont chaque silence était un murmure délicat, une invitation tacite à pénétrer les mystères de son âme, un appel pour le connaitre davantage. Une attraction sinueuse.
Siya revoyait les courbures de son chapeau à l'emblème de lotus, à son regard à la fois perçant et emprunt d'un émotion difficile à déchiffrer, à sa surprise lorsqu'elle voulu l'aider à fondre le bois, au contact de leurs peau qui eu don de la bruler...
Mon Dieu, à quoi réfléchissais-t-elle ?!
La jeune femme rougit et bafouilla également :
- Oui, cer...certainement.
La femme d'une quarantaine d'années qui ressemblait vraisemblablement dans ses traits à l'allure de sa propre mère si ce n'est sa posture, était assise dans son coin le plus chaleureux, parmi les siens: ces livres d'une centaines d'années qu'elle couvait et prenait soin telles ses propres enfants, dans ce petit séjour décoré à son gout, fixait la jeune femme intensément.
Son visage rayonnait de malice et d'expérience, tandis que ses yeux pétillants semblaient contenir un feu intérieur. Elle était vêtue avec élégance, sa tenue reflétant à la fois sa personnalité vive et son souci du détail.
Son sourire espiègle, presque taquin, trahissait une certaine détermination. Cette femme nourrissait un projet précis : marier sa nièce bien-aimée.
Son amour était ainsi teinté d'une volonté farouche de voir la jeune femme en face d'elle s'épanouir dans une vie de bonheur conjugal. Et quoi de bon que ce jeune Thomas, doux et prévenant ?!
Son regard, perçant et observateur, semblait être capable de lire les pensées des gens qui l'entouraient. Elle était habile dans l'art de la conversation, utilisant un mélange subtil d'humour, de rhétorique et de charme pour conquérir les cœurs. Seulement, cette fois-ci sa perspicacité était voilée par sa propre mission car la teinte écarlate de sa chère nièce lui envoya un tout autre signal bien loin de la réalité.
- Thomas chaque jour que je passe au marché me demande après toi, le savais tu Siya ?
Ce faux jugement des joues brulantes de sa nièce l'avais fait pousser à l'action.
Le couturier eu un rire gênée trahissant son embarras avant d'avancer:
- C'est que Mlle Siya est une douce amie depuis maintenant bien des années.
Il manqua même de renverser la théière dans une tentative de resservir la jeune femme à ses cotés.
- Je croyais etre ici pour un tout autre motif tante Fiona, ton mal de dos s'est-il estompé par lui-même après ta chute ?
Siya s'adressa directement à sa tante, ignorant sa déclaration et par la même occasion le jeune couturier.
Sa tante l'observa longuement avant de répliquer d'un semblant de naïveté, le même sourire malicieux tirant ses lèvres minces:
- Oui, il faut croire que oui. C'est un miracle, mais j'aurais tout de même besoin de tes herbes médicinales pour une prochaine fois après tout pour mon vielle âge...mettons dans dix jours ? Me feras tu le plaisir de passer me voir, j'ai aussi inviter Thomas au souper pour la prochaine fois.
Ce n'était ni une interrogation, ni une demande mais bien une affirmation solennelle dont le message était caché sous des bribes de conventions. C'est que Fiona était prête à déployer des trésors d'imagination et d'ingéniosité pour organiser des rencontres, des dîners et des événements sociaux, tous soigneusement orchestrés dans le but ultime de trouver le compagnon idéal pour la précieuse femme qui se tenait devant elle, à présent visiblement agacée.
Elle ne voulait aucunement que sa nièce se retrouve comme elle...à vivre seule...de sa passion des livres...mais bien seule.
Siya fit mine de réfléchir, son agacement de plus en plus palpable, si bien que même Thomas avait pu le percevoir.
- Ce n'est pas bien grave, Madame Fiona, nous ne sommes pas obligés de se rencontrer pour souper le...
Sa voix timide fut coupée, une fois de plus par la jeune femme au teint diaphane qui se leva brusquement, dans un déchainement d'émotions.
- Je ne penses pas pouvoir descendre te voir tante Fiona, nous avons un visiteur de la plus grande importance ces jours-ci à la Taverne et puis je doute que mère ne t'a pas informé du retour de Charles. Voici les herbes médicinales dont tu avais besoin pour ton supposée mal de dos.
Le regard de la jeune femme lançait des éclairs, elle fouilla dans son sac délicatement pour ne pas froisser le rouleau de papier qu'elle avait obtenue quelques heures plus tôt, pour dénicher sa cueillette de milles senteurs.
Mais sa tante n'en preta pas l'attention, non ce dernier était porté vers les quelques mots prononcés par sa tendre nièce:
- De la plus grande importance ? répéta-t-elle.
Cette fois-ci ce fut une interrogation, surprise.
- Oui, un brave soldat de la brigade royale, le soldat Yem , répondit Siya sur un ton qu'elle voulait désinvolte.
Le regard brun de sa tante qui l'entoura une nouvelle fois avait à présent pris une tout autre connotation. Son sourire espiègle s'était également transformée, épris d'un élan sincère.
Un silence mystérieux tomba durant quelques minutes avant d'etre brisée.
- Je vois.
Ces quelques mots simples marquèrent la fin de leurs entrevue, car cette fois-ci sa perspicacité avait vu juste, au-delà des apparences elle avait compris.
Et le jeune couturier dans toute cette histoire ? Sa déclaration muette n'était à partir de ce moment livrée qu'à elle-même. Elle n'était plus épaulée par l'encouragement d'une tante en quête de sa mission.
Non, car celle-ci avait compris.
L'univers était émerveillée par une différente galaxie.